Certaines recettes se transmettent de génération en génération, intégrant ainsi une forme de tradition familiale. Chacun choisit – ou non – d’y apporter sa touche personnelle avant de perpétuer la chaine en laissant à son tour ce petit bout de savoir-faire à ses descendants. C’est de cette façon que son arrivées jusqu’à nous des recettes de gâteaux variés, que l’on imaginerait mal voir disparaître ou changer de forme et de saveur. Alors oui, on visitera et revissera… mais les fondamentaux restent les meilleures ventes de nos boulangers et pâtissiers. Les créations sont un peu… ce qui reste quand les classiques sont déjà partis.

Parmi eux, le flan. Un peu maltraité, d’ailleurs, car de nombreux « artisans » ont tendance à utiliser des poudres leur permettant d’en réaliser rapidement et sans développer de savoir-faire particulier. Le résultat est à la hauteur de l’engagement : peu savoureux, à la texture gélatineuse, cette pâtisserie pourtant si appréciée perd alors beaucoup de sa superbe. Heureusement, certains persistent à lui donner au quotidien ses lettres de noblesse.

Flan Grand-Mère, Pains & Gourmandises, Paris 12è

Dans le 12è arrondissement, chez Antonio et Isabelle Dias Gil, on propose ainsi le flan « Grand-Mère ». Pas sûr qu’il y ait derrière la recette de ce produit une quelconque mère de famille, mais plutôt des artisans talentueux. Qu’à cela ne tienne, même si la personne n’est pas là, l’esprit demeure : nos douces ancêtres savaient donner du temps au temps, utiliser les meilleures matières premières, dans le seul but de faire plaisir. Lait entier, crème, oeufs frais, vanille Bourbon infusée… cette exigence est bien respectée dans ce produit, où seuls des ingrédients nobles sont utilisés, y compris la farine livrée par les moulins Foricher.

Bien sûr, il est possible de rater une pâtisserie avec les meilleurs ingrédients du monde. Ce n’est pas le cas ici, grâce à une recette bien huilée : ce flan a en effet la particularité d’être cuit au four à sole, dans son charmant cercle de bois – siglé au nom de l’artisan, s’il vous plaît ! -, afin de le « saisir » et de conserver son caractère moelleux. Moelleux, fondant, crémeux… autant d’adjectifs qui correspondent bien à cette douceur, qui tranche nettement avec les flans gélatineux voire caoutchouteux que l’on peut retrouver bien souvent.
En plus de cette texture agréable, on retrouve bien les parfums de crème, d’oeuf, avec un fond vanillé. Cette dernière demeure assez discrète, plutôt ronde et bien équilibrée. Grâce à une cuisson bien réalisée, la surface est caramélisée et contraste agréablement avec le côté plus froid du reste de l’appareil.
Le tout repose sur un fond de pâte brisée bien beurré, on regrettera cependant le fait qu’il ait tendance à se détremper assez rapidement, lui faisant perdre un peu de sa consistance.

Nos grand-mères savent être généreuses… et à la Boulangerie Pains & Gourmandises, on l’est tout autant : 8 euros pour un produit de qualité, pouvant aisément être partagé entre 4 personnes, nous sommes bien loin des tarifs stratosphériques pratiqués par de nombreuses pâtisseries parisiennes. Compte tenu de la conjoncture économique assez difficile que nous connaissons, de tels « refuges » sont bien appréciables… d’autant que l’on peut prendre plaisir à les déguster avec ses proches, dans un beau moment de convivialité. La pâtisserie boulangère est sans aucun doute l’un des leviers de survie de nos artisans, et il ne tient qu’à eux de lui donner ses lettres de noblesse.

Flan Grand-Mère, Boulangerie Pains & Gourmandises – Paris 12è, vendu 8€ la pièce pour environ 4 convives

Nous avons tous plus ou moins rêvé d’être des artistes. Vivre une existence un peu bohème, sans trop se soucier des considérations financières, avec pour principal centre d’intérêt cette fameuse discipline dans laquelle nous aurions été prédestinés. Pour ma part, j’aurais voulu être peintre, savoir dessiner, saisir la beauté d’une scène avec mon pinceau ou mon crayon, pour partager sa simplicité et son authenticité avec les autres grâce à mon croquis. Beaucoup plus instantané et frappant que les mots, pourtant ce sont ces derniers que l’on m’a donné… même si je ne suis pas devenu un artiste, que voulez-vous, les rêves d’enfants doivent certainement être faits pour en rester.

Ce week-end, c’est la Fête des Mères. Evénement commercial s’il en est, certes, mais toujours une occasion d’éclairer la journée de celles qui nous ont donné la vie… et de se souvenir qu’elles nous ont beaucoup donné.
Les enfants auront sans doute pris leurs plus beaux crayons pour exprimer tout l’amour honnête et pur qu’ils portent pour leurs mamans. Chez les adultes, les attentions sont beaucoup plus sérieuses, codifiées et parfois… sucrées.

Ainsi, nos artisans boulangers et pâtissiers nous rappellent qu’ils sont de vrais artistes en nous proposant des créations originales. Dans le 16è arrondissement, Guillaume Schou et son équipe avaient préparé deux douceurs pour l’occasion.
Celle que je vous présente m’a amusé autant qu’elle a touché mes aspirations artistiques. « Un dessin pour Maman », puisque c’est son nom, nous offre la palette dont nous avons besoin pour immortaliser l’instant.

Un dessin pour Maman, Boulangerie Schou, Paris 16è

Marron, jaune, vert, rouge. Chocolat, citron, pistache, fruits rouges. Force et légère amertume, fraicheur et vivacité, douceur et générosité, acidulé et rondeur. Quatre petits choux recouverts d’un crumble croustillant pour quatre sensations et expériences. Ils reposent sur un fond de pâte feuilletée fondante et croustillante, en forme de coeur. Le tour est surplombé d’un voile de chantilly assez dense et légèrement vanillée. Cette multiplicité de parfums et de textures rend l’ensemble particulièrement plaisant, tout autant qu’il l’était visuellement. On apprécie le caractère assez peu sucré des différentes crèmes, ainsi que leurs textures légères et fraiches. Leurs parfums sont bien marqués et contrastent nettement les uns des autres, pour un dessin réussi et surprenant. Les mamans seront donc comblés par cette création qui n’est pas sans rappeler un Saint-Honoré (que nous avons fêté récemment, d’ailleurs), tout en prenant nombre de libertés avec la recette originale.
Puisque chaque détail compte, un petit point appréciable : en lieu et place du traditionnel glucose utilisé par nombre de pâtissiers pour coller leurs gâteaux aux supports, on trouve ici un peu de confit de fruits rouges, qui apporte un peu de fraicheur en contraste avec la richesse de la pâte feuilletée. Bien vu.

Vous me permettrez bien le trait d’humour, mais voilà une pâtisserie très « Schou », à la fois soignée et originale comme la plupart de celles proposées – en plus des classiques, bien sûr – au sein cette sympathique boutique d’angle de la rue de la Faisanderie. Dommage que l’endroit soit fermé le dimanche, ce qui nous contraignait forcément à combler nos chères et tendres ce samedi.

Un dessin pour Maman, Boulangerie Schou – Paris 16è, pâtisserie proposée à l’occasion de la fête des Mères, 6€ la pièce individuelle, également disponible en format à partager.

J’essaie parfois de m’imaginer les enfants que pouvaient être nos artisans boulangers. La tâche est assez difficile, car on évolue inévitablement avec le temps, mais des traces subsistent et j’ose espérer que certains d’entre nous savent préserver ce qui a fait leurs heures les plus tendres et insouciantes… C’est aussi à cette période là que notre « nature » se créé, que nos bases s’affirment avant que nous prenions de l’âge et devenions des personnes bien sérieuses… un peu trop parfois. Premier de la classe, élève travailleur, cancre, … Les possibilités sont nombreuses.

Au quotidien, certains boulangers s’appliquent à respecter scrupuleusement la tradition, sans faillir. Cette application est remarquable même si cela ne fait pas beaucoup changer les codes de la profession. Dans tous les cas, je préfère de loin ces « enfants sages » à ceux qui bafouent délibérément toutes les règles de l’artisanat en réalisant des produits pour le moins… médiocres. Au final, tout le monde se retrouve dans une grande « cour de récré » boulangère où les surveillants sont en définitive les consommateurs et leur appréciation des produits.

Je verrais bien Gontran Cherrier en chahuteur, vous savez, ces garçons un peu agités, gentils et bohèmes, avec tout de même une certaine difficulté à se conformer à l’ordre établi et à l’autorité. Autant on aurait pu l’envoyer au coin à l’époque, autant aujourd’hui il n’y a plus de raison de le faire, puisque c’est de nos papilles qu’il s’agit… et elles découvrent ainsi des accords nouveaux.
Il y a quelques temps, l’artisan s’était déplacé en Bretagne afin d’y sélectionner une farine de sarrasin. Non content de ce fait, on pourrait dire qu’il en a profité pour nous ramener quelques galettes… bretonnes.

Galette Création 2013, Gontran Cherrier

Pas question de sablés ici, mais plutôt d’incorporer du sarrasin dans la traditionnelle galette des Rois. Ainsi, sa création 2013 se compose d’une pâte feuilletée au sarrasin, d’une crème d’amandes… et de grains de Kasha, accompagnés de quelques zestes de pamplemousse confits. Le Kasha est en réalité du sarrasin grillé, généralement consommé dans les pays d’Europe de l’Est. C’est amusant de voir comme ce boulanger joue avec les métissages, emprunte des spécialités un peu partout : autant breton que russe, libanais ou même portugais, il nous donne une vision de ce que pourrait être la « boulangerie monde »… à la fois ancrée dans des traditions mais ouverte sur d’autres horizons. J’apprécie tout particulièrement cette démarche et c’est pour cela que je vous parle de ce produit aujourd’hui.

Revenons à notre épiphanie, une vraie apparition, comme il se doit : comme vous pourrez le constater, la pâte feuilletée est ici bien moins développée qu’elle ne peut l’être chez nombre d’artisans. Plusieurs raisons à cela : la présence de sarrasin – même dans une très faible proportion -, dépourvu de gluten, empêche un fort développement. De plus, Gontran Cherrier cuit l’ensemble de ses créations feuilletées dans un four à sole, ce qui implique un résultat bien différent des cuissons à four ventilé pratiquées dans nombre de maisons.
Justement, parlons de résultat : le produit est en définitif très boulanger, à la fois rustique et rempli de caractère, bien loin du caractère doux et consensuel de nombreuses galettes. Le Kasha apporte des notes croquantes qui contrastent vivement avec le fondant du feuilletage. Ce dernier a tendance à s’effacer – ne serait-ce que par son épaisseur – pour laisser une place entière à la garniture. Au fil de la dégustation, l’amande se mêle aux parfums rustiques et grillés… tout en étant légèrement chahutée par le pamplemousse, lequel exprime fraicheur et amertume. Cette dernière pourrait d’ailleurs se faire trop forte au goût de certains, la gastronomie restant le domaine du subjectif par excellence.
On notera également la légèreté du glaçage appliqué sur le dessus, ce qui rend l’ensemble moins collant et ne perturbe pas les saveurs. Le rayage est appliqué, avec toujours cette « rose des vents » qui nous guide autant qu’elle nous invite au voyage…

Galette Création 2013, Gontran Cherrier

Bien sûr, les galettes des Rois se consomment le plus tôt possible, et les gourmands ne résistent généralement pas à la tentation d’en couper une part dès le retour de course. Dans le cas présent, on peut aussi apprécier l’évolution de la création le lendemain : l’action du rassissement faisant, le sarrasin et ses notes sucrées s’expriment avec plus de vigueur. Ainsi, les arômes et l’expérience sont différents, comme cela peut être le cas avec du bon pain.

Je parlais de gourmandise, et les fèves créées cette année pour le boulanger sont un fameux appel à cette dernière : en effet, elles constituent une mosaïque qui, une fois reconstituée, nous permet d’apprécier le plafond de la boutique du 22 rue Caulaincourt. Voilà une collection qui ne manque pas de sentir le beurre…!

Comme d’habitude, l’artisan propose un produit surprenant et « casse les codes » établis en incorporant des ingrédients inhabituels dans ses recettes. Les amateurs de textures et de goûts seront donc comblés… Profitons-en pour encore quelques jours, puisque la période des galettes s’achèvera bientôt.

Galette Création 2013, Boulangeries Gontran Cherrier (Paris 17 et 18è, Saint-Germain-en-Laye), à partir de 18,40€ la pièce pour 4 personnes.

Je me dis parfois que je suis un peu givré. Givré d’écrire autant, givré d’essayer de parler de la boulangerie comme je le fais, givré tout court. Etrangement, ce n’est pas quand je reçois des lettres d’avocat ou des commentaires enflammés que cette idée me vient le plus à l’esprit. Après tout, cela fait partie « du jeu » : quand on critique, il faut accepter de l’être à son tour. Le givre ne doit pas pour autant impliquer un manque de clairvoyance !

Une nouvelle preuve aujourd’hui, puisque c’est chez Hugo & Victor que j’avais acheté un dessert de fêtes. Souvenez-vous, mes relations avec la pâtisserie de Sylvain Blanc et Hugues Pouget n’ont pas été au beau fixe ces derniers mois, mais cela ne m’empêche pas de goûter à nouveau leurs créations, le caractère inventif et dynamique de la maison demeurant toujours appréciable à mon sens.

Cette même dynamique les a d’ailleurs poussés à développer depuis cet été une gamme de glaces et sorbets, dont la plupart reprenaient leurs associations de saveurs les plus appréciées, déclinées en pots mais aussi en « tartes façon part », rendant la consommation du plaisir glacé ludique et originale. Pamplemousse, « Jorge Amado » (chocolat / noix de pécan), Fraise et zestes de citron… tout y passe.

Aube enneigée, Hugo & Victor

Pour les fêtes de fin d’année, le dessert peut aussi se faire… givré, enfin, glacé, tout autant que je le suis. Cette note de fraicheur est bien appréciable à la fin d’un repas parfois riche et pesant, et elle ferait de plus en plus d’adeptes comme le titrait récemment Madame Figaro au travers de son article « La Vengeance du Vacherin » – le fameux dessert meringué restant l’un des classiques du genre. Chez Hugo & Victor, on l’a bien compris, et c’est pour cela que l’on retrouve dans leurs vitrines un « Châtaigner Glacé » ainsi qu’une « Aube Enneigée ».

C’est cette dernière que j’ai choisi de déguster, sans doute pour retrouver les matinées glacées que l’on aurait coutume de connaître en cette période de l’année… et qui ont Intérieur de l'Aube enneigée, Aube enneigée, Hugo & Victorvisiblement décidé de prendre la file de l’air. Le goût n’en a pas fait autant dans ce dessert au visuel réussi, où le décor participe à l’expérience gustative : on croque dans les meringues zestées, au taux de sucre modéré, avant d’atteindre le coeur glacé. Le, ou plutôt les, en réalité : l’Aube Enneigée se compose d’une association de glace à la Vanille de Tahiti et de sorbet au jus de Clémentine. La douceur lactée et crémeuse de la première vient adoucir les notes acidulées de la seconde pour un équilibre savoureux. Un fond de dacquoise aux amandes vient souligner le parfum du fruit, l’association entre amande et clémentine étant toujours réussie.
Côté textures, là aussi, le dessert se révèle particulièrement réussi : craquant, fondant, moelleux, les contrastes rendent la dégustation d’autant plus agréable. On termine par les chips de clémentine disposées sur le dessus : légèrement craquantes, au goût de caramel, elles apportent un peu de chaleur sur le lever du jour que l’on imagine…

Voilà donc une création légère et peu sucrée, idéale en cette fin d’année. Je ne pourrais cependant que regretter son prix très élevé : 78 euros pour 6 à 8 personnes, il s’agit là d’un plaisir exceptionnel, même si sa finition soignée et ses saveurs délicates marqueront sans doute le repas de fête. A noter toutefois qu’une version pour 2 personnes était disponible sur commande, et c’est celle-ci que j’ai pu découvrir grâce à son prix – 17 euros – bien plus abordable. Comme quoi, je suis peut-être un peu givré, mais je sais reconnaître les qualités d’un produit… peu importe les considérations de marque ou de passif.

Aube Enneigée, Hugo & Victor – Paris 7è, dessert proposé pour les fêtes de fin d’année, 78 euros pour 6 à 8 convives.

Les pâtisseries ne sont sans doute pas le centre d’intérêt principal du painrisien. Cela faisait d’ailleurs longtemps que je n’avais pas choisi de vous en présenter une. En effet, au delà du sucre, du goût et des textures, j’ai à coeur de vous parler d’histoires, de véritables volontés de partager un certain état d’esprit, et j’ai plus souvent l’occasion de le faire au sujet du pain. Cela tombe bien, pour un painrisien.

J’aime quand les artisans choisissent d’aller à contre-courant des tendances, afin de proposer à leur clientèle un résultat singulier mais non moins savoureux. J’ai quitté pour quelques jours les rues de la capitale pour prendre l’air… dans une cité où l’inspiration parisienne se fait plutôt présente : à Deauville, et plus particulièrement le week-end, on retrouve nombre d’éléments qui ne sont pas sans rappeler la «ville lumière». Lumière, vous avez dit ? Pas sûr d’en voir beaucoup, en fait, mais peu importe.

Dis moi comment tu consommes et je te dirais qui tu es. Regarder les vitrines des artisans, c’est un peu comme avoir l’occasion de faire une étude sociologique, certes à la petite semaine. A une époque où nous vivons dépourvus de toute crainte de manque immédiat, il faudrait afficher en permanence une abondance presque vulgaire… et surtout dénuée de sens, puisque les produits finissent toujours par manquer de fraicheur. Comment qualifier des présentoirs pleins juste avant l’heure de fermeture ? J’ai fini par baisser la tête et continuer mon chemin.

Rien de cela chez François Gayet. Ici, les mots d’ordre sont qualité, fraicheur mais aussi discrétion. Un emplacement un peu à l’écart du centre, une boutique-laboratoire sans artifice, mais surtout un choix volontairement limité pour des horaires tout aussi restreints : cette pâtisserie n’est en effet ouverte que du vendredi au dimanche, ce qui correspond à la période où la cité est la plus peuplée. Le reste du temps, il faudra commander pour profiter des douceurs de l’artisan.
Des classiques bien exécutés (Paris-Brest, Baba au rhum, Opéra…) ainsi que quelques propositions autour des fruits de saison (Fraisier ou Framboisier, Tartes aux fruits…) côté pâtisserie, quelques viennoiseries et deux variétés de cakes en plus du chocolat, de l’épicerie fine (confitures Tea Together, jus Alain Milliat), une phrase suffit pour faire le tour de l’endroit.

«Le meilleur ne se fait qu’avec de l’excellent» annonce fièrement son petit dépliant de présentation. J’ai bien retrouvé dans ce petit entremet «Green» la prétention de François Gayet et Laurence Juguet.
Cela a commencé sur le plan visuel : le vert pâle de cette pâtisserie ne cherche pas à annoncer de façon tonitruante qu’elle contient de la pistache. Tant mieux, car le parfum que l’on y retrouve est bien loin d’être celui des pâtes de pistaches industrielles, où le vert façon «incroyable Hulk» semble être de rigueur.
Ainsi, on commence la dégustation par la crème brulée à la pistache, douce et onctueuse. Le voyage commence vers les terres chaudes où le fameux fruit sec est cultivé… Partons en Sicile, où les embruns de Deauville semblent plutôt étranges et inconnus. Le petit insert de compotée de Framboise apporte ses notes acidulées avant de fondre dans la base de macaron craquant-moelleux, lequel distille ses notes grillées. Une façon de donner du caractère à la création, pour éviter l’écueil d’une douceur excessive.

Un léger glaçage au chocolat blanc contribue quant à lui à conférer au produit un peu de rondeur lactique. On croque enfin dans la pistache émondée disposée en décor, et l’expérience est terminée.

Au travers de produits sobres et bien exécutés, les «Pâtisseries du Bord de Mer» tranchent nettement avec l’offre tapageuse développée dans la plupart des échoppes de la cité normande. Entremets bariolés, figures quasi-acrobatiques… Une démonstration de savoir-faire dont on se passerait bien, même si Dupont avec un Thé relève tout de même le niveau modestement.

Ainsi, si vous passez par Deauville un week-end, arrêtez vous sur le Green… non, pas au Golf, situé en bordure de la ville, mais bien dans la boutique de François Gayet, dont la savoureuse discrétion mériterait plus de reconnaissance, même si les tarifs se font en définitive un peu trop parisiens.

Green, François Gayet – Les Pâtisseries du Bord de Mer – Deauville (14), 6€ la pièce individuelle.

Nous avons besoin de créer des événements pour nous souvenir de l’importance des choses simples qui façonnent notre quotidien. C’est triste mais c’est ainsi. Triste parce que beaucoup d’organismes commerciaux, plus ou moins bien intentionnés, en profitent pour s’accaparer ces instants et les détourner dans leur intérêt. Journée de la femme, fête des mères, des pères, de la gastronomie… Difficile de toutes les citer.

Nous sommes en plein dans la semaine du Goût. Enfin, en plein, elle s’achève. Comme chaque année, cet événement aura concentré les attentions de quelques entreprises de restauration scolaire, soudainement soucieuses de l’éducation culinaire de nos têtes blondes, d’industriels variés mais tout de même de quelques restaurateurs, qui ont fait l’effort de proposer une « table du Goût », avec une réduction de 50% sur leurs tarifs pour les étudiants. Pour d’autres, cela se concrétisait par des ateliers disséminés au fil des jours. Des initiatives un peu timides à mon sens, mais il faudrait savoir se contenter de peu en la matière.

Toujours est-il que certains en ont profité pour nos faire partager un peu de leur créativité, et c’est le cas des boulangers de la Conquête du Pain, à Montreuil. J’ai déjà eu l’occasion de vous parler de cette boulangerie autogérée, porteuse d’un véritable projet social. Un exemple ? Le tarif « de crise » mis en place pour les personnes dans le besoin, dans l’esprit de toujours proposer du bon pain à ceux qui d’ordinaire ont du mal à se l’offrir.
En dehors de ces pratiques et de leur engagement, ces artisans ont également à coeur de faire bouger les papilles de leur clients, avec des pains éphémères (au boudin et aux pommes en octobre, au figues et aux noix en septembre…) mais aussi des gourmandises plus surprenantes.

C’est ainsi que j’ai pu découvrir une pomme bien particulière. Elle avait perdu son habit de peau pour en revêtir un autre, certes plus épais mais non moins élégant… Une croûte, en réalité… de brioche ! On la retrouvait ainsi comme déposée dans un cocon, fondante et presque confite. Les attentions portées à son égard ne s’arrêtaient pas là, puisque son coeur de pépins avait été remplacé par des fruits rouges, apportant quelques notes acidulées bien agréables. Le tout avait été nappé d’un miel aux épices, avec des parfums dominants de cannelle. La brioche qui entourait l’ensemble contribuait à nous transporter dans un doux univers, avec son caractère beurré et moelleux, bien que j’aurais tendance à la trouver un poil sèche.

Le plus beau dans tout cela était sans doute dans le caractère généreux du geste, puisque ces curiosités étaient offertes aux gourmands qui en faisaient la demande… Une bien jolie découverte, que j’espère retrouver en dehors de cette période particulière, ayant été séduit par l’idée.

Pomme en croûte de brioche (aux fruits rouges et son miel aux épices), La Conquête du Pain – Montreuil (93), produit proposé à l’occasion de la semaine du Goût, du 14 au 19 octobre 2012.

Le sucré est rempli de souvenirs et d’histoires… Impossible de ne pas être admiratif devant cette force d’évocation que peuvent avoir de « simples » gâteaux, cette capacité qu’ils ont à nous faire retomber en enfance en quelques instants. Une preuve, comme s’il en fallait, que les plus talentueux de nos pâtissiers font bien plus qu’un métier, non, ce sont des créateurs de plaisir et, dans une certaine mesure, de liberté. Liberté par rapport au quotidien, en nous offrant quelques minutes d’évasion…

Dans notre répertoire pâtissier, les croquembouches trônent parmi les classiques des classiques, pièces montées si haut qu’elles en deviennent indétronables. Quoique, ce n’est pas tout à fait exact, puisque on a vu apparaître ces dernières années des pièces montées en macarons, notamment. Pour autant, ils n’ont pas cette référence directe aux grands événements de famille, à ces moments où l’on se retrouve tous autour d’une table pour le meilleur… et parfois le pire, les relations filiales étant parfois tendues. Cela n’en créé pas moins des souvenirs, des ancrages auxquels chacun aura tendance à se rattacher.

S’il y a bien une occasion toute trouvée pour commander un croquembouche, c’est pour un anniversaire. En l’occurrence, ce n’est pas celui du client que l’on fête, mais celui du pâtissier… ou plutôt de la maison, puisque Ladurée souffle cette année ses 150 bougies. Bien sûr, la grande dame n’a pas manqué d’évoluer pour éviter de prendre trop de rides. Entre chefs pâtissiers renommés (Pierre Hermé, Philippe Andrieu…), multiplication des points de vente (Champs Elysées, rue Royale, à l’international…) et diversification (produits dérivés variés, développement du concept de Bar, …), l’époque de l’empire dont les établissements conservent les couleurs paraît à présent loin derrière. Pour célébrer comme il se doit ce chiffre impressionnant, une création pâtissière par mois a été développée par Vincent Lemains, le Responsable de la Création Pâtisserie de la maison.
En juin, il s’agissait d’un croquembouche… individuel. Chose plutôt surprenante de prime abord, mais le résultat est charmant : une « montagne » de petits-choux caramélisés, dont certains sont saupoudrés de sucre en grains.

Le plus difficile est sans doute de se résoudre à donner le premier coup de cuillère, même si l’on serait plutôt tentés de s’emparer des choux un à un, sans couvert. On picore ainsi dans cet ensemble à la fois craquant, grâce au caramel, et moelleux de par la pâte à choux. Cette dernière est cependant un peu sèche, même si de bonne tenue. Elle enveloppe une crème pâtissière parfumée à la vanille et au rhum. Les notes alcoolisées ont tendance à se faire trop présentes et à prendre le pas sur la délicatesse de la vanille. Cet effet est renforcé par la taille très réduite des choux, qui a pour conséquence d’offrir au gourmand beaucoup de pâte… et peu de crème. Ajoutez à cela la couverture en caramel, et l’ensemble devient alors assez sucré et nous invite à aller chercher un verre d’eau rapidement. Connaissant la maison, peut-être est-ce lié à un partenariat avec une marque d’eau en bouteille… Pas de mauvais esprit, voyons.

Néanmoins, l’expérience n’en demeure pas moins agréable, cette association de craquant, de moelleux et d’onctueux suscite forcément l’envie et la gourmandise, ce qui fait que cette pièce montée est rapidement démontée. Les grains de sucre nous amusent, tout comme les dragées et leur légère amertume. La dégustation devient rapidement un jeu, le retour dans ces longs repas de famille où l’on cherchait nombre d’échappatoires est complet. Un peu trop vite, d’ailleurs, car son prix nous inciterait à bien profiter de chaque bouchée. En effet, 14 euros la pâtisserie individuelle, c’est… coûteux. Certes, à événement exceptionnel, mesures exceptionnelles, mais encore faudrait-il que le produit demeure accessible et offre un rapport qualité/prix cohérent. Or, nous en sommes bien loin pour cette pâtisserie et même si les souvenirs n’ont pas de prix, peut-être aurait-il été préférable d’être plus raisonnable. Bien sûr, cette pièce nécessite sans aucun doute un travail de réalisation précis et long, ce qui explique cette tarification…

Mini Croque, Ladurée – plusieurs boutiques dans Paris, 14€ la pâtisserie individuelle à emporter, proposée les week-ends du mois de Juin, et certainement le premier de juillet.

Sans forcément célébrer moi-même les différentes fêtes qui ponctuent notre calendrier, je ne vous cache pas que je les apprécie tout de même, car elles poussent nos artisans à créer des produits éphémères pour ces événements, ce qui créé ainsi des occasions de varier les plaisirs, goûts et saveurs. De plus, le caractère plutôt « furtif » de ces créations ne manque pas de leur donner un goût d’autant plus particulier et intense… on reste tous un peu des enfants, chacun à notre façon.

La dernière occasion gourmande en date était bien sûr la fête des Mères. J’en avais un peu parlé dans un billet précédent, nos artisans avaient alors redoublé d’inventivité pour faire chavirer le coeur de ces femmes qui nous sont si chères. Bien entendu, le repas de ce jour de fête devait se terminer en apothéose, et c’est pourquoi les meilleurs pâtissiers parisiens avaient également planché sur des douceurs féminines à déguster au dessert.
Au programme, de nombreux coeurs (notamment chez Pierre Hermé, des Gâteaux et du Pain, Un Dimanche à Paris, …) mais également des produits aux formes plus traditionnelles.

Du côté de la rue Rambuteau, certaines pâtisseries de la gamme habituelle avaient pris la forme imposée par l’événement, mais la vitrine s’était également enrichie d’une… Surprise. Cette dernière était en réalité un entremet pour deux convives, un format bien adapté, car reprenant l’idée du partage de cet instant entre l’enfant et sa mère… Un cadeau à faire à l’autre autant qu’à soi-même, en définitive.
Sur le plan visuel, le nom correspond bien au gâteau : en effet, son aspect ne laisse pas beaucoup paraître de ce qu’il renferme, et il faut briser la délicate coque de chocolat noir pour découvrir le secret.
L’instant aurait pu être une belle révélation, seulement, l’effet a été gâché par un écoulement de liquide provenant de la compotée de cerises contenue dans la pâtisserie. Les fruits sont en effet des ingrédients capricieux, et les problèmes de gélification peuvent survenir à la production, ce n’est d’ailleurs pas la première fois que j’en rencontre… Néanmoins, cela n’a pas altéré le reste du produit.

Framboises et fraises des bois fraiches, crème pâtissière à la vanille, compotée de cerises, biscuit moelleux aux amandes, mousse au chocolat noir, le tout enveloppé dans une fine coque de chocolat noir… Une composition complexe, à la hauteur de l’événement. Le jeu de textures n’est pas dénué d’intérêt, d’ailleurs : on commence par apprécier le craquant du contour, avant de plonger dans l’onctuosité de la crème à la vanille – assez épaisse et dense, de laisser fondre les cerises et le biscuit moelleux sous sa langue et enfin de prolonger le plaisir en terminant par cette mousse presque vaporeuse. Au delà des sensations, il y a les parfums, celui de la vanille accompagne avec beaucoup de douceur les fruits, et particulièrement les délicates fraises des bois. En contraste avec cette douceur, la compotée de cerises apporte des notes acidulées, contrebalancées là encore par la présence du biscuit aux amandes, « rond » et doux. L’ensemble est assez peu sucré.
L’expérience pourrait être vraiment agréable si seulement elle n’était pas perturbée par l’amertume du chocolat, qui finit par prendre le dessus sur le reste des éléments. Un pourcentage de cacao moins élevé aurait certainement bienvenu, ce qui aurait accompli un meilleur équilibre des saveurs. Nos mamans méritent bien un peu de douceur, n’est-ce pas ?

Cette Surprise demeure malgré tout une gourmandise agréable, ne serait-ce que pour son aspect sympathique et son jeu de textures. Côté prix, cela demeure assez raisonnable, 12 euros pour deux convives, au vu du travail nécessaire pour l’assemblage des différentes couches et du prix des fraises des bois, présentes en quantité généreuse. On aurait simplement aimé parvenir à ce fameux équilibre, tellement important en pâtisserie.

Surprise, Pâtisserie Pain de Sucre – Paris 3è, création proposée à l’occasion de la Fête des Mères, dimanche 3 juin – 12€ la pièce pour deux convives.

La pâtisserie, c’est de la musique, tout simplement. Chaque jour, des orchestres jouent des partitions, les brigades de pâtissiers exécutent des recettes. Dans les deux disciplines, on connaît des classiques. Mozart, Beethoven… en musique, éclairs, millefeuilles et autres tartes aux fruits dans le sucré. Seulement, dans les deux cas, ce qui fait toute la différence, c’est l’interprétation. Selon si l’on met un grand chef ou un novice pour diriger l’exécution du « morceau », le résultat s’en trouvera complètement modifié. Harmonie ou désaccords, deux voies s’ouvrent à nous.

A la Pâtisserie des Rêves, pas de question à se poser. La maison a fait de sa spécialité l’interprétation de grands classiques de la pâtisserie française, version « cinq étoiles ». Philippe Conticini apporte à nos souvenirs gourmands toute sa sensibilité et son savoir-faire, acquis au cours de son parcours prestigieux chez Pelletier ou à la Table d’Anvers.
Au fil des saisons, il décline les fruits en tarte ou en « fruitier ». Cette année, un choix intéressant a été pris puisque les tartes aux fruits sont réalisées dans un format inhabituel et « gourmand », pour deux à trois personnes. C’est assez agréable à la dégustation, puisque le rapport entre garniture et « trottoir » est plus équilibré, en plus de porter une notion de partage bienvenue lorsqu’il s’agit de pâtisserie. Ainsi, les fruits vont se succéder au fil des mois ensoleillés à venir : cela a commencé avec la tarte aux fraises, délicieusement saupoudrée de graines de carvi, ainsi qu’avec la tarte à la rhubarbe, et la valse continue avec les framboises avant de s’intéresser aux fruits noirs un peu plus tard dans la saison. En parallèle, les cerises s’invitent dans les clafoutis, enrichis d’épices et servis dans d’élégantes cassolettes en grès.

Intéressons-nous à cette fameuse tarte aux framboises. Un visuel simple et sobre, nous présentant le fruit dans son plus simple appareil. Ici, pas de gelée pour les couvrir ou compenser un éventuel manque de saveur. La seule note ajoutée est un peu de poudre de thé vert matcha, que l’on peine toutefois à ressentir, du fait du parfum prononcé des fruits.
Justement, ces fameux fruits frais sont d’excellente qualité : des framboises généreuses, fondantes, parfumées et peu acides, des qualificatifs que l’on aimerait associer plus souvent à ce produit capricieux. Combien de pâtisseries ne sélectionnent pas leurs fruits avec attention ? Plusieurs mains ne suffiraient pas à les compter…
A cela, Philippe Conticini a choisi d’associer un fond aussi complexe que finement exécuté : on y trouve ainsi de la crème parfumée à la vanille, un peu de confit de rhubarbe, du beurre d’amandes fraiches et un fond de pâte sablée. Lors de la dégustation, les textures se mélangent et se prolongent de façon harmonieuse. La crème vanille, onctueuse et parfumée, apporte une belle douceur, en contraste avec la rhubarbe acidulée qui vient relever les fruits frais. Le beurre d’amande joue dans le même registre et vient renforcer le parfum de fruits secs concentré dans le fond de tarte. En parlant de beurre, d’ailleurs, ce dernier l’est autant qu’on pourrait le souhaiter, et confère à cette base un véritable caractère. On y trouverait presque un peu de caramel, chose permise par sa belle cuisson. Bien sûr, cela ne serait rien si le tout n’était pas croquant et fin, ce qui est le cas ici.
Chaque « couche » pourrait être dégustée séparément avec grand plaisir, et c’est sans doute ce que l’on s’amuse à faire au fil des bouchées. Cependant, l’accord et l’équilibre qui ont été trouvés ici parviennent à les sublimer chacun à leur tour.

Autre point appréciable, le fait qu’un petit pot de coulis de framboise soit fourni avec la tarte. Il suffit de le mélanger puis de napper le gâteau au dernier moment, avant la dégustation. Bien acidulé, il vient à son tour souligner la saveur délicate des fruits, sans les sucrer à l’excès ou les masquer comme on aurait pu le craindre. Les plus gourmands ne résisteront pas à l’envie de le goûter seul, tant il est léger et velouté.

Bien entendu, reste le point sensible du prix : 18 euros la tarte pour deux personnes, c’est une somme. Cependant, au vu de la sélection des ingrédients, de la qualité des fruits, l’ensemble revêt un caractère plutôt exceptionnel qui parviendrait aisément à justifier la somme. En définitive, M. Conticini propose un gâteau traditionnel… en apparence, car bien peu parviennent à ce niveau d’exécution, et surtout à mettre en avant le fruit sans le dénaturer.

Tarte aux framboises, La Pâtisserie des Rêves – Paris 7è et 16è, vendue pour deux à trois personnes, 18 euros la pièce.

Les noms que l’on utilise pour décrire des éléments de notre « patrimoine gastronomique » y sont parfois arrivés de façon bien curieuse, un peu détournée, et peuvent aisément surprendre si l’on s’y intéresse de plus près. En effet, à peu près tous les éléments de la vie finissent par s’imbriquer pour donner des résultats plutôt curieux. Il ne faudrait pour autant pas essayer de toucher à ces traditions, puisqu’elles ont un caractère presque naturel à présent.

Prenez l’exemple des mendiants, vous savez, ces petites spécialités chocolatées que l’on retrouve chez la plupart des artisans. Constituées d’une base (un palet, en quelque sorte) en chocolat noir, au lait ou même blanc, elles sont incrustées d’un mélange de fruits secs variés (raisins secs, amandes, écorces d’orange confite, noisettes… les recettes varient parfois) et proposent aux gourmands une friandise alternant entre le croquant, le moelleux, l’amer, le doux, l’acide… Une expérience très divertissante. Pour autant, on pourrait se dire que ces fameux mendiants sont bien riches, car ces ingrédients ne sont pas particulièrement bon marché. En réalité, ce nom provient des ordres mendiants, une organisation chrétienne dont les membres passaient leur temps à prêcher l’évangile et à servir les pauvres. Dessert initialement nommé « fruits de carême » et composé de figues de Provence, raisins de Malaga, amandes et avelines, le choix de cette nouvelle dénomination serait lié à un prêche du père André Le Boullanger, qui aurait soutenu que ces fruits étaient nommés ainsi parce qu’ils avaient pour patrons les quatre ordres mendiants, savoir : les Franciscains capucinaux qui représentaient les raisins secs, les Récollets qui étaient comme des figues sèches, les Minimes qui semblaient des amandes avariées, et les Moines-déchaux qui n’étaient que des noisettes vides.

Trêve de considérations religieuses, puisqu’il s’agit aujourd’hui d’un produit bien savoureux, qui ne manque pas d’inspirer certains de nos artisans. En effet, Gontran Cherrier a souhaité redonner à cette gourmandise sa dimension de dessert en la déclinant sous la forme d’une tarte.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que son aspect ne mendie pas grand chose, mis à part la curiosité. En effet, elle peut surprendre par son caractère très sobre, constituant au final un simple disque de couleur marron foncé. Rien qui puisse laisser présager son contenu riche et savoureux, si l’on ne consulte pas l’étiquette présentant le produit.

Dès lors que l’on se décide à rompre cette élégante simplicité, on prend bien conscience de toute la dimension gourmande que peut avoir cette « tarte façon mendiants ». Dès la première bouchée, c’est la ganache qui nous offre une belle richesse et densité, sans pour autant tomber dans l’écueil d’un quelconque caractère collant ou amer. On profite ainsi d’un parfum de cacao d’une belle pureté, avec un côté presque moelleux. Vient ensuite le fond de pâte, bien croquant, foncé et beurré. Il apporte une note de douceur en contraste avec l’intensité du chocolat, même si l’on pourrait regretter le fait qu’il soit un peu épais. Un peu plus de finesse aurait peut être rendu la dégustation plus aisée et serait parvenu à un meilleur équilibre.
Enfin, on découvre les fruits secs, nichés, presque cachés, entre ces deux éléments. C’est à ce moment là que l’expérience prend tout son sens. Légèrement parfumés au miel, ce qui contribue à donner quelques notes sucrées et douces, ces fruits croquent et fondent, que ce soit tantôt de la noix, de la noisette, des écorces d’orange… Un peu d’amer, d’acidulé, qui viennent relever le chocolat noir et compenser sa puissance, en prolongement du fond de tarte. Le tout est très ludique, puisque l’on peut s’adonner au loisir d’associer ou de dissocier les saveurs. Ce mendiant-là a autant à nous offrir que l’on aimerait lui donner.

En définitive, Gontran Cherrier nous propose ici une gourmandise peu sucrée, à la fois simple et riche en sensations. Une pâtisserie un peu plus que boulangère, même si elle a parfaitement sa place dans les vitrines d’une telle boutique. De plus, cela reste un produit assez accessible, ce qui permettra à chacun de s’offrir un peu de plaisir.

Tarte au chocolat façon mendiants, Gontran Cherrier – Paris 17 et 18è, vendue en portion individuelle au prix de 4,20 euros.