Dans le monde de communication et d’apparence où nous vivons, la publicité est partout. Comprenez bien que la réalité de ce que nombre d’entreprises ont à nous vendre n’a rien de bien éthique, sain, naturel ou même digne d’intérêt. Pourtant, en utilisant nombre de biais cognitifs -à commencer par la répétition, qui finit par faire entrer un message dans les esprits quand bien même ce dernier serait indésirable-, on parvient à faire penser le contraire et à susciter l’adhésion ou des actes d’achat. Les supports de communication « traditionnels » restent bien sûr prédominants, à l’image des bannières, encarts et autres panneaux. Il faut cependant compter sur de nouveaux moyens, souvent plus insidieux, pour diffuser des messages publicitaires… et c’est ce qui fait le lit des fameux « influenceurs », lesquels parviennent à humaniser et incarner le sujet, le rendant ainsi plus audible auprès de leur communauté. Au delà du débat de la durabilité ou non de telles stratégies promotionnelles, cela nous met face à l’échec des méthodes de communication « de masse » adoptées précédemment pour faire l’article des biens de consommation. C’est tout aussi vrai en boulangerie, et cela explique en partie l’inexorable chute des réseaux et autres marques nationales.
Certains l’ont compris bien et ont très tôt capitalisé sur leur identité pour se développer. C’est le cas du couple Feuillette, qui a bâti le succès de son enseigne sur son univers cosy, les véritables photos de famille, la cheminée et autres éléments destinés à convaincre le consommateur de l’authenticité des produits et plus globalement de l’entreprise. J’avais eu l’occasion d’évoquer dans ces lignes le sujet de cette enseigne il y a déjà 6 ans, en mai 2015. Son développement n’a cessé depuis lors, porté à la fois par des implantations en propre et en franchise. Le concept s’est affiné, et même si la ligne directrice n’a que peu varié, le succès rencontré par la marque est indéniable et démontre un véritable savoir-faire autant qu’une capacité à séduire partenaires -issus d’horizons variés- et clients.
Déjà passé sous les caméras du groupe M6 pour l’émission La Meilleure Boulangerie de France, le couple Feuillette a renouvelé l’expérience dans un registre différent : il s’agissait pour eux d’être infiltrés dans leurs propres équipes et celles de leurs franchisés pour le programme « Patron Incognito », diffusé le 31 mai 2021. On pourrait discuter longtemps de l’intérêt de ce format, mais ce n’est pas vraiment le sujet que je souhaitais aborder aujourd’hui. Tout d’abord, je trouve gênant que ces entrepreneurs soient invités pendant plus d’1h30 pour faire ainsi la promotion de leur enseigne, mais ce n’est qu’un avis personnel. En revanche, on peut s’attarder un peu plus sur les éléments de langage et la position du couple au sein d’une structure toujours plus tentaculaire : elle a atteint il y a quelques jours les 39 boutiques, avec un objectif à 100 d’ici 5 ans.
Laure et Jean-François Feuillette tiennent à faire vivre une histoire selon laquelle leur passé de pâtissiers et le fait qu’ils aient été installés dans une petite affaire les rend légitimes en tant que véritables artisans, attachés à la qualité des produits et à la transmission du savoir-faire. Leur développement et l’identité actuelle de leur entreprise montre bien que la réalité n’est pas exactement aussi simple : il y a nécessairement eu une évolution et leur métier a changé. Les différentes scènes nous prouvent bien que les dirigeants ne sont plus au fait du quotidien des équipes : de la découverte de la pénibilité de certaines tâches ou de méthodes d’organisation ne permettant pas d’aboutir à un produit de qualité optimale, on comprend vite d’un fossé s’est creusé entre les boutiques, de plus en plus franchisées par ailleurs, et le siège. Cela explique d’ailleurs pourquoi les salariés ont pu être piégés : ils n’avaient, pour certains, tout simplement aucune idée de qui sont les deux fondateurs de l’enseigne. Si j’avais un seul conseil à leur donner, ce serait de mieux faire vivre leur histoire, d’inclure dans la formation des nouvelles recrues des éléments leur permettant de s’imprégner de l’identité de l’entreprise et de ses « valeurs », à commencer donc par l’identité de ses illustres créateurs. Ce sont eux qui font vivre la marque et en sont les meilleurs ambassadeurs. Au final, on se rend bien compte que l’histoire vendue aux clients n’est pas celle vécue en interne.
On peut aussi remarquer qu’il existe aussi des anomalies, lesquelles échappent visiblement aux contrôles internes… à l’image du choix des matières premières, visiblement remanié par le franchisé angevin, preuve supplémentaire que la franchise en boulangerie n’a rien d’une sinécure, à plus forte raison quand de nombreux produits sont fabriqués, transformés ou finis sur site. Espérons pour eux que les « trous dans la raquette » ainsi identifiés seront rapidement corrigés.
Tout ça pourrait sembler sans grande importance si leurs méthodes n’avaient d’impact que sur le seul fonctionnement de leur entreprise. Il n’en est rien : malgré tout l’intérêt exprimé par Laure Feuillette pour le métier de boulanger et l’indication selon laquelle « le recrutement des boulangers était devenu une priorité », leur vision de cette noble profession n’est orientée qu’autour des volumes et du profit. J’en veux pour criant témoignage la situation du jeune boulanger angevin qui n’avait d’autre choix que de rogner sur des étapes de la fabrication et passer son temps à courir pour répondre aux exigences de l’enseigne en terme de productivité et d’horaires d’ouverture. Est-ce que cette approche est durable, ne conduit-elle pas à un épuisement de notre ressource la plus précieuse, en l’occurence l’humain, et à long terme des ré-orientations vers d’autres activités ? Les apprentis et salariés passant par ce type d’entreprise sont durablement affectés par les méthodes qui y ont court, à la fois par la faiblesse du savoir-faire métier et la pression constante. Il me semble que nous devrions donner d’autres perspectives à ceux qui s’orientent vers la boulangerie, et ainsi cesser de dresser ce type d’entrepreneur comme des exemples de réussite. Je vois de nombreux artisans qui sont admiratifs de la réussite du couple Feuillette, et j’aimerais simplement leur dire qu’il n’y a rien de honteux que de créer une petite entreprise, si cette dernière crée du sens et de la valeur durable. Je respecte ces entrepreneurs, mais je ne les admire pas.
M6 et leurs champions de la boulangerie n’ont en tout cas pas fini de nous faire rêver : non content d’avoir eu son émission dédiée, Jean-François Feuillette sera cette semaine sur l’antenne pour la finale du programme « Mon gâteau est le meilleur du France », à l’issue duquel il commercialisera la création du vainqueur. Autant dire que l’on n’a pas fini de se régaler… au propre comme au figuré.
On peut s’amuser du temps et des efforts que nous consacrons à bâtir des murs, clôtures et autres édifices destinés à protéger ce et ceux qui nous est cher, qu’il s’agisse de valeurs, d’objets ou d’individus. On peut s’en amuser parce que dans le même temps notre nature nous pousser à chercher les moyens de les détruire, ou plus discrètement de les contourner. Cela peut s’aborder de différentes façons, comme si le défi nous stimulait, ou que le sentiment de transgression avait une valeur particulière pour pimenter un quotidien parfois morose, parfois trop simple pour d’autres. Les raisons peuvent aussi être purement centrées sur l’argent, l’image et le pouvoir, qui demeurent les leviers les plus puissants pour inciter des individus à agir.
Cependant, il faut distinguer les différents types de certification et les cahiers des charges qui y sont associés : on peut ainsi obtenir le Label Rouge sur une matière première ou un produit transformé. Pour y parvenir, il faut non seulement suivre les préconisations spécifiques à chaque filière, mais également adhérer à l’Organisme de Gestion (ODG) reconnu par l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité), lequel se charge de rédiger et maintenir le cahier des charges, choisit l’organisme certificateur et de contrôle, etc… en bref, régit la vie de la démarche. Sur le sujet qui nous intéresse, il existe cinq types de farines Label Rouge. Trois sont rattachées au PAQ (Produits Alimentaires de Qualité) : la Tradition T65, la Meule T80 et la Farine panifiable pour pain courant. Une autre se rapporte à la Farine de froment et réunit une coopérative, plusieurs meuniers, agriculteurs et boulangers dans une association nommée « Blé, farine et pain de qualité ». Enfin, la dernière aurait sans doute été la plus intéressante pour nos amis adeptes des pains moelleux, lesquels nécessitent l’emploi d’une base riche en gluten : la farine de gruau T45 (donc une farine dite « de force ») appartenant à l’ODG Club le Boulanger, notamment connu pour sa baguette de Tradition Label Rouge Bagatelle. Seulement, hors de question pour cette tribu d’irréductibles gaulois (nous n’en sommes pas bien loin, en définitive, au delà du trait d’humour) de laisser entrer un acteur tel que McDonald’s dans la démarche.
Dès lors, puisqu’il était impossible de rentrer par la porte, la multinationale a du rentrer par la fenêtre. Quand bien même la hauteur de cette dernière pouvait paraître élevée, aucun obstacle n’est insurmontable, surtout si l’on bénéficie du soutien de quelques partenaires bien intentionnés… qui portent trois noms bien connus, à savoir Grands Moulins de Paris, Moulins Soufflet et Moulins Advens (ex-Grands Moulins de Strasbourg). A défaut de pouvoir produire une farine Label Rouge de type 45, ils ont trouvé la faille dans le référentiel de la Tradition T65 : pour rentrer rapidement dans les détails techniques, celui-ci impose un taux de protéines supérieur à 11,5% sur la farine obtenue… mais ne définit pas de maximum, tout comme elle n’exclut pas l’usage exclusif de blés de force au taux de protéines supérieur à 14%.
Au final, ce pool de trois meuniers va écraser un produit sur mesure avec 15% de protéines, sous l’appellation de Farine de Tradition française… alors même que nous en sommes bien loin, et que je vous laisse imaginer la durée de vie et l’élasticité d’une pâte de baguettes classique pétrie avec une telle matière première… pourtant, preuve que le ridicule ne tue pas, une charmante responsable des Relations Extérieures d’un grand groupe coopératif se vantait de l’aspect irréprochable de baguettes obtenues lors d’essais, sans préciser si elle avait pu faire un noeud avec au bout de deux heures. Les plus belles histoires restent parfois inachevées.
Bien sûr, tout cela pourrait paraître anecdotique, or c’est tout sauf le cas. Cette dérive nous met en face une vérité : ces référentiels de qualité sont faillibles, et les grands professionnels des référentiels que sont les industriels n’ont aucune difficulté à les utiliser à leur seul avantage, en les vidant allègrement de leur substance. Passé ce constat, il faut intégrer le fait que 20% de la production de farines Label Rouge sera à présent destinée à la fabrication des buns Bimbo QSR-McDonald’s… et que ce dernier ne se privera pas pour mettre en avant le logo associé dans sa communication. Dès lors, les meuniers et boulangers ayant basé leur stratégie de différenciation et de qualité sur ce label seront, aux yeux des consommateurs, placés au même niveau que ces produits industriels. J’avais déjà exprimé mes doutes lors de la sortie de la McBaguette, qui était un produit à impact limité. La charge est aujourd’hui bien plus violente, et emporte avec elle autant les farines que la « seule baguette de Tradition Label Rouge », les béotiens étant bien en peine de faire la différence entre les niveaux de certification.
Nous, acteurs de la filière blé-farine-pain, avons la responsabilité de passer à autre chose, de nous saisir d’une page blanche et d’écrire des logiques empreintes d’éthique, de valeurs et de bon sens, avec une vision portée de la fourche au fournil… pour garantir un produit sain, aussi bien par les efforts engagés lors de la production de la matière première que de la transformation finale. Renonçons à ces fragiles étiquettes et bâtissons une boulangerie libre et vivante… sinon nous aurons de quoi voir rouge d’ici quelques années, sans qu’il soit question d’un quelconque label.
Les belles idées ne sont pas éternelles, quand bien même elles bénéficient d’une naissance sous les meilleures étoiles et présages. Si leur vie dépend de leur environnement, elle est avant tout façonnée par ceux qui les entretiennent… et en la matière, la transmission demeure éminemment difficile, quand bien même les initiateurs possédaient force et charisme. Au fil du temps, l’ensemble peut se diluer au point de devenir pâle voire invisible, ou au contraire voir ses couleurs être poussées à l’extrême, sans que cela n’ait aucun sens ni pertinence. Je crois que les visionnaires ne courent pas les rues, et qu’ils laissent trop souvent derrière eux une oeuvre inachevée, sans doute par l’avance qu’ils possédaient sur leur temps, mais aussi leur incapacité chronique à laisser un mode d’emploi lisible pour tracer la suite du chemin.
En la matière, on peut aisément dire que certains se sont perdus en route, emmenant avec eux une partie de la filière blé-farine-pain. Ainsi, la démarche CRC (Culture Raisonnée Contrôlée) a fait le choix d’une trajectoire visant à la propulser plus près des étoiles, comme si elle devait briller aux yeux de tous, à commencer par ceux des consommateurs. Cette volonté ne date pas d’hier, mais elle s’est amplifiée depuis l’arrivée du directeur général Marc Bonnet, succédant à Fouzia Smouhi. Elle avait tenté d’imposer la signature « le blé de nos campagnes », laquelle n’avait trouvé aucun écho ni adhésion au sein de son écosystème, forçant la structure à rétropédaler pour retrouver sa dénomination initiale dans l’ensemble de sa communication. Dans le même temps, la Filière CRC a considérablement fait évoluer son organigramme, multipliant les embauches et les prises de paroles publiques, à la fois dans des médias digitaux et plus traditionnels. L’objectif est clair : s’imposer comme un label de qualité reconnu, au même titre que pourrait l’être le Label Rouge et autres marques désormais célèbres… sans jamais pouvoir profiter de leur exposition, la démarche étant de par sa naissance limitée aux seules céréales.
Dès lors, les options pour parvenir à cet objectif ne sont pas légion. La surenchère et l’excès font en font partie, et c’est précisément ainsi que je qualifierais la façon d’agir du GIE (Groupement d’Intérêt Economique, ndlr) ces derniers mois. Cela se retrouve sur plusieurs sujets. Il y a bien sûr le nombre d’adhérents sans cesse croissant, avec la plupart des meuniers français intégrés dans la filière, mais aussi des industriels, chaines de boulangerie et distributeurs. Bien sûr, cela contribue à rendre la démarche visible, car représentée au travers de nombreux produits, qu’ils soient des farines ou des pains, viennoiseries ou autres douceurs. Cette omniprésence ne permet plus de faire de l’affiliation au CRC un élément de différenciation, comme ce fut le cas auparavant. Dès lors, il me semble inutile voire contre-productif pour un artisan de mettre en avant le logo ou tout autre élément de communication associé à l’entité… au risque de participer à jouer de jeu de l’industrie et autres gros faiseurs, qui sont les premiers à utiliser de tels symboles pour améliorer leur image.
Pourtant, les grands penseurs de la Filière ont développé la lumineuse idée d’engager les boulangers à se placer sous l’étiquette du CRC… sans mobiliser pour autant les moyens qui permettraient de garantir au consommateur un parfait respect de l’approvisionnement en farines issues de grains cultivés dans le respect du cahier des charges de la démarche. En réalité, les meuniers seraient chargés de faire signer à leurs clients un document selon lesquels ils s’engageraient à être de véritables « boulangers CRC » (par une utilisation exclusive de farines CRC), leur permettant alors de s’afficher comme tels. Connaissant les boulangers, leurs qualités et leurs défauts, je sais que l’idée se heurtera à la réalité et à la fâcheuse tendance que peuvent avoir certains artisans à multiplier les fournisseurs, souvent pour des logiques purement économiques. Dès lors, sans contrôle strict, tout cela n’aura aucune valeur… et je pense sincèrement que la boulangerie artisanale ne pourra exister durablement que si elle développe des identités singulières ainsi que de la diversité, or de telles initiatives vont précisément dans le sens inverse d’une telle logique. On ne fait que reprendre de vieilles recettes -qui ont été celles des grands groupements meuniers, il faut le dire- en imposant des couleurs… si ce n’est que les prédécesseurs n’avaient pas le mépris de les proposer indifféremment à des concurrents directs sur un même marché, en l’occurrence des artisans, industriels et chaines. Le terme de mépris n’a rien d’anodin, et n’est pas choisi au hasard : c’est la triste réalité de tous ces technocrates qui pensent la vie d’une filière sans entretenir aucune proximité avec elle.
Cela s’exprime également dans la volonté affirmée d’imposer progressivement à leurs adhérents l’engagement dans une logique « Sans Résidu de Pesticides » (SRP pour les intimes), avec une copieuse prime de 85 euros la tonne de blé, partagée entre l’agriculteur et son organisme stockeur. La pilule semble bien difficile à faire passer dans un contexte où la compétitivité des meuniers de petite et moyenne taille n’est pas à la fête, et cela favorisera mécaniquement les grosses structures aux coûts d’écrasement plus faibles, ainsi que ceux dotés d’avantages géographiques et logistiques. Cette obsession de faire toujours plus confine à l’entêtement quand on sait que les standards actuels de la filière parviennent déjà à un taux de résidus très faible… et encourage, comme pour les autres cultures engagées dans la même logique, le développement d’une nouvelle génération de pesticides, lesquels laissent des traces indétectables pour les tests actuels. On a tous en tête l’exemple des coureurs cyclistes aux performances exceptionnelles et toujours négatifs aux tests anti-dopage… dont on apprend pourtant quelques années plus tard qu’ils ont eu recours à de tels traitements. C’est la vie, pas le paradis, comme aurait dit une célèbre chanteuse.
J’avoue avoir du mal à saisir où tout cela nous mène cette quête effrénée de reconnaissance publique, comme s’il suffisait de briller pour exister réellement et justifier de la valeur de ses actions… alors même que les plus beaux mouvements se développent souvent sans toute cette lumière superflue, avec bon sens et une bienveillance sincère. Autant dire que dans le cas présent, il y a de quoi se poser quelques questions sur les intentions réelles du projet… et de s’inquiéter aussi.
Rarement l’hygiène des mains aura été une préoccupation aussi marquée qu’au sein de l’époque que nous vivons. Savons, gels hydro-alcooliques et autres substances lavantes sont devenus des réflexes après chaque action, visite ou rencontre. Pourtant, cette obsession d’avoir les mains propres et la maladie qui l’a provoqué n’ont pas modifié en profondeur notre façon d’agir, comme si notre capacité d’engagement dans des causes collectives se dessinait selon une géométrie extrêmement variable… ou n’existait tout bonnement pas dans la plupart des cas, puisque ces gestes sont généralement reproduits dans le but de se protéger soi-même, sans aucun regard sur ses semblables. En définitive, nous continuons à avoir les mains sales de toutes les actions discutables, voire complètement écoeurantes, que nous réalisons pour des griefs variés, qu’il s’agisse de l’égo, de la quête effrénée de son intérêt personnel ou bien d’autres bonheurs de notre société « moderne ». On voudrait bien en récupérer le caractère immaculé de nos premiers jours, retrouver cette couleur claire et lumineuse… mais il serait plutôt temps de renoncer, et même si les marques resteront à vie, rien ne nous interdit de faire mieux dans l’avenir.
J’aime raconter des histoires, et surtout celles des autres. Il est bien rare que je traite de la mienne dans ces lignes, mais j’ai décidé de commencer ce billet en l’évoquant. J’ai toujours considéré que je devais à mes lecteurs de la transparence et de l’honnêteté intellectuelle, de par la confiance que vous m’accordez en me lisant. En parallèle de ce blog, j’ai développé ces dernières années une activité de conseil, visant à partager l’expertise bâtie ces dix dernières années directement avec ceux qui contribuent à faire le pain chaque jour. Cela correspond à une sincère volonté de ma part de ne pas être un simple observateur, dont la position est en définitive bien confortable, mais un acteur du changement que j’ai toujours appelé de mes voeux. Plusieurs options s’offraient à moi pour tenter de faire porter mon message, et j’ai pendant plusieurs années choisi celle de m’adresser au premier partenaire des artisans boulangers, à savoir la meunerie. Il y avait sans doute une forme de naïveté non assumée dans cette décision, ainsi qu’une volonté d’impulser un mouvement bien plus fort que je n’aurais été en mesure de le faire en m’adressant à une multiplicité d’acteurs de petite taille. Bien sûr, on aurait pu y voir le souhait d’engranger rapidement d’importants revenus, ces entreprises ayant des moyens financiers non négligeables. Au risque de décevoir les esprits chagrins, mon travail ne m’a pas rendu riche, bien au contraire. J’ai longtemps été dans l’incapacité de mesurer la réelle valeur de mes prestations, un trait amplifié par le souhait délibéré de mes partenaires de la minimiser… au point de risquer de la faire disparaître, par le renoncement que j’ai souvent eu en tête. Je me suis trompé au moins autant que j’ai été trompé. J’ai servi des valeurs, des méthodes et des idées qui ne sont pas les miennes. Pire, j’ai contribué à les rendre plus vendables en participant à cet écoeurant effort développé par la meunerie pour améliorer ses vitrines, tout en conservant une arrière boutique sombre et remplie de cadavres. Sans doute aveuglé par la conviction de faire le bien, j’ai continué dans cette voie, alors que j’étais rappelé à l’ordre par ma conscience et la réalité du terrain. Recevoir un peu d’argent, suffisamment pour vivre et ne pas trop s’en soucier, aide un temps à faire oublier ces considérations… mais pas éternellement. Le réveil est difficile, amer et il laisse des traces indélébiles – car je sais bien que je n’aurai jamais plus les mains propres, quand bien même mon action en tant que telle n’aura pas été néfaste. J’ai donc mis fin à mes missions auprès des Moulins Bourgeois en début d’année, me libérant ainsi de nombreux cas de conscience, même si je n’en garde pas moins de la sympathie vis à vis de plusieurs de leurs salariés.
Un environnement concurrentiel malsain
La concurrence peut être une formidable source d’émulation positive, en incitant les acteurs d’un marché à se remettre en question pour maintenir leur position, voire l’améliorer dans certains cas. On le voit dans de nombreux secteurs d’activité, avec une véritable course à l’innovation et à la différenciation par les produits ou les prestations. En meunerie nous sommes bien loin du compte, car les variables financières demeurent prépondérantes – et ce malgré les efforts considérables déployés pour prétendre que ce serait la « qualité » -de la farine, de l’accompagnement technique et commercial- qui primerait.
Les Grands Moulins de Paris ont lancé en début d’année une nouvelle identité de marque, affirmant notamment « l’audace » de l’entreprise et son engagement dans l’authenticité : si l’on en croit ces supports, tout serait vrai. Aussi vrai que les relations commerciales malsaines que l’entreprise entretient avec ses clients, avec des forces de vente souvent plus intéressées par la fourniture de produits surgelés que de farine ? Aussi vrai que ses multiples revirement de position vis à vis des labels de qualité et sa position de passager clandestin dans des démarches telles que le Label Rouge ? En définitive, je crois qu’une seule chose est vraie : la tentative du service marketing de racheter une virginité à cette entité dont l’image est sérieusement écornée, aussi bien en France qu’à l’international.
Les grands acteurs meuniers « historiques » que sont les Grands Moulins de Paris, Axiane Meunerie ou encore Moulins Soufflet ont perdu du terrain alors même qu’ils étaient les plus en pointe sur la capacité à « faire du prix », ce qui tient pour beaucoup à une vision bien particulière du marché : derrière une kyrielle d’outils marketing plus ou moins utiles et un catalogue produit très étendu se cache le pari du grand affaiblissement de la boulangerie artisanale, voire de sa disparition à long terme, la culture de ces entreprises faisant bien peu de cas de l’humain et de la diversité. De fait, leur image s’est considérablement dépréciée, devenant progressivement les partenaires d’artisans faisant bien peu de cas de leur métier. Dès lors, la « meunerie familiale » avait toute latitude pour se développer… en reprenant pour certains les pratiques commerciales agressives de leurs confrères : il faut dire que les acteurs ayant connu l’âge d’or de la filière et bien géré leur entreprise ont amassé un pécule qui leur permet aujourd’hui d’investir et de s’inscrire dans une logique de conquête effrénée.
Prenons le marché francilien, que je connais bien puisqu’il concentre énormément des dérives préjudiciables aux artisans sur le long terme et que cela demeure mon terrain de jeu naturel. Il s’y joue aujourd’hui une querelle intestine entre les Moulins Bourgeois et les Moulins Familiaux (regroupant les Moulins de Chars, de Chérisy, de Brasseuil et Paul Dupuis), qui concentrent l’essentiel des dossiers de mutation et de changement de fournisseur… mais certainement pas pour la qualité exceptionnelle de leurs produits, même s’il est indéniable que ces meuniers fournissent aujourd’hui des farines régulières et pouvant répondre à l’ensemble des attentes d’un artisan boulanger, sinon quoi d’autres entreprises seraient aussi performantes (à l’image des Moulins Viron, Foricher, Fouché… qui ont également de très bons produits, un ancrage régional et des capacités logistiques).
La surenchère se situe plutôt sur le sujet du prêt meunier et des prix au quintal de farine, avec un mécanisme particulièrement pervers entretenu par ces deux acteurs : étant en concurrence frontale sur de nombreux dossiers, ils se livrent alors une guerre dont certains n’hésitent pas à jouer pour bénéficier de conditions extrêmement avantageuses. Certains ne se privent pas de jouer de la situation et de profiter de leur position : il n’est pas difficile de s’imposer quand on possède plusieurs affaires, avec les quintaux de farine associés. Dès lors, pour ne pas perdre ces volumes, tout est permis : chèques délivrés en quelques heures, argent liquide, utilisation des comptes bancaires personnels… Soyons clairs : cela crée une distorsion de concurrence évidente, en plus de mépriser toutes les règles auxquelles sont soumis les organismes de crédit. J’ai peine à comprendre pourquoi et comment les autorités ne se sont pas encore saisies de la question, à moins que ce ne soit grâce aux importants soutiens politiques dont bénéficient de telles entreprises.
Cette « meunerie familiale » a ses bijoux de famille, qui ont droit à un traitement privilégié, allant d’une priorité dans l’accompagnement technique à une générosité commerciale sans limites. Quand on voit comme dans cette vidéo des livreurs et des sacs Moulins Bourgeois (la séquence s’apparenterait presque à un spot publicitaire !), on comprend bien que l’entreprise se satisfait particulièrement de livrer des boulangeries telles que Mamiche. Pourtant, est-ce bien l’image que l’on doit donner du métier, avec un marketing à la limite du vulgaire et un respect très discutable de ses confrères ?
Il serait pourtant grand temps de mettre fin à ces pratiques qui ne bénéficient pas aux artisans : il faut bien que certains paient, et le delta entre le prix minimum et maximum de vente au quintal d’un même type de farine a de quoi donner le vertige. Certains se contentent ainsi de payer, sans bénéficier d’aucun service en retour.
Un écosystème toxique
Malheureusement les freins au changement sont nombreux, à l’image de ceux présents autour de nos modes de consommation ou de gouvernance, car les personnes à la tête de ces structures s’accrochent à leur pouvoir et aux privilèges que ces méthodes leur confèrent. Un écosystème particulièrement toxique s’est développé autour de la boulangerie artisanale, avec des acteurs se positionnant comme des « partenaires » de l’artisan… tout en ne partageant pas ses intérêts.
Qu’ils soient marchands de fonds, de matériel ou de matière première, ils profitent pour beaucoup de la naïveté et de la confiance du boulanger, une grande partie d’entre eux ne disposant pas d’un grand recul et d’une visibilité sur l’état du marché du fait de leur implication au sein de leur entreprise. Cette toxicité peut prendre plusieurs formes, avec des conseils biaisés, des tarifs gonflés… ou des commissions indues. Pour ce sujet, les marchands de fonds présents sur la place parisienne ont bien compris tout l’intérêt qu’ils avaient à entretenir des liaisons (dangereuses ou pas, à chacun d’en juger) avec la meunerie pour imposer leur influence et continuer à distribuer les cartes. On pourrait bien sûr citer le cabinet Huchet en tête, mais ses confrères ne déméritent pas en la matière, à l’image d’ALC, Bono et autres. Ces acteurs contribuent à la disparition de la diversité au sein de la profession, alors même que cette dernière est essentielle : ils privilégient les acteurs bien installés, avec une politique clientéliste, leur réservant les emplacements les plus en vue… et distribuant ensuite les miettes aux nouveaux arrivants, faibles apports et autres profils atypiques.
La débauche de moyens offerte à certains a de quoi laisser songeur : un artisan indépendant aurait-il eu droit à un tel accueil (mobilisant plusieurs démonstrateurs, du matériel et des matières premières), sachant d’autant plus si ce dernier ne prenait pas toute sa farine chez le meunier en question, comme c’est le cas ici ?
Le cynisme de ces acteurs s’étend même jusqu’à leur pleine conscience du fait que de nombreux artisans seront en difficulté à moyen terme, leur permettant de réaliser une nouvelle transaction tout en ayant potentiellement la primeur de l’information : cela justifie pour certains de continuer à livrer des affaires dont l’état général bafoue toute notion de respect des salariés, de la clientèle ou globalement du métier. J’espère que leurs représentants sont largement pourvus en pince-nez, à moins que cette odeur ne soit devenue leur lot commun au point d’en être imperceptible.
Un développement du service basé sur la volonté de maintenir une emprise sur les artisans
Il faut bien comprendre que ceux qui oeuvrent réellement pour le bien commun n’en font pas une publicité permanente, mais agissent, avec la (maigre, mais réelle) satisfaction de laisser une empreinte positive après son passage. Les efforts de communication déployés autour de la fraiche culture du service développée chez nombre de meuniers et autres « partenaires » de la boulangerie artisanale ont quelque chose d’insolent, voire de détestable, car cela ne touche qu’une très petite partie de leur clientèle… et, de plus, avec un état d’esprit bien particulier. Ces dix dernières années ont marqué une émancipation progressive de la clientèle puis des boulangers vis à vis des enseignes et mélanges prêts à l’emploi qui constituaient une grande partie de l’offre jusqu’alors.
Cependant, les barons que sont les meuniers ne peuvent concevoir de perdre de l’influence sur leurs chers serfs, les contraignant alors à faire évoluer à la marge leur mode de fonctionnement pour faire perdurer leur emprise. C’est ainsi que sont nés les « stages », « écoles » et autres « académies », qui n’ont pour autre but que de s’inscrire comme un argument de la relation commerciale… mais certainement pas de faire perdurer le savoir-faire boulanger, sinon quoi l’approche serait bien différente et ouverte. S’il y avait une quelconque forme de sincérité dans cette logique d’accompagnement, ces entreprises développeraient une démarche cohérente, avec un discours clair et unique, impliquant l’ensemble de leurs équipes, qu’elles soient commerciales ou techniques. Les commerciaux ne seraient plus de simples vendeurs de farine, obsédés par les quintaux et la performance, mais mus par une volonté de faire grandir leurs interlocuteurs par un échange continu et pertinent, avec une vision la plus complète et objective possible du marché. Mieux encore, ces fabricants de poudre blanche s’impliqueraient réellement pour l’avenir de la profession en intervenant auprès des jeunes, dans les écoles et CFA, et tisseraient des liens solides avec ces institutions pour leur apporter un peu des moyens considérables dont certains disposent encore. L’essentiel de la vie d’un artisan se joue dans sa formation initiale, grâce aux convictions qu’il se forge au fil des rencontres et des expériences. On pourra toujours essayer de coller quelques morceaux de scotch par la suite pour réparer des objets cassés dès la conception, bien sûr. On le fait surtout car il est beaucoup plus facile de manipuler des personnes n’ayant pas d’idée précise de leur métier : le réel enjeu de la formation est la liberté de nos artisans, car c’est la seule voie qui permettra de maintenir une boulangerie riche de diversité et donc d’avenir. Toutes ces gammes uniformes et reproduites à l’infini, même si elles sont réalisées avec des farines biologiques et quelques grammes de levain naturel, n’ont aucun sens : ni pour le consommateur, ni pour les boulangers qui n’impriment aucune identité.
Une absence de vision et de projet pour la boulangerie artisanale
Tout cela est la conséquence directe d’une absence de convictions et de réflexion portée sur l’avenir de la filière, ou plutôt la triste pensée selon laquelle les affaires comptent plus que tout. En réalité, il n’est pas question de vouloir en faire ou pas, mais de concevoir une façon de concilier les variables économiques, le sens et l’humain. Aux yeux de ces ogres, vampires et autres parasites présents sur le marché, seul le mythe de la croissance infinie existe : on pourrait faire toujours plus, épuisant ainsi nos ressources humaines et naturelles. Pourtant, nous savons aujourd’hui à quel point ce mode de pensée est destructeur et qu’il est urgent de s’orienter vers l’objectif de faire mieux. En la matière, les possibilités sont nombreuses et ouvrent la voie à un océan de créativité, où chacun pourrait être impliqué dans le même projet. Cette cohérence manque à l’essentiel des meuniers, car ils se contentent de suivre des tendances de marché sans chercher à les analyser ni même à savoir si elles sont durables. Leurs équipes doivent alors conjuguer les objectifs de performance et tenir des discours pouvant être diamétralement opposés auprès de leur clientèle. Qui possède ainsi deux cerveaux, ou bien une face A et une B ? Je suis rassuré par le fait que nous finissons invariablement par être rattrapés par nos incohérences et le caractère éphémère des faux-semblants dans lesquels nous nous engageons lâchement -et je ne m’exclus pas de la chose, on peut bien considérer ce billet comme un examen de conscience implacable, douloureux, mais nécessaire-.
Pour parvenir à développer une vision pertinente de la boulangerie artisanale, il faudrait mettre fin à la suprématie de l’égo, qui guide la plupart des actions sur l’échiquier de la profession, redonner une vraie place aux fondamentaux du métier que sont le pain et la viennoiserie puis abandonner cette quête perpétuelle du développement des affaires, poussant les artisans à voir toujours plus grand, avec une puis deux, trois.. boutiques, du matériel, des espaces de vente clinquants… mais toujours moins de sens et de plaisir à gérer leurs entreprises.
Casser les codes, imposer ses exigences
Face à tout cela, il est indispensable pour les acteurs engagés dans une autre logique de se faire entendre. J’irais presque jusqu’à dire à entrer en résistance, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit. Les boulangers doivent s’émanciper de ce système qui les détruit. Les solutions ne sont pas légion, d’autant plus si les meuniers ne veulent pas jouer le jeu. Dès lors, il faudra s’en passer, investir dans de petits moulins indépendants ou partagés entre artisans et revenir au plus près de la matière première. C’est un effort supplémentaire pour les artisans, mais si la liberté doit avoir ce prix, je crois que nous devons être prêts à le payer. La contrepartie est la totale transparence assurée auprès des consommateurs, et un meilleur alignement vis à vis des attentes sociétales en terme de qualité de l’alimentation. Il faudra aussi changer en profondeur de doctrine sur le prix des fonds de commerce, et renoncer à la culbute à la sortie (et donc privilégier une exploitation saine et rentable) pour adopter une logique de transmission, permettant à de nouveaux arrivants d’accéder à des affaires dans des conditions leur permettant d’envisager une exploitation saine et non centrée sur le seul objectif du chiffre. Pour les meuniers encore sincères dans leur engagement auprès de la boulangerie artisanale, il est grand temps de renforcer vos positions, faire le ménage dans vos préparations, relations douteuses et autres pratiques qui brouillent votre discours et enfin accompagner vos clients dans une logique de durabilité et de respect… sinon quoi vous disparaitrez, broyés par la grosse meunerie « familiale » -qui n’en a plus que le nom, pour se donner une image plus sympathique- et l’évolution des attentes des consommateurs puis des boulangers. Le temps est venu d’agir avec les mains propres, même si cela implique de renverser la table, la chaise et tout le reste. C’est parfois dans le désordre que naissent les plus beaux mouvements et les plus belles idées.
J’aimerais parfois posséder un appareil capable de saisir mes états de pensée à différents instants pour les remettre en question par la suite, pour en apprécier l’évolution et ainsi tracer une fragile ligne de conscience entre ces non-événements, lesquels ne sont pas pour autant dénués d’importance et d’intérêt. En l’absence d’un tel outillage, je ne peux faire appel qu’à ma mémoire, parfois défaillante, et à mes écrits, souvent partiels. Après avoir longtemps pensé que nous passions nos existences à jouer de simples rôles, sans réellement développer ni exprimer de nature profonde, l’expérience et les rencontres m’ont convaincu du contraire. Peu importe la couleur des vêtements, la taille de la casquette, le prestige de la montre et des chaussures, notre façon d’agir exprimera toujours sur le temps long ce à quoi nous aspirons vraiment, ainsi que le regard que l’on porte sur le monde qui nous entoure. On ne saurait passer une vie à mentir, encore moins à se mentir à soi même. Le constat est encore plus vrai dans une société qui a admis les changements de direction et les réorientations professionnelles, qu’elles soient sincères ou opportunistes. Avec le relâchement de cette contrainte sociale, nous pouvons envisager de tracer notre chemin avec nos propres couleurs et crayons.
Bien sûr, encore faut-il disposer d’un environnement favorable pour mener un tel projet. Dans le village de Droué-sur-Drouette (28), le centre a repris de l’animation depuis le 4 novembre 2020 avec l’arrivée d’une boulangerie, menée par Aline Peltier et Thierry Babin. Unis à la ville comme dans ce projet, ils ont saisi une conjonction d’opportunités pour bâtir ce commerce à côté de leur habitation : le boulanger du village, convaincu de l’Agriculture Biologique de la première heure, prenait sa retraite et leur voisine souhaitait vendre sa maison. Cela aura suffi pour faire germer l’idée de convertir le bâtiment… car les graines étaient présentes dans la tête de Thierry depuis bien longtemps.
En effet, on ne pourrait parler de du Pain dans les Mains sans évoquer le parcours de ce boulanger, qui fût pendant 17 ans commercial en meunerie. Formé à l’INBP aux côtés de quelques grands noms de la profession, il a très tôt été convaincu par l’intérêt des longues fermentations, du levain naturel ou encore des farines non additivées, à l’image de la fameuse Tradition française. J’ai eu l’occasion de côtoyer plusieurs boulangers devenus commerciaux, lesquels avaient pour beaucoup oublié l’essentiel des fondamentaux de leur métier, négligeant à la fois les produits et les hommes pour s’enfermer dans une vision technocratique du sujet, où les affaires priment sur le reste. Thierry n’est pas de ceux là, et je sais qu’il a toujours servi sa clientèle avec honnêteté et exigence, en tentant de leur apporter les meilleurs outils pour leur réussite. Ce sont les deux mêmes caractères qui s’expriment dans sa nouvelle activité, où le superflu n’a pas sa place.
Dans l’entrée, le client sait où il se trouve et ce qu’il est venu acheter. La taille restreinte du bâtiment a orienté l’agencement, en plus de renforcer les choix de Thierry en terme de construction de ses gammes et d’équipement. On peut dire que le nom donné au lieu n’est pas usurpé, car l’artisan voit réellement passer le pain dans ses mains : la production est peu mécanisée, avec pour seules machines un pétrin, un batteur, un four et du stockage en froid. L’investissement réalisé demeure ainsi rationnel, le tout ayant été dimensionné pour suivre le projet de l’artisan… et non pas l’inverse, comme c’est trop souvent le cas. Cette boulangerie parvient à atteindre la si complexe simplicité dont la profession s’est éloignée au fil du temps : cela n’est pas exploit, mais traduit tout simplement le fait que l’artisan n’a plus rien à prouver… et encore tout à partager.
Puisqu’il s’agit de partage, autant offrir le meilleur. Les produits façonnés ici chaque jour sont tous réalisés à partir de farines issues de l’Agriculture Biologique, et incorporent du levain naturel (liquide pour les baguettes, dur pour le reste des pains) avec une longue fermentation. On obtient ainsi des pains aux croûtes craquantes et aux mies charnues, riches en arômes, à l’image du pain de Campagne -ou Tourte de Meule-. Il est rapidement devenu le produit phare du lieu, la clientèle appréciant son goût, sa conservation, mais aussi son prix. En le proposant à seulement 4,5€ le kilogramme, l’artisan a souhaité en faire un véritable produit d’appel, orientant naturellement la consommation vers ce dernier plutôt que vers les baguettes. La méthode est bien pensée, car elle permet de limiter la production de petites pièces, nécessairement plus chronophage au vu de l’équipement limité. Les autres références ne sont pas nombreuses, mais elles sont au moins aussi qualitatives : sarrasin, intégral, petit épeautre, « tour de mains » riche en graines façon nordique et du seigle le week-end. De quoi répondre à la plupart des besoins.
Même logique du côté des viennoiseries : les fondamentaux sont réalisés avec brio, à l’image du croissant, de la brioche ou du chausson aux pommes avec sa compote maison. La pâtisserie se résume au flan, auquel une vitrine est dédié. Son caractère crémeux a déjà séduit de nombreux adeptes, preuve que ces gâteaux boulangers remplacent avantageusement des créations compliquées. Quant au snacking… il n’y en a tout simplement pas. Pourrait-on s’en plaindre ? En tout cas pas moi, car cela permet à Thierry de se concentrer sur son métier : faire du pain et le faire bien.
Pour y parvenir, les fêtes auront été utiles : cela a permis de mettre au point l’organisation de la production afin d’être parfaitement efficace. On mesure ainsi toute la force que possèdent de véritables professionnels, qui sont aptes à monter en puissance rapidement et à assumer seuls la fabrication de volumes importants. En effet, il ne faudrait pas se laisser tromper par le calme de ce village de 1200 âmes : l’absence de boulanger aux alentours attire naturellement la clientèle vers ce nouveau commerce. Par ailleurs, de nombreux parisiens et franciliens possèdent ici une résidence secondaire, qu’ils prennent plaisir à rejoindre le week-end… créant une certaine effervescence le samedi chez du Pain dans les Mains.
Vous noterez bien que je n’ai évoqué que le samedi, puisque le dimanche est un jour de fermeture pour cette boulangerie… de même que les lundis et mardis. En maintenant une ouverture sur 4 jours, l’artisan parvient à garder un équilibre avec sa vie de famille : les qualités de conservation de ses produits permettent sans difficulté à la clientèle de faire quelques réserves. Faire moins, faire mieux, la logique de cette entreprise est complètement dans l’air du temps… et sans doute bien en avance. C’est parfois dans ce genre de retour aux sources que l’on trouve le plus de maturité et d’accomplissement. Ici, il se fait au bord de l’eau, sur la rue du Moulin. A croire qu’il n’y a pas de hasard.
Infos pratiques
7 Rue du Moulin, 28230 Droue-sur-Drouette / tél : 06 78 08 53 74 ouvert du mercredi au vendredi de 7h à 13h et de 16h à 19h30 (18h en période de couvre-feu), le samedi de 8h à 17h.
Il n’y a rien de pire que de considérer la vie de façon binaire, comme si tout ne pouvait être que blanc ou noir. Cette vision simpliste de la réalité passe à côté de toutes ces nuances de gris qui font le sens de l’existence, de par le nécessaire apprentissage permettant de mieux les appréhender et pour l’indispensable diversité qu’elles nous imposent. Nous avons pourtant trop souvent tendance à céder à la facilité en opposant des idées, des pratiques ou des individus, en les cataloguant comme vertueux ou non. On néglige ainsi, volontairement ou non, le cheminement ayant conduit à ces constructions : même s’il y a souvent un effet de masse et d’entrainement, personne n’agit réellement de façon irrationnelle, que ce soit pour soi-même au premier titre ou pour la communauté.
J’avoue avoir été irrité par un reportage diffusé jeudi 21 janvier 2020 sur France 2, dans l’émission Envoyé Spécial. Irrité sans doute de par ma proximité avec les artisans boulangers, irrité parce qu’avec le temps et les échanges j’ai à coeur de défendre toute cette « masse invisible » de gens qui travaillent très bien mais n’ont pas la volonté de raconter des histoires, souvent bien enjolivées, au sujet de leur activité. Pour remettre les choses dans leur contexte, j’avais été contacté par la journaliste en charge de ce reportage. J’ai passé du temps à lui expliquer mon point de vue, ainsi que de nombreux éléments au sujet du fonctionnement de la filière blé-farine-pain, avec ses travers et ses voies de progrès. On ne peut pas dire que le résultat soit vraiment représentatif de nos échanges, tant la simplification outrageuse de la réalité, sans doute amplifiée par le montage et les contraintes de productivité, est criante.
Pendant une trentaine de minutes, les téléspectateurs ont ainsi pu assister à ce qui tient presque d’un réquisitoire à charge contre les artisans boulangers, qui seraient coupables de rendre malades leurs consommateurs avec un pain devenu quasi-toxique. En opposition à ces derniers existeraient quelques héros, à l’image des paysans boulangers ou de quelques entrepreneurs à la vertu irréprochable. Je ne vais pas remettre en question la nécessité d’abandonner les mélanges prêts à l’emploi (ou pré-mixes), à la fois de par la perte de savoir-faire qu’ils provoquent, la faible qualité (nutritionnelle et organoleptique) des pains et l’absence totale de différenciation vis à vis de l’offre industrielle. C’est une position que je défends ici depuis de nombreuses années, avant même que la profession ne commence à évoluer réellement sur ce point.
En dehors des marques nationales, les artisans se sont justement remis en question, et bon nombre d’entre eux ont fait évoluer leurs méthodes de panification. L’intérêt exprimé par les consommateurs pour les produits naturels ou labellisés n’a pas épargné la boulangerie, et on ne saurait s’en plaindre. Cela ne touche pas que les néo-boulangers ou les générations entrant dans le métier à présent, à l’image des jeunes en formation présentés dans le reportage. Cet effort collectif est mené aussi bien par les meuniers (et on le voit particulièrement dans les régions où ces derniers sont dynamiques et engagés aux côtés de leurs clients), qui ont considérablement développé ces cinq dernières années leur offre de services et de formation, les écoles et les artisans eux-mêmes.
Pourtant, des minorités continuent à imposer leurs visions du métier, à la fois dans les médias et au quotidien dans la construction de leurs affaires. Il y a d’un côté ceux qui font dévier la boulangerie en y développant à l’excès des activités supplémentaires, et ceux qui se dressent comme des visionnaires, capables de réinventer le métier et d’y apporter une éthique supérieure, des matières premières irréprochables et des méthodes de fabrication au dessus de tout soupçon. A ces gens là, je souhaiterais leur dire qu’il ne suffit pas de développer des « concepts » pour prétendre se rattacher à une quelconque forme de modernité, d’autant plus quand ces derniers développent des dérives contre-productives pour toute une profession et ses clients.A ces gens-là, je souhaiterais leur dire que l’on peut faire du pain de qualité en utilisant des farines de blés dits ‘modernes’, en travaillant avec du levain, des longues fermentations et des pétrissages délicats, comme le font tant d’artisans. Ce que vous ne voyez pas, ou refusez sciemment d’observer pour servir vos propres intérêts, c’est qu’ils nourrissent la population en leur proposant chaque jour un pain accessible, chose que nombre d’entre vous seraient bien en peine de faire, de par vos tarifs, quantités de produits disponibles ou horaires limités. Même si vous n’êtes pas d’accord avec les pratiques de ces milliers d’artisans boulangers qui travaillent dur, et malheureusement pas toujours avec l’ensemble des cartes en main pour appréhender tous les enjeux de leur métier, ils méritent au moins le respect.
C’est bien cette notion qui a été largement bafouée dans le reportage que j’évoquais. On passera sur le « paysan boulanger » qui achète de la farine chez des meuniers traditionnels, comme en attestait la présence de sacs aux couleurs bien reconnaissables dans son fournil, en plus de mécaniser une pâte soi-disant très fragile. Ce qui est plus gênant à mon sens, c’est de mettre en avant un individu ayant basé son activité sur le dénigrement permanent du reste de la profession, allant jusqu’à l’accuser de vendre des pains provoquant des maladies telles que le diabète ou Alzheimer et cela sans preuve scientifique solide… ce qui ne l’a pas empêché de publier un ouvrage tenant du pamphlet, servant à la promotion de ses produits aux tarifs stratosphériques. Comment peut-on raisonnablement prétendre être le seul à détenir la vérité et à produire un pain digeste, en vantant un levain de 132 ans (ce qui tient plus de l’anecdote que d’un plus réel pour le produit) et une farine de blé dur ancien ? Cela n’a visiblement pas choqué la journaliste, mais moi si.
Face à cet environnement délétère et ce que je qualifierais simplement de bêtises ou de jeux de bac à sable, notre filière doit cesser de faire le dos rond ou pire, de courber l’échine et d’encaisser les coups. Plutôt que de chercher à imposer des marques, accuser l’industrie de copier l’artisanat ou de diviser les professionnels en les catégorisant, notre responsabilité est d’imaginer la boulangerie que nous souhaitons avoir demain dans nos villes et nos quartiers. Le débat sur le fait maison ou l’utilisation des préparations a déjà 5 à 10 ans de retard, puisque l’on sait que la profession ne survivra que si elle s’éloigne de ses travers. Ce qui reste à dessiner se situe plutôt du côté de la construction de l’offre, des méthodes de production, de distribution et de service, ainsi que sur le choix des matières premières. Certains ont déjà commencé à y réfléchir et à expérimenter, ce sont ceux-là que nous devons mettre en valeur et qui doivent participer à notre réflexion collective. Il est temps de montrer que cette filière a de belles choses à dire et à faire, et de relever la tête pour regarder l’avenir… sans jamais prétendre à la perfection -car elle n’est définitivement pas de ce monde- mais à l’honnêteté et à la cohérence.
Le rattachement à des valeurs ne se déclare pas, il se prouve. Nous passons notre temps à nous parer de belles intentions, à parler de vertu et de bienveillance, pourtant les inégalités n’ont jamais été aussi grandes. Les grandes entreprises, marques multi-nationales et autres conglomérats consacrent d’immenses efforts marketing pour verdir leur image, pourtant notre planète brûle toujours. C’était vrai en 2020 et il n’y a aucun doute sur le fait que cela continue à l’être en 2021. Le « monde d’après » ne restera qu’une vaste supercherie tant que l’humanité n’aura pas ouvert les yeux sur sa profonde incapacité à penser à long terme, et à se reconnecter à autant d’éléments fondamentaux que sont la terre ou un regard porté vers autrui sans logique d’intérêts particuliers, abandonnant ainsi l’idée que les autres et les ressources naturelles seraient des outils pour sa propre réussite.
La boulangerie artisanale est bien loin d’avoir fait sa révolution sur le sujet. Notre chère profession parle toujours de partage, de qualité supérieure, de matières premières sélectionnées, de savoir-faire traditionnel et transmis de longue date… mais l’Epiphanie nous rappelle encore une fois que de nombreux artisans se sont éloignés de tout cela. Les galettes des Rois représentent en effet l’événement phare du mois de janvier, et revêtent en boulangerie bien plus d’importance que la période des fêtes qui vient de s’achever : à la différence des bûches qui ne concernent que les plus pâtissiers et offrent une faible rentabilité, ces gâteaux peuvent être une belle source de revenus pour qui les réalise avec soin… au risque de vouloir en profiter un peu plus.
Je n’ai pas pour habitude de traiter ici des questions tarifaires, à la fois car je considère que le savoir-faire artisanal et les matières premières de qualité se paient, et parce qu’un mauvais produit sera toujours trop cher… à l’inverse d’un bon, qui saura parfois nous faire oublier son prix. Cela a cependant quelques limites, qui me semblent être atteintes pour le sujet qui nous intéresse aujourd’hui : quand certains dépassent allègrement les 20 euros pour une galette de 4 personnes (on passera sur les tarifs stratosphériques des palaces et autres pâtissiers haut de gamme), se positionnant ainsi dans les gammes tarifaires habituellement réservées à des entremets complexes, il y a un véritable problème. Le coût du beurre ou des amandes a augmenté ces dernières années, c’est indéniable, mais cela représente toujours une faible part du prix de vente du produit fini, y compris si l’on intègre les sommes dévolues à l’emballage, à la couronne ou à la fève. La main d’oeuvre est sans doute le poste le plus important, mais il faut rappeler que la galette demeure un produit extrêmement rationnel à fabriquer : la pâte feuilletée et la garniture (de pure crème d’amandes ou de frangipane) se prêtent bien à une réalisation en série. De plus, ces deux éléments sont des fondamentaux du répertoire boulanger, et même s’il faut du temps pour les réaliser dans les règles de l’art -certains étalant leur fabrication sur 3 jours-, on ne peut pas objecter une complexité particulière pour des professionnels aguerris. Les plus prévoyants auront pris de l’avance, utilisant le froid négatif pour stocker leurs produits : il n’y a rien de honteux à cela, et même si une partie de la clientèle continue de s’offusquer à l’évocation de telles pratiques, il faut savoir vivre avec son temps et se préserver, ainsi que ses équipes.
Une des conséquences directes de ces dérives tarifaires sera le report vers la grande distribution ou l’offre industrielle pour une partie significative des consommateurs. Il faut dire que les tarifs proposés sont alléchants, pouvant débuter à moins de 5 euros pour une galette de 4 à 6 personnes « cuite sur place ». L’histoire ne dit pas quel goût aura le produit, ni quels ingrédients il incorpore, le champ des possibles étant bien large pour ce sujet : graisses végétales, amandes de noyaux d’abricots, émulsifiants et autres petits plaisirs. Le coût réel du produit en terme de santé restant alors à la charge de la communauté. On est en plein dans une logique consumériste, où la galette est traitée comme un produit d’appel, la quantité comptant plus que la qualité. Il se vendrait plus de 30 millions d’unités par an, ce qui ferait près d’une demi galette par personne (ou une personne sur deux consommant une galette, c’est selon) sur le seul mois de janvier. Autant dire que nos artisans seraient bien en peine de fournir l’ensemble du marché, mais cela ne devrait pas pour autant les empêcher de garder à l’esprit qu’il s’agit d’un gâteau de partage, qui devrait rester accessible au plus grand nombre. Plutôt que de chercher à réaliser des marges importantes sur cette période (car elles le sont, malgré ce que peuvent prétendre certains), je pense qu’il serait préférable d’avoir une approche plus saine et une gestion raisonnée tout au long de l’année, en ayant des prix de vente cohérents sur l’ensemble de ses gammes… ce qui éviterait ce genre d’effet de rattrapage. De plus, l’Epiphanie est une occasion toute trouvée pour attirer puis fidéliser de nouveaux clients, la réputation d’un artisan entretenue autour des galettes incitant souvent de nombreux consommateurs à sortir de leurs habitudes pour s’offrir un produit d’exception. Cela ne peut réellement fonctionner que si les tarifs demeurent raisonnables.
Au delà de ces considérations se dessinent des sujets animant la profession depuis de nombreuses années, à commencer par le « fait maison ». Un récent article du Canard Enchainé a ravivé le débat, lequel contenait de nombreuses approximations. Il se faisait l’écho du message porté par la Confédération, cherchant à asseoir la supériorité de son « label » Boulanger de France, comme si seuls les artisans affiliés à ce dernier étaient engagés dans une démarche qualitative et durable. Si certains professionnels vendent effectivement des produits d’origine industrielle, il ne faut pas douter que la majorité des boulangers fabriquent leurs galettes des rois, même si le sujet des viennoiseries à base de pâte levée feuilletée est plus sensible. Ces derniers n’ont pas besoin d’une étiquette sur leur vitrine pour le prouver, comme le soulignait très justement le boulanger bordelais Louis Lamour. C’est leur engagement au service de la clientèle, leur capacité à développer une identité singulière et à communiquer leurs engagements en boutique, notamment à travers une formation adaptée de l’équipe de vente, qui font la différence.
L’artisanat est une question d’engagements, et pas uniquement celui de fabriquer, je profite de l’occasion pour le rappeler. Parmi eux, il y a celui de transmettre le métier, et les gestes qui y sont associés. Sur le sujet, certains ont pris la tangente, en mécanisant à l’extrême leur fabrication (comment fournir 35 boulangeries sur le territoire autrement ?), réduisant leurs salariés (et leur nombre) à l’état de simples manoeuvres, avec un impact direct sur la masse salariale : moins d’employés, moins payés, donc plus de profit. Cela ne les empêche pas pour autant d’afficher fièrement sur leurs vitrines les mentions de « fait maison » et d' »artisan boulanger » : ce n’est pas faux, mais cela occulte la réalité de leur entreprise, dont les volumes n’ont plus grand chose à voir avec l’idée que l’on se fait habituellement d’une production artisanale. Cette prise de distance avec le produit finit toujours par avoir des conséquences néfastes : c’est à la fois aliénant pour les femmes et les hommes, privés à terme de l’identité liée à leur métier, cela provoque une perte de savoir-faire et la qualité des fabrications s’en trouve affectée, que ce soit par une reproduction approximatives des gestes par les machines ou du fait d’une attention limitée portée au processus. On l’a bien vu en panification avec des méthodes de baguettes en « diviseuse formeuse » (la pâte n’étant plus façonnée) telles que PanovA, Paneotrad et autres équivalents : les contacts avec la pâte étant limités au strict minimum, l’artisan finit par s’en désintéresser et perdre tout le sens de son action. Mêmes causes, mêmes conséquences pour le feuilletage. Cela doit nous inciter à défendre un modèle de boulangerie indépendante, où le productivisme et la quête effrénée de la rentabilité n’ont pas pénétré. Nos choix de consommation ont un impact direct sur ce dernier point, et nous avons une vraie responsabilité quant à l’évolution du marché… en évitant de nourrir les chaines ou ceux qui s’y apparentent par leur développement sans limites.
La pâtisserie des Gâteaux et du Pain communiquedepuis plusieurs années sur son approvisionnement en amandes françaises. Au vu des tarifs pratiqués par l’enseigne, on peut se dire que l’éthique est une valeur de riches… ou pas tant que ça, puisque l’on trouve des artisans tout aussi engagés pratiquant des tarifs bien plus démocratiques, à l’image de la Boulangeriedu Square (Paris 18è), qui s’approvisionne directement auprès du producteur Hervé Lauzier ou de Partisan Boulanger à Lyon avec les fruits de Claude Dumas.
L’éthique est également un sujet majeur, pourtant bien négligé dans les fournils. Elle concerne autant la façon de traiter ses équipes, aussi bien en termes de rémunération que de management, que le choix de ses fournisseurs et les relations que l’on entretient avec ces derniers. Comme je l’écrivais en 2019 au sujet du flan, la galette contient en définitive assez peu d’ingrédients et ils peuvent dire beaucoup de la personne qui la réalise. Si l’on parle souvent de la qualité du beurre utilisé pour le feuilletage, avec une mise en avant des AOP (Isigny, Charente-Poitou) et marques reconnues (Lescure, Montaigu, …), il est bien moins souvent question des oeufs ou des amandes. Nombre de professionnels continuent d’utiliser des oeufs issus de poules élevées en cage, que ce soit au travers d' »oeufs coquille » ou d’ovoproduits. Compte tenu de l’évolution de l’opinion sur le sujet, une évolution rapide semble indispensable pour être en phase avec les attentes sociétales.
Les amandes demeurent un produit central de la galette, puisqu’on la nomme souvent en évoquant le fameux fruit de l’amandier. Pourtant, rares sont ceux qui se soucient de sa provenance. La majorité de la production (plus de 80%) mondiale nous vient tout droit de Californie, où l’on sait à présent que la culture pose de nombreux problèmes écologiques : la région souffre d’une situation de sécheresse chronique, et l’arbre a le bon goût de consommer de grandes quantités d’eau : 4 litres sont nécessaires pour que le fruit arrive à maturité… en plus de nécessiter beaucoup d’abeilles, « louées » et importées de l’étranger puis livrées par camion, pour les polliniser. Ajoutons à cela le transport et on obtient un produit au bilan carbone et à l’impact environnemental désastreux, que nous devrions tout simplement bannir de nos approvisionnements si les considérations tarifaires n’étaient pas si importantes… car là est bien le sujet, malgré la prétendue supériorité gustative vantée par la filière américaine. Quant à moi, j’aurais tendance à trouver que les galettes réalisées avec ces amandes ont un goût amer… ce dernier n’étant pas lié au fameux arôme couramment ajouté à la garniture.
Des alternatives européennes existent, à des tarifs variables. L’Espagne et l’Italie fournissent des amandes de qualité plus qu’honorable, tout en restant plutôt accessibles. En Provence, quelques producteurs passionnés ont eu à coeur de préserver une filière qui aurait bien pu disparaître du territoire. Rares sont les boulangers à y faire appel dans leurs fabrications (l’amande française ne représente que 4% de la consommation totale de notre pays), mis à part des artisans au positionnement plus haut de gamme, réservant ainsi ce produit d’exception à une heureuse minorité. A une époque où l’on parle de circuits courts et de produits locaux, il serait pourtant grand temps de s’y intéresser, quitte à réduire sa marge… et faire un peu moins de beurre avec la galette.
Vous l’aurez compris, il y a de nombreuses raisons de penser que la tradition de l’Epiphanie ne tourne plus rond depuis longtemps. Du fait de la multiplicité des sujets qu’elle incorpore, les solutions à mettre en oeuvre sont nombreuses et nous appartiennent à chacun, autant professionnels que consommateurs… encore faut-il être prêt à accepter la douleur du changement, et la contrainte, pourtant toute relative, de la raison.
Il y a plusieurs moyens d’atteindre le sommet d’une montagne. On peut prendre la tangente en se faisant poser au sommet, ou bien préférer la voie de l’effort en marchant à travers des chemins, parfois escarpés. Le résultat est le même en apparence, mais il se révèle bien différent si on s’y intéresse de plus près. Pour la personne qui aura accompli l’action, la saveur de la chose ne sera pas la même. Si la première option donnera un goût bien fade à la neige de ces hauteurs, la seconde nourrira la réussite de mille délices, lesquels marqueront longtemps les souvenirs de l’individu et de ceux qui l’entourent. La leçon que l’on doit en retenir est que bien plus que l’objectif en lui-même, c’est le cheminement pour y parvenir que nous devons soigner, à la fois pour nous préserver, respecter les règles de l’art et avancer en donnant du sens à nos actions.
Cela s’applique bien à la boulangerie, où les recettes et procédés de fermentation donnent de la saveur aux produits. Le métier n’est pas exempt de sommets à l’apparence imprenable pour beaucoup, de par leur complexité technique et le savoir-faire nécessaire afin de parvenir à les réaliser correctement. Dès lors, nombreux sont ceux qui choisiront d’abandonner, ou pire de réaliser un produit à l’aspect et aux caractéristiques similaires de prime abord… alors que la réalité, en termes de composition, de goût, de texture et de conservation, est bien différente.
Le Panettone fait partie de ces figures de style boulangères, qui nécessitent un soin particulier. On peut le considérer comme situé à mi-chemin entre la boulangerie et la pâtisserie : la rigueur, le travail sur l’équilibre des saveurs le rattachent à la chose sucrée, tandis que la maîtrise du pétrissage et de la fermentation l’amènent dans le périmètre boulanger. Cette spécialité italienne a, encore aujourd’hui, des origines faisant débat : son nom proviendrait soit d’un dérivé du mot « panetto » (signifiant petit pain) soit d’un hommage à un boulanger ou à un malheureux cuisinier nommé Toni (le panettone étant alors le « pain de Toni »), selon les versions. Une chose est sûre, c’est que sa forme actuelle, sa renommée et les qualités qu’on peut lui connaître viennent en réalité d’un… industriel, en la personne d’Angelo Motta, fondateur de la célèbre marque éponyme. C’est lui qui révolutionne le gâteau en 1919, en le façonnant en dôme haut et en réalisant une fermentation en 3 étapes, sur près de 20 heures. Rapidement rejoint par d’autres boulangers partageant une certaine vision productive du métier, ils démocratisent le produit et l’invitent aux tables de nombreux italiens, en faisant un dessert incontournable des fêtes.
Ce qu’il ne faudrait pas oublier, c’est que le Panettone n’est pas uniquement une question de forme et de fruits confits. Il tient sa texture unique, ferme, légère et fondante, à l’emploi exclusif du levain naturel et d’une farine adaptée, supportant une longue fermentation et des apports conséquents en ingrédients, sucres et matières grasses. Dès lors, le levain (certains utilisent un levain plus que centenaire… sans que l’intérêt soit vraiment prouvé) doit faire l’objet d’une attention particulière, tout comme le suivi des étapes allant du pétrissage jusqu’à la cuisson. C’est une véritable école de l’humilité et de la patience, avec pour chacun des échecs et des remises en question qui finissent par payer. Au delà du travail sur ce seul produit, l’approche de la panification s’en trouve modifiée et bénéficie des compétences acquises. Tous ceux que j’ai pu croiser ayant suivi ce parcours quasi initiatique avaient mis beaucoup d’eux-mêmes dans cette gourmandise, avec des rituels bien codifiés.
La rencontre avec le Panettone a fasciné bon nombre d’artisans, y compris les plus expérimentés. Certains ont ainsi fait le choix de lui dédier une bonne partie (voire toute) de leur activité, avec quelques variantes pour se diversifier tout en valorisant leur savoir-faire spécifique. J’avais eu l’occasion de parler de Novantatré, dont l’activité a malheureusement cessé depuis, qui a participé tout comme Christophe Louie à redorer l’image de ce produit en France. Dans le sud de la France, Manu Barthélémy produit également depuis plusieurs années des Panettones de grande qualité, en plus de pizzas particulièrement savoureuses chez Lo Pichotome à Forcalquier. Bien sûr, des artisans italiens très talentueux ont acquis une solide réputation au fil des années : l’incontournable Mauro Morandin (qui a formé de nombreux professionnels), Luigi Biasetto, Nicola Olivieri, Massimo Ferrante et bien d’autres, parviennent aujourd’hui à exporter leurs brioches à travers le monde, même si rien ne vaut la sensation unique procurée par la dégustation du produit dans les jours suivant sa sortie du four. De l’autre côté de l’Atlantique, c’est Roy Shvartzapel qui fait sensation avec une production très appréciée du public américain.
Seulement voilà, tout cela ne représente qu’une partie presque anecdotique de la consommation de Panettone : l’industrie est omniprésente en grande distribution, et même dans l’écrasante majorité des épiceries fines. Il faut dire que sans elle, pas de murs d’emballages colorés, de déclinaisons à n’en plus finir, ni de prix cassés : on retrouve toujours du levain dans la liste d’ingrédients, mais il est généralement accompagné par d’autres produits bien moins traditionnels, à l’image des arômes, qu’ils soient naturels ou artificiels, et des émulsifiants. Ce sont eux qui permettent de conserver les produits plusieurs mois, tout en conservant leur humidité. La qualité des matières premières n’est pas non plus à la fête, à l’image des précieux fruits confits, faisant souvent de la figuration.
Les artisans boulangers ont suivi la tendance en invitant cette référence dans leurs vitrines… avec plus ou moins de soin, bon nombre de réalisations s’apparentant à des ersatz bien malheureux. Comme pour le développement de leur gamme de pains spéciaux, les solutions prêtes à l’emploi proposées par de fidèles partenaires de la boulangerie tels qu’Ireks accompagnent des professionnels faisant bien peu de cas de la qualité réelle de leurs produits. Avec un positionnement plus qualitatif mais aux accents tout aussi industriels, les mélanges commercialisés par Agrimontana contribuent à standardiser le Panettone tout en donnant une vision faussée de ce produit, à la fois aux artisans et aux consommateurs. Même si la réalisation de ce produit est difficile et qu’elle prend du temps, elle demeure à la portée de tous les artisans (comme l’ont bien compris les boulangeries Antoinette à Lyon, qui en réalisent désormais de façon régulière, Au Bonheur du Pain à Rennes, Pain, Beurre et Chocolat et La Petite Boulangerie à Nantes, Mie&You à Lons-le-Saunier ou encore Levains du Nord à Arras) si ces derniers souhaitent y accorder le temps, la rigueur et l’attention nécessaire. Plusieurs recettes ont été publiées, à l’image de celle proposée dans le Grand Livre de la Boulangerie de Thomas Marie et Jean-Marie Lanio ou plus récemment dans l’ouvrage spécialisé de Thomas Teffri-Chambelland, titré Panettone et viennoiserie au levain. Elles correspondent bien à l’esprit du produit, avec une réalisation sur plusieurs jours et une absence de levure commerciale. Le choix des fruits confits est également un sujet central : il est indispensable de se tourner vers des références qualitatives, plus coûteuses mais largement valorisées par le prix de vente du produit fini.
Une fois encore, on revient sur le sujet de l’importance des mots : comme le soulignait très justement le boulanger Riccardo Arnoult, installé à l’Union (tout près de Bordeaux) et réalisant des Panettones dans les règles de l’art depuis plusieurs années, il faudrait tout simplement utiliser d’autres dénominations pour toutes ces brioches vaguement cousines de la fameuse spécialité italienne… ce qui les rendrait forcément moins attractives pour le consommateur, mais exprimerait un plus grand respect autant pour eux que pour les traditions, personne n’étant trompé sur la réalité de la marchandise. Ce n’est pas comme si les options manquaient : Brioche de Noël, aux fruits, … ou même un nom créé spécialement pour l’occasion, en faisant une spécialité locale.
La boulangerie artisanale vaut mieux que des titres usurpés ou des produits qui mentent au sujet d’eux-mêmes. La clientèle l’a bien compris, en faisant preuve d’une exigence croissante. Il faut alors se remettre en question, améliorer ses méthodes et approvisionnements… pour parvenir à faire comme le Panettone : étonner et régaler, avec un plaisir toujours renouvelé.
Les Panettones sont également bien implantés dans les réseaux de distribution spécialisée Bio. S’ils sont tout aussi industriels qu’en grande surface, les émulsifiants y sont proscrits, mais pas les apports de saveurs extérieurs : ici un arôme naturel de vanille et de l’huile essentielle d’orange. Ces produits sont souvent assez secs, du fait de leur durée de conservation.
Quand la vérité est belle, elle n’a pas besoin d’être occultée. Quand une arrière boutique est belle par la force et l’atmosphère qu’elle dégage, elle n’a pas besoin d’une vitrine pour vendre. Tout cela pour dire que si nous passons plus de temps à peindre nos prétentions des plus belles couleurs, c’est peut être que nos intentions ne sont pas aussi claires. Dans notre société du paraître, le marketing et la communication sont venus remplacer la réalité des produits, des projets et des hommes. Seulement la peinture finit toujours par s’écailler, à plus forte raison quand cette dernière est appliquée grossièrement. Que reste-t-il ensuite, à part le triste spectacle de la vacuité profonde de nos modes de pensée et d’action ?
Ce qui m’attriste particulièrement est de voir que cette tendance à coller une surabondance d’étiquettes sur les produits a atteint la boulangerie artisanale, alors que nous devions évoluer dans un métier où les recettes, l’intention et le savoir-faire étaient suffisamment forts pour fédérer. Il faut bien se rendre à l’évidence : ce n’est plus le cas. Bien sûr, les artisans ont justifié leur allégeance à ces labels par la nécessité de rassurer les consommateurs quant à la qualité de leurs approvisionnements en matières premières. C’est un raisonnement partiel et faussé, d’autant qu’il ne provient généralement pas des individus qui l’expriment : l’idée a été tellement martelée qu’elle a fini par devenir communément admise.
Dans sa communication au sujet de la McBaguette, un produit en édition limitée et réservé au marché français, McDonald’s a mis en avant l’utilisation d’une farine Label Rouge pour la fabrication du pain, ainsi qu’une fin de cuisson réalisée sur place. Si le Label Rouge caracole en tête des « démarches qualité » en terme de notoriété, il est également devenu omniprésent dans l’industrie. Dès lors, comment l’utiliser en tant qu’artisan pour renforcer son discours qualité, tout en cherchant à se différencier ? Le problème me semble encore plus marqué pour des démarches plus exigeantes, labellisant notamment le pain et non seulement la farine, qui sont noyées dans cette masse. Chers boulangers qui êtes si fiers de votre logo Label Rouge en boutique, ne croyez vous pas que cela finit par vous mettre au même niveau que ce fournisseur de nourriture industrielle ?
La perte de confiance envers les artisans n’est pas nouvelle, et elle s’explique assez simplement. Bien sûr, le climat de défiance envers le domaine de l’alimentaire a fini par les atteindre, du fait des nombreux scandales alimentaires mis en lumière ces dernières années. La boulangerie a tout de même été relativement épargnée, car les produits qu’elle transforme n’ont pas ou peu été directement cités. A l’inverse, les méthodes adoptées par la profession ont fait l’objet de nombreuses controverses, et nous sommes bien loin d’en avoir fini : produits d’origine industrielle, mélanges de farines prêts à l’emploi, … autant dire que ce qui formait les piliers d’une bonne partie de notre « boulangerie moderne » ont été mis à mal. Ce n’est que la conséquence naturelle d’un désintérêt des professionnels pour leur propre métier, et de leur appétence toujours marquée pour le développement économique de leurs affaires, au détriment de la qualité de leurs productions.
Le Bio est partout, que ce soit en grande distribution ou chez les leaders du marché meunier. Il faudra simplement finir par intégrer qu’il y a Bio et Bio : la qualité des approvisionnements varie nettement d’un acteur à un autre. Cela passe notamment par des achats à l’étranger, dans des pays où il semble parfois bien aisé d’obtenir la certification, avec des produits vendus à des prix défiant toute concurrence. On assiste alors à des problèmes tels que celui rencontré sur le sésame indien récemment, qui a provoqué le rappel de nombreux lots de produits, y compris certifiés Biologiques. Le label endort notre vigilance mais les mauvaises pratiques demeurent, et deviennent même plus perverses.
Cette réalité étant bien difficile à assumer, il fallait alors trouver des faux semblants, et les labels de qualité étaient tout trouvés : ces derniers ne concernent en définitive qu’une part limitée des matières premières mises en oeuvre, quand bien même il s’agit de farine, et occultent la réalité déplaisante d’approvisionnements fait de références industrielles, sélectionnées sur les catalogues des fournisseurs spécialisés que sont DGF, BackEurop, Transgourmet, Délice & Création… qui commencent eux aussi à miser sur les labels pour redorer leur blason. Cela ne change pas grand chose sur le fond : les fournisseurs restent les mêmes, et si les pratiques agricoles ou d’élevage sont améliorées (parfois à la marge, quand on voit le piètre niveau d’engagement porté par certaines « démarches »), l’état d’esprit n’a pas changé. C’est aussi vrai pour le grain, car beaucoup de meuniers l’achètent à des coopératives dont les pratiques n’ont rien d’éthique par ailleurs, même si elles disposent de références labellisées à leur catalogue. Rappelons tout de même que tous ces cahiers de charges représentent autant de process, qui sont justement le propre des gros faiseurs : il leur est aisé de s’y conformer, même s’il faut investir et que les rendements peuvent être plus faibles.
Après avoir retiré le Label Rouge de sa farine Grand Siècle courant 2016 et l’avoir passé uniquement sur la référence Moul-Bie Platine, bien plus confidentielle, les Grands Moulins de Paris ont tout récemment ajouté le logo CRC à cette farine. Cela témoigne du revirement pris par l’entreprise sur le sujet des labels de qualité, avec notamment le lancement progressif du Bio (dont une farine de Tradition Grand Siècle Bio), ainsi que la prise de parole sur l’approvisionnement et l’écrasement locaux. Tout cela sent bon les convictions et la sincérité.
On parle beaucoup de circuits courts, d’approvisionnements locaux, … et nos amis boulangers devraient être en première ligne sur ces sujets. C’est à la fois l’expression de la mission véritable de l’artisan, qui doit chercher à nourrir sainement sa clientèle (et on sait maintenant que c’est une lourde responsabilité, au vu de l’impact que cela peut avoir), et de son implication dans un tissu social et économique local. L’artisan boulanger est un passeur : grâce à son savoir-faire, il valorise le meilleur de la terre et de ses productions. Cela n’a vraiment de sens que si l’on sort des matières premières calibrées et pré-transformées, et que l’on entretient une véritable relation humaine avec ses partenaires… en marge de tout label, car la connaissance des pratiques, du lieu, de l’histoire les remplace bien largement.
La filière CRC a définitivement enterré la marque le Blé de nos Campagnes, qui fut un échec profond en terme de lisibilité et de reconnaissance par les consommateurs. Pour autant, le GIE n’en a pas abandonné ses vélléités de devenir une marque grand public, avec un développement de la communication, à la fois sur les nouveaux médias et chez les transformateurs : sacs à pains, PLV chez les « boulangers partenaires »…
Le risque de se placer derrière une bannière est également de finir par être apparenté à d’autres individus aux valeurs, méthodes et intentions bien différentes des siennes. C’est en définitive une règle immuable quand il s’agit de ces labels, dont l’objet même est d’apparaître sur un nombre maximal de produits pour devenir crédible aux yeux du public. Dès lors, plutôt que de se différencier (que ce soit de sa concurrence directe ou plus globalement du reste du marché), l’artisan ne fait que jouer la même musique, s’apparentant souvent plus à une cacophonie, que le reste de ce curieux orchestre…
Les blés d’Europe de l’Est sont particulièrement utilisés dans les farines biologiques, avec une traçabilité parfois bien floue, les mélanges incorporant de nombreuses origines sur lesquels ni les artisans ni les consommateurs n’ont de visibilité. Est-il normal d’aller parfois jusqu’en Argentine pour acheter du blé, sous prétexte qu’il est Bio mais vendu à un prix défiant toute concurrence ? Il est temps de remettre du bon sens dans ces pratiques et d’exiger plus qu’un label : de l’éthique et des relations humaines saines.
Je crois qu’il ne faut jamais oublier que la plus belle marque, la plus belle des histoires, reste celle que l’on construit et qui est tout à fait à notre image. Pour fidéliser durablement la clientèle, il faut associer une qualité de prestation optimale (donc en terme de produit, de service et de tenue de l’espace de vente) avec un véritable ancrage dans le métier d’artisan, respectant ses valeurs et ses fondamentaux. Laissons donc tous ces éléments de marketing bien loin des boulangeries, ré-apprenons une forme de sobriété nécessaire et développons une éthique qui dépasse de loin les étiquettes.
Parfois, quand tout ralentit, tout s’accélère également. C’est un peu difficile à concevoir de prime abord, mais le fait d’appuyer sur le frein provoque dans le même temps une accélération d’autres mouvements, sans doutes plus profonds et de fait moins visibles. On ne cherche généralement pas à les analyser, à les comprendre ou même simplement à les regarder en face. Entre la course des sentiments, ce qui va nous arriver ensuite, les peurs, les envies, l’enchevêtrement des réalités, de l’espéré, du possible et de l’impossible… La puissance du bruit ambiant suffit souvent à éteindre ces pensées que l’on considère comme parasites. Seulement, quand le silence se fait, on finit par se retrouver face à face avec soi-même. Une expérience douloureuse pour certains, constructive pour d’autres, mais toujours difficile.
Le confinement généralisé que nous avons connu au printemps s’apparentait précisément à une situation de ce type. En freinant, voire stoppant complètement, nombre d’activités professionnelles ou non, de nombreux individus ont du se confronter aux réalités de leurs existences. Le fait s’applique également aux entreprises, dont les fragilités ont été mises en lumière, comme je l’évoquais dans un billet précédent. On doit reconnaître à cette crise sa capacité à accélérer des mouvements, mais pas réellement à en créer. Cela touche également des métiers épargnés par le débat sur leur caractère essentiel ou non, puisqu’ils ont toujours eu le droit de rester ouverts car liés au domaine alimentaire. Pourtant, il y a de quoi s’interroger sur la réelle nécessité de leur existence, cette dernière s’appuyant plus sur une forme de luxe et de superflu qui semblent aujourd’hui bien inaccessible pour une bonne partie de la population.
Le rideau ne se lèvera plus sur la boutique historique de Fauchon, place de la Madeleine. C’est une page de l’histoire du lieu qui se tourne, et laisse sur le carreau de nombreux salariés, à la fois en vente et en production. J’ai une pensée toute particulière pour eux, dont certains comptaient plusieurs dizaines d’années de maison, et que j’avais côtoyé lors de mon court passage dans l’entreprise. J’espère qu’ils connaîtront rapidement des jours meilleurs.
La pâtisserie « fine », « haute pâtisserie » pour certains, entre autres appellations, en fait partie. Bien sûr, je ne remets pas en question le fait que les plaisirs de la vie sont indispensables pour une existence épanouie, mais quand ces derniers perdent pied avec toute forme de réalité ou de raisonnable, il y a lieu à repositionner les priorités. C’est malheureusement le cas pour une bonne partie de l’offre sucrée parisienne, portée par des pâtissiers et entrepreneurs pensant à tort qu’ils agissaient sur un marché pouvant se développer à l’infini, comme s’il y existait une large quantité dormante d’amateurs de douceurs prêts à dépenser plus de 7 euros pour un gâteau. Pour servir ces consommateurs issus de leur imaginaire particulièrement prolixe, ils ont acquis de vastes laboratoires et embauché de nombreux pâtissiers, générant des charges difficilement supportables en temps normal… et complètement étouffantes en cas de crise, comme c’est le cas actuellement.
La nouvelle enseigne Cinq Sens a ouvert en plein confinement au coeur de la très commerçante rue Saint Charles (Paris 15è). Porté par l’entrepreneur William Assouline et le pâtissier Nicolas Paciello, le projet veut emmener la clientèle dans un univers d’expériences touchant les 5 sens (sic) autour des ingrédients. Signe de l’ambition développée pour la jeune marque, une « manufacture » a également été aménagée à Pantin (93), laquelle sera prochainement ouverte au public. Au vu de la débauche de moyens au sein de la boutique, dont le décor a été très soigné, et des difficultés rencontrées par d’autres entreprises ayant un modèle similaire, il y a quelques questions à se poser sur la pertinence de ces choix (de l’emplacement au premier titre) et la durabilité de l’ensemble.
Ce phénomène se base sur deux éléments clé : une forme de reproduction malsaine au sein d’une certaine catégorie d’investisseurs, et la ferme volonté de construire une marque forte, pouvant être vendue à l’international. Seulement, pour bâtir cette fameuse enseigne qui serait connue de tous, il faut multiplier les ouvertures (et donc disposer un laboratoire apte à fournir les boutiques, ce qui nécessite à la fois d’embaucher de nombreux -et coûteux- bras ainsi que de disposer d’une superficie importante… avec un loyer tout aussi astronomique dans notre chère région capitale), si possible à des emplacements en vue et donc particulièrement coûteux… et donc fragiliser encore la structure.
Le navire amiral du Café Pouchkine, situé place de la Madeleine, n’a jamais rouvert depuis le premier confinement. Si l’on a plus entendu parler d’autres fermetures, peu d’informations ont filtré quant au sort de l’entreprise. Son laboratoire situé à Montreuil (93) a été cédé à Maison Landemaine, ce qui semble assez clair quant à l’avenir de la marque en France. Restent cette boutique et ce restaurant au décor singulier, ayant nécessité un investissement financier et humain important… qui pourraient bien tomber dans l’oubli à la faveur d’un nouvel acquéreur.
Ce que comprennent pas ces hommes d’affaires, complètement déconnectés des réalités des métiers artisanaux et ne cherchant pas du tout à s’y intéresser, c’est que nous n’évoluons pas ici dans un univers tel que celui des nouvelles technologies, où les coûts peuvent être maîtrisés grâce à un déploiement facilité… si par exemple une application peut se dupliquer à l’infini (même s’il faut ajouter des ressources serveur pour assurer la montée en charge si cette dernière est connectée), c’est bien moins le cas de produits qui nécessitent d’être façonnés par la main de l’homme.
La boulangerie-pâtisserie Perlin Tatin (Rueil-Malmaison, 92), appartenant au groupe de restauration Bistrots Pas Parisiens, a rouvert ses portes fin septembre 2020 avec à la manoeuvre deux anciens du Café Pouchkine, remplaçant Ludovic Chaussard qui avait mis en place les gammes sucrées.
Bien sûr, le phénomène est très parisien : même si le nombre de boutiques dites de pâtisserie pure a augmenté ces dernières années, porté par la valorisation médiatique du métier, les grandes agglomérations provinciales restent préservées face à cette dérive, et les acteurs locaux historiques continuent à exister voire à se développer. Ces derniers sont moins, voire pas pour certains, dépendants du tourisme international, et ont pu même profiter d’une saison d’été particulièrement fructueuse du fait d’une plus forte tendance à rester au sein des frontières françaises. A Paris, la raréfaction des publics asiatiques, émiriens et autres a été vécue comme un véritable raz de marée. Preuve en est de la disparition de plusieurs « institutions » : la place de la Madeleine en a payé un lourd tribut, avec la fermeture de Fauchon et du Café Pouchkine. Si les fermetures restent encore contenues, notamment grâce aux mécanismes d’aides (chômage partiel, PGE, …), il faut craindre une seconde vague… pas épidémique, mais tout aussi ravageuse. Certains seront bien contraints de réduire la voilure, et plusieurs boutiques sont déjà officieusement sur le marché.
La pâtisserie Bontemps (Paris 3è) a créé une identité simple mais forte autour de son fond de tarte signature et de ses sablés, déclinés au fil des saisons. L’identité visuelle très soignée et le cadre enchanteur du salon de thé participent à la réputation du lieu, dont la communication reste assez limitée : cela témoigne du réel impact du bouche à oreille sur le succès d’une entreprise, n’en déplaise aux attachés de presse et autres vendeurs d’influence. Mieux vaut concentrer ses efforts et son argent sur les fondamentaux du commerce : les actifs et le produit.
Dans un paysage rempli de colosses aux pieds d’argile, il faut se poser la question de la pertinence réelle du modèle adopté par toutes ces maisons : beaucoup ont misé sur une communication abondante, comme pour asseoir la toute puissance de leur marque, ainsi que sur tous les éléments qui forment « l’emballage » des produits : boutiques, boitages, sacs et autres éléments participant à accroître la valeur ressentie de la prestation… sans rien apporter au plaisir essentiel, celui de la dégustation. Cela masque mal le peu de cas qui est fait des vrais fondamentaux du métier que sont la qualité des matières premières, le respect des équipes et la transmission du savoir-faire. On peut aussi s’interroger sur la pérennité de ces entreprises où le chef mis en avant ne sert en définitive que de prête-nom, ne mettant au point ni n’exécutant les produits vendus sous sa « marque ». Est-ce que les consommateurs seront toujours dupes, est-ce que les personnes oeuvrant pour cette curieuse comédie peuvent être fiers de leur travail, mis à part la jolie ligne ajoutée sur leur CV ?
A proximité de la place de la Bastille, Emma Duvéré a bâti son entreprise autour de produits de pâtisserie simples et néanmoins gourmands : cookies, cheesecake, cakes, madeleines… avec un soin tout particulier porté à la qualité de l’approvisionnement en matières premières (ingrédients bio pour la plupart, circuits courts…). Une offre salée est venue compléter l’ensemble, aussi bien au déjeuner en semaine que pour le brunch du week-end.
Sans se lancer dans des prédictions à tout vent, des tendances se dessinent, s’affirment et des évolutions sont à engager pour l’avenir. Tout d’abord, la forte représentation pâtissière s’amplifiera au sein des boulangeries. Comprenez que de plus en plus d’affaires « de quartier » seront détenues par des artisans ayant fait leurs armes dans le domaine du sucré, avant de bifurquer vers l’acquisition d’un commerce vendant du pain, des viennoiseries et autres en-cas en plus des pâtisseries. Il ne faut pas y voir une quelconque prise de passion soudaine pour l’univers de la panification, mais une forme de pragmatisme teintée de réalisme économique, ce qui n’est sans doute pas la meilleure raison pour s’orienter vers le merveilleux univers de la farine et des pâtes fermentées.
La Boulangerie Utopie est l’exemple d’une affaire reprise par deux pâtissiers avec une réussite durable. Elle tient à la fois à l’exigence d’Erwan et Sébastien ainsi qu’à leur capacité à s’entourer (et fidéliser) de boulangers talentueux tel que leur chef Xavier, qui associe maîtrise technique et créativité.
L’expérience m’a montré qu’il ne suffisait pas d’acquérir une boulangerie pour devenir boulanger, quand bien même on recrute les ressources nécessaires pour produire. La qualité d’une gamme de pains tient aussi à l’intérêt, à l’exigence et au savoir-faire qu’y consacre le chef d’entreprise, qui doit être en mesure de donner le « la ». Combien de pâtissiers sont en mesure de le faire ? Pas énormément, en définitive, la révolution culturelle à mener n’étant pas à la portée de tous. Cela ne nous laisse pas forcément présager une évolution positive de la qualité du pain pour l’avenir, même si certains chefs se prennent récemment de passion pour le levain naturel.
Dans la discrète rue Manuel (Paris 9è), Marie Dieudonné, avec sa boutique Sucré Coeur, a développé une gamme de pâtisseries à l’identité singulière en terme de visuel et de construction, avec des associations de saveurs inventives et inspirées par les produits de saison.
Après avoir atteint des sommets de sophistication, la pâtisserie devra retrouver ses fondamentaux. Première étape de la transformation : mettre de côté l’égo des pâtissiers, et abandonner l’affirmation d’eux-mêmes au travers de gâteaux qui ne satisfont en définitive que leur plaisir personnel, avec l’impression d’avoir créé quelque chose de nouveau. Comme en restauration, la culture du produit devrait être au centre de la démarche d’un artisan du sucré, avec en trame de fond le respect des saisons. Ce que l’on appelle la « pâtisserie boulangère » trouve toute sa place dans cette évolution, avec des tartes, flans, et autres produits « simples » qui peuvent être une belle source de plaisir s’ils sont bien réalisés. L’enjeu sera à l’avenir de faire bon et sain, en supprimant les substances controversées (colorants en premier lieu) et en améliorant autant que possible la qualité nutritionnelle des gourmandises. Autant dire que l’ère des entremets aux nappages épais, collés à la gélatine et chargés en sirop de glucose est amenée à trouver une fin proche, si ce n’est pas déjà le cas.
Adeline et Marc Xu (ex Maison Landemaine, Cyril Lignac, Mandarin Oriental) ont ouvert Maison Levain au 164 Avenue de Paris, Vincennes (94). Il ne reste plus rien de la boulangerie présente ici auparavant, et l’artisan, accompagné d’une solide équipe, propose une belle gamme de pains au levain naturel (avec une bonne part de farines Biologiques des Moulins de Brasseuil), de viennoiseries et de pâtisseries fines.
Je crois malgré que tout que des pâtisseries « pures » peuvent continuer à exister si elles s’attachent à développer plus de proximité avec leurs consommateurs, et en s’inscrivant durablement dans leur quotidien. Exit les codes empruntés à l’univers du luxe, la pâtisserie de quartier doit à la fois exprimer l’identité singulière de l’artisan et créer un lieu en phase avec son environnement. L’offre peut également ne plus être uniquement sucrée, le salé s’étant développé au sein de ce type de boutiques… mais encore faut-il posséder de réellement compétences en cuisine, et ainsi développer une réelle légitimité sur le sujet, ce qui n’a rien d’évident.
Chez Nanan, les deux associées ont fait le choix de développer une courte gamme de pains à base de farines Bio depuis la rentrée. En s’inspirant des travaux de Christian Rémésy et des Ambassadeurs du Pains, elles proposent ainsi des produits fabriqués à partir d’un faible ensemencement au levain naturel, dont le « Grain Nouveau ». Ce dernier est enrichi en fibres et minéraux par l’incorporation d’une farine de lentilles. Cela renforce l’ancrage du lieu dans le quotidien de la clientèle, en plus de rester rationnel de par le format choisi, puisque tous les pains sont moulés.
La crise sanitaire a engendré chez certains artisans de fortes baisses de consommation en pâtisserie. A l’inverse, d’autres se sont stabilisés voire se sont trouvés renforcés, récompensant ainsi des efforts entamés de longue date. Dans une époque incertaine et anxiogène, les consommateurs auront toujours besoin de douceurs. Si la pâtisserie est parfois malade du coronavirus, elle est surtout atteinte par ses propres travers. Le remède n’a rien de simple comme une piqure, mais tient souvent à une capacité à proposer le bon produit au bon prix, avec le service et le lieu adaptés. En bref, résoudre une bien complexe équation. De pâtissier à fin mathématicien, il n’y aurait au final qu’un pas.
Un présentoir en bois a été dédié aux pains dans la boutique jusqu’alors quasiment entièrement dédiée au sucré chez Nanan, avec une intégration plutôt réussie.
A Clichy (92), Gwendal Pécher (ex-Conticini, Carl Marletti) et Clément Carvalho ont repris la Reine des Blés depuis quelques jours, avec un style bien plus épuré ainsi que des gammes de produits rationnelles et bien exécutées. Un début prometteur, surtout en pâtisserie, qui participe à renouveler l’offre locale.
Le pâtissier Damien Piscioneri, qui a subi en début d’année un lourd échec dans l’affaire qu’il avait acquis dans le quartier de la gare Montparnasse, est parvenu à rebondir en prenant la gérance de l’établissement du groupe Sevin situé boulevard de Courcelles (Paris 8è). Exit Sarah Baker, d’importants travaux ont été menés pendant l’été pour afficher l’enseigne Damiano. Espérons à présent que les performances du pâtissier-cuisinier seront à la hauteur de l’investissement et des attentes du propriétaire.
Olfa et Sami Bouattour ont réussi leur pari en créant à l’été 2018 Arlette et Colette : l’adresse a connu un fort succès et s’est imposée comme un lieu reconnu dans le quartier. Elle vient d’être cédée à deux compagnons pâtissiers, Louis Taine (ex-Ducasse, Potel&Chabot, les Belles Envies…) et Hugo Campagne (ex-Landemaine, Kayser) qui vont pouvoir y exercer leurs talents pour le sucré.
Reprise à la rentrée 2019, la boulangerie pâtisserie végétarienne JUS remplace la Prairie de Thierry Racoillet. La pâtissière Julie Armand (ex Fauchon, Pic, Sketch, Ledoyen…) propose ici des produits suivant de près les saisons, aussi bien en sucré qu’en salé, à l’image de ses fameux… jus.