Réflexions

26
Mar

2012

Laisser vieillir le pain

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Certaines choses prennent de la valeur avec le temps. D’autres des couleurs, des marques, des rayures… ou encore du goût. C’est notamment le cas pour le vin, du moins le « bon » vin. A l’inverse, il y a des produits qui auraient plutôt tendance à se dégrader rapidement s’ils n’étaient pas consommés rapidement. Dates de péremption, précautions d’emploi, l’alimentation demeure un domaine sensible…

Pour le pain, c’est un peu plus compliqué. Bien sûr, il finira toujours par être immangeable, pour diverses raisons d’ailleurs (complètement dur, moisi ou autres réjouissances), mais il n’y a pas de règle imparable et scientifique pour savoir combien de temps on pourra conserver le pain que l’on vient d’acheter. On peut avoir quelques certitudes, toutefois. Une baguette ne se conservera que quelques heures, qu’elle soit de tradition ou non d’ailleurs. Au delà, elle risquera de devenir sèche, la croûte perdra peu à peu son caractère craquant si agréable, la mie aura tendance à être caoutchouteuse… Un tableau qui n’a rien de bien réjouissant. Plus les pains sont petits, plus ils seront soumis à une faible durée de vie. Cela s’explique par leur proportion plus importante de croûte (sèche) par rapport à la mie (humide).

En réalité, beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte. Tout d’abord, il convient d’expliquer le pourquoi du phénomène de rassissement. Avec le temps, l’amidon du pain rétrograde, c’est-à-dire reprend sa structure cristalline initiale. Ce phénomène entraine le rassissement du pain soit une dégradation des qualités gustatives du pain dont le durcissement de la mie. Il est accéléré à faible température, vers 4°C, ce qui ne peut que nous inviter à laisser notre pain dans un lieu tempéré, sans pour autant qu’il soit chaud. Egalement, le pain réalisé sur levain aura tendance à mieux se conserver qu’un pain sur levure, du fait de son caractère acide, qui ralentit ce même processus de rétrogradation de l’amidon.
Dans tous les cas, de longues fermentations, des pétrissages délicats, une cuisson bien menée (synonyme de croûte épaisse, et donc de « protection ») et l’utilisation de matières premières de qualité sont gages d’une meilleure conservation.

Au delà de ce simple aspect de « garder », je voulais parler du fait qu’à l’image du bon vin, le bon pain développe des arômes différents au cours de sa « vie ». Souvent plus légers à la sortie du four, après refroidissement (jamais de pain chaud, bien sûr !), plus complexes au bout de quelques heures, voire le lendemain… Les textures se modifient également, sans pour autant devenir désagréables comme on pourrait souvent le craindre. L’humidité qui doit prédominer dans la mie s’échappe peu à peu, rendant le pain moins « collant » comme il peut l’être lorsqu’il est frais. Cela donne ainsi des expériences de dégustation très différentes. J’ai plutôt tendance à apprécier les mies bien humides, mais il est intéressant de voir ce que cela peut donner le lendemain, avec un peu plus de « plancher ».
Le rassissement est généralement plutôt bienvenu pour des tourtes de seigle et des pains de ce genre, très typés. Dans ce cas, les parfums de miel, de fruits secs, se font plus présents.

Attention, dans tous les cas, ne laissons pas vieillir le pain à l’air libre, sinon quoi il risquera de devenir sec comme du bois. D’ailleurs, la météo influe – comme vous l’aurez constaté – sur la bonne conservation ou non du pain. L’humidité n’est jamais la bienvenue si l’on souhaite garder son produit en « bon état ». Le tout est de trouver un équilibre. Un torchon, un linge, une huche à pain, voilà ce qui fera le bonheur de nos mies et croûtes.

Dans tous les cas, si l’on souhaite garder un pain plus longtemps pour des raisons diverses, il demeure possible de le congeler. J’avoue que ce n’est pas une option que j’emploie, car elle me déplait sur le principe : tous les jours, des milliers d’artisans boulangers oeuvrent dans leur fournil pour nous proposer du pain frais… quelle meilleure façon de leur rendre hommage qu’en leur rendant visite ? Bien sûr, ça n’est pas toujours possible, la vie n’est pas aussi simple. Si l’on choisit d’introduire son pain au congélateur, la décongélation prendra ensuite environ une douzaine d’heures, suite à quoi un court passage dans un four humidifié (de l’ordre de 5 minutes, avec un petit récipient rempli d’eau) devrait lui rendre une grande partie de ses qualités organoleptiques.

Dernières options, catastrophe, le pain a été oublié au fond d’un sac, d’une boite, il est sec, ou à l’inverse complètement mou… on le pense impropre à la consommation courante, ce qui n’est pas tout à fait faux. On peut toujours tenter de le toaster légèrement s’il se rapproche de l’état de bouillie, même si cela risque de ne pas avoir grand intérêt.
Viennent alors des solutions gourmandes et/ou pratiques : griller le pain au four pour réaliser des croutons que l’on utilisera dans divers plats ou dans la soupe, l’utiliser pour réaliser du « pain perdu », l’incorporer dans des recettes… De tout temps, l’imagination culinaire a su accommoder les restes, et cela s’applique tout autant dans le cas présent.

Une chose est sûre : le bon pain peut très bien vieillir, et nous ne devons pas avoir l’obsession du pain toujours frais. Certes, le fait est que la culture de la baguette a permis à nos boulangeries artisanales de traverser les âges, mais il ne faut pas pour autant en oublier les « pains de garde », et tout le plaisir que leur vieillissement peut procurer.

La qualité des produits et du service, c’est un peu le cheval de bataille du painrisien, mon truc à moi, ce pour quoi je me « bats » tous les jours en visitant les boulangeries et boutiques parisiennes. Nous entretenons avant tout une relation entre humains et je pense que la meilleure façon d’exprimer le respect que l’on peut avoir pour l’autre, c’est de le servir du mieux que l’on puisse, avec des produits « honnêtes », c’est à dire en phase avec ce qu’il est en droit d’attendre de l’entreprise. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas, et cette culture du service n’est pas vraiment une des bases du commerce en France.

J’écris tout cela car je souriais un peu à la lecture d’un écriteau chez Starbucks. Il détaille en effet des engagements de l’enseigne en faveur de sa clientèle, et cela rentre visiblement dans le cadre d’un programme plus global visant à « réhabiliter » l’image que peuvent avoir les parisiens de l' »expérience » client offerte par l’entreprise. Identification des équipiers au travers de l’affichage de leurs prénoms, choix plus poussé sur les types de café, ré-affirmation de l’engagement de refaire la boisson si elle n’est pas satisfaisante… Un ensemble de mesures qui peuvent, pour certaines, paraître tenir du détail mais qui ont un sens.

Le détail, c’est sûrement ça, la clé de la qualité. Nous manquons de goût pour ce petit rien, ce petit supplément qui fera la différence entre deux boutiques, entre deux personnes, entre deux produits d’apparence identique… Cet élément aura tendance à demeurer dans les mémoires de façon beaucoup plus marquée que le reste de la prestation. Un sourire, une attention particulière, un mot, une finition sur un pain ou une pâtisserie, les exemples sont variés et il me paraît aujourd’hui essentiel de sensibiliser l’ensemble des personnels autour de cette notion. Cela est tout aussi valable en boulangerie, où le détail n’est pas souvent ce qui va être cultivé et respecté. Une pâtisserie saisie à pleines mains sans aucune forme de protection, une vitrine en désordre, présentant un ou plusieurs produits abimés, des pains entassés sans considération pour le produit et le temps passé à sa réalisation… Autant d’exemples qui sont malheureusement monnaie courante au cours de mes visites, et que je ne peux que regretter – aussi bien pour l’artisan, qui exerce un travail éprouvant, que pour ses clients.

Bien sûr, on ne peut prétendre s’intéresser au détail si la base est à revoir. En la matière, le développement des entreprises a tendance à faire que la qualité va en décroissant, car il est toujours plus difficile de la contrôler sur plusieurs points de vente, avec plus de salariés… autant de maillons de la chaine qui peuvent défaillir. Face à cela, des programmes tels que celui mis en place chez Starbucks peuvent tenter de redresser la barre. On peut choisir de communiquer dessus, mais je pense que la démarche est beaucoup plus sincère quand elle est réalisée au quotidien, sans plus de publicité. Ainsi, il est possible d’agir sur les matières premières : en boulangerie, la qualité de la farine importe énormément sur la saveur du pain obtenu. Label Rouge, CRC, Biologique… autant d' »étiquettes » qui se sont développées ces dernières années pour parvenir à proposer au consommateur un pain savoureux et produit à partir de blés respectueux aussi bien de l’environnement que de leur santé. Dans ce mouvement, les meuniers ont un véritable rôle à jouer et ils y vont tous de leur farine « premium » : Reine des Blés chez Bourgeois, Grand Siècle chez les Grands Moulins de Paris, Baguépi Tradition Prestige chez Soufflet, Bagatelle T65 chez les membres du Club le Boulanger (Foricher, Girardeau…)… Reste ensuite le travail de l’artisan et justement son implication dans cette fameuse démarche qualitative. Il faut, pour cela, que certains de nos boulangers sortent un peu de leurs fournils et aillent voir ce qui se fait ailleurs, qu’ils s’ouvrent au reste du monde et prennent conscience de l’intérêt que peut avoir toute cette diversité.

Reste le service et là encore rien n’est simple : il faut trouver du personnel motivé, sensible au produit et parvenir à l’impliquer dans une certaine dynamique, orientée dans le sens de la valorisation du travail artisanal. Il est donc aussi affaire de capacité à transmettre sa passion boulangère, à aller plus loin que son artisanat.

Engagement, exigence, voilà deux mots qui devraient qualifier nos entreprises aujourd’hui. Malheureusement, c’est encore loin d’être le cas…

Un produit n’existe que s’il y a quelqu’un pour le vendre, pour le présenter. Un artisan peut très bien développer un savoir-faire exceptionnel, mais s’il n’est pas en mesure de sortir de l' »abstraction », cela n’a que peu d’intérêt. C’est pourquoi personnels de vente, de création et de production sont profondément liés, même si les relations que ces poles entretiennent ne sont pas toujours excellentes…

La boulangerie, la pâtisserie et plus généralement les métiers artisanaux rencontrent d’importantes difficultés de recrutement, les ressources de qualité se faisant rares sur le marché du travail. Dans le secteur d’activité qui nous intéresse, les raisons sont multiples, mais elles tiennent avant tout à la pénibilité du travail. Cela se vérifie autant au sein du fournil que dans la boutique. Pour les boulangers, les horaires sont difficiles, il faut se lever tôt et accepter le port de lourdes charges. D’autres tâches sont fatigantes et rébarbatives, telles que le façonnage. C’est en cela que des solutions telles que PanovA ou Paneotrad apportent des réponses, en libérant le personnel de cette tâche fastidieuse grâce à la diviseuse et au non-façonnage, en plus de présenter un certain intérêt en terme de flexibilité (cuissons « à la demande », donc peu de pertes et un pain toujours frais).
Il faut réfléchir sérieusement sur cette « crise des vocations » et aller plus loin dans les solutions à développer pour y répondre. En effet, les facteurs tenant à l’aménagement de l’espace de travail sont également à prendre en compte, et nombre de laboratoires ou fournils offrent des conditions plutôt difficiles aux hommes qui y évoluent, en particulier à Paris. Escaliers sinueux, espace restreint, absence de lumière naturelle, … Cela ajoute beaucoup à la pénibilité et peut finir par entamer sérieusement la motivation d’un artisan, ce qui aura un impact direct sur la qualité des produits proposés au final.

Au delà des vocations, il faut aussi regarder la main d’oeuvre disponible sur le marché. Malheureusement, nombre d’ouvriers possèdent certes les qualifications nécessaires pour exercer l’emploi de boulanger ou de pâtissier, mais sont loin de maîtriser pleinement les techniques de panification. Mise en oeuvre et entretien du levain, contrôle des fermentations, gestion des cuissons… Autant de tâches complexes qui nécessitent d’aller plus loin que la formation reçue au sein des diverses écoles de boulangerie-pâtisserie, ce que tous ne souhaitent pas faire. En effet, certains choisissent ce métier par « dépit », en sachant qu’ils seront assurés de trouver du travail, mais n’éprouvant aucune passion pour celui-ci. Or, pour réussir à faire du bon pain, il faut aussi y mettre du coeur… Ceux qui le font ne sont pas si nombreux que cela, et ils ont une fâcheuse tendance à avoir la « bougeotte » : ils cherchent en effet à découvrir d’autres méthodes, d’autres recettes et états d’esprit… et sont ainsi difficiles à fidéliser.

En boutique, même constat. Difficile de garder de bons vendeurs. Ce n’est pas uniquement un problème pour les boulangeries, mais pour l’ensemble du secteur du commerce. Cependant, le problème est amplifié en boulangerie, où les compétences requises pour être un « bon » vendeur sont nombreuses : hygiène, mais aussi maîtrise des modes de fabrication des pains ainsi que de leur saveur au final. Bien sûr, cela vient avec le temps et l’expérience, mais encore faut-il que la personne ait la volonté d’apprendre, qu’elle ne considère pas son travail sous l’angle uniquement alimentaire. Ce n’est pas très fréquent, d’autant que le métier ne bénéficie pas d’une image très positive, souvent considéré comme un métier « en attendant mieux », alors que cela peut être bien plus. A plus forte raison dans une boulangerie, le personnel de vente est un créateur de lien social, il entretient une relation directe avec la clientèle et tient le rôle d’ambassadeur des produits de l’artisan.
Là encore, on peut aussi mettre en avant le caractère difficile du métier, et je suis relativement bien placé pour le savoir puisque j’ai moi même été vendeur dans ce secteur d’activité. Notre rôle, c’est aussi d’être là quand les autres ne travaillent pas. Ce qui a pour conséquence logique d’imposer des horaires parfois matinaux, parfois tardifs, et une présence les week-ends et jours fériés. Difficile de concilier tout ceci avec une vie personnelle.

Tout cela rend le recrutement particulièrement compliqué pour nos artisans, d’autant que les ressources humaines ne sont pas forcément le secteur dans lequel ils sont le plus compétent et le plus à même d’être efficace. Il est alors possible de se faire aider par Pole Emploi ou autres agences privées de recrutement. Pour faire face à des besoins urgents, il est également possible de faire appel à des sociétés telles qu’InterimCo, spécialisées dans le placement de personnels en boulangerie-pâtisserie, aussi bien au fournil qu’en boutique. Difficile de considérer ceci comme une solution à long terme, mais cela a pour mérite de « remplir les trous » avec du personnel d’une certaine qualité.  Là encore, les solutions à mettre en oeuvre pour parvenir à attirer des vendeurs dignes de confiance et sérieux sont à étudier sérieusement, mais il serait nécessaire de redonner à ce métier une image plus valorisante pour ceux qui l’exercent. Comment ne pas être découragé quand on voit dans les yeux de ses interlocuteurs le manque de respect que l’on peut parfois rencontrer ?

Ah, l’humain, toujours l’humain… C’est décidément le sujet clé de la boulangerie-pâtisserie, et je ne vous cache pas que parfois je retournerais bien derrière le comptoir, pour partager directement et au quotidien ma passion pour le produit…

J’ai souvent parlé de l’importance de la farine, des matières premières et des facteurs humains dans la réalisation d’un pain savoureux. Bien entendu, des éléments techniques rentrent aussi en ligne de compte, tels que le four, les pétrins, la configuration du fournil… Cependant, ce ne sont pas les facteurs qui peuvent réellement différencier un boulanger d’un autre, à mon sens. Non, il faut aller plus loin.

Parmi les points auxquels je m’intéresse particulièrement, il y a l’esprit, le personnage. Le pain est également une affaire de culture, d’envie, de goût des autres.
Nos écoles de boulangeries vont former des techniciens. Pour peu qu’ils soient assidus, ils deviendront sans doute de très bon exécutants, parvenant à réaliser sans difficulté des recettes établies dans un fournil. Cette connaissance leur permettra-t-elle de dépasser ce stade, de ‘prendre leur envol’ ? Dans un sens, rien ne les en empêche. Ils peuvent sans difficulté s’installer à leur compte dès lors qu’ils en possèdent les moyens et l’éventuelle assistance financière d’une banque ou d’un meunier. Cela donnera naissance, très souvent, à une boulangerie certes, mais sans ce supplément d’âme, pourtant tellement nécessaire. En effet, la gamme sera généralement calquée sur celle proposée par leur meunier, sans aucune fantaisie ni création. Dès lors, comment se différencier vis à vis de la boutique d’à côté, comment donner envie à la clientèle de consommer du pain ?

Le bon pain se développe au fur et à mesure de la fermentation, et c’est un peu la même chose pour les êtres humains. Ils s’épanouissent au fil de leurs expériences, et la richesse de leur parcours sera pour beaucoup dans la qualité de leur travail. Dans le cas des boulangers, les voyages, le travail dans de nombreux fournils (ayant chacun leurs spécificités, leurs clientèles, leurs méthodes de travail…) seront autant d’opportunités de s’ouvrir et de devenir un boulanger « complet ». En cela, le compagnonnage offre des perspectives intéressantes pour les personnes possédant une certaine soif de découverte, l’envie de se perfectionner chez différents patrons.

Au quotidien, il suffit de se rendre dans quelques unes de ces boulangeries créées par de véritables « têtes » du métier. Comment les reconnaître ? En entrant dans leurs boutiques, on sent immédiatement ce fameux esprit, cette vie. Cela ne tient pas à grand chose, dans l’absolu, mais il suffit de jeter un oeil du côté des produits, de voir qu’ils sortent des standards, qu’il y a quelque chose de plus. Parfois c’est assez frappant, comme chez Gontran Cherrier, où l’on ne peut rater ses buns multicolores, sa baguette à l’encre de seiche et aux graines de nigelle ou bien au curry… Des produits peu communs qui sont l’expression de la démarche gourmande et voyageuse de cet artisan atypique. Dans d’autres cas, cela peut se faire de manière plus subtile.
Comment ne pas citer Jean-Paul Mathon et sa Gambette à Pain, où les produits, d’apparence plutôt classiques, expriment des arômes si particuliers et intéressants ? Bien sûr, d’autres indices chez lui nous mettent sur la voie, comme ces nombreuses illustrations en rapport à Gambetta, ou encore ces références à la farine T80 qui sert de base à nombre de ses produits, et même à ses viennoiseries (qui d’autre que lui pour parvenir à faire cela ?!).

J’en profite également pour parler de ce fameux sac réalisé à partir de sacs de farine usagés, une création originale et tout à fait symbolique de l’état d’esprit de l’artisan, aussi créatif que respectueux de l’environnement qui l’entoure.
Bien sûr, on peut citer également des artisans tels que Dominique Saibron, Franck Debieu ou encore Rodolphe Landemaine, qui sont parvenus à développer leurs univers respectifs au sein de leurs boulangerie, avec le succès que l’on connaît.

Au final, le message que je cherche à véhiculer est de refuser l’uniformité, de chercher à développer la singularité de chacun de nos artisans boulangers. Au delà de cette idée, il y a la notion de partage et de générosité. Certes, un artisan peut exprimer des caractéristiques bien particulières, mais il doit aussi entretenir un état d’esprit d’ouverture et d’écoute sur le monde, sur sa clientèle et sa communauté, en tant qu’acteur de la vie quotidienne et locale. C’est certainement de cette façon que l’on parviendra à redonner ses lettres de noblesse à la boulangerie, et que les consommateurs prendront toujours plus de plaisir à manger du pain. Dans ce fameux pain, ils retrouveront non seulement de quoi nourrir leur corps, mais aussi leur esprit… de quoi les inspirer pour, à leur tour, partager un sourire, une envie, … du pain.

Cela va faire 10 mois. 10 mois que j’ai pris cet engagement un peu fou d’écrire au quotidien sur cet espace. Je dis un peu fou, car cela représentait pour moi un véritable défi : comment m’astreindre à rédiger au moins un billet par jour, ce qui veut dire trouver un sujet, prendre le temps de le développer, souvent de l’illustrer… ? Pas facile, d’autant que la motivation n’est pas toujours là. Pourtant, j’y suis parvenu jusque là.
Je suis devenu, quelque part malgré moi, un « blogueur », c’est du moins ainsi que l’on me reconnaît.

Malgré moi parce que je ne souhaiterais pas céder aux tendances que je lis bien souvent et qui me déplaisent. A commencer par une fâcheuse tendance à l’égocentrisme, à la recherche d’un intérêt personnel et d’une mise en avant de sa propre personne. Contrairement à ce que certains peuvent, ont pu, ou pourront même penser, ce n’est pas le but du painrisien… qui doit devenir plus une « marque » que l’incarnation d’une personne.
Il y a aussi cette course à l’actualité, au sensationnel, à ce qui fait le buzz. J’ai un peu versé de ce côté là et j’en suis revenu. Ce n’est certainement pas là où il y a le plus de bruit que l’on entend les choses les plus sensibles et les plus intéressantes, bien au contraire. On perd l’authenticité qui est particulièrement nécessaire dans des métiers artisanaux tels que ceux dont je traite ici. Il suffit de voir les dérives que peuvent entrainer les coups de projecteur médiatiques : cela n’est certainement pas profitable à la clientèle au quotidien.

Parlons-en, du quotidien, justement. Est-ce vraiment ce qui est le plus abordé dans la blogosphère culinaire ? N’est-il pas préférable de parler de restaurants gastronomiques, de produits inaccessibles, pour faire rêver les gens et ainsi générer du trafic ? Peut-être. Du moins, c’est l’impression que j’ai, au fil de mes lectures. Je vois tellement souvent des billets au sujet de lieux dont les tickets d’entrée me semblent assez ahurissants, à croire que mes camarades blogueurs disposent de moyens conséquents, et qu’ils les emploient entièrement au bénéfice de leur passion. Leur vie doit être brillante, sans doute, mais je doute que leur lectorat puisse partager ce train de vie… et quand bien même, cela serait-il souhaitable ?
Non pas que je veuille tirer sur l’ambulance, mais quand je vois toute la misère et la galère qui existent en ce moment, je me dis qu’il y a certainement mieux à faire que d’aller passer du temps dans des palaces ou des restaurants haut de gamme. Certes, tout cela est bien confortable, mais la réalité, aussi dure soit-elle, est bien plus intéressante… et présente autant d’occasions d’essayer de partager du plaisir avec les autres. Certes, le plaisir est certainement beaucoup moins immédiat, mais il est potentiellement beaucoup plus durable et utile. C’est pour cela que j’ai choisi de m’intéresser au pain, à des produits accessibles au quotidien. Tout simplement pour créer des sourires et du plaisir chez un maximum de personnes, en dehors de toute distinction sociale, financière ou professionnelle.

Tout cela peut paraître idiot et prétentieux. Tant pis, après tout, dès lors que c’est fait avec conviction et honnêteté, cela vaut certainement mieux que toutes ces démarches un peu obscures et discutables… Non, non, je ne suis pas de mauvais esprit. Peut-être un peu, après tout, mais qu’importe ?

Billets d'humeur

06
Fév

2012

Toucher le coeur des gens

2 commentaires

Il paraît que la vie est une affaire de vocations, de rêves, d’aspirations. Pourtant, certains semblent très bien s’en passer et avancent ainsi, sans vraiment s’en préoccuper. Pour ma part, cela a toujours été quelque chose d’important, peut-être un peu trop, d’ailleurs. Quand vous en manquez, c’est un facteur de gêne dans l’action et ça n’est pas toujours facile ni agréable.

Malgré tout, une ligne de conduite subsiste pour moi, une envie, un objectif. Je ne souhaite pas que me contenter d’écrire quelques mots chaque jour, réaliser un travail froid et méthodique, non, l’objectif est de faire bien plus, d’atteindre le domaine du sensible. Toucher le coeur des gens, dans ce que cela peut avoir de beau et de simple. Simple, pas tant que ça, en réalité. Quand on adopte cette démarche, il est impossible de ne pas se tromper, parfois, de faire des erreurs ou alors de toucher… mais certainement pas comme on le souhaiterait. Cela m’est arrivé, et même si j’ai appris, tiré des leçons, cela se reproduira sans doute. Dans un sens, seul celui qui n’agit pas ne commet pas d’erreur… bien que l’erreur soit déjà dans le fait même de l’inaction.

Ce n’est pas anodin, c’est beau et y parvenir au quotidien n’est pas chose aisée. Pourtant, nombre de nos artisans boulangers et pâtissiers s’y attellent et réussissent souvent, en créant du plaisir au sein de leur clientèle. Quoi de plus merveilleux que de voir le sourire d’un enfant ayant dégusté un produit créé de ses mains, ou même d’une personne plus âgée (le combat est d’autant plus rude qu’avec l’âge nous avons tendance à devenir difficiles !) ?
Des scènes ordinaires, pas de cérémonie. On devrait vivre les choses ainsi, dans la simplicité, l’honnêteté et la sincérité. Je dois être un peu idéaliste, candide, mais je préfère voir la vie de cette façon, garder un peu d’espoir que ce soit possible.
Possible, oui, ça l’est. Du moins, c’est ce que je crois entrevoir quand je lis ou rencontre des personnes qui me remercient pour un article, pour avoir partagé quelques impressions et leur avoir permis, à leur tour, de prendre du plaisir. Ma seule réponse pourrait être qu’il est inutile de me remercier, car ce n’est pas de moi qu’il est question, mais bien des autres, de toute cette activité dont on parle trop peu, de ces orfèvres presque cachés dans leur fournil. C’est mon engagement quotidien depuis plus de neuf mois, et la seule raison qui me pousse à continuer les jours où le découragement me gagne…

Toucher et inspirer. Tout le monde a besoin d’inspiration pour avancer, pour créer à son tour. Comment inspirer avec… du pain ? C’est pourtant évident. Ce produit simple, quotidien, peut nous raconter de superbes histoires, nous faire voyager, découvrir d’autres horizons, autant de perspectives qui représentent des invitations à la création.

J’aimerais bien être touché, inspiré, à mon tour. J’avoue ne pas toujours l’être. Peu importe, après tout. L’abnégation m’accompagne jour après jour.
Je n’écris pas tout cela pour me justifier de quelque façon que ce soit. Non, je voudrais juste vous inviter au partage , à vous aussi tenter de « rejoindre le mouvement » et d’une certaine façon à changer bêtement le monde. Allons nous promener ensemble sur ces chemins où les mots respect et amitié ont du sens, laissons nos sensibilités s’exprimer sans se heurter… Tout cela encore et toujours autour du pain, cet aliment qui nous anime.

Tout n’est pas rose dans les instances de la Boulangerie-Pâtisserie, loin de là. Sa confédération nationale, présidée depuis plus de 10 ans par Jean-Pierre Crouzet – 67 ans ! -, connaît certains « remous » dans son fonctionnement.
Ainsi, Amandio Pimenta, Président départemental de l’Allier et Président régional de l’Auvergne, a vu sa mission d’administrateur suspendue à la suite d’un vote où sa région n’a pas participé, ce qui a permis d’obtenir d’une unanimité assez honteuse.

Il ne semble pas bon de défendre une ligne de conduite allant à l’encontre des aspirations de ce président, dont la vision de la Boulangerie semble être plutôt dépassée. Parmi les dernières actions de cette fameuse confédération, on pourra citer la développement d’une nouvelle identité visuelle, que bien peu de boulangers semblent prêts à adopter… et pour cause, elle n’apporte définitivement rien de neuf et est, à mon goût, plutôt grotesque. On peut également citer la mise en place d’une mutuelle professionnelle, affiliée à l’organisme AG2R Isica … dont le même Jean-Pierre Crouzet est président. Il y a de quoi rester sans voix face à de tels conflits d’intérêt, d’autant que cet homme semble avoir pour habitude de cumuler responsabilités et mandats, au point que leur nombre dépasse celui des jours de la semaine. Dès lors, il semble bien difficile d’accorder à chacun l’attention nécessaire au suivi des dossiers.

Non pas que je porte une vision particulièrement négative sur nos ainés, mais je pense qu’il serait nécessaire que la confédération soit dotée d’une direction dynamique et entreprenante, car ce métier doit faire face à de nombreux enjeux capitaux pour son avenir : concurrence des industriels et de la grande distribution, questionnement sur la matière première et la qualité des blés, évolution de la qualité des pains, notamment vis à vis de l’incorporation d’additifs… Les sujets ne manquent pas, et ils ne peuvent être traités de façon cohérente et entière que si la profession toute entière parvient à faire corps pour avancer dans la bonne direction. Or, il serait bien difficile aujourd’hui de donner envie aux artisans boulangers de rejoindre cette confédération…

Amandio Pimenta, un artisan Meilleur Ouvrier de France, reconnu et passionné, exerçant ce métier depuis plus de 30 ans, exprime bien tout ce mal-être et ces difficultés dans une lettre ouverte publiée il y a quelques jours, que je mets à votre disposition à la fin de ce billet.
Il met notamment en avant l’action passée de certains présidents de la confédération, qui ont abouti à de belles avancées en leur temps. Comment ne pas parler du décret pain, de l’appellation « tradition française », qui ont permis de marquer un retour vers un bel artisanat boulanger ?
Aujourd’hui, cet organisme pourrait bien n’exister que pour lui-même s’il continue à être autant en décalage avec le quotidien des artisans oeuvrant dans leurs fournils. C’est un véritable danger, car qui d’autre pourrait faire « poids » et avoir une influence sur les décisions que peuvent prendre nos politiques ?

En cette année de présidentielles, le sujet est à prendre très au sérieux, et les candidats à l’élections devraient être sensibilisés au péril quotidien auquel sont exposés nos boulangers. Entre loyers, coûts de main d’oeuvre, augmentation du prix des matières premières… il est bien difficile de faire face à la concurrence déployée par de grandes entreprises, qui sont à même de réaliser des économies d’échelle et à amortir le coût de leurs outils de production. C’est bien ça la grande différence entre un artisan et un industriel : tandis que le premier oeuvre chaque jour de ses mains, créé à partir de son savoir-faire – ce qui ne pourra jamais être amorti sur le plan comptable -, le second se contente d’actionner des machines bien tangibles et matérielles, dont l’acquisition aura représenté un investissement pouvant être réparti dans le temps.
La boulangerie est profondément ancrée dans notre culture, et elle doit être défendue avec ardeur. Ce n’est pas possible dès lors que nous avons du temps à perdre dans de telles querelles, qui sont uniquement destructrices.

On retrouve là encore des questions de valeurs humaines, que certains semblent avoir perdu. Partage, écoute, sens de l’autre… Tout cela fait partie intégrante du pain, et ceux qui ne se sentent pas concernés par de tels mots ne devraient rien avoir à faire dans son quotidien et son avenir. Il n’est pas question d’intérêts personnels, mais bien du collectif, car cet aliment est d’une importance capitale. C’est ce que j’essaie de défendre ici au quotidien. Non seulement vecteur de plaisir simple et accessible (quoi de mieux que du bon pain sur une table ?), il participe également à l’équilibre nutritionnel de chacun… d’où la notion de « pain santé ». Pas sûr que ces fameux produits issus de l’industrie et vendus sous la même appellation soient tout aussi sains et bénéfiques à l’organisme, ne serait-ce que lorsqu’on lit la composition de ceux-ci et la profonde obscurité sur la qualité des farines, et plus généralement des matières premières.

Dans tous les cas, je ne peux que saluer l’initiative de cet homme, qui met là en avant des points cruciaux auxquels nous devons nous intéresser avec sérieux et implication. Cette démarche doit aussi impliquer les consommateurs que nous sommes, puisque c’est grâce à nous que les artisans peuvent continuer à exercer leur profession. D’où l’importance d’une information pertinente et objective…

Télécharger la lettre ouverte d’Amandio Pimenta et consulter le sujet dédié sur le forum du site Boulangerie.net

Tout artisan doit être en mesure de dépasser le savoir-faire pour entrer dans le domaine du faire-savoir. En effet, même s’il est capable de réaliser des produits merveilleux, s’il ne parvient pas à les proposer au « monde », cela n’a pas grand intérêt… Pire encore, tout ce qu’il créé n’existe en fait pas, puisque personne n’en a connaissance.

Ce constat est le même dans le cas de la boulangerie. Si un boulanger est capable de faire le meilleur pain du monde mais ne sait pas le vendre, cela n’a pas de sens. C’est pour cela qu’il doit s’entourer de personnes en mesure de défendre ce produit et à le valoriser. Rien d’évident là dedans, puisque le pain demeure quelque chose de complexe, qui doit faire l’objet d’une attention toute particulière pour en maîtriser les différents aspects et ainsi renseigner au mieux la clientèle.
Travail sur levure, levain, types de farine, accords pain/mets, conservation, … autant de sujets sur lesquels il est important de former l’équipe de vente, et de l’impliquer dans une véritable démarche active, leur permettant de comprendre ce qu’ils ont entre les mains et les enjeux que cela peut avoir. Le pain n’est pas une marchandise comme les autres, et j’ai souvent l’occasion de le souligner ici : beaucoup de vendeurs/vendeuses pourraient sans difficulté vendre des produits tout à fait différents. Cela manque de passion et de curiosité.

Bien sûr, il est difficile de ne recruter que des personnes ayant déjà un goût prononcé pour le pain et cet univers. Je reste cependant convaincu qu’il est possible de les y « faire pénétrer » en les formant de façon adéquate. Pour cela, divers moyens existent. On peut faire le choix d’assurer la formation par soi-même, en essayant de transmettre la passion du produit. C’est sans doute ce qui est le plus important pour parvenir à faire consommer plus de pain au grand public : il est nécessaire de lui donner envie, et pour cela, le service joue un rôle essentiel. Si le client ne se sent pas à l’aise chez son boulanger, qu’il note un manque de considération de la part du personnel, cela ne présage rien de bon pour ses relations futures avec la boutique, car il aura rapidement tendance à aller voir ailleurs. Le conseil est aussi la clé de la réussite. En matière de consommation de pain, les habitudes sont très différentes d’un foyer à l’autre, et c’est pour cela qu’il faut s’adapter aux besoins de chacun.

La formation peut aussi être réalisée par des entreprises extérieures, et les meuniers ont bien intégré ceci. Je vous parlais des efforts mis en oeuvre par Foricher pour valoriser sa démarche auprès du personnel de leurs clients boulangers, ce cas est loin d’être isolé et chacun des acteurs du secteur (Festival des Pains, Banette, Ronde des Pains, …) tentent de développer des argumentaires pour développer les ventes. Forcément, tout cela est à leur avantage : si le boulanger écoule plus de pain, il aura un besoin en farine plus important… ce qui représente pour eux autant de chiffre supplémentaire. Parmi les pistes explorées, j’ai noté une approche autour de l’univers sensoriel du pain : odorat, goût, toucher… Il ne faut pas se limiter à une vision « technique » du produit, mais bien l’appréhender dans son caractère vivant et singulier.

Le métier de vendeur en boulangerie peut parfois être pénible, usant, décourageant… A cela plusieurs raisons : tout d’abord le caractère physique de cette activité (on est sans cesse debout, à manipuler des charges plus ou moins lourdes), mais aussi la difficulté de servir une clientèle ayant des attentes bien précises dès lors qu’elle entre chez son boulanger : généralement, c’est avant tout de l’efficacité et un temps d’attente limité. Qui voudrait attendre un quart d’heure pour acheter sa baguette ? C’est là aussi que la formation intervient, en apportant un « support » et des méthodes pour accélérer le service.

La formation, c’est donc quelque chose d’important en boulangerie, sans aucun doute. Reste cependant un autre point sur lequel beaucoup échouent encore à mon sens : il faut que les employés sentent qu’ils font réellement partie d’un projet, et qu’ils sont reconnus à ce titre. Le pain, c’est une aventure humaine… qui se vit au quotidien. Dans mes visites, ce n’est pas souvent le ressenti que je peux avoir. En vendre se limite souvent au travail « alimentaire », si l’on peut dire, et cela m’attriste… il y aurait tellement plus à partager !

 

Chaque nouvelle année apporte son lot de bonnes résolutions. Vous savez, ces décisions que l’on prend pour « être meilleur » et qui ne durent généralement que quelques jours. Au delà des individus, les entreprises peuvent ou pourraient aussi en prendre, dans leur propre intérêt ou celui de leurs clients. Dans le cas des boulangeries, cela peut se concrétiser par un changement de meunier, de recettes ou même de personnel, en vue d’améliorer la qualité de production.

Une boulangerie vend bien sûr du pain, mais aussi beaucoup de viennoiseries. Croissants, pains au chocolat, chaussons aux pommes, autant d’assemblages de pâte feuilletée et de divers ingrédients, créés spécialement pour des instants de gourmandise simples et craquants… Le problème, c’est que ces produits sont compliqués à fabriquer. Le tourage n’est pas un art facile à maîtriser, et il est difficile de trouver des artisans le maîtrisant à la perfection. De plus, pour une petite structure telle qu’une entreprise de quartier, il est difficile de dédier une ressource à la réalisation des viennoiseries, car cela présente un coût non négligeable… qui n’est pas toujours justifié par le volume des ventes.

Dernièrement, ce sujet a créé quelques remous dans l’opinion, notamment autour des galettes des rois, souvent issues de l’industrie, y compris chez nos artisans boulangers. Il en est malheureusement de même pour les viennoiseries. Cependant, j’observe depuis quelques temps une vraie tendance portant vers la mise en avant du « fait maison », et je trouve que cela s’intensifie en ce début d’année 2012.
Banette avait déjà tenté, de façon discrète, l’initiative au travers d’un dispositif de communication mis en place au sein de quelques artisans de leur réseau. Des stickers « ici, les croissants sont faits maison – recette premium bannette – (et c’est là toute la différence) » avaient été apposés depuis 2008 chez des boulangers soucieux de mettre en avant leur engagement, et de se différencier nettement de ceux chez qui les viennoiseries étaient reçues surgelées. Un dossier de presse édité à l’époque décrit plus en détails la démarche et la défend plutôt bien par ailleurs. Cela ne semble pas pour autant avoir suscité un grand enthousiasme dans la profession, puisque je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer régulièrement des mentions à ce dispositif…

Plus récemment, ma visite au moulin des Gaults me rappelait le fort engagement de Foricher au côté du Club le Boulanger sur ce terrain, comme mis en avant sur leur site internet. Ici, la démarche est encore plus qualitative puisqu’elle s’appuie sur une farine Label Rouge, répondant donc à un cahier des charges précis et garantissant au consommateur l’utilisation d’une matière première particulièrement noble et qualitative.

Enfin, et c’est la dernière initiative mise en oeuvre par un meunier que j’ai pu noter sur le terrain, les moulins Fouché ont à leur tour développé un dispositif d’affichage et de mise en avant de la Viennoiserie Maison à destination de leurs clients. Cela passe notamment par des petits cartons distribués en boulangerie et expliquant la démarche mise en oeuvre par leur artisan boulanger, et quels sont les apports au quotidien. L’idée est plutôt pertinente car cela marque l’esprit du consommateur au delà du sac fourni avec le produit : le leaflet reste, l’emballage part.

Pourquoi est-ce que cela ne se généralise pas ? Tout simplement car les enjeux financiers sont importants. Certains meuniers continuent de vouloir proposer de la viennoiserie surgelée, et les fournisseurs tels que Coup de Pâte n’ont aucun intérêt à ce que les habitudes changent, bien au contraire. Ils tentent donc de faire pencher la balance en leur valeur, même si c’est au détriment de l’image générale de la profession et de la clientèle. Certes, il existe des croissants surgelés « haut de gamme », mais n’est-ce pas dommage ? N’y a-t-il pas tromperie ?
Ce n’est pas le sujet. L’important, c’est que l’opinion publique soit mieux informée et que les mentalités évoluent. L’année 2012 pourrait donc être celle de la Viennoiserie Maison, même si beaucoup de chemin reste à parcourir, et qu’il faudrait que nos politiques commencent à s’en mêler en imposant un affichage précis en boutique. Je ne suis pas certain que l’idée trouve beaucoup d’écho, notamment pour les raisons citées ci-dessus.

Certaines pratiques passent mal auprès du grand public si elles ne sont pas expliquées comme elles doivent l’être. En effet, la technologie a apporté son lot de dérives, mais elle a aussi permis de rendre le travail de l’artisan moins difficile et plus rationnel. C’est pourquoi il faut accepter certaines pratiques, qui ne nuisent pas à la qualité du produit – au contraire, au final, puisqu’elles limitent les risques d’écarts dans la qualité de production.

Hier, Bruno Verjus sur son blog Food Intelligence fustigeait les artisans faisant le choix de surgeler leurs galettes des rois. Le débat qui s’en est suivi dans les commentaires parvient à remettre les choses en perspective : cela permet en effet aux boulangers et patissiers de ne pas avoir plusieurs centaines de galettes à réaliser sur quelques jours, ce que la plupart n’ont pas les moyens humains et financiers de faire. Certes, un petit nombre peut se le permettre, mais le produit est -généralement- bien plus cher, ce qui est à remettre en balance avec la différence sur le plan de la qualité. Ce qui est anormal, c’est de proposer sous l’étendard de l’artisanal des produits issus de l’industrie, comme beaucoup trop de boutiques le font à présent. Le consommateur est trompé, à l’inverse du premier cas.

Je ne suis pas pour autant adepte de la surgélation à outrance, à commencer pour le pain pour lequel ce processus n’a rien de positif. Egalement, cela ne doit pas permettre de proposer toute l’année des tartes aux fruits hors-saison, ce qui n’est pas souhaitable : il est toujours préférable de respecter la beauté des cycles naturels. Nous devons en rester dépendants.

Au final, il s’agit d’éviter des chasses aux sorcières qui ne profitent pas vraiment aux consommateurs et relancent encore et toujours la méfiance de l’opinion vis à vis du travail réalisé par de vrais artisans honnêtes. L’idéal serait de mettre en place une réglementation contraignant un affichage si les produits ne sont pas « faits maison », un peu à l’image de l’appellation de baguette de tradition qui ne peut être apposée que sur des pains réalisés à partir de farine, d’eau, de sel, de levain et/ou de levure, tout cela sans additif et en excluant tout processus de surgélation.
Nous en sommes bien loin pour l’ensemble des autres produits proposés au sein d’une boulangerie, et cela ne semble pas beaucoup émouvoir les pouvoirs publics, qui n’accordent pas beaucoup d’attention à l’univers de la farine et des gourmandises. Il y a beaucoup à faire, et le sujet est complexe, pourtant, il serait temps de s’en saisir.