29
Mai
2012
Frédéric Lalos et Monoprix Gourmet : quand un artisan brouille les cartes…
21 commentairesLe mélange des genres n’est jamais souhaitable. Que ce soit en politique, en art ou même en gastronomie, il faut savoir rester à sa place et ne pas utiliser son nom et sa notoriété pour défendre l’indéfendable… ou vendre un produit qui constitue en définitive l’opposé de ce que l’on devrait réaliser. Pourtant, c’est une pratique de plus en plus fréquente, et l’argent semble vraiment faire tourner toutes les têtes.
En parlant de tête, je crois que j’aimerais voir moins fréquemment celle de Frédéric Lalos, car j’ai l’occasion de la retrouver sur des produits et des présentations dont la nature ne sont pas vraiment faits pour me plaire.
Je vous avais un peu parlé dans un billet précédent des « travers » de ce Meilleur Ouvrier de France boulanger, plutôt enclin à utiliser son col en toute occasion. En commentaire, un de mes fidèles lecteurs avait rapidement évoqué la gamme développée en partenariat avec Monoprix.
C’est lors d’un passage sur l’avenue de l’Opéra que j’ai eu l’occasion de découvrir cette charmante gamme… et le dispositif de communication que l’on y a adjoint. En effet, on ne peut pas dire que l’enseigne ait lésiné sur les moyens pour mettre en avant les mérites de ces produits. Etiquettes distinctes, petite brochure destinée aux clients, larges visuels fièrement ornés du nom de M. Lalos… Rien ne manque pour tenter de séduire.
Le problème, à mon sens, est que tout cela a une fâcheuse tendance à brouiller les cartes, d’autant plus auprès des consommateurs peu au fait du fonctionnement de la « boulangerie » au sein de ce type de magasin. On pourrait en effet croire que les pains proposés dans le cadre de cette gamme sont artisanaux, réalisés par les équipes de Frédéric Lalos pour le compte de Monoprix. La réalité est bien sûr tout autre, puisque ce sont des pâtons réalisés en industrie, puis livrés et cuits en magasin. D’ailleurs, le livret l’évoque de façon plutôt vague « l’ensemble des pains ont été pré-cuits sur four à sole »…
Frédéric Lalos a tout de même apporté son expertise dans la réalisation des recettes et mise en place des process, ce qui aboutit à produire une certaine notion « d’industriel haut de gamme », avec utilisation de farines de tradition sans additif, de levain naturel ou encore l’application d’un façonnage manuel pour certains pains. Nous sommes bien loin des produits remplis d’additifs et d’améliorants de panification comme nous pouvons souvent en rencontrer dans ce type de lieu, mais ce n’est pas pour autant que tout cela est vraiment « rose » : doit-on utiliser sa notoriété d’artisan pour de telles choses ?
La justification qui est apportée ici est de défendre avant tout le bon pain, et de faire en sorte de le proposer à un public toujours plus large. Seulement, ces produits ne sont pas les plus accessibles, leur tarif dépasse même ceux pratiqués en boulangerie artisanale ! Difficile, dès lors, de croire en ces beaux discours.
Je passerai sur les phrases presque « nunuches » dont est truffé ce petit livret… même si j’ai beaucoup aimé cette prompte déclaration : « le pain n’est bon que s’il a du goût ». Avez-vous déjà trouvé quelque chose de bon qui n’aurait pas de goût ?
De plus, tout cela fait travailler une certaine « filière » que Frédéric Lalos a développé au fil du temps : les fameux levains utilisés doivent certainement provenir tout droit de chez Philibert Savours, les pâtons transformés chez Bridor (avec qui il a développé une gamme « signature »)… A l’image du travail réalisé autour de la Fournée, la très fameuse machine à pain mise au point avec Moulinex.
Je ne cherche pas à faire un mauvais procès aux produits industriels, car il est malgré tout possible de faire du « moins pire », et c’est le cas ici. Pour autant, on doit toujours garder à l’esprit que la boulangerie artisanale doit être bien distinguée de cette filière, sinon quoi le consommateur pourra être toujours plus tenté de se tourner vers ce qui est le plus pratique, c’est à dire tout acheter au même endroit… en l’occurrence, dans son supermarché.