Les sagas familiales sont loin d’être de longs fleuves tranquilles : elles se dessinent plutôt de façon sinueuse, et peuvent parfois s’achever au fil des aspirations nouvelles exprimées par les jeunes générations. Il faut donc redoubler d’efforts pour entretenir la flamme, pour transmettre le savoir-faire et l’envie. Pour autant, je suis convaincu que plutôt que de chercher à rester dans un cercle fermé, il faut au contraire accepter de s’ouvrir et permettre à d’autres individus de reprendre le flambeau. Les échanges entretenus avec des personnes différentes, issues d’horizons variées, finit par créer de la valeur à long terme.

On l’a bien vu en boulangerie et en meunerie : certaines grandes dynasties ont disparu de la filière, parfois en cédant leurs entreprises. A Paris, la famille Maeder s’est illustrée dans plusieurs quartiers. Il y a eu Bernard, installé en bordure du 17è arrondissement, suivi par son fils Raoul, d’ailleurs toujours en place avec les Moulins Viron (et leur Pain d’Exclamation, un service de boulangerie en B2B, à Clichy). Dans un registre plus orienté business et « restauration rapide boulangère », Christine Maeder et son équipe ont oeuvré pour nourrir les travailleurs pressés du 9è pendant de nombreuses années. Enfin, c’est en plein coeur du très résidentiel 15è arrondissement que Benoit Maeder a tissé sa toile, d’abord rue Saint-Charles puis rue de Lourmel.

Une jolie boutique d’angle au décor soigné, avec des représentations de paysages sous verre.

Après la vente de cette dernière boulangerie, on pouvait se demander si l’aventure familiale allait continuer à se déployer dans la capitale. La réponse est venue d’elle-même en octobre 2018, mois au cours duquel Laura Maeder et Jérémy Hadjadj ont repris leur propre affaire, située au 45 rue Raymond Losserand, dans le 14è arrondissement.
Il n’y a aucun doute à avoir sur leur volonté quant à défendre cette identité régionale qui a participé au succès de la famille : le nom choisi, la Petite Alsacienne, annonce la couleur dès la devanture.

Si cette ouverture est la concrétisation d’efforts entretenus depuis plusieurs années, le parcours des deux artisans n’aura rien eu de linéaire pour y parvenir. Chacun auront d’abord épousé des destinées bien différentes de celles portées au sein des fournils : Laura étudiera l’esthétisme, tandis que Jérémy choisira les bancs d’une école de commerce avant de travailler dans le secteur du marketing. Ils se retrouvent finalement dans le laboratoire de la rue de Lourmel et entament l’apprentissage du sucré pour elle, de la panification pour lui. A force de travail, les responsabilités s’acquièrent et ils prennent progressivement la tête des équipes pâtisserie et boulangerie, en plus d’un CAP Boulanger obtenu en candidat libre pour Jérémy.

Ce dernier avait d’ailleurs toujours développé l’ambition de posséder un jour sa propre affaire : il évoquait déjà le sujet dans des échanges que nous avions pu avoir… en 2012. Le chemin parcouru depuis lui a permis de pouvoir être aujourd’hui un boulanger accompli, apte à mener son entreprise en totale liberté, ce qui n’aurait pas été possible s’il s’était installé prématurément.
Cette boulangerie de quartier est idéale pour une première expérience : sa taille modeste va permettre au couple de développer encore ses compétences tout en disposant d’un emplacement intéressant, porté par un quartier commerçant et un passage fréquent. Son potentiel n’était jusqu’alors pas ou peu exploité : la boutique vivait « dans son jus », sans avoir bénéficié de rafraichissement récent, et proposait des produits sans grand relief.

La gamme pâtisserie est assez développée mais non figée : les références changent très régulièrement, au gré des envies.

Après quelques semaines de travaux et une reprise en main des gammes, le résultat est aujourd’hui bien différent, et les vitrines ont retrouvé de la vigueur. Cela se remarque dès l’entrée avec une offre de pâtisserie très boulangère, déclinée selon les envies du jour : tartes, flans aux fruits, choux aux saveurs variées… rien ne manque, si ce n’est parfois le respect de la saisonnalité. La viennoiserie n’est pas en reste, avec des classiques ayant bien progressé depuis l’ouverture -dont un croissant très honorable-, tout comme le snacking qui offre des propositions gourmandes (sandwiches, pizzas, quiches…) aux passants et travailleurs du quartier. Le mur à pain s’impose par les formats qui y sont présentés : de grosses pièces fabriquées sur levain naturel, avec des classiques (campagne, Tradition à la coupe…) et des spéciaux aux mies colorées (Forêt Noire, « Stockholm » -un pain type norvégien- riche en graines, pain au cacao, …). L’hydratation des pâtes est très satisfaisante, de même que les cuissons, et les clients peuvent apprécier autant les mies ouvertes ainsi que la bonne conservation des produits. La baguette de Tradition, nommée ici l’Alsacienne, est d’excellente facture : croûte fine et craquante, mie crémeuse et parfum de froment bien présent. Laura et Jérémy sont restés fidèles à Foricher les Moulins pour la fourniture de leur farine, que ce soit pour la Tradition française (une T65 Bagatelle Label Rouge) ou les autres références (gruau, meule, seigle, etc.)

Les sacs de farine mis en avant en vitrine… avec les tote bag personnalisés que l’on peut apercevoir derrière.

Bien sûr, la Petite Alsacienne ne serait rien si elle ne proposait pas des spécialités issues de sa région. Les recettes familiales sont mises à l’honneur, qu’elles soient sucrées ou salées : bretzel moelleux (lequel sert d’ailleurs de base pour certains sandwiches, une originalité appréciable), kouglof aux raisins macérés dans du rhum, sundgau… ainsi que des créations proposées rue de Lourmel, comme le généreux « sablé alsacien » garni de fruits. Les gâteaux de voyage complètent cette offre déjà très généreuse avec un large choix de cakes et moelleux.

Comme l’ont malicieusement indiqué ses propriétaires sur la vitrine, cette boulangerie est « belle comme un bretzel ». Elle correspond bien à l’idée que l’on se fait d’un artisan de quartier, avec des produits riches en savoir-faire et portés par une identité singulière, bâtie par le couple grâce à son histoire et ses expériences. Ce sont ces éléments qui, combinés, parviennent à différencier clairement la boutique du reste de l’offre disponible localement… en nous apportant un peu du goût de l’Est ici, à l’Ouest de Paris !

Infos pratiques

45 Rue Raymond Losserand – 75014 Paris (métro Pernety, ligne 13) / tél : 01 43 21 60 59
ouvert du lundi au samedi de 7h à 20h.

4 réflexions au sujet de « La Petite Alsacienne, Paris 14è, la saga boulangère Maeder continue ! »

  1. Une baguette tradition achetée à midi et devenue dure et sèche pour le repas du soir….est ce normal? Je vais renoncer à acheter mon pain dans cette boulangerie bien que ce soit la plus proche de mon domicile.

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