Les reconversions professionnelles m’inspirent toujours beaucoup de respect, vous aurez sans doute pu le remarquer. Prise de risque, remise en question profonde de soi-même et prise en compte de ses aspirations profondes, beaucoup de doutes, c’est un travail avant même d’y entrer de nouveau – dans le travail. Certains changements de cap semblent incompréhensibles de prime abord, mais cela s’explique souvent par des influences extérieures… et par le fait que les choix cruciaux d’orientation se font à des âges où l’on ne connaît pas forcément très bien, où l’on est encore un « être en devenir ». Après tout, il y a plusieurs vies dans une vie, comme l’ont si bien déclamé les publicitaires d’une fameuse banque.

Un changement de cap pour passer un CAP… C’est le choix, d’autant plus courageux puisqu’il s’agit ici de deux femmes dans un secteur aussi difficile et physique que la boulangerie, qu’ont fait Florentine Bachet et Camille Rosso. Si vous avez eu l’occasion de voir le reportage « En quête du bon pain », diffusé sur France 5 (si ce n’est pas le cas, cliquez ici pour la session de rattrapage), ces jeunes boulangères ne vous sont pas inconnues. En effet, la chaine de télévision avait mis en lumière leur projet d’ouverture de boulangerie et leurs recherches d’un lieu qui correspondrait à leur aspirations, à leur volonté de faire du « bon pain ».

Depuis, les idées ont pu se confronter à la réalité, puisque la boulangerie Basso – contraction souriante et plutôt bien vue du nom des deux associées et amies – a ouvert ses portes en septembre dernier. Elles ont repris une belle boulangerie d’angle, sur les rues de la Jonquière et Lantiez, dans le 17è arrondissement. Le quartier correspond d’ailleurs plutôt bien à ce qu’elles recherchaient : on y retrouve une certaine mixité, un caractère plutôt résidentiel et une « vie de quartier », différente de l’ambiance des zones de bureaux. Une relation plus durable peut se développer avec la clientèle.

La belle histoire s’est écrite, immortalisée par la télévision. Maintenant, c’est le quotidien qui importe, la façon dont nos deux anciens ingénieurs sont parvenues à passer des théories au pétrin et au fournil. Certes, elles avaient déjà eu l’occasion de le faire, et notamment chez Rodolphe Landemaine, comme nous le montrait le reportage, mais diriger son affaire est une autre paire de manches. En l’occurrence, on peut dire sans trop se tromper que le pari est réussi.
Au fond de la boutique, les pains sont bien mis en valeur, au travers de présentoirs aux formes diverses, offrant une belle vision de la gamme au client. Du choix, il y en a ! Commençons par la baguette de tradition à la mie craquante, bien humidifiée et presque ‘crémeuse’, au façonnage et grignages élégants et soignés, offrant des parfums subtils de céréales torréfiées, de crème, accompagnés d’une très légère note acide en fin de bouche. La farine des moulins Foricher fait merveille, et le savoir-faire de nos fraiches boulangères la met bien en valeur. On trouve également un pain des Gaults d’excellente facture, avec une croûte épaisse et une cuisson bien marquée, une tourte de Seigle, divers pains réalisés avec une pointe de levain (Rustique, pavés…), une ciabatta bien moelleuse ou encore le All Black, son caractère bien trempé ainsi que sa mie soyeuse, sombre et riche en graines diverses (sésame, lin, pavot, orge…). Les croûtes affichent de belles couleurs ambrées, les façonnages sont soignés, c’est un sans faute. On pourra cependant regretter le fait que la gamme soit au final celle développée par le meunier, avec un faible marquage de l’identité de la boulangerie. Cela viendra sans doute avec le temps et la « bouteille ».

Le reste des produits est traditionnel, développé dans un esprit de simplicité appréciable. Les viennoiseries sont honorables. On s’intéressera plus particulièrement au large choix de tartes et quiches vendues à la part, servies de façon généreuse. Les pâtisseries – éclairs, millefeuilles, Paris-Brest, tartes au citron… – ne présentent pas de relief particulier.
Côté traiteur, les sandwiches et salades offrent une belle fraicheur et sont réalisés avec soin. Pains spéciaux et baguettes de tradition composent les bases de ces repas sur le pouce, proposés à des tarifs très abordables. Pour les envies de grignotages salés, des ficelles apéro bien appétissantes complètent le choix.

Tout cela ne serait rien s’il n’y avait personne pour le vendre, et les deux associées prennent plaisir à oeuvrer aussi bien au fournil qu’en boutique, avec beaucoup de charme et d’élégance. L’ensemble du personnel nous offre un sourire sincère et des informations précises sur les produits. On sent une belle volonté de partager l’amour du métier, de ne pas seulement vendre un produit mais bien de transmettre à la clientèle tout l’engagement et la démarche qui ont été développés pour y parvenir. Ajoutons à l’ensemble un décor « à l’ancienne » agréable et chaleureux, cela fait de la boulangerie Basso un lieu où l’on aime venir et revenir, autant pour les produits que pour l’ambiance.

Infos pratiques

49 rue de la Jonquière – 75017 Paris (métro Guy Môquet, ligne 13) / tél : 01 46 27 82 80

Avis résumé

Pain ? Une gamme variée et soignée, voilà comment on pourrait décrire l’offre de pains de cette boulangerie. Réalisés à partir d’une farine de chez Foricher / Le Moulin des Gaults, les pains affichent des croûtes bien dorées et des façonnages très soignés. La baguette de tradition est une belle réussite : mie craquante, bien humidifiée et presque ‘crémeuse’, parfums subtils de céréales torréfiées, de crème, accompagnés d’une très légère note acide en fin de bouche. Cependant, il ne faudrait pas songer à s’y limiter, ce serait oublier de faire honneur à la ciabatta – bien moelleuse et parfumée -, au pain des Gaults et son caractère très « terroir » ou au « All Black » et son typage nordique. Pour ne rien gâcher, les tarifs sont très modérés et les conservations d’excellent niveau.
Accueil ? Florentine Bachet et Camille Rosso prennent beaucoup de plaisir à oeuvrer en boutique au côté de leur personnel de vente. La clientèle profite de ce bel enthousiasme, de cette fraicheur et de cette passion qui font réellement plaisir à voir. L’information sur les produits est, de fait, irréprochable tout en parvenant à assurer un service dynamique et efficace. Cela contribue à l’ambiance presque « lumineuse » du lieu, initiée par le décor et l’agencement très réussis.
Le reste ? Les tartes et quiches à la part constituent les points forts de l’offre sucrée et salée de la boulangerie Basso, servies avec simplicité, saveur et générosité. Pour le reste, les viennoiseries sont tout à fait honorables, les pâtisseries, très boulangères, n’offrent pas de relief particulier. Sandwiches et salades séduisent sans forcer, autant par leurs prix que par des associations entre saveurs et pains spéciaux bien vues.

Faut-il y aller ? Pour encourager un tel engagement, une belle histoire et cette conviction, sans aucun doute. Au delà de ça, les produits sont d’excellente facture – savoureux et proposés à des prix plus qu’honnêtes. Au passage, on ne manquera pas de tomber sous le charme des deux jeunes boulangères et de leur sourire sincère, qui achève de nous assurer du succès de leur entreprise. On espère juste qu’avec le temps une réelle identité se développera au sein des gammes de produits, et plus particulièrement sur le pain, où tellement de créations savoureuses sont possibles.

20 réflexions au sujet de « Boulangerie Basso, Paris 17è, l’ingénierie du pain »

  1. J’avais vu le reportage et je suis ravie d’avoir de leurs nouvelles!
    Plus que cela, je suis bien heureuse que la qualité semble être à la hauteur de la passion…

  2. Il faut apporter une précision de taille: ces dames ne sont pas deux associées mais trois car le conjoint de l’une d’elles n’est autre que le directeur commercial régional des moulins Foricher… et il est associé à hauteur d’1/3 dans cette affaire!

      • Merci pour cette précision qui n’apporte pas beaucoup d’eau au moulin (!) et SURTOUT qui nous étonne particulièrement: qui peut prétendre connaitre nos comptes et la répartition de nos parts sociales? Premièrement nous sommes seules associées à 50-50 et personne d’autre ne détient notre boulangerie, deuxièmement tout bon commercial d’un moulin conseille et aide ses clients boulangers exactement de la même manière, quelque soit la relation personnelle qu’il existe entre eux… Merci!

    • En pâtisserie, il s’agit là d’une appréciation visuelle, basée avant tout sur mes expériences et mon ressenti. J’ai préféré me concentrer sur le pain dans le cas présent.

      • C’est bien dommage. Je m’explique : je suis le patissier en charge de la viennoiserie et je supervise egalement le labo de patisserie.
        Certes le visuel est classique. Je fais de mon possible pour ameliorer ce point aupres de l’ouvrier en charge des tartes et de la pate a choux. Ceci dit mes efforts ce sont surtout centres sur le gout : qd je suis arrive beaucoup de choses etaient a revoir en patisserie de l’avis meme des patronnes. En effet l’ancien gerant ne faisait que du montage, et l’ouvrier n’a pas appris les bases du metier de facon serieuse. Il est sourd muet et c’est un challenge de devoir tout lui faire reapprendre. J’ai donc prefere dans un premier temps me concentrer sur le gout, les cuissons, la regularite.
        J’aurai aime que vous goutiez le Paris-Brest, ou la tarte chocolat. Que vous voyez le travail sur la tarte fraises et la future tartes framboises.
        Ma priorite vu le temps et les moyens dont je dispose : faire simple et bon. Je n’ai certes pas les memes moyens qu’un Genin mais je pense que nous nous en tirons honorablement.
        Si l’envie vous en prend n’hesitez donc pas a repasser et a craquer pour le sucre, j’aurai grand plaisir a vous recevoir et en parler plus en detail sans vous infliger de lire un nouveau roman.
        En vous souhaitant de bonnes degustations a venir, bonne continuation.
        Florent

        • Merci Florent pour votre commentaire et votre invitation. C’est appréciable de lire des professionnels aussi impliqués et passionnés. Je ne manquerai pas de venir vous dire bonjour à l’occasion.

  3. J’insiste sur ce que j’ai écrit et il n’y a pas de honte à cela… surtout que cela m’a été présenté de la sorte par Monsieur X … Je ne citerais pas son nom. Quant à son intitulé de poste… Il s’est présenté comme directeur régional depuis peu puisqu’ancien commercial… Attention à ce qu’on dit : « radio pétrin » vous connaissez?…

  4. Bonjour,

    Je suis bien content de retrouver cette boulangerie sur votre blog.
    J’y suis passé et y ai dégusté de bons produits.

    J’attends avec impatience vos autres visites.

  5. Ping : Boulangerie s’écrit (toujours plus) au féminin | painrisien

  6. en tout cas leur Flan a l’ancienne est délicieux sans aucun doute le meilleur du quartier
    j’ai réussi a ne pas craquer pour les viennoiseries mais elles étaient très appétissantes.

  7. EExcellente boulangerie. Leur baguette tradition est tout simplement divine. Très bien cuite… et ce n’est pas toujours le cas chez les autres boulangers du quartier hélàs. Avant j’allais souvent aux Batignolles mais depuis je suis une fidèle clientèle de cette boulangerie. Continuez comme cela !
    Bravo

  8. Bonjour Mesdames les patronnes,

    Je vous ai découvertes sur « la meilleure boulangerie de france ».
    Je prévois un projet de reconversion dans la boulange pour acheter un fond de commerce.
    Pourriez-vous svp me partager 1-2 conseils suite à votre expérience ?

    Bonne continuation et bravo de vous être lancées très vite, sans attendre 10 ans d’expérience pour vivre votre rêve !

  9. Je me suis rendu dans cette boulangerie après avoir vu l’émission de M6. Je voulais absolument gouter le flan pistache-abricot. Je n’ai pas été déçu. Il était vraiment excellent, y compris d’ailleurs celui au chocolat. Deux grandes découvertes. Le pain est également très bon. Néanmoins, je tiens a mettre un bémol concernant une des employées. (Car je ne crois pas qu’il s’agisse d’une des patronnes) Cette jeune fille n’est pas particulièrement agréable, bien au contraire. Surtout, ce qui m’a le plus épaté, c’est qu’en rentrant chez moi, dans la boite j’ai découvert la part de flan complètement détruite puis recomposée. Je n’avais pas compris pourquoi cette jeune employée avait mis du temps a emballer ce que je lui avait demandé. J’ai compris après. C’est bien dommage, je suis mal tombé!

  10. Je suis venue dans cette boulangerie après avoir vu l’émission de m6.
    Quelle déception!
    L’accueil fut désastreux.
    Personne n’a répondu à notre Bonjour.
    Une femme très agressive est finalement venue me servir.
    Le pain au cacao est un délice, certes, mais je n’y retournerai pas.

  11. Très bonne boulangerie, j y suis passe avec un groupe de 45 personnes il y a quelques semaines et ils ont tous aime les pâtisseries et viennoiseries. Certains y retournent meme maintenant de temps en temps 🙂 Préparez vous je repasse demain 26 mars 2016 avec un autre groupe 😉

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