Les entreprises familiales ont la côte : difficile de compter le nombre de mentions faisant référence à ce type d’actionnariat, tant ce dernier semble être devenu synonyme de valeurs humaines, de proximité… tout cela s’opposant en creux aux méfaits du grand capital, des fonds d’investissements aux méthodes agressives et de la spéculation. Il ne faut pas pour autant oublier que même si une entité peut être détenue par quelques individus entretenant des liens de filiation, ces derniers ne peuvent toujours prétendre évoluer au dessus de la mêlée : on voit bien que beaucoup ont laissé leurs valeurs au placard. Dès lors, c’est plus une volonté de conserver le fruit du travail productif entre les mains de quelques individus qui s’exprime. Selon des données fournies par l’INSEE, 70% des PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire) sont des entreprises familiales. En meunerie, beaucoup se revendiquent de cette catégorie, alors même qu’ils sont devenus des industriels structurés et présents sur de nombreux marchés. Même combat pour certains « boulangers » devenus des chaines, équipées d’outils de production dont les cadences ne peuvent laisser penser que les membres de la « famille » sont aux manettes chaque jour.

Heureusement, en boulangerie-pâtisserie, la plupart des affaires familiales ont encore un véritable sens, créant de la proximité entre salariés et artisans ainsi qu’avec la clientèle. Si l’on connaît bien la forme habituelle de « monsieur-madame » (puisqu’un couple reste… une famille avant tout !), il en existe bien d’autres. Certaines impliquent plusieurs générations, faisant du projet un outil de transmission, plus ou moins heureux selon les cas. Les fournils peuvent également réunir cousins, cousines et autres individus éloignés par différents niveaux de filiation. Les frères et soeurs savent aussi s’allier pour proposer des gourmandises : c’est le cas à Rennes, dans le quartier de Bourg l’Evêque, où Quentin et Thomas Daniel ont repris une affaire en 2016. Ce projet a uni les deux frères, l’un des deux n’ayant épousé le métier que tardivement : cette boulangerie sonne ainsi comme un accomplissement mais aussi comme un moyen de croiser des chemins jusqu’alors tracés en parallèle.

Les produits d’épicerie 100% maison : granola, pâte ou caramel à tartiner… avec un élément de communication expliquant la démarche maison au sujet de la viennoiserie.

Dans ce secteur résidentiel, l’enseigne Au Bonheur du Pain était déjà connue des consommateurs puisqu’ils ont fait le choix de la conserver lors de la reprise. En lui donnant un nouveau souffle, elle est rapidement devenue une référence incontournable des locaux, participant activement à la vie quotidienne. Une vraie « boulangerie du coin », où l’on se retrouve pour acheter des gourmandises réalisées à partir de matières premières sélectionnées. Sur ce sujet, les frères Daniel ont su prendre la parole de façon habile en boutique, au travers des étiquettes produits, de la sacherie à baguette ou encore sur divers supports de communication disséminés dans l’espace de vente. Associé à une tarification particulièrement étudiée, cela contribue à donner une valeur ressentie supérieure à leurs produits, tout en esquissant une démarche globale et cohérente : faire du bon à prix juste, permettant à une filière de vivre tout en restant accessible pour le consommateur. La transparence est renforcée par le laboratoire visible au fond de la boutique.

La belle gamme de pains au levain naturel

Les procédés de transformation sont au moins aussi exigeants que la sélection réalisée en amont : les artisans n’ont de cesse de remettre en question leurs méthodes pour adopter des recettes favorisant le goût et la qualité nutritionnelle. Si le levain naturel est un dénominateur commun pour l’ensemble des pains de leur gamme, certains sont ainsi réalisés en méthode Respectus Panis, à partir de farines locales (dont celles du Moulin de Champcors, situé à Bruz, en banlieue rennaise). Le soin porté à la maitrise des fermentations est à saluer, avec des produits peu acides, mettant bien en valeur les saveurs des céréales, lesquelles sont souvent panifiées sans mélange (le seigle avec un levain de seigle, idem pour l’engrain, etc.). Même constat pour les cuissons, lesquelles sont bien menées et abouties grâce à un four performant. La gamme évolue au fil des jours et des saisons : la tourte de Seigle, le Petit Epeautre ou encore l’Hermine (à la farine de sarrasin) sont proposés en fonction d’un semainier, créant ainsi des ‘rendez-vous’ avec la clientèle. Ils sont rejoints par des brioches festives, à l’image du stollen ou du très réussi Panettone (au pur levain naturel, sans levure) ou encore de la Pogne de Romans.

Une gamme de pâtisseries fine, courte et bien exécutée, avec des créations et des classiques.

Le sucré n’est pas en reste, avec des viennoiseries très soignées et un choix de pâtisseries court et bien pensé, où s’associent classiques et créations développées par une dynamique cheffe pâtissière. Les spécialités régionales sont bien sûr de la partie, avec un kouign-amann soigné ou l’incontournable far breton. L’offre salée décline les standards du domaine boulanger, dont les sandwiches et quiches, avec en prime des pizzas maison à partager le vendredi soir.

Les attrayantes brioches feuilletées en vague

En à peine plus de 3 ans, les frères Daniel ont déjà parcouru un chemin considérable : leur dynamisme intellectuel, leur rigueur et leur capacité à investir dans leur outil de production ont fait progresser cette boulangerie, qui n’a pas à rougir face aux grands noms de la place rennaise. Comme quoi, on peut être petits, différents mais tout aussi, sinon plus brillants… et trouver le bonheur, dans le pain comme dans les autres choses de la vie.

  • Le mur de pains, derrière lequel on peut voir une partie du laboratoire.
  • L’espace de vente n’est sans doute pas optimisé aujourd’hui et ne met pas parfaitement en valeur les produits développés ici. Ce sera sans doute une prochaine étape à franchir pour les deux frères.

2 réflexions au sujet de « Au Bonheur du Pain, Rennes (35), la joyeuse aventure de deux frères »

  1. Ping : La folie du Panettone, ou comment produire des brioches qui n’ont rien d’étonnant | painrisien

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