Il est extrêmement compliqué de faire simple. Partant de ce constat, on mesure combien d’efforts nous aurons à produire pour supprimer fioritures et éléments superflus qui encombrent notre quotidien. Couleurs tapageuses, réalisations étagées, mélanges de saveurs obscurs et souvent illisibles, … les écueils sont nombreux, les causes beaucoup moins. L’égo est une des premières raisons de cet éparpillement contre-productif : il faut affirmer sa maîtrise, son savoir-faire et briller aux yeux du monde. Pourtant, les plus belles lumières sont celles qui celles qui parviennent à en allumer d’autres, celles qui créent des sourires et créent un engouement aussi durable que créateur de valeur pour la communauté. Cela nécessite une très bonne connaissance de soi et une sincérité dans le travail que l’on réalise au quotidien : combien de professionnels ont perdu, ou n’ont tout simplement jamais eu, d’intention portée vers les autres dans la réalisation des produits boulangers ?
On a beau tracer sa route, il est facile de faire un écart, de vouloir prendre un morceau ou la totalité de la scène médiatique qui s’offre à nous. Pourtant, malgré un parcours sans faute, le Meilleur Ouvrier de France Christophe Cressent a préféré la Seine à la scène en ouvrant en 2010 une boutique sobrement nommée « Ma Boulangerie » dans un quartier commerçant de Rouen (76). Cet acte est la suite logique d’une carrière débutée dans la lignée d’une tradition familiale, dont il représente la 4è génération de boulangers. L’artisan exportera son savoir-faire à travers le monde en tant que formateur et consultant, aussi bien au sein de l’INBP que de grands groupes meuniers. L’obtention du titre de MOF en 2000 représente une étape supplémentaire dans sa recherche de l’excellence, toujours entretenue avec la volonté de respecter les éléments clés de l’ADN du métier : simplicité, respect du produit, des hommes et des processus de transformation. Dès lors, l’idée de pouvoir mettre en pratique par lui-même ses convictions semblait évidente, et bien plus cohérente que le travail réalisé dans son précédent poste en meunerie.
La petite boutique de la rue Armand Carrel ne présentait rien d’ostentatoire : un espace de vente modeste, un fournil ouvert à la vue des clients… Pourtant, cette ouverture sonnait comme une évidence : fidèle à sa Normandie, il voulait y créer une entreprise ancrée dans le quotidien des habitants du quartier Saint Marc, accompagné de sa femme Alice et de son équipe. Le succès ne tardera pas à s’inviter dans l’affaire, ce qui leur permettra de reprendre en 2015 une boulangerie à la dérive sur la place du Vieux Marché, accentuant ainsi leur présence dans l’offre alimentaire rouennaise. Si la surface est plus grande et que la boutique affiche depuis le début des lignes modernes, les fondamentaux restent les mêmes. Chez Ma Boulangerie, tous les produits sont faits maison avec des matières premières sélectionnées. Fruits frais, notamment utilisés pour réaliser des confitures en saison, farines sans additif et biologiques pour certaines, chocolats grands crus, … l’exigence se poursuit dans leur transformation avec la mise en oeuvre de longues fermentations et de levains naturels, ce qui permet de magnifier leurs saveurs. Pour autant, on peut être pointu sans devenir élitiste : le couple Cressent propose toujours dans ses boutiques une baguette « Signature » sans additif (farine de Tradition et levain naturel) et de grande qualité à seulement 90cts, tandis que la plupart des pains se négocient de 4 à 8 euros le kilogramme. Même effort sur les viennoiseries -croissant à 1 euro, brioches joufflues et gourmandes sous la barre des 3 euros, …- et des pâtisseries -la plupart des tartes individuelles, pourtant assez élaborées, sont facturées 2,35€-. Ainsi, autant par son agencement, par les saveurs développées (le levain reste doux) ou par l’absence de sur-communication sur le titre de MOF, le commerce demeure pleinement inclusif : chacun s’approprie cette boulangerie… qui porte décidément bien son nom.
Si les clients prennent part à l’aventure, c’est tout autant le cas des collaborateurs de l’entreprise. Christophe Cressent attache beaucoup d’importance à la transmission et a fait monter en compétences et responsabilités ouvriers comme apprentis au sein de la structure. Son épouse Alice a réalisé le même travail sur le volet vente, et c’est grâce à ce tandem complémentaire qu’ils sont parvenus à développer des boulangeries solides, fédérant des femmes et hommes impliqués dans la réalisation de prestations aussi régulières que qualitatives. C’est sans doute ce qui justifie que les gourmands soient toujours plus nombreux pour venir déguster les produits signature de la maison : brioche feuilletée ou au chocolat blanc, tourte de Seigle, tartes chocolat, caramel ou vanille, gâteau moelleux « Saint-Germain » à l’amande et à l’orange, … Dans le même esprit, le Meilleur Ouvrier de France adhère à l’association Tradition Gourmande, dont le but est de réunir des professionnels reconnus et ainsi faciliter les échanges entre eux autant que la portée du savoir-faire pâtissier et boulanger français.
Si dans le domaine de la boulangerie Rouen est surtout connue et reconnue pour la présence du fameux INBP, il ne faudrait pas négliger de penser aux deux boutiques Ma Boulangerie quand on évoque la cité portuaire… au point qu’on aimerait bien tous pouvoir dire que ce sont « nos » boulangeries, celles où l’on vient chercher douceurs, plaisirs et sourires au quotidien.
Infos pratiques
6 Place du Vieux Marché – 76000 Rouen / tél : 02 35 62 71 22 44 Rue Armand Carrel – 76000 Rouen / tél : 02 35 71 00 64 ouvert du mardi au samedi de 7h à 19h30, le dimanche de 7h à 13h30
Le cerveau humain est un organe aussi complexe que fantasque, de par sa capacité à retenir des informations aussi importantes que futiles, en fonction de nos propres aspirations. Ainsi, au fil du temps, il se charge de faits, d’événements, d’anecdotes ou de savoirs que l’on prendra soin de conserver, ou mieux, de partager. Tout cela mis bout à bout finit par construire une certaine forme d’expérience, comme un réseau qui nous permet au quotidien de mieux analyser le monde qui nous entoure, puis de tenter d’agir dans ce dernier si on le souhaite.
Même si j’ai la chance d’avoir une certaine mémoire, j’avoue moi aussi faire parfois, mais plus rarement qu’il n’y paraît, preuve d’une certaine propension à mettre de côté des informations ou détails. Ainsi, de mes cours de philosophie, je ne dois avoir retenu que quelques phrases et concepts, échappant ainsi à la pensée de grands auteurs et penseurs aux idées qui me paraissaient sans doute plus contraignantes que libératoires, du haut de ma jeunesse un peu prétentieuse. J’en ai cependant gardé qu’il n’y avait pas qu’une seule vérité, et que cette dernière devait se concevoir au pluriel pour mieux intégrer les approches et velléités des individus qui nous entourent. Je ne suis pas toujours d’accord avec ces autres conceptions de la réalité mais je les écoute. Ainsi, l’an passé, j’avais publié sur ce blog un billet qui avait fait grand bruit, sans doute pour son caractère particulièrement incisif et, dans une certaine mesure, provocateur. Sans revenir une fois encore sur ces mots, j’ai voulu échanger avec Thomas Teffri-Chambelland pour mieux rendre compte de sa démarche et du projet porté par son école (l’Ecole Internationale de Boulangerie, située à Noyers sur Jabron), et ainsi présenter sa vision de la réalité, différente de celle que j’avais pu exposer en 2018.
Cela a pris la forme d’une interview, une nouvelle forme de contenu jusqu’alors non expérimentée sur ce blog, et qui pourra sans doute se renouveler à l’avenir. D’ici là, je vous en souhaite une bonne lecture.
Je voulais tout d’abord en savoir plus sur le cheminement qui a conduit à l’offre actuelle de l’école. J’avais suivi ses « débuts » il y a quelques années, avec notamment la formule de préparation intensive et très courte (à peine 15j si mes souvenirs sont exacts) pour le CAP Boulanger. Qu’est-ce qui vous a conduit à évoluer et développer la formation que l’on connaît aujourd’hui, avec son diplôme spécifique et son référentiel ?
L’école a été créée en 2006 puis s’est structurée suite à des sollicitations d’adultes en reconversion. Son évolution est liée également à des éléments très matériels comme la disponibilité de mes locaux par exemple. En 2006, les premiers cours dispensés l’ont été au sein de la boulangerie La Paline à Sisteron. La possibilité d’accueil était moindre qu’actuellement et les plages horaires devaient tenir compte des contraintes de production.
Passer le CAP a toujours été une demande forte pour de nombreux adultes dont certains déjà engagés sur des voies de reconversion en fermentation naturelle, pour des besoins de mise en conformité de leur projet. Le système éducatif français ne proposant pas de formation adaptée à ce public, répondre de manière ciblée et efficace à ces adultes et les accompagner au passage de cet examen pour qu’ils puissent exercer leur métier de boulanger au levain, sur des formations très courtes, était motivant. Nous avons eu près de 100% de réussite dans l’accompagnement de ces adultes à l’examen sur plusieurs années. Seules deux personnes ont échoué. L’une enceinte de 7 mois pour des raisons physiques évidentes et l’autre puisqu’il ne parlait pas français, ce qui l’a handicapé fortement sur les épreuves écrites.
En tant que petite structure, indépendante, il me semble également avec du recul qu’il fallait légitimer la qualité de l’enseignement sur des formations plus courtes que les formats proposés actuellement. Le propos du CAP étant très éloigné de mon cœur de métier, j’ai décidé en 2013 d’arrêter ces formations concomitamment à l’inscription au RNCP de notre titre spécifique : Boulanger Niveau IV. Depuis 2006, je proposais déjà, en effet, en parallèle des préparations au CAP, des formations de plusieurs mois spécifiquement orientées vers la fermentation au levain et l’accompagnement à la création d’entreprise. Tous les adultes formés devaient quoi qu’il en soit passer un CAP avant de pouvoir exercer. Nous réservions donc dans leur parcours de formation un temps à la préparation des épreuves du CAP de boulangers. Ce scénario en grand écart entre des pratiques boulangères et des aspirations très éloignées n’était pas confortable.
Entre 2011 et 2012, il m’a donc apparu évident qu’un nouveau diplôme devait naître, en phase avec des attentes et avec un marché économiquement porteur, celui qui me passionne : le pain biologique au levain. C’est cette démarche qui a abouti en 2013 et qui m’a permis de recentrer mon activité de manière plus cohérente sur la fermentation naturelle uniquement. Nous sommes aujourd’hui la seule école délivrant ce diplôme en Europe. C’est un niveau IV, équivalent donc au bac professionnel. Au cours du temps, depuis 2006, la formation s’est largement enrichie tant sur la partie pratique que sur l’accompagnement entrepreneurial. Nos liens forts à l’international d’une part et le développement de mes entreprises sur le marché français d’autre part me permettent de garder une vision très contemporaine des réalités de terrain, indispensable pour l’accompagnement à l’entreprise que nous proposons à l’école.
Avec le succès de l’école, son agrandissement évoqué un temps et donc le nombre important de stagiaires formés dans un « modèle » identique, ne craignez vous pas que les similitudes que l’on retrouve souvent entre les positionnements et gammes de produits finissent par être très visibles et donc dommageables ?
Au jour d’aujourd’hui, l’école n’a pas de projet d’agrandissement réel. Nous avons manqué des locaux adaptés à notre activité fin 2018 et n’avons plus à ce jour de projets concrets de déménagement, même si la volonté d’étoffer encore le projet pédagogique existe. Nous restons donc une toute petite structure de formation, avec 40 projets accompagnés par an, dont 70% donnent naissance à une création d’entreprise dans l’année suivante. Nous parlons donc d’environ 30 créations d’entreprises par an à la sortie de l’école. Comparé au marché de la boulangerie française, c’est quantitativement insignifiant : le risque de saturation du marché est donc irréel.
Par ailleurs, je pense qu’il y a confusion sur la notion de « modèle identique ». C’est justement l’une des propositions majeures de l’école que de personnaliser l’enseignement (nous sommes 4 formateurs pour 10 stagiaires!), afin d’accompagner les adultes sur leur projet. Nous créons ainsi de la diversité sur la filière, pas de l’uniformité. À titre personnel, si le pain est mon secteur d’activité, éduquer à la liberté est mon combat quotidien. Quel point commun aujourd’hui entre Lamée, sandwicherie artisanale à Paris 8°, L’écho des blés en Bourgogne, Boulangerie Deschamps à Lyon, Perlimpainpain dans les Alpes ? Tout diffère d’une entreprise à l’autre : des personnes seules ou en équipe, en travail direct ou retardé, au four à bois ou électrique, en ville ou en campagne, en France ou à l’international… Encore une fois, comparé à la boulangerie conventionnelle, quelle diversité !
L’écueil dans cette interprétation de projets qui seraient uniformes vient je pense d’une autre confusion encore : la gamme de produits. Poilâne en tant que pionnier a balisé la route : les français mangent peu de pain différents. Le pain de campagne et son équivalent aux graines peuvent représenter plus de 60% de nos chiffres d’affaires. Les pains aux inclusions sont pour la plupart des inventions récentes et restent de petites consommations. Il est alors évident que si l’on regarde les gammes de produits de boulangers bio au levain aujourd’hui, on retrouvera systématiquement: du campagne, du campagne au graines et quelques impondérables comme le petit épeautre ou quelques pains de riz. Mais si l’on fait ce travail en boulangerie conventionnelle, toutes les boulangeries de France font alors la même chose : de la baguette et du croissant!
Il est aussi important de comprendre que le boulanger n’est pas qu’un homme produit. C’est aussi, entre autres, un chef d’entreprise. Les différences d’approche sont aujourd’hui extraordinaires entre des entreprises au management classique et le Pain des Cairns à Grenoble par exemple, dont le fonctionnement en SCOP intéresse de nombreux acteurs de la filière. Nos modèles d’entreprises interrogent bien au delà de la filière pain. C’est le rapport même au travail qui est interrogé, le rapport à notre environnement … Et en ce sens chaque entreprise apporte sa touche et sa vision du monde. La réduction du boulanger à l’homme produit ne répond pas aux enjeux que se fixent les adultes en reconversion, comme nouveaux acteurs de l’économie réelle.
Le fait que certains projets aient une réussite indéniable aujourd’hui et aient un rôle de « vitrine » (comme la Fabrique à Pain, dont beaucoup d’éléments (produits, agencement, …) sont souvent repris par vos anciens élèves) ne contribue-t-il pas à créer une certaine uniformité ?
Non, absolument pas. Nous fonctionnons en réseau et je ne pense pas que les réseaux produisent de l’uniformité. Je pense plutôt que les réseaux produisent de la richesse et de la créativité. L’école fait d’ailleurs la promotion du réseau et de l’intelligence collective qui s’en dégage. Si l’un d’entre nous a une solution efficace à des problèmes concrets, le réseau en profite rapidement. C’est un esprit OpenSource qui fonctionne parfaitement. Nous sommes tous des chefs d’entreprises, nécessairement très pragmatiques.
J’aurais également souhaité en savoir plus sur la dimension économique et business plan qui sont intégrés dans la formation : comment cela se passe-t-il ? Dans quelle mesure les élèves sont-ils acteurs de leur projet, étant donné que leur connaissance de la boulangerie reste parfois limitée avant la formation ? Quel est l’apport de l’EIDB dans la construction du projet ?
La formation n’est accessible qu’à des porteurs de projets professionnels et la formation est construite sur deux volets : l’un métier, l’autre entrepreneurial. Un des pré-requis avant l’entrée en formation est notamment une maîtrise suffisante d’Excel, sans quoi le travail attendu en formation ne serait pas réalisable. Le projet du stagiaires est consigné lors des phases d’informations pré-contractuelles, au cours des deux entretiens obligatoires. Le dispositif d’inscription est assez long et doit permettre de valider que l’école est bien en mesure d’accompagner le projet porté par le candidat.
Au cours de la formation, des cours sont évidemment mis en place pour accompagner les stagiaires aux réalités de l’entreprise : cours de gestion, comptabilité, juridique, social, dimensionnement… Ces cours permettent aux candidats de construire des business plan incluant des tableurs de production très complets, des tableurs financiers, des organigrammes de travail couvrant les 7 jours de la semaine quart d’heure par quart d’heure et un document descriptif de leur activité bien entendu. L’école accompagne les candidats au plus près de leur souhait de départ avec pour seule ambition de recentrer le projet dans un cadre économique réel. Fortes de cette ingénierie puissante, aucune entreprise du réseau n’a fermé pour des raisons économiques depuis l’ouverture de l’école.
J’entends beaucoup de choses sur le rôle de l’EIDB dans le choix des fournisseurs (matériel, farines) proposé aux élèves, et notamment d’un système de rétro-commission, qu’en est-il réellement ? Comment sélectionnez-vous les références que vous mettez en avant ?
Tout ce qui de près ou de loin facilite l’installation des stagiaires à leur compte fait partie de notre champ de travail. Notre meilleure vitrine en tant qu’école reste l’ouverture de boulangeries pérennes par nos étudiants. C’est en ce sens que je tisse depuis près de 10 ans des relations avec certains fournisseurs, pour apporter à nos stagiaires un service aujourd’hui performant. Le but est double :
identifier dans la jungle des fournisseurs actuels du matériel adapté à nos besoins spécifiques et négocier des prix de groupe. Nous travaillons aujourd’hui avec de belles marques françaises, telles que Fringand et MAP, mais aussi avec Hengel… Nos fournisseurs de pétrins sont Italiens puisqu’il n’existe pas de fournisseur sur notre territoire.
Le modus operandi est toujours le même:
l’école se rapproche d’équipementiers et achète du matériel pour son compte, en test. Après mise en situation longue et si le matériel convient, j’entreprends un référencement du matériel à l’école, le plus souvent une visite du site de production, l’archivage des fiches techniques et une négociation tarifaire pour l’ensemble du réseau. C’est une de mes conditions, je souhaite que tous les membres du réseau puissent avoir un prix connu et commun.
Au terme de ce travail, les stagiaires ont accès à ces référencements. Il n’y a évidemment aucune obligation pour les stagiaires de se rapprocher de tel ou tel fournisseur. Chacun est tout a fait libre d’acheter ce qu’il veut où il veut en fonction de son intérêt propre. À titre d’exemple, nous passons également beaucoup de temps sur leboncoin avec les stagiaires pour les aiguiller sur des équipements d’occasion quand cela est pertinent.
Pour ce travail de fond que nous faisons, certains équipementiers nous retro-commissionnent à hauteur de 3% à 5%. Ces commissions nous permettent de rémunérer le temps long investi dans la mise en place de ces partenariats et de couvrir les frais qui y sont inhérents : visite de site, archivage, envois des documentations, secrétariat… Le chiffre d’affaire généré est tout à fait à la marge et ne constitue pas pour l’école une source de revenus significatives ou indispensables.
Il est important de noter deux choses:
les distributeurs ne sont jamais shuntés dans ce process. Leur rôle est fondamental puisqu’ils sont les interlocuteurs des boulangers au final et garants du SAV
à titre d’exemple, un stagiaire qui obtient 35% de remise sur un four à 55k€ prix public économise presque 20k€, ce qui est pratiquement le double du prix de la formation! Considérant qu’il aurait peut-être eu seul 20% de remise, l’économie reste très substantielle (+/-8K€).
J’ai eu écho des partenariats mis en place à l’international, notamment avec le sf Baking Institute, est-ce un axe de développement sur lequel vous comptez mettre l’accent dans les années à venir, pour développer le rayonnement de l’EIDB ?
Comme tout le monde le sait (ou devrait le savoir), une école n’est pas un bon centre de profit. Michel Suas, fondateur et directeur du SFBI et moi-même, avons tous les deux des entreprises en production à côté de nos écoles. Les partenariats entre écoles sont encore moins rentables que leurs activités principales parce qu’ils impliquent des frais de déplacements et d’hébergements très lourds.
Ces échanges ne peuvent donc avoir comme motivation que d’enrichir les échanges de savoir-faire. Pour l’EIDB qui accueille environ 20% d’étrangers, ces partenariats à l’international permettent d’avoir d’excellents relais sur les territoires. Dès lors que nous avons besoin d’informations concrètes pour accompagner nos stagiaires de l’EIDB sur leurs projets de créations aux USA par exemple, le SFBI est pour nous un informateur très précieux. Au delà de ces points, ces échanges constituent pour l’équipe de l’EIDB de grandes bouffées d’oxygène au travers des réseaux très compétents de boulangers que nous rencontrons de par le monde, où l’on découvre également des savoir-faire magnifiques et où l’on comprend aussi que la boulangerie française n’est pas le centre du monde.
On vous a vu prendre des participations dans les projets de certains de vos anciens élèves.
Pour situer le contexte, l’école accompagne actuellement une quarantaine de projets de créations par an. Le réseau de l’école compte quelques centaines de personnes, toutes impliquées dans des projets de boulangeries (bio, au levain le plus souvent). De nombreuses associations se font au sein du réseau, entre des stagiaires mais aussi entre des stagiaires et des annonceurs externes. Assez logiquement, depuis plus de 13 ans que l’école existe, certains stagiaires m’ont sollicité personnellement pour les accompagner dans leur projet.
Pour des raisons évidentes de déontologie, ces associations ne sont jamais à mon initiative. Je suis sollicité essentiellement pour accompagner les projets sur les volets de l’ingénierie technique et financière. Il est aussi important de noter que l’école est indépendante et n’est jamais associée à aucun autre projet. Suite aux sollicitations qui m’ont été faites, j’accompagne aujourd’hui via l’une de mes sociétés hors EIDB, 3 projets seulement, et toujours en tant qu’associé minoritaire. Cette position me permet de jouer le rôle de conseiller technique dans ces structures qui en ont largement besoin ! Aucun de ces trois projets ne me rémunère aujourd’hui.
Est-ce une pratique que vous comptez développer ?
Comme expliqué, je réponds lorsqu’elles se présentent à des sollicitations de proches. Ma disponibilité n’étant pas infinie, il n’est pas simple pour moi d’organiser mon travail autour de plus de projets. Un développement personnel de la sorte est donc difficilement envisageable. Cependant, je crois fondamentalement aux vertus de l’entreprise, pour les porteurs de projets et pour la société dans laquelle nous vivons. J’étudie donc au cas par cas chaque dossier qui se présente pour l’orienter au mieux sur le réseau sans vouloir y prendre place de manière personnelle systématiquement.
Vous avez pris le parti de développer la marque Chambelland, dédiée aux produits sans-gluten, que vous développez notamment en franchise en plus des activités de meunerie. Comment gérez vous ce positionnement vis à vis de l’EIDB qui s’inscrit dans une boulangerie plus « traditionnelle » ?
Précisons pour commencer que Chambelland et l’EIDB sont deux marques et deux sociétés différentes. Ensuite, là où beaucoup d’acteurs opposent encore la panification « traditionnelle » et les courants plus récents sur la filière : variétés anciennes, farines naturellement sans gluten …, ma position est plutôt de les assembler.
La France panifie traditionnellement du blé et du seigle (très pauvre en gluten), l’Europe panifie également du sarrasin, du pois-chiche, du maïs (au Portugal, mais aussi dans le Sud Ouest de la France…). Faire rentrer dans le champ de la panification moderne du riz, du pois-chiche, du sarrasin et autres plantes cultivées localement fait donc sens à mon avis et n’a rien de révolutionnaire. Développer des gammes de produits naturellement sans gluten est donc quelque chose de finalement assez simple et peu éloigné de la tradition si l’on y regarde de plus près.
Il est important de remarquer que si Chambelland a décidé de ne proposer dans ses magasins que des produits à base de farine de riz et de sarrasin, la majorité des farines produites au moulin Chambelland sont aujourd’hui vendues à des boulangers bio « traditionnels ». L’ambition de Chambelland est donc bien le développement de ces nouvelles farines en panification au sein de la filière en général. Ce développement se fait au côté des autres farines, pas en s’y opposant, ce qui n’aurait aucun sens.
Quelles sont vos projets sur ce segment de marché, qui semble par ailleurs connaître une croissance ralentie par rapport à l’engouement observé ces dernières années ?
Nous sommes des indépendants et nos projets sont simples : pérenniser la filière que nous avons mis en place. Nous travaillons aujourd’hui avec trois fermiers producteurs de riz dans la plaine du Po, et une quarantaine de collaborateurs en tout pour aller du champ à la table. La croissance ou le ralentissement d’un marché mondial n’affecte en rien notre activité indépendante, dans la mesure où nous n’avons pas d’ambition mondiale ! Comme les journalistes nous piquent souvent sur le sujet, j’aime à dire que Chambelland surfe sur deux modes. La première est la culture du riz et la deuxième est la panification. Chacune des deux a bientôt dix mille ans et notre démarche, si novatrice soit-elle me semble relativement pérenne !
Dans un contexte où le métier d’artisan boulanger est souvent en grande difficulté, ce qui l’appelle à se renouveler en profondeur, que souhaitez-vous apporter à la profession sur le long terme ?
Seuls les analystes ont des ambitions à priori pour la filière. Je suis un travailleur entrepreneur indépendant. Mon quotidien est dicté par des choix entrepreneuriaux qui font sens pour moi, à savoir la liberté d’entreprendre, le respect des collaborateurs, la pérennité de notre agriculture… Si ma démarche est inspirante, tant mieux. Si elle permet à des gens de vivre du métier qui les passionne, tant mieux, mais ce serait très prétentieux de vouloir apporter plus.
Pensez-vous que l’avenir est orienté vers des boulangeries de plus petite taille, centrées sur le pain, comme celles que développent la plupart de vos élèves ?
Je pense fondamentalement que la mixité est bonne en tout. La mixité des modèles, des techniques, des matières premières ne peut être que plus riche que les démarches étriquées ou extrémistes. Pour ce qui est des boulangeries pures, les choix me semble en effet intéressant. Le boulanger n’est au départ ni restaurateur, ni cafetier, ni pâtissier. Assez peu d’acteurs ont finalement la maîtrise de tous ces métiers. Les marges brutes étant meilleures sur le pain que sur les autres produits, la démarche me semble censée en effet de ne faire que du pain. A ce jour, depuis 13 ans, aucune des boulangeries montées par les anciens de l’école n’a fermé pour des raisons économiques ! C’est assez bon signe par les temps qui courent.
Vous prônez l’emploi de matières premières issues de l’Agriculture Biologique. Pensez-vous que c’est une filière qui prendra de l’importance en boulangerie ?
Je pense sérieusement ne pas être le seul à penser que l’agriculture biologique prend de l’importance et en prendra encore au sein de la filière boulangère et de l’alimentation en général. Il est tellement simple aujourd’hui de faire pousser des céréales bio (je suis agriculteur depuis 2006) que l’on peut parier avec certitudes que le changement opéré actuellement (nous tendons vers près de 10% des surfaces françaises en bio) n’est qu’un début. Traiter les semences, puis les blés en culture (insecticides, fongicides, raccourcisseur de paille), puis au stockage (insecticides) est un non sens. Aucun acteur conventionnel n’assume communiquer sur ces pratiques. Personne aujourd’hui ne peut considérer honnêtement que ces traitements sont inoffensifs pour la santé et pour l’environnement.
Quand quelque chose devient évident aux yeux de tous, il n’existe qu’une seule issue. Quelque soit le temps qu’il faudra, nous allons probablement vers une agriculture 100% bio ! (Toute vérité franchit trois étapes. – D’abord, elle est ridiculisée. – Ensuite, elle subit une forte opposition. – Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence. Arthur Schopenhauer.)
On entend aujourd’hui beaucoup parler des paysans boulangers, qui travaillent pour beaucoup des variétés anciennes de blé. Etes vous partisan du développement de ce type de démarche ?
Si l’homme hybride et sélectionne des blés depuis environ 9000 ans, les techniques mise en œuvre pour ce faire ont largement évoluées depuis une centaines d’années. Les dates clés sont à mon avis : la deuxième moitié du XIX° siècle d’une part et les années 1980-90 d’autre part.
Pendant la deuxième moitié du XIX° siècle, des semenciers ont commencé à diffuser largement des semences. Leurs actions commerciales associées à des variétés de bonne qualité boulangère ont nécessairement eu un impact négatif sur le nombre de variétés en culture. Les agriculteurs ont abandonné les variétés cultivées localement au profit de ces variétés achetées. Ce mouvement s’est largement accéléré après la seconde guerre, corrélativement à la croissance importante des semenciers qui sont alors devenus des groupes internationaux.
On assiste donc à un appauvrissement du patrimoine variétal et donc génétique depuis le milieu du XIX° siècle, largement accéléré depuis l’après-guerre. Toutes démarches qui visent aujourd’hui à collectionner, recenser, cultiver… des blés anciens est donc salutaire à mon avis pour la préservation de cette biodiversité. En ce sens je salue le travail entrepris par les associations (semences paysannes…) ou des particuliers (Jean-François Berthelot, Jean-Pierre Bolognini…). Depuis les années 1980-90, les techniques classiques d’hybridation et de sélection ont été considérablement modifiées par le développement de techniques nécessitant une meilleure maîtrise de la génétique. La variété Renan encore largement cultivée aujourd’hui est un exemple classique d’hybridation rendue possible par polyploïdisation, fusion de protoplasme… permettant le passage d’un gêne d’une Égilope sauvage (14 Chromosomes) à un blé cultivé (42 Chromosomes) !
De sorte que l’on peut dire qu’après les années 1980-90, la plupart des blés sont des blés dont l’évolution génétique a été largement forcée, ce qui pose des questions légitimes de sécurité. Notons que la même chose est vraie dans toute la filière agricole, pour le raisin de table, les pommes à croquer… D’une manière générale, les variétés modernes possèdent toutes des qualités boulangères supérieures aux variétés anciennes ! C’est pour ça que le débat est complexe dans la filière aujourd’hui. Tout le monde a le cœur qui penche pour l’ancien, mais tout le monde veut faire des mies ouvertes et souples comme celles qui peuplent les fils Instagram de tous les boulangers Américains et qui nécessitent des variétés à haute valeur boulangère. Il existe donc une véritable bipolarité du boulanger en général sur ce sujet ! Finalement, peu de boulangers travaillent des variétés anciennes pures. Le propos s’est déplacé vers des blés dit « de population ». Ces populations sont le plus souvent constituées de variétés anciennes et modernes cultivées ensemble, ce qui permet de produire des farines ayant de bonnes qualités boulangères (au sens entendu par la filière depuis plus de 100 ans: W, P/L…), tout en préservant en culture un pool génétique intéressant.
Enfin, comme dans le mannequinat, il serait peut-être temps également de réviser notre échelle de valeurs; ce que nous appelons « qualité boulangère » d’une farine par exemple. Aussi incroyable que ça puisse paraître, l’aspect nutritionnel ne fait pas encore partie des valeurs boulangères d’une farine ! Il reste donc encore du pain sur la planche.
Thomas Teffri-Chambelland, merci pour ces réponses.
Au commencement, il y avait tout simplement… la Terre. Oui, mais pas celle que l’on connaît aujourd’hui. Le sens du mot a évolué au fil des modifications naturelles qu’elle a connu : sous l’influence de la tectonique des plaques, ce qui était la « pangée » s’est progressivement séparé pour créer les continents que l’on connaît aujourd’hui. Le même phénomène a engendré les montagnes, volcans et autres reliefs que l’on observe aujourd’hui, et qui représentent autant de frontières naturelles entre les territoires. Ce mouvement perpétuel fait évoluer nos paysages autant qu’il peut contribuer à nous éloigner : toutes ces séparations finissent par aboutir à des spécificités régionales qui limitent la compréhension mutuelle, que ce soit pour des raisons de culture ou de langue… alors même que nous restons tous des hommes, en définitive, et ce peu importe notre couleur, nos croyances ou nos coutumes. Certains ont voulu donner à ce mot d' »homme » plusieurs significations, comme si certains l’étaient moins que d’autres. Peu importe ce que nous faisons, nous ne devons jamais oublier le fait que c’est la nature, les fondamentaux, qui doivent nous permettre de créer les définitions que nous mettons derrière les mots. Les autres dérives sont aussi peu souhaitables qu’elles peuvent être dangereuses à long terme.
On le voit bien pour les termes qui régissent le secteur d’activité dans lequel nous évoluons ici. Il y a un peu moins de trois ans, j’écrivais sur ce blog un billet tentant de définir ce qu’était alors, selon moi, un Artisan Boulanger. Si les grandes lignes de ma réflexion de l’époque sont encore tout à fait valables aujourd’hui, je pense qu’elle était en définitive incomplète. J’avais omis d’associer au métier le lieu de vente singulier où l’artisan propose généralement ses produits : une Boulangerie. Quand on voit comment cette dernière a été malmenée, il m’apparait important que nous nous questionnons sérieusement sur ce qu’est cette boutique, ce commerce si profondément ancré dans notre paysage français… car en définitive, plus que la culture du pain qui s’est répandue sur le globe, c’est avant tout ce dernier qui est resté singulier dans nos territoires. Que ce soit en terme de forme ou de nombre, l’exception culturelle si chère à notre pays s’est pleinement exprimée.
C’est sans doute un peu moins vrai aujourd’hui, car de nombreux entrepreneurs ont intégré des inspirations venues de l’étranger pour concevoir leurs projets. Sans doute était-ce nécessaire pour renouveler le métier et lui permettre d’exister. Cependant, dans cette boulangerie plurielle, nous avons perdu nos repères et certains en ont profité pour brouiller les cartes à leur avantage. Le mot et sa définition ont glissé, aidés par des consultants, agenceurs et spécialistes des relations publiques aux intérêts souvent uniquement économiques.
Une Boulangerie est un lieu accessible et « inclusif »
Si l’on reprend les tendances développées ces dix dernières années, on peut retenir celle aboutissant à des boutiques inspirées de bijouteries ou autres boutiques « de luxe », avec beaucoup d’éléments brillants et/ou plastiques. Cette volonté d’orienter le métier vers une image « haut de gamme » ne trouve aucun fondement dans ses caractéristiques naturelles, ni dans les produits qu’il réalise. Cela a souvent servi à satisfaire l’égo d’artisans, qui trouvaient là un moyen d’affirmer leur réussite autant qu’une volonté de s’élever de la masse dans laquelle ils évoluaient. Dans certains cas, la clientèle locale est également sensible à ce type de question, et le fait d’avoir une boutique affichant ce décor feutré peut contribuer à la réussite économique de l’affaire, en augmentant artificiellement la valeur ressentie des produits. Seulement, ces cas restent anecdotiques et l’effet est aussi fragile que potentiellement éphémère. Même si la boulangerie peut se vanter de se rapprocher des métiers du luxe par le savoir-faire mis en oeuvre, il ne faudrait pas oublier que sa vocation reste de nourrir les individus au quotidien, sans distinction de moyens ou de catégorie sociale. Par ces effets d’image, une partie de la clientèle se détourne de l’offre artisanale car elle ne se retrouve pas dans ce positionnement : qui a envie de se sentir mal à l’aise en allant acheter une baguette ?
Nous devons avoir à coeur de redonner aux Boulangeries cette image de commerces accueillants et « inclusifs » : cela n’exclut pas une forme de modernité, bien nécessaire pour rassurer les consommateurs en terme d’hygiène et pour s’inscrire dans le paysage commercial, mais l’ADN du métier doit être respecté pour rester cohérents et défendre une image à la fois pertinente et différenciante du métier. Ce dernier élément est essentiel : plutôt que de se fondre dans le paysage, je suis persuadé que la profession doit conserver ses spécificités, qui lui ont permis de survivre au temps et aux modes. La notion de lien social entretenue chez les artisans boulangers est fondamentale : ce commerce doit rester un « refuge » où chacun peut se retrouver, partager quelques mots et des gourmandises. Cette idée est mise à mal par les dérives tarifaires que l’on connaît bien en région parisienne : quand certains pains dépassent allègrement les 15 euros/kg ou certaines viennoiseries se négocient à 6 euros la pièce individuelle, on peut se dire que l’on a quitté le terrain de l’alimentation quotidienne. Sans négliger de calculer les coûts de revient, l’artisan doit continuer à proposer des gourmandises accessibles, ce qui à mon sens fait partie de l’ADN d’une boulangerie. Cela nous renvoie à la nécessité de penser son projet en amont pour éviter de générer des charges et investissements qui se retrouveront forcément dans la gamme et les prix de vente : alors que la tendance est d’aller vers « toujours plus », ne devrait-on pas retourner à des choses simples, rationnelles et permettant en définitive de ne pas perdre son âme en route ?
Une Boulangerie doit raconter l’histoire d’un artisan et ses engagements
Justement, ce refuge a été bien mis à mal par la conceptualisation marquée des boutiques : aujourd’hui, il ne suffit plus d’ouvrir une Boulangerie, il faut trouver un positionnement qui la rende foncièrement différente des autres… sans qu’il soit question de la sincérité de ces « artisans » qui n’en sont plus, pour la plupart, car ils ne mettent même pas la main à la pâte. Je ne vous cache pas que je suis assez interloqué quand je vois leurs initiatives reprises dans des grands médias nationaux, souvent accompagnées de qualificatifs grandiloquents : « la boulangerie nouvelle génération », « une boulangerie qui casse les codes », « un artisan qui dépoussière le métier »… Au delà de ces belles images, quand on cherche à comprendre l’intention initiale des entrepreneurs derrières ces projets, le constat est plutôt attristant : le sujet principal est le business, sans considérer les éléments fondamentaux du métier que sont les paramètres humains ou de savoir-faire. Ils sont mis au service d’une entreprise somme toute très « froide » et centrée sur une logique économique et/ou marketing, alors que le chemin devrait être pris à l’envers : c’est en construisant une boulangerie qui a du sens pour ceux qui la font et ceux qui y consomment que l’on réussit durablement.
Cette évolution est très visible à Paris, sans doute moins dans le reste de la France, mais la contagion peut aller très vite. Elle aboutit à rendre inintéressantes des affaires pourtant rentables et bien tenues aux yeux de porteurs de projets disposant d’un apport suffisant pour les reprendre : du fait de leur emplacement, de leur configuration ou de leur superficie, elles ne correspondent plus aux « standards » recherchés par de nombreux acquéreurs aux apports financiers conséquents : pas de place assise, difficultés à développer le snacking, petit magasin… les raisons sont nombreuses et traduisent bien le glissement opéré. Il ne s’agit plus de vendre du pain et des gourmandises boulangères, qui nécessitent beaucoup de savoir-faire et génèrent en définitive trop peu de chiffre aux yeux de ces « artisans »… en plus de générer infiniment moins de buzz sur les réseaux sociaux. Cela se traduit souvent dans la configuration de la boutique : on remarque le peu de place laissé au pain, et des caractéristiques qui ne trompent pas sur le manque de soin qui lui est porté : mies denses, croûtes ternes, arômes faibles, en bref des produits bien peu heureux pour des clients qui le seront tout autant.
Dès lors, je pense qu’il devient urgent d’inverser la tendance et ne plus chercher à faire toujours plus clinquant mais plutôt chercher à raconter une histoire sincère, engagée et respectueuse du métier d’artisan boulanger. Cela passe par une réflexion portée dès les prémices de la création d’entreprise : peu importe la forme que prendra le commerce en définitive, car il ne faut pas avoir d’idée arrêtée sur ce sujet, c’est une certaine idée du pain et plus globalement de l’alimentation que l’on doit véhiculer, avec un projet bien dimensionné en terme d’investissements afin de le mettre au service du produit… et non l’inverse. C’est tout cela que j’incite chaque porteur de projet à faire son chemin dans le métier avec beaucoup d’humilité pour développer à la fois leurs aptitudes professionnelles, leur organisation mais aussi leur culture du produit et de la panification. Plutôt que d’orienter son regard uniquement vers des professionnels aux valeurs et procédés compatibles avec ses propres aspirations, il faut s’ouvrir à toutes les façons de concevoir la boulangerie pour en saisir des éléments qui, assemblés, permettront de créer une identité singulière.
Une Boulangerie est un lieu de création et de diversité
Nous avons trop longtemps considéré la boulangerie comme un métier centré uniquement sur la labeur. Or, il n’est durable que s’il touche autant les mains que la tête. Au delà du manque criant de vision et de perspectives au sein des formations professionnelles, le développement des réseaux de boulangeries associé à la l’apparition des pré-mixes a contribué à transformer les artisans en simples ouvriers, dépossédés de la capacité à mener leur propre affaire selon leurs volontés voire même de tout savoir-faire lié à la panification. L’offre industrielle en pâtisserie et viennoiserie n’ont fait que renforcer le phénomène : beaucoup ne se contentent plus que d’ouvrir des cartons et mélanger un peu d’eau avec de curieuses préparations additivées dans leur pétrin.
Ces produits et concepts standardisés ont fortement développé l’uniformité dans un métier où les professionnels possédaient jadis chacun leurs recettes et leurs tours de mains. L’enjeu est aujourd’hui de parvenir à réintroduire cette idée de création et de diversité. On a pu observer ces derniers mois l’apparition de programmes de formation chez de nombreux meuniers ou groupements : chacun y va de son « école » (Ecole de Boulangerie Artisanale chez Festival des Pains ou l’Ecole des Moulins Viron), « académie » (l’Académie des Moulins Familiaux, qui regroupe les Moulins de Chars, Chérisy, Brasseuil et Paul Dupuis), de ses « stages » (les Stages Bourgeois), l’Atelier M’Alice (créé par la Minoterie Girardeau) se déploie maintenant sur trois sites (Boussay, Itteville et Ernée) en plus de réaliser des stages pour le compte d’autres meuniers (Minoterie Mignot ou Maury), les moulins affiliés à l’association des Petits Moulins de France a développé ses services avec l’INBP, … même si d’autres ont toujours capitalisé sur cet accompagnement, à l’image de Foricher.
Même si l’on ne peut que saluer toute initiative visant à transmettre du savoir, je pense qu’il reste beaucoup à faire pour armer correctement les artisans dans un contexte concurrentiel particulièrement agressif. D’une part car il ne s’agit pas uniquement de fournir des recettes et quelques tours de mains ou de réaliser des produits qui ne seront jamais repris en boutique car peu adaptés à une fabrication quotidienne, d’autre part car ces formations ont tendance à s’orienter dangereusement vers des publics non issus d’un cursus en boulangerie (comme je l’avais noté précédemment). Plutôt que se disperser et consommer des ressources de façon inutile, il me paraîtrait plus pertinent de chercher à transmettre une vision de marché pertinente et cohérente aux professionnels déjà installés, avec l’idée que cela puisse infuser sur les jeunes en formation chez ces mêmes artisans. Cela passe par une meilleure lecture des attentes des consommateurs, notamment en terme de nutrition ou de sélection des matières premières, sur la construction d’une gamme rationnelle et adaptée en fonction du projet et de l’identité du boulanger, ainsi qu’une réelle volonté de redonner du sens au métier en l’inscrivant mieux dans la communauté qui l’entoure (ce qui signifie notamment re-créer des liens avec des producteurs mais aussi avec sa clientèle, au delà de la simple relation de vente). Plus que jamais, une Boulangerie doit être un élément fort du lien social mais aussi un trait d’union entre les métiers de la terre, qui produisent les matières transformées au fournil. Il faut également lui donner des clés pour construire une démarche intellectuelle vertueuse, étendue de la fourche au fournil, où le travail des mains n’est plus le seul valorisé : chaque artisan peut être pleinement moteur de la vie de son entreprise s’il se détache des solutions pré-conçues, marques et autres concepts, et c’est ce qui lui permettra de mieux s’adapter à son contexte local ainsi qu’aux futures évolutions du marché.
En définitive, une Boulangerie se définit avant tout par des valeurs, un projet et une intention portée sur le métier
Le temps où l’on définissait une boulangerie par son offre, son format ou ses horaires d’ouverture est aujourd’hui dépassé. Dans un métier qui n’a jamais été aussi pluriel, le dénominateur commun entre de « véritables » artisans se trouvera sur le terrain des valeurs et d’un projet destiné à créer de la valeur durablement au service du savoir-faire propre au métier, des hommes et femmes qui le perpétuent chaque jour pour nourrir sainement une clientèle. Le problème est que nous évoluons dans un monde de communication et de faux-semblants : combien d’entrepreneurs se parent aujourd’hui d’une vertu factice ?
Dès lors, il faut chercher à lire entre les lignes, capter les signaux faibles qui distinguent les engagements sincères des postures. Un des meilleurs indicateurs reste sans doute la sobriété dans la conception de la boutique (les boulangeries où le pain est marginalisé pour devenir complètement invisible en disent long sur la réelle nature du commerce !) et la présentation des engagements ou méthodes de fabrication : il y a des questions à se poser en présence de références marquées à la tradition, au savoir-faire ancestral, à nos chères grand-mères ou encore face à une séance de name-dropping destinée à prouver un sourcing « rigoureux ». C’est aussi le cas quand le professionnel cherche à cocher toutes les cases des tendances : produits au visuel conçu pour faire du buzz sur les réseaux sociaux, mise en oeuvre des ingrédients et saveurs en vogue (exotiques comme le Yuzu ou le thé matcha, graines aux vertus tant vantées comme le Chia…) avec souvent peu de cohérence et avec des dosages discutables, adoption de codes issus d’autres métiers de façon pas ou peu pertinente, etc.
Bien sûr, il faut goûter et chercher avant tout à connaître les produits : le « fait maison » reste indispensable pour définir ce qu’est une boulangerie artisanale, mais il dit en définitive assez peu de choses sur la qualité des matières premières et le soin pris à les transformer. Ce sont les recettes et procédés qui font la différence : travail sur levain naturel, longues fermentations, pâtes fortement hydratées, sélection de producteurs locaux, respect des saisons… autant d’éléments qui font parler pains et gourmandises mieux que tout discours marketing. Une Boulangerie doit développer un fort savoir-faire sur ces produits et éléments fondamentaux : si le pain, la viennoiserie et la pâtisserie boulangère sont négligés, une erreur fondamentale est commise.
Mis bout à bout, ces éléments doivent traduire une démarche sincère de partage, qui se place avant toute notion de réussite économique. Si cette dernière est indispensable pour la vie normale de l’entreprise, on doit la voir comme la résultante d’un effort permanent visant à satisfaire sa clientèle locale (et non quelques influenceurs appâtés par de la nourriture offerte) ainsi que ses salariés. Ces valeurs manquent encore à beaucoup d’artisans, et plus encore à de fraiches reconversions professionnelles, qui trouvent pour certaines dans la boulangerie un curieux passe temps. En les réintroduisant, on parviendra à redonner du sens au mot Boulangerie… et à toute la filière. A chacun de se saisir de ses responsabilités.
Les sagas familiales sont loin d’être de longs fleuves tranquilles : elles se dessinent plutôt de façon sinueuse, et peuvent parfois s’achever au fil des aspirations nouvelles exprimées par les jeunes générations. Il faut donc redoubler d’efforts pour entretenir la flamme, pour transmettre le savoir-faire et l’envie. Pour autant, je suis convaincu que plutôt que de chercher à rester dans un cercle fermé, il faut au contraire accepter de s’ouvrir et permettre à d’autres individus de reprendre le flambeau. Les échanges entretenus avec des personnes différentes, issues d’horizons variées, finit par créer de la valeur à long terme.
On l’a bien vu en boulangerie et en meunerie : certaines grandes dynasties ont disparu de la filière, parfois en cédant leurs entreprises. A Paris, la famille Maeder s’est illustrée dans plusieurs quartiers. Il y a eu Bernard, installé en bordure du 17è arrondissement, suivi par son fils Raoul, d’ailleurs toujours en place avec les Moulins Viron (et leur Pain d’Exclamation, un service de boulangerie en B2B, à Clichy). Dans un registre plus orienté business et « restauration rapide boulangère », Christine Maeder et son équipe ont oeuvré pour nourrir les travailleurs pressés du 9è pendant de nombreuses années. Enfin, c’est en plein coeur du très résidentiel 15è arrondissement que Benoit Maeder a tissé sa toile, d’abord rue Saint-Charles puis rue de Lourmel.
Après la vente de cette dernière boulangerie, on pouvait se demander si l’aventure familiale allait continuer à se déployer dans la capitale. La réponse est venue d’elle-même en octobre 2018, mois au cours duquel Laura Maeder et Jérémy Hadjadj ont repris leur propre affaire, située au 45 rue Raymond Losserand, dans le 14è arrondissement. Il n’y a aucun doute à avoir sur leur volonté quant à défendre cette identité régionale qui a participé au succès de la famille : le nom choisi, la Petite Alsacienne, annonce la couleur dès la devanture.
Si cette ouverture est la concrétisation d’efforts entretenus depuis plusieurs années, le parcours des deux artisans n’aura rien eu de linéaire pour y parvenir. Chacun auront d’abord épousé des destinées bien différentes de celles portées au sein des fournils : Laura étudiera l’esthétisme, tandis que Jérémy choisira les bancs d’une école de commerce avant de travailler dans le secteur du marketing. Ils se retrouvent finalement dans le laboratoire de la rue de Lourmel et entament l’apprentissage du sucré pour elle, de la panification pour lui. A force de travail, les responsabilités s’acquièrent et ils prennent progressivement la tête des équipes pâtisserie et boulangerie, en plus d’un CAP Boulanger obtenu en candidat libre pour Jérémy.
Ce dernier avait d’ailleurs toujours développé l’ambition de posséder un jour sa propre affaire : il évoquait déjà le sujet dans des échanges que nous avions pu avoir… en 2012. Le chemin parcouru depuis lui a permis de pouvoir être aujourd’hui un boulanger accompli, apte à mener son entreprise en totale liberté, ce qui n’aurait pas été possible s’il s’était installé prématurément. Cette boulangerie de quartier est idéale pour une première expérience : sa taille modeste va permettre au couple de développer encore ses compétences tout en disposant d’un emplacement intéressant, porté par un quartier commerçant et un passage fréquent. Son potentiel n’était jusqu’alors pas ou peu exploité : la boutique vivait « dans son jus », sans avoir bénéficié de rafraichissement récent, et proposait des produits sans grand relief.
Après quelques semaines de travaux et une reprise en main des gammes, le résultat est aujourd’hui bien différent, et les vitrines ont retrouvé de la vigueur. Cela se remarque dès l’entrée avec une offre de pâtisserie très boulangère, déclinée selon les envies du jour : tartes, flans aux fruits, choux aux saveurs variées… rien ne manque, si ce n’est parfois le respect de la saisonnalité. La viennoiserie n’est pas en reste, avec des classiques ayant bien progressé depuis l’ouverture -dont un croissant très honorable-, tout comme le snacking qui offre des propositions gourmandes (sandwiches, pizzas, quiches…) aux passants et travailleurs du quartier. Le mur à pain s’impose par les formats qui y sont présentés : de grosses pièces fabriquées sur levain naturel, avec des classiques (campagne, Tradition à la coupe…) et des spéciaux aux mies colorées (Forêt Noire, « Stockholm » -un pain type norvégien- riche en graines, pain au cacao, …). L’hydratation des pâtes est très satisfaisante, de même que les cuissons, et les clients peuvent apprécier autant les mies ouvertes ainsi que la bonne conservation des produits. La baguette de Tradition, nommée ici l’Alsacienne, est d’excellente facture : croûte fine et craquante, mie crémeuse et parfum de froment bien présent. Laura et Jérémy sont restés fidèles à Foricher les Moulins pour la fourniture de leur farine, que ce soit pour la Tradition française (une T65 Bagatelle Label Rouge) ou les autres références (gruau, meule, seigle, etc.)
Bien sûr, la Petite Alsacienne ne serait rien si elle ne proposait pas des spécialités issues de sa région. Les recettes familiales sont mises à l’honneur, qu’elles soient sucrées ou salées : bretzel moelleux (lequel sert d’ailleurs de base pour certains sandwiches, une originalité appréciable), kouglof aux raisins macérés dans du rhum, sundgau… ainsi que des créations proposées rue de Lourmel, comme le généreux « sablé alsacien » garni de fruits. Les gâteaux de voyage complètent cette offre déjà très généreuse avec un large choix de cakes et moelleux.
Comme l’ont malicieusement indiqué ses propriétaires sur la vitrine, cette boulangerie est « belle comme un bretzel ». Elle correspond bien à l’idée que l’on se fait d’un artisan de quartier, avec des produits riches en savoir-faire et portés par une identité singulière, bâtie par le couple grâce à son histoire et ses expériences. Ce sont ces éléments qui, combinés, parviennent à différencier clairement la boutique du reste de l’offre disponible localement… en nous apportant un peu du goût de l’Est ici, à l’Ouest de Paris !
Infos pratiques
45 Rue Raymond Losserand – 75014 Paris (métro Pernety, ligne 13) / tél : 01 43 21 60 59 ouvert du lundi au samedi de 7h à 20h.
On ne mesure sans doute pas assez combien le temps est devenu un luxe, qui ne s’acquiert que bien difficilement, souvent au prix d’efforts importants. Nous devons tout faire au plus vite sans bien en avoir le choix, au risque de mal agir : comment être tout à fait libre de ses mouvements quand on a un pied sur l’accélérateur, l’autre sur une planche de surf pour suivre les vagues, et les deux mains partagées entre le volant et la ferme intention d’attraper tout ce qui passe ? Je suis persuadé que nous finirons tous, un jour ou l’autre, par décrocher. Cela a été le cas pour moi il y a déjà quelques années, mais ce que certains décrivent dans des théories de l' »effondrement » engendrera sans doute autant de douleur que de bouleversements profonds. Saurons-nous ralentir avant de finir dans le mur ? Rien n’est moins sûr.
Les reconversions, toujours plus nombreuses, devraient nous interpeler sur les dysfonctionnements profonds de notre monde du travail. Certains les utilisent de façon assez cynique pour entretenir leurs affaires. Même si je ne suis pas toujours très enthousiaste face à leurs projets, c’est toujours avec curiosité et bienveillance que j’essaie de les accueillir. Parmi eux, la boulangerie Archibald, portée par les entrepreneurs Matthias Velter et Fabrice Petit, compte sans doute parmi les bonnes surprises de ces derniers mois. Il faut dire que les artisans, passés par l’EIDB de Thomas Teffri-Chambelland, ont pris le temps pour faire bien les choses… même si des éléments extérieurs -un raccordement électrique tardif, notamment- les ont contraint à la patience pour plusieurs mois, avant de pouvoir finalement ouvrir début avril 2018.
Ce luxe dont je parlais en introduction n’est pas du hasard, mais à une véritable réussite entrepreneuriale bâtie sur une profonde amitié (entretenue depuis l’enfance) et en famille : les deux compères, accompagnés par Maud Velter, à la fois femme de Matthias et soeur de Fabrice, ont fait de leur société Lodgis un des acteurs majeurs de la location meublée à Paris. L’aventure, débutée dès 1999, aligne des chiffres qui donnent le tournis : 50 collaborateurs, 6000 appartements, 5000 propriétaires, 700 contrats signés chaque mois… On peut atteindre les sommets et avoir envie de redescendre, d’embrasser des projets plus terre à terre. C’est précisément le cas ici : après avoir essayé plusieurs domaines comme la production de miel, la boulangerie finit par l’emporter. Il faut dire qu’un de leurs collaborateurs avait ouvert la voie : après avoir oeuvré plusieurs années chez Lodgis puis parcouru plusieurs dizaines de milliers de kilomètres à vélo, François, co-fondateur du Fournil Ephémère à Montreuil (93), montrait un bel exemple… autant que de beaux produits.
Une fois la formation achevée, il fallait un lieu pour faire germer l’idée, et pas question de le faire ailleurs qu’en plein coeur de Paris. La boulangerie se nommera ainsi Archibald et se situera dans le 5è arrondissement, face à la faculté de Jussieu. Audacieux jusqu’au bout (Archibald est un prénom masculin d’origine germanique qui signifie naturel (« ercan ») et audacieux (« bald »), les associés transforment un ancien restaurant en fournil dédié au pain Biologique sur base de levain naturel. Le résultat est bien loin des standards de la boulangerie parisienne : les clients sont accueillis dans un écrin épuré (signé Pep’s Création), hybride entre atelier et boutique. Si le four est à l’étage, les pétrins et sacs de farine côtoient les vitrines et la caisse, lesquelles sont disposées sur roulettes pour faciliter le changement d’usage du lieu… ce qui n’est pas sans rappeler l’aménagement de la Fabrique à Pain aixoise, où de nombreux élèves de l’EIDB continuent de s’inspirer.
La philosophie de panification est, elle aussi, proche des standards prônés dans l’institut : la plupart des produits sont travaillés en « direct », sans passage au froid, exception faite du Campagne qui fermente en chambre d’un jour à l’autre. La levure ne rentre dans la composition que des brioches et de l’Archi-Gourmand. La gamme est à la fois courte et aboutie : les clients peuvent déguster des propositions aussi douces et accessibles que le Parisien (farine T65 Bio sur levain de petit épeautre) puis se tourner vers des pains de caractère comme le méteil (mi-seigle, mi-froment sur levain de seigle), le pain Allemand ou l’Intégral. Ce dernier est d’ailleurs particulièrement réussi, ce qui est assez rare pour le signaler : le levain de petit épeautre lui apporte beaucoup de douceur, et sa texture se révèle très agréable à la dégustation. Difficile de passer à côté des propositions les plus gourmandes, à l’image de la brioche provençale ou de l’Archi-Gourmand, un produit très abouti où les raisins rencontrent une mie à la texture moelleuse et fondante (grâce à un apport de beurre et de levure en fin de pétrissage)… même si le Petit Epeautre de Haute-Provence est tout aussi attrayant, avec ses vives saveurs de miel et d’épices. De belles mies ouvertes, des pâtes bien hydratées et des saveurs riches portées par des levains maîtrisés… on aurait beaucoup de peine à mettre en défaut ces produits.
Le caractère audacieux du projet est amplifié par cet emplacement difficile -le quartier n’est qu’assez peu résidentiel et le passage demeure limité, mis à part les étudiants- et les horaires d’ouverture restreints : en ouvrant du lundi au vendredi de 16h à 20h, Matthias et son équipe restreignent d’autant leur potentiel de clientèle mais disposent également d’un certain confort de vie et de travail, un fait non négligeable dans ce métier. Une des pistes de développement se trouve dans la livraison de magasins et épiceries Biologiques, ce qui a déjà été entamé au travers d’un partenariat tissé avec la Biocoop le Retour à la Terre Rive Gauche et le « Bio Shop » tout proche. Il faudra sans doute amplifier les efforts de communication pour donner à la boulangerie la visibilité qu’elle mérite.
On peut bien sûr se poser la question de la viabilité d’un tel pari en zone urbaine dense comme Paris, d’autant plus avec l’importance des investissements réalisés. Je suis persuadé que cela répond à une attente des consommateurs, qui s’exprime partout : nos boulangers doivent être transparents et développer des identités aussi lisibles que cohérentes. Archibald réunit l’ensemble de ces principes, avec des éléments suffisamment différenciants pour créer une relation nouvelle entre l’artisan et ses clients. Casser les codes tout en respectant le produit et le métier comme on le fait ici, est-ce vraiment si audacieux en définitive ? Laissons le bon pain creuser son sillon ici, rue des Fossés Saint Bernard… et nous montrer qu’il était peut être judicieux de s’installer en face de Jussieu !
Infos pratiques
28 Rue des Fossés Saint-Bernard, 75005 Paris (métro Cardinal Lemoine, ligne 10) / tél : 01 85 09 00 20 ouvert du lundi au vendredi de 16h à 20h.
Les paysages peuvent être riches en enseignements. Prenez par exemple les passages à niveau qui peuplent nos campagnes. On y retrouve un panneau portant une inscription quasi-philosophique : « Un train peut en cacher un autre ». Il y a bien des façons de l’aborder, et on ne comprend la chose dans sa totalité que quand on assiste à la scène génératrice de danger que le dit-écriteau veut prévenir. Si l’on torture la phrase comme j’aime tant le faire, notre imagination peut nous porter à penser que la compagnie de chemin de fer souhaite nous transmettre un message profond, comme si les choses n’étaient pas tout à fait ce qu’elles paraissent, que les mouvements de la vie peuvent occulter l’essence même des chemins tracés autour de nous. Au final, si on le lit dans ce sens, nous intégrons un enseignement bien plus riche que prévu… car à l’inverse de celles présentes sur la voie ferrée, aucune barrière ne nous arrête quand il s’agit d’aller au devant des ennuis causés par un manque de recul et de clairvoyance.
Les boulangeries du Quartier du Pain et de Lalos Paris (mis à part celle détenue en association avec Milton Danchin à La Garenne Colombes) sont passées depuis quelques jours sous l’enseigne Le Grenier à Pain. Si le nom de Michel Galloyer est mis en avant sur les devantures, cette reprise en mains cache en réalité la prise de contrôle du réseau par une nouvelle direction, accompagnée par le fond Pléiade Investissement. L’entreprise est à présent menée par Carlos Verkaeren, ex-PDG des biscuiteries Poult. Son objectif est de continuer dans les mois à venir le développement de la marque créée à Angers il y a une vingtaine d’année.
Frédéric Lalos conserve son atelier de production situé à Sèvres, où il continuera à fournir les professionnels. Le Meilleur Ouvrier de France abandonne ainsi sa vitrine parisienne, affectée ces derniers mois par le départ de plusieurs de ses « piliers » vers d’autres horizons, à l’image de Damien Dedun (parti développer la formation Boulangerie de l’Ecole de Ferrières) ou de Franck Debray (parti chez Thierry Marx Bakery). Cela signe en quelque sorte la fin d’une « génération Lalos » : de nombreux professionnels talentueux qui peuplent la profession sont passés par les fournils de l’artisan et y ont acquis un savoir-faire riche, porté aussi bien sur le pain que la viennoiserie. Si l’on peut être en désaccord avec certains choix de l’homme en terme d’associations et de valeurs, il faut reconnaître la valeur de cet effort de transmission.
C’est tout aussi vrai pour la participation au renouveau qualitatif de la boulangerie parisienne, auquel l’enseigne Le Quartier du Pain a participé dès le début des années 2000. Accompagné de Pierre-Marie Gagneux, ils ont développé la marque, devenue progressivement « Lalos Paris », jusqu’à atteindre les 7 points de vente. Cette acquisition participe au mouvement de concentration observé ces derniers années, et aboutit à toujours plus d’uniformité en terme de produits et de gammes. En effet, en installant la nouvelle enseigne, le Grenier à Pain a rationalisé les propositions en reprenant ses standards, assez différents de ceux proposés jusqu’alors dans les boutiques, peu ou pas remaniées pour le moment par ailleurs. Le levain naturel ne semble pas être privilégié dans les fournils, de même que l’emploi de farines Biologiques et/ou de Meule, pourtant de plus en plus communes en boulangerie artisanale.
La volonté affichée de continuer le développement, et peut être les acquisitions, n’est pas sans poser un certain nombre de questions : comment l’entrepreneur, jusqu’alors baigné dans une culture plutôt industrielle de par ses responsabilités en biscuiterie, compte-t-il mener son projet ? Parviendra-t-il à fédérer autour de lui des ressources humaines solides et aptes à structurer l’expansion comme c’est nécessaire dans ce genre de projet ? Passer derrière un personnage emblématique comme Michel Galloyer, et Frédéric Lalos pour les boutiques fraichement acquises, n’est pas non plus une mince affaire. Toutes ces inconnues seront à observer et à suivre dans les mois à venir… et pour cela, pas question de rester au grenier, cela se passera bel et bien sur le terrain !
Si la fameuse expression « il y a toujours une femme derrière un grand homme » rend hommage à toutes celles qui se dévouent pour la réussite des figures de notre société, on mentionne bien plus rarement toutes les équipes oeuvrant en coulisses pour entretenir la grandeur des marques qui font ces métiers artisanaux que nous apprécions tant. Ainsi, dans l’imaginaire collectif, une enseigne de boulangerie portant le nom d’un artisan resterait toujours « tenue » au quotidien par ce dernier, grâce à un don d’ubiquité trop inégalement distribué. La réalité est toute autre, et si ces entrepreneurs réussissent à bâtir ce qui s’apparente parfois à des empires, c’est avant tout grâce à leur capacité à s’entourer et à placer les bonnes ressources aux bons endroits… ce qui est un véritable talent ! Fort heureusement, on peut toujours voir de deux façons les situations : même s’ils servent une marque et une cause qui ne sont pas les leurs, toutes ces femmes et hommes engrangent une expérience et une crédibilité qu’ils pourront valoriser pour, un jour, voler de leurs propres ailes. A l’inverse d’un film où la distribution des rôles demeure immuable une fois le tournage entamé, la vie nous donne l’opportunité de transformer le casting pour écrire de nouvelles histoires.
Emmanuel Martin a été l’un de ces hommes de l’ombre pendant plusieurs années : en effet, il était associé à Dominique Saibron au sein de sa boulangerie du 14è arrondissement. On le retrouvait ainsi au bureau, où il oeuvrait quotidiennement pour la gestion de tâches administratives, des ressources humaines ou des relations avec les fournisseurs. C’est à présent en tant que chef d’entreprise qu’on le retrouve dans le 15è arrondissement, et plus précisément au 18 rue de Lourmel, en lieu et place de la famille Maeder.
Si gérer une entreprise artisanale d’une taille aussi importante que celle de la place d’Alésia n’était pas une mince affaire, l’artisan ne s’imaginait sans doute pas que reprendre une telle institution locale pourrait être encore plus compliqué : en effet, les habitants du quartier étaient très attachés à l’identité « alsacienne » de la boutique. On mesure difficilement les spécificités de certaines zones de Paris, que l’on pourrait imaginer beaucoup plus ouverte et insensible au changement du fait de son statut de grande ville. Pourtant, il existe encore des états d’esprit bien particuliers, comme si certains arrondissements cherchaient encore à revendiquer leur côté villageois. Le 15è en fait partie, et son caractère très résidentiel n’y est sans doute pas étranger.
Les premiers mois d’activité n’auront donc pas été de tout repos, et les critiques aussi fréquentes que virulentes. Il faut dire qu’Emmanuel Martin a très vite cherché à imposer son identité, en remaniant en profondeur les gammes de produit. Accompagné d’une équipe où plusieurs fidèles de sa précédente aventure l’ont rejoint, il a ainsi développé la gamme de pains spéciaux, transformé la gamme de viennoiseries et de pâtisseries, en plus de changer les matières premières mises en oeuvre. On retrouve les fondamentaux et ingrédients du succès qui l’ont porté pendant près de 9 ans : uniquement des farines brutes, livrées par les Moulins Fouché, dont une partie biologiques (écrasées par la Minoterie Suire), du levain naturel et des recettes éprouvées.
Bien sûr, quelques références ont été conservées, à l’image du fameux Bretzel, du Kouglof ou de la brioche feuilletée. Cela ne doit pas pour autant occulter la qualité du travail réalisé ailleurs : la gamme de viennoiseries est particulièrement soignée, avec une belle déclinaison de roulés et de croissants fourrés, et les pains comptent quelques belles références comme l’iconique boule Bio au levain naturel. Les pâtes pourraient sans doute être un peu plus hydratées, mais je ne doute pas que cela se fera au fil du temps et de l’appropriation des recettes par l’équipe. Les qualités des produits n’en sont pas moins présentes, avec des saveurs agréables et une bonne conservation des pains. Si la boutique a pu être centrée autour de la flûte alsacienne, ce sont aujourd’hui les pièces généreuses, dont plusieurs sont vendues à la coupe, qui s’imposent. Cette transformation était aussi pertinente que nécessaire : les attentes des consommateurs ont changé, et ils recherchent à présent des produits plus typés et à la meilleure conservation. Les pâtisseries ont également été reprises en main, avec quelques nouveautés qui rafraichissent progressivement la vitrine.
Les premiers mois d’activité sont passés, et les moments les plus difficiles également. Emmanuel Martin a prouvé au quartier sa capacité à proposer des produits de qualité, et notamment pour les fêtes, avec des galettes des rois aussi accessibles que soignées. Pour autant, l’entrepreneur ne compte pas se reposer sur ces premiers acquis et pense déjà à l’avenir : une des prochaines étapes sera la refonte de l’espace de vente, ce qui participera à la meilleure identification des lieux à l’identité de l’artisan en plus de renouveler un style qui a fait son temps.
C’est en tout cas un plaisir de retrouver un artisan engagé à cette adresse, qui aurait pu intéresser d’autres profils plus orientés chiffre que qualité. Cela correspond bien à la rue de Lourmel, riche en commerces de bouche, dont le visage résiste encore à l’uniformité. Son nouveau statut de tête d’affiche n’a pas changé les fondamentaux d’Emmanuel Martin, ce qui traduit aussi bien des convictions profondes qu’une volonté de partager le meilleur avec sa clientèle… et il dispose à présent d’une scène ouverte pour le faire.
Infos pratiques
18 Rue de Lourmel, 75015 Paris (métro Dupleix, ligne 6) / tél : 01 45 78 89 31 ouvert tous les jours sauf le mardi de 7h à 20h, jusqu’à 19h le dimanche.
Il suffit parfois d’un adjectif pour séparer deux mondes. Si les mots peuvent paraître faciles à remplacer dans des phrases, ils le sont beaucoup moins quand il s’agit de réaliser les transformations qu’ils impliquent pour passer de l’un à l’autre. Dans un métier tel que celui où nous évoluons ici, cela devient autant une question de matériel, de savoir-faire, de convictions que d’humain… ce qui nous montre bien que nous sommes bien loin des mots que nous utilisons sans y penser, au détour de conversations futiles. On pourrait ainsi comparer ces adjectifs à toutes ces nuances de couleurs qui composent nos paysages, passant du plus clair au plus foncé. Sans elles, nos journées n’auraient plus la même saveur, car les lieux et objets finiraient par se ressembler. Ces adjectifs participent à la nécessaire diversité de notre monde… et nous avons besoin de toutes les bonnes volontés pour continuer à les écrire.
Aurélie Ribay fait partie de ces forces vives : en transformant un terminal de cuisson situé au 36 bis rue de Dunkerque, dans le 10è arrondissement parisien, elle a remplacé la boulangerie industrielle par une approche entièrement artisanale, où tous les produits sont fabriqués sur place. L’historique du lieu nécessitait un peu d’imagination pour y voir cette transformation : en effet, ce fût pendant plusieurs années une succursale de la marque « Saint-Preux », alors affiliée au groupe Holder, disparue depuis. La boutique vivait en indépendance sous le nom de Pavé Sucré, sans franchement proposer de quoi battre son homologue parisien.
Il s’agit en définitive d’une double reconversion : non contente de transformer un lieu, Aurélie a également bouleversé son quotidien et sans doute son destin. A l’aube de la quarantaine, elle s’est posée de sérieuses questions sur son travail et son quotidien de commerciale dans le secteur bancaire. Si elle ne s’est pas immédiatement tournée vers l’univers enfariné des pains et gourmandises, c’est à la suite d’un stage de découverte chez un boulanger qu’elle fait le choix de sa reconversion. La suite de son parcours est somme toute assez classique à présent : elle rejoint l’EBP après avoir quitté son travail en août 2016 et alterne entre formation et stages, notamment au sein de la Boulangerie Basso et de Mongolfière.
Une fois diplômée, en juin 2017, le plus dur restait sans doute à faire : souhaitant écrire la suite de son histoire au sein de sa propre affaire, la néo-boulangère est partie en recherche d’un fonds de commerce à reprendre. Au sein d’un marché détenu par quelques barons-marchands de fonds, les reconversions récupèrent souvent les miettes laissées par les personnes mieux insérées dans le « sérail » trop fermé de la boulangerie parisienne. Elle finit par jeter son dévolu sur cette boutique proche de la Gare du Nord, bénéficiant d’un certain flux de passage.
C’est ainsi que l’entrepreneuse a pu ouvrir ses portes au public il y a un peu moins d’un an, le 23 mars 2017, après 7 mois de démarches auprès des banques et quelques semaines de travaux. L’espace de vente a été aménagé dans un style très personnel, avec un rouge dominant et des linéaires courts permettant de mettre en avant la gamme resserrée proposée ici. En effet, si Aurélie a du renoncer en partie à l’idéalisme qui l’habitait lors de ses premiers pas en boulangerie, elle n’a pour autant pas remis en cause ses fondamentaux, dont celui de développer avant tout le pain et la viennoiserie.
Pour y parvenir, elle s’est entourée du Moulin Paul Dupuis, qui lui fournit la farine Campteclair (Label Rouge et issue de blés CRC) ainsi que les moutures Biologiques du Moulin de Brasseuil, intégré dans le même groupe. Elle les travaille ensuite dans le fournil ouvert sur la boutique sur base de poolish (pour les pains de Tradition) ou de levain naturel. On retrouve ainsi en boutique une belle gamme de pains, dont la plupart est vendue à la coupe : du Campagn’AR (habile clin d’oeil à ses initiales) décliné nature ou aux ingrédients au Petit Epeautre en passant par le pain d’Automne où la châtaigne joue pleinement ses notes sucrées, rien ne manque. La boulangère assume un style assez rustique, avec des mies denses et des croûtes épaisses, sans tomber dans des levains trop acides. Cela pourrait être plus hydraté à mon sens, mais c’est une affaire de goût… et en la matière, sa clientèle semble avoir été séduite, preuve en est de sa fidélité et de la relation privilégiée créée avec la boulangère, qui aime défendre ses créations en vente.
C’est aujourd’hui une équipe de 5 personnes qui travaille dans les lieux pour réaliser l’ensemble des produits. La viennoiserie est ainsi 100% maison, avec un feuilletage généreux et bien croustillant. La pâtisserie décline les grands classiques du genre : flan crémeux (nature ou chocolat), tartes aux fruits de saison, … il ne faut pas chercher ici des créations compliquées mais des produits simples et réalisés avec sérieux. Même constat du côté du snacking, où quiches et sandwiches constituent l’essentiel de l’offre, dont le développement s’est imposé comme une évidence compte tenu de la demande exprimée dans le quartier. La proximité de la gare du Nord draine naturellement des publics variés, et c’est sans doute ce qui fait tout l’intérêt et la richesse de l’emplacement. A la fois boulangerie de quartier et point de chute pour un en-cas, cette petite boutique d’angle fait office d’oasis artisanal dans un paysage gastronomique local parfois peu reluisant.
Au bout d’un an, le pari d’Aurélie Ribay est en bonne voie pour être gagné : récemment couronnée du prix 2018 du Goût d’Entreprendre, elle mène son entreprise avec opiniâtreté malgré les difficultés cumulées de la tâche : il fallait une belle dose de courage et d’audace pour reprendre une boulangerie en étant une femme seule, dans un milieu entre trop marqué par le machisme, en reconversion professionnelle et avec de fait une expérience limitée dans le métier. Plus d’un auraient fini par être déboussolés, elle n’a pas perdu le Nord… sans doute aidée par le cap donné par la majestueuse gare à proximité !
Infos pratiques
36 bis Rue de Dunkerque, 75010 Paris (métro/RER Gare du Nord, lignes 2, 4, 5, B, D et E) / tél : 01 48 78 73 56 ouvert du lundi au samedi de 7h45 à 20h30, le samedi à partir de 8h.
Il y a des dizaines de façons de regarder une vitrine. Ce n’est sans doute pas le sujet auquel on porte le plus d’attention, mais pourtant, selon notre âge, notre sexe, nos attentes, nos envies, le lieu, le contexte, la saison… et le contenu de la dite vitrine, elle pourra susciter l’envie, le rêve, le dédain, le dégoût, ou que sais-je encore. Ces paysages pourraient faire l’objet de milliers de descriptions différentes, alors que leur réalité propre reste identique. Ce ne sont que des vitrines. Le problème de notre époque est sans doute de ne se concentrer que sur elles, en négligeant trop souvent l’arrière boutique, qui devient alors un amas difforme de cadavres, d’ambitions ratées et l’expression de l’écart entre les mots et les actes. Peut-être qu’un jour nous casserons ces vitrines pour cesser d’entretenir le paraître, peut-être nous parlerons nous franchement et directement, ce qui permettra à chacun de choisir en connaissance de cause, avec une information claire et non biaisée. Certains ont déjà commencé, et notre responsabilité collective serait de grossir le mouvement… si seulement nous souhaitions nous en saisir !
Le SIRHA -qui s’est tenu à Eurexpo-Lyon du 26 au 30 janvier 2019- est sans doute l’une des vitrines de l’agro-alimentaire qui, pendant 5 jours, génère le plus de réactions contrastées, allant de l’enthousiasme béat au dégout profond. Si ces salons ont longtemps suscité ma curiosité, je m’y rends aujourd’hui avec la simple volonté de prendre la température d’un marché où les tendances semblent dictées par des armées de cabinets de consultants aptes à fournir des analyses sur l’ensemble des métiers, sans s’imprégner de leur culture propre. Les résultats sont parfois étonnants et détonnants, rarement satisfaisants, et on le voit bien en boulangerie-pâtisserie. Pour autant, je refuse de me boucher le nez, même si l’ambiance olfactive sait se faire pesante quand il est question d’appâter le visiteur avec des dégustations à foison.
Le caractère généraliste du salon doit nous permettre d’avoir une vision complète du marché, en dehors de nos fournils, moulins, ingrédientistes et autres fournisseurs de solutions variées, lesquels étaient pour la plupart concentrés dans le Hall 4, exception faite de Bridor qui jouait pleinement la carte de son positionnement « haut de gamme » en se positionnant dans le Hall 6, au milieu de nombreuses marques réputées en épicerie fine. C’était l’occasion pour l’industriel breton de présenter sa dernière innovation, nommée la Mie Biote, laquelle est l’aboutissement de 3 ans de travaux de R&D et d’une étude clinique du CRNH-69 et de l’INRA. Ses effets présumés sur le microbiote intestinal doivent contribuer à améliorer la santé humaine, grâce à une combinaison de fibres.
Que l’on soit convaincus ou non de la ferme volonté de ce type d’entreprises de participer à améliorer notre santé, ils ont su se positionner de façon importante sur ce segment de marché toujours plus porteur. Ainsi, on pouvait dire que ce SIRHA était en bonne forme : autant par son nombre vertigineux d’exposants, de visiteurs (plus de 225000 visiteurs et 3770 exposants & marques) que de produits vantés pour leurs qualités nutritionnelles. Les filières vertueuses et autres circuits courts semblent être devenus la norme, preuve en est des larges espaces qui leur sont dévolus sur les stands des distributeurs que sont Metro ou Transgourmet. Le terme de vitrine que j’employais précédemment trouve ici tout son sens : il s’agit surtout d’un enjeu d’image que d’un engagement profond, car ces produits ne représentent aujourd’hui qu’une part anecdotique de leurs approvisionnements et de leur chiffre d’affaires. Pour autant, si l’on voit le verre à moitié plein, cela contribue à faire évoluer les mentalités et à orienter le choix des professionnels et consommateurs vers ce type de démarches, même si le fait d’être souvent galvaudées peut finir par leur faire perdre tout sens à long terme.
On le voit bien avec les « céréales anciennes » qui sont évoquées de façon répétée dans la communication des spécialistes de la boulangerie-pâtisserie. Ils sont nombreux à avoir découvert les bienfaits de l’épeautre (qui est devenu, au fil du temps et des manipulations, tellement proche du blé qu’il n’y a plus grand intérêt à le mettre en oeuvre…), de l’engrain/petit épeautre ou encore du Khorasan… en négligeant volontairement la naturelle diversité des grains et des semences, encore entretenue par une poignée de passionnés. La difficulté sera pour eux de rendre lisible la différence entre les deux mouvements, qui peuvent rapidement se confondre pour les yeux non avertis du grand public.
Dans le même esprit, l’agriculture Biologique s’était invitée sur de nombreux stands du hall 4, y compris chez des meuniers qui ne s’étaient pas illustrés dans le passé par leur attachement à des filières de qualité. Si les farines Bio demeuraient discrètes chez la Minoterie Forest, le groupe Soufflet avait choisi de profiter de l’événement pour communiquer plus largement sur sa démarche « responsable » et ses nouvelles gammes destinées aux artisans boulangers. En effet, après de nombreuses années de perte de vitesse sur la marque Baguépi, l’entreprise s’est offerte une nouvelle identité visuelle en 2018, accompagnée en ce début d’année du lancement d’une gamme complète de farines Bio. Le projet, mené en interne par le jeune et talentueux Guillaume Schopphoven, par ailleurs finaliste au MOF Boulanger 2018, comprend la réouverture d’un site industriel (le moulin de Lozanne, dans le département du Rhône (69)), la volonté de réintroduire du savoir-faire chez les artisans pour travailler ces matières premières plus exigeantes, ainsi qu’une logique de filière au sein de Soufflet Agriculture pour encourager les conversions vers le Bio. Ajoutez à cela l’engagement affiché de n’utiliser que du blé biologique français, alors même que les volumes de production ne couvrent pas la demande, le chantier semble relativement titanesque. Les mois à venir nous laisseront observer les moyens que voudront y donner Jean-Michel Soufflet et Erick Roos, DG de la branche Meunerie, ainsi que leurs résultats.
J’évoquais dans un de mes célèbres billets de l’an passé la notion de qualité, qui me semble toujours plus dépassée. L’enjeu serait plutôt de répondre à une logique de responsabilité, plus riche et complète. Chaque maillon de la filière blé-farine-pain doit s’en saisir pour fournir ce que son client est en droit d’attendre : un agriculteur devra ainsi se questionner sur le caractère sain ou non de ses grains, un meunier pourra orienter sa réflexion sur ses farines pour éviter de tomber dans les assemblages dopés que l’on a trop connu ces dernières décennies ainsi que sur son service et la liberté qu’il laisse aux artisans, tandis que le boulanger sera amené à mieux sélectionner ses matières premières et adopter des méthodes de fabrication aboutissant à des produits plus nutritifs et savoureux. Ce travail doit se faire en ayant à coeur de mieux respecter nos ressources, aussi bien naturelles qu’humaines.
Le développement des régimes « alternatifs », notamment basés sur l’emploi de protéines végétales, doit nous interpeler sur la transition progressive qui s’opère vers de nouveaux modes de consommation. Je ne suis pas partisan des positions radicales, car le risque est d’aboutir à des modes de consommation profondément morcelés et parfois antagonistes, avec toutes les tensions que cela pourra générer, mais je pense pour autant que la boulangerie-pâtisserie artisanale s’est encore trop peu saisie des enjeux de santé ou de cohérence éthique et environnementale comme peuvent l’avoir fait certains des industriels cités précédemment. Nous aurons ainsi de bien belles histoires à raconter. Seulement, pour y parvenir, nous devons partager des valeurs communes et chercher à nous enrichir de nos différences plutôt que de bâtir des modèles pré-établis, qui aboutissent à une uniformité néfaste au maintien du métier.
Les changements opérés par les grands groupements meuniers en sont d’ailleurs les meilleurs témoins : l’artisan reprend peu à peu sa place dans leur communication. Naturellement ancré en région Rhône-Alpes, Nicot Meunerie présentait la nouvelle identité du groupement Banette. Le changement de positionnement est clair, les lignes plus sobres et modernes, mais cela suffira-t-il à enrayer les difficultés rencontrées par la marque ces dernières années ? L’évolution culturelle à mener est conséquente, et pas forcément compatible avec les fondements du concept, qui reste encore lourdement attaché à des produits standardisés, basés pour beaucoup sur des mélanges qui ont fait leur temps.
C’est sans doute ce qui pousse le meunier familial aux 8 sites de production à multiplier les démarches pour cibler le plus large public. On le retrouve ainsi derrière les bannières du CRC (qui vient d’ailleurs d’abandonner la marque « Le Blé de nos Campagnes »), d’Agri-Ethique, du Bio, du local (particulièrement mis en valeur au sein de la Minoterie Vuillermet, qui fait office de vitrine « haut de gamme »)… et maintenant d’un concept nommé « Chez mon Boulanger » -sous titré « bon & sain au quotidien », en référence à l’utilisation de farines CRC et de levain naturel-, qui cible expressément les entrepreneurs et investisseurs extérieurs à la profession et souhaitant développer un projet de boulangerie artisanale.
Imaginé avec Thierry Turgon, ancien responsable du développement du Moulin de Païou, le projet se veut une alternative à la franchise pour des profils qui se seraient tournés vers de grandes enseignes comme Ange ou Louise. Le modèle est plus flexible, car il laisse la possibilité à l’entrepreneur de construire sa propre identité, même s’il doit respecter un référentiel de méthodes mis au point par le meunier. Cela laisse supposer que ce dernier apporte un service appuyé, avec un accompagnement poussé pour chaque étape de la vie de l’entreprise (recherche du local, création de la boutique, formation, animations…), du fait de l’absence d’apport en savoir-faire métier du porteur de projet.
L’idée semble être dans l’air du temps, puisque Festival des Pains se positionne en creux sur le même segment avec son Ecole de Boulangerie Artisanale, qui sera notamment représentée lors du prochain Salon de la Franchise à Paris, tout comme Chez mon Boulanger. Je m’interroge sur la pertinence de tels investissements, qui me paraissent importants et destinés à des personnes ne partageant pas un « socle de valeurs » commun à celui de la boulangerie et ne souhaitant pas s’y insérer. Je comprends bien que la meunerie puisse s’intéresser à ces volumes qui seraient sinon réservés à leurs concurrents de grande taille, mais les nombreux exemples déjà présents sur le marché d’acteurs de ce type n’incitent pas vraiment à avoir confiance en leur capacité à respecter le métier sur le long terme. Leur tendance naturelle à s’orienter vers des activités telles que le snacking contribuera encore à faire glisser le référentiel de ce que l’on appelle une « boulangerie », quitte à détourner complètement le sens de ce mot sur le long terme.
Justement, il est bien question de long terme et d’avenir lorsque l’on parle de tout cela : plutôt que de tirer dans tous les sens en se disant que l’on finira bien par viser juste dans quelques cas, il serait sans doute plus pertinent d’agir de façon cohérente, en s’appuyant sur des valeurs, des convictions et une vision forte du marché. Intervenir à tous les niveaux de la chaine ne me paraît pas une idée brillante : laissons Si la mise en place d’outils de formation plus structurés est une tendance lourde chez nos amis meuniers, chacun y allant de son école, académie ou autre institut, il me semble qu’il y a beaucoup à faire sur la pertinence de ces derniers et leur adéquation avec les attentes des consommateurs.
Nous avons la chance d’avoir encore des artisans forts d’un savoir-faire unique et passionnés par leur métier. La responsabilité de leurs partenaires me semble être de leur apporter les meilleurs outils pour perdurer dans un environnement concurrentiel difficile, et cela passe autant par des éléments de service, de compréhension du marché que d’un renforcement de la relation commerciale par une montée en compétences des forces de vente, qui doivent devenir les ambassadeurs d’un projet ambitieux pour la boulangerie d’aujourd’hui… et de demain. Autant dire que le chemin sera long pour y parvenir, mais il pourrait être beau et porteur de sens. Dès lors, il appartient à chacun de se saisir de cette opportunité… ou pas.
La vie est un formidable jeu de probabilités. Comme si, chaque jour, nous oeuvrions comme d’ingénieux mathématiciens, écrivant sans relâche des équations aux multiples inconnues. Quand un ensemble de conditions se réalise, cela peut donner lieu à des créations surprenantes, qui nous rappellent la beauté de la nature. Nous cherchons trop souvent à tout contrôler, à maîtriser l’imprévu, à limiter les risques… autant d’efforts aussi vains que contre-productifs lorsqu’on observe notre incapacité chronique à créer des harmonies, l’action humaine se résumant plutôt à des enchainements de déséquilibres. On finit parfois se dire que le mieux à faire serait de rester simplement à observer la beauté naturelle, sans chercher à y intervenir… mais ce serait aussi renoncer à notre puissante volonté de conquête et de possession.
S’il y a bien quelque chose que les cadurciens vont avoir le loisir d’observer, c’est le talent et le savoir-faire des frères Beziat. Installés depuis fin novembre 2018, les deux jumeaux signent sur l’avenue la plus passante de la cité un véritable retour aux sources – leurs parents possèdent une boulangerie dans la commune de Gramat. Je parlais en introduction de probabilités : on pourrait calculer celles aboutissant à ce résultat singulier, où chacun a développé dans sa discipline un talent riche et créatif, leur permettant de devenir des professionnels accomplis et aptes à entreprendre à seulement… 24 ans. Cédric s’est ainsi emparé des clés de la panification dès son plus jeune âge. Meilleur Apprenti de France en 2011, il a notamment été formé au sein de la boulangerie nantaise Pain, Beurre et Chocolat avant de partager ces dernières années son savoir-faire en tant que démonstrateur pour l’Atelier M’Alice. Loïc a suivi un parcours parallèle, dédié à la pâtisserie. Il obtient également le titre de Meilleur Apprenti de France en 2012, avant d’enchainer les diplômes : mention complémentaire, brevet technique des métiers, … le pâtissier formera également des professionnels au sein de l’ENSP d’Yssingeaux avant de prendre la tête de la création de la pâtisserie Canet à Nice. C’est à ce moment, début 2018, qu’il obtient le titre de Champion du Monde des Arts Sucrés, en équipe avec sa collègue Marie Simon.
Les forces de ce duo sont multiples : chacun reste précisément à sa place sans chercher à intervenir sur le métier de l’autre, leur complémentarité pouvant ainsi s’exprimer pleinement. Ils partagent une vision commune du métier et un objectif clair : satisfaire leur clientèle, créer des plaisirs accessibles à chacun au quotidien. Leur parcours aurait pu les inciter à rêver de paillettes, de créations compliquées et inadaptés à une production « boutique » comme on en voit encore trop souvent dans des formations professionnelles. Les gammes développées dans leur boulangerie-pâtisserie prouvent qu’il n’en est rien : les produits demeurent très rationnels, à la fois en nombre qu’en complexité, même si certaines pâtisseries demandent un soin tout particulier.
Ces bases solides expliquent sans doute l’accueil reçu par leur commerce dès son ouverture : la demande lors des fêtes s’est révélée bien plus importante que leurs prévisions les plus optimistes, ce qui laisse présager une progression élevée par rapport à leurs prédécesseurs, qui avaient fait le choix de se placer derrière une enseigne Banette et s’étaient spécialisés dans le snacking. Les frères Beziat ont remis au centre de l’affaire les éléments fondamentaux d’une boulangerie et se démarquent ainsi très nettement de leur concurrence.
Cela commence par le pain, présenté avec beaucoup d’élégance sur un large mur au fond boisé. Ici, pas de baguette de pain courant mais uniquement une Tradition fermentée sur poolish, déclinée en une version graines. Cédric a fait ce choix délibéré pour proposer un pain doux et exprimant pleinement les saveurs de froment de la farine de Tradition, avec un procédé de fabrication évitant les mies caoutchouteuses et le manque de croûte que l’on observe fréquemment. Le même travail de réflexion a été mené pour mettre au point des pains ayant chacun une identité propre, sur base de levain naturel : une tourte de Meule acidulée, le Pain du Père Jouvent (à base de farine de Grand Epeautre) aux saveurs rustiques ou encore la tourte de Campagne et ses notes mielleuses, … autant de produits qui répondront aux goûts et attentes variés des consommateurs, avec toujours des mies bien ouvertes et des croûtes craquantes.
La viennoiserie s’inscrit dans le même registre, avec des classiques à l’exécution très maîtrisée : croissants, chocolatines (on ne plaisante pas avec l’appellation !), kouglofs, pains au raisins ou brioche Nantaise, on retrouve des feuilletages légers et croustillants ainsi que des mies fondantes et gourmandes. Pour la période des Rois, les galettes feuilletées et briochées auront rencontré un succès mérité : qu’elles soient à la frangipane classique, à la noisette ou aux fruits confits pour la couronne, elles ont bénéficié du même soin pour leur réalisation, ainsi que de la sélection précautionneuse des matières premières.
Sur ce point, les jeunes entrepreneurs ont appris dans leur parcours l’importance d’acheter les bons produits au bon prix pour conserver des coûts de revient corrects, sans chercher à réaliser une débauche de références « haut de gamme » qui ne se justifient pas toujours. Par exemple, Loïc sélectionne pour ses pâtisseries des chocolats de qualité (principalement chez Valrhona) sans rechercher spécifiquement des origines ou des parfums très typés, afin de permettre au plus grand nombre d’apprécier ses créations.
C’est vrai qu’il serait idiot de passer à côté de ces pâtisseries, lesquelles déclinent autant de grands classiques du répertoire sucré -Paris-Brest, Opéra, Forêt Noire, tarte au citron meringuée, …- que des gâteaux mis au point par l’artisan et sa compagne Mathilde, qui l’accompagne au sein du laboratoire. Le dénominateur commun de ces douceurs est la modernité, la légèreté des textures, le juste dosage du sucre et le soin porté à leur réalisation. Coup de coeur personnel pour la Tarte au citron meringuée, péchue et très équilibrée, ainsi que pour le gâteau ‘Expresso’, associant avec brio café et noisette… tout cela pour 3,40€ la pièce, autant vous dire la chance qu’ont les cadurciens.
Les gâteaux de voyage rencontrent également un vif succès, grâce à un format élégant façon finger et un boitage adapté. Ces derniers sont accompagnés par une belle gamme de gourmandises à croquer à tout moment de la journée : sablés, meringuettes, amandes chocolatées et noisettes sablées, ou tablettes variées sans oublier l’incontournable pâte à tartiner… autant de produits rentables et bien dans leur époque.
Pour justement y être tout à fait, la boutique continue à proposer une offre snacking et boissons chaudes, en reprenant le concept Croustwich acquis par les prédécesseurs et très apprécié par la clientèle. On peut ainsi, aux beaux jours, s’attabler sur la terrasse extérieure et profiter de la douceur de vivre du Lot.
J’avoue avoir rarement l’occasion de croiser de tels talents, aptes à emmagasiner autant d’expérience et de savoir-faire tout en restant fidèles à une éthique de travail irréprochable. C’est sans doute la raison qui m’a poussé à leur rendre visite dans leur boutique, dont le démarrage est à l’image de leur parcours, irréprochable. Il ne faut pas beaucoup de compétences en prévisions pour leur promettre un avenir brillant sur leur terre natale enfin retrouvée, même si les deux frères gardent les pieds sur terre et ne s’inscrivent pas dans une logique de développement déraisonné. Leurs gammes vont encore s’affirmer et leur créativité pourra s’exprimer pleinement dans cet écrin… ce qui nous donnera autant d’occasions d’aller observer sans jumelles le talent de ces jumeaux, que l’on pourrait bien finir par surnommer les cadors… de Cahors.
Infos pratiques
18 Boulevard Léon Gambetta, 46000 Cahors / tél : 0565353520 ouvert du mardi au samedi de 7h à 19h30, le dimanche de 7h à 13h.