S’il y a bien une chose que je ne parviens pas à comprendre, c’est que nous ne soyons pas arrivés à mettre en place une véritable égalité hommes-femmes dans nos sociétés modernes. Nous parvenons bien à considérer les membres de l’autre sexe comme des mères, des épouses, mais visiblement pas comme des personnes égales à nous, grands « mâles dominants » que nous serions… Tout cela est un peu primaire, comme quoi la civilisation ne demeure que bien superficielle, après tout.

Lorsqu’il s’agit de métiers physiques, la différence est encore plus marquée. Certes, les femmes n’ont naturellement pas les même gabarits que les hommes, mais cela n’est pas irrémédiable, et leur force de détermination peut parvenir à compenser une grande partie de cette différence. Ainsi, beaucoup d’artisans ont encore du mal à concevoir le fait que les fournils et les laboratoires de pâtisserie se féminisent. Pourtant, le mouvement est bel et bien en marche, et c’est tant mieux.

Le mot boulangère va pouvoir prendre un autre sens que « femme du boulanger », souvent contrainte à assurer la vente des pains et gourmandises de son époux, sans que l’on puisse imaginer lui confier une autre tâche. Des boulangères en production, il en existe. Je pourrais vous citer quelques exemples, comme celui de Florentine Bachet et Camille Rosso dans leur boulangerie du 17è arrondissement, Marie-Christine chez le Farinoman Fou d’Aix-en-Provence, Kerstin Lekander, la boulangère « franco-suédoise » propriétaire de la maison Lebon… mais aussi de toutes ces anonymes que j’ai pu croiser au fil du temps, comme chez Rodolphe Landemaine. La profession suscite des vocations au féminin, et je ne peux que m’en réjouir, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord pour le fait que cela contribue un peu plus à abattre les barrières qui s’élevaient jusqu’alors entre la considération de la femme et celle de l’homme. Les idées reçues doivent être dépassées pour parvenir à construire une société plus juste et harmonieuse. Ensuite, cela peut donner une nouvelle ouverture aux fournils, bien souvent embués dans un état d’esprit un peu poussiéreux et peu porté sur la façon dont la société évolue. Pourtant, le pain est un objet du monde, il s’y intègre autant qu’il le façonne. Nos habitudes vis à vis de cet aliment transcrivent notre mode de vie et de pensée. Il n’est donc pas concevable que les personnes amenées à le produire soient en décalage avec notre quotidien, et c’est pourtant parfois le cas : cela se traduit bien dans les additifs utilisés pour la fabrication de certains pains, dans le peu d’intérêt porté à la qualité des farines, dans l’appel à des produits surgelés issus de l’industrie… alors que le consommateur aurait tendance à souhaiter un retour vers l’authentique, le naturel.
Tout cela pour dire que je suis convaincu que les femmes peuvent apporter une sensibilité et une ouverture d’esprit qui font souvent défaut aux hommes. Cette « finesse féminine », bien souvent reconnue, est un vrai atout pour l’entreprise. Il n’y a qu’à voir le talent avec lequel officient des pâtissières renommées telles que Claire Damon chez des Gâteaux et du Pain, Nathalie Robert au Pain de Sucre, ou encore Claire Heitzler chez Lasserre. On pourrait tout à fait appliquer cela en boulangerie, et je ne doute pas que cela a un intérêt en terme de goûts et même de création.

La tendance est en tout cas prise en compte par les organismes encadrant la boulangerie-pâtisserie, car les femmes seront au coeur de la Fête du Pain qui se déroulera du 14 au 20 mai 2012, au travers de diverses animations un peu partout en France et notamment à Paris sur le Parvis de Notre-Dame.
Au delà de cet événement ponctuel, une association nommée les Pomponettes a été créée par deux boulangères passionnées, afin de permettre de créer une vraie communauté entre « celles qui sont au fournil », pour qu’elles puissent partager leur quotidien parfois difficile, leurs envies, leurs projets… Une belle initiative que l’on se doit d’encourager, en espérant qu’elle contribuera à changer les mentalités et à convaincre des « boulangères potentielles » que ce métier ne leur est pas interdit. D’autant que des solutions techniques existent aujourd’hui pour le rendre moins pénible : le non-façonnage, au travers de PanovA ou Panéotrad a été justement développé pour répondre à ce genre de difficulté.

Dans tous les cas, boulangerie n’a jamais été un mot aussi féminin qu’aujourd’hui !

7 réflexions au sujet de « Boulangerie s’écrit (toujours plus) au féminin »

  1. Et Véronique MAUCLERC, l’avez vous déja rencontré, une femme courageuse, passionnée et talentueuse avec un des plus vieux four à bois de Paris. A VOIR

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