Au commencement, il y avait tout simplement… la Terre. Oui, mais pas celle que l’on connaît aujourd’hui. Le sens du mot a évolué au fil des modifications naturelles qu’elle a connu : sous l’influence de la tectonique des plaques, ce qui était la « pangée » s’est progressivement séparé pour créer les continents que l’on connaît aujourd’hui. Le même phénomène a engendré les montagnes, volcans et autres reliefs que l’on observe aujourd’hui, et qui représentent autant de frontières naturelles entre les territoires. Ce mouvement perpétuel fait évoluer nos paysages autant qu’il peut contribuer à nous éloigner : toutes ces séparations finissent par aboutir à des spécificités régionales qui limitent la compréhension mutuelle, que ce soit pour des raisons de culture ou de langue… alors même que nous restons tous des hommes, en définitive, et ce peu importe notre couleur, nos croyances ou nos coutumes. Certains ont voulu donner à ce mot d' »homme » plusieurs significations, comme si certains l’étaient moins que d’autres. Peu importe ce que nous faisons, nous ne devons jamais oublier le fait que c’est la nature, les fondamentaux, qui doivent nous permettre de créer les définitions que nous mettons derrière les mots. Les autres dérives sont aussi peu souhaitables qu’elles peuvent être dangereuses à long terme.

On le voit bien pour les termes qui régissent le secteur d’activité dans lequel nous évoluons ici. Il y a un peu moins de trois ans, j’écrivais sur ce blog un billet tentant de définir ce qu’était alors, selon moi, un Artisan Boulanger. Si les grandes lignes de ma réflexion de l’époque sont encore tout à fait valables aujourd’hui, je pense qu’elle était en définitive incomplète. J’avais omis d’associer au métier le lieu de vente singulier où l’artisan propose généralement ses produits : une Boulangerie. Quand on voit comment cette dernière a été malmenée, il m’apparait important que nous nous questionnons sérieusement sur ce qu’est cette boutique, ce commerce si profondément ancré dans notre paysage français… car en définitive, plus que la culture du pain qui s’est répandue sur le globe, c’est avant tout ce dernier qui est resté singulier dans nos territoires. Que ce soit en terme de forme ou de nombre, l’exception culturelle si chère à notre pays s’est pleinement exprimée.

Si Ten Belles Bread ne coche pas la plupart des cases correspondant à la boulangerie traditionnelle, on y retrouve pourtant d’excellents pains au levain naturel. C’est l’expression de la volonté d’Alice Quillet, qui souhaitait développer ici un produit qu’elle avait pu approcher par le passé sans pouvoir l’approfondir. Au fil du temps, les recettes se sont affinées et affirmées, ce qui a séduit autant des restaurateurs (plus qu’une quarantaine de tables livrées) qu’une clientèle fidèle. On retrouve une conception très anglo-saxonne de la boulangerie, où des lieux hybrides respectant les produits issus de la panification et de la torréfaction se sont considérablement développés ces dernières années, dépoussiérant l’image du pain blanc que l’on pouvait avoir outre-Manche. Est-ce une Boulangerie ? Même si ce n’est marqué nulle part, pour moi oui, assurément.

C’est sans doute un peu moins vrai aujourd’hui, car de nombreux entrepreneurs ont intégré des inspirations venues de l’étranger pour concevoir leurs projets. Sans doute était-ce nécessaire pour renouveler le métier et lui permettre d’exister. Cependant, dans cette boulangerie plurielle, nous avons perdu nos repères et certains en ont profité pour brouiller les cartes à leur avantage. Le mot et sa définition ont glissé, aidés par des consultants, agenceurs et spécialistes des relations publiques aux intérêts souvent uniquement économiques.

La « boulangerie créative » BO&MIE a beaucoup fait parler d’elle, mais peu pour son pain : n’est-ce pourtant pas l’essentiel quand il s’agit d’une boulangerie ? On notera d’ailleurs que son fondateur n’en parle quasiment jamais, et est plus enclin à développer une vision du métier où il faudrait nécessairement avoir une grosse taille pour fabriquer maison et faire de la qualité (?!) qu’à soigner ses fondamentaux. La volonté affichée dès le début de multiplier les points de vente en témoigne. Une deuxième affaire ouvrira en juin avec le même positionnement : un large espace se voulant « lieu de vie ». C’est bien mais ce serait mieux s’il était habité par un état d’esprit en raccord avec l’ADN du métier. En attendant, cela ressemble plus à un point de restauration où l’on vend sandwiches, salades, pâtisseries et viennoiseries.

Une Boulangerie est un lieu accessible et « inclusif »

Si l’on reprend les tendances développées ces dix dernières années, on peut retenir celle aboutissant à des boutiques inspirées de bijouteries ou autres boutiques « de luxe », avec beaucoup d’éléments brillants et/ou plastiques. Cette volonté d’orienter le métier vers une image « haut de gamme » ne trouve aucun fondement dans ses caractéristiques naturelles, ni dans les produits qu’il réalise. Cela a souvent servi à satisfaire l’égo d’artisans, qui trouvaient là un moyen d’affirmer leur réussite autant qu’une volonté de s’élever de la masse dans laquelle ils évoluaient. Dans certains cas, la clientèle locale est également sensible à ce type de question, et le fait d’avoir une boutique affichant ce décor feutré peut contribuer à la réussite économique de l’affaire, en augmentant artificiellement la valeur ressentie des produits. Seulement, ces cas restent anecdotiques et l’effet est aussi fragile que potentiellement éphémère.
Même si la boulangerie peut se vanter de se rapprocher des métiers du luxe par le savoir-faire mis en oeuvre, il ne faudrait pas oublier que sa vocation reste de nourrir les individus au quotidien, sans distinction de moyens ou de catégorie sociale. Par ces effets d’image, une partie de la clientèle se détourne de l’offre artisanale car elle ne se retrouve pas dans ce positionnement : qui a envie de se sentir mal à l’aise en allant acheter une baguette ?

Lumineuse, accueillante et baignée d’une identité forte, la Petite Boulangerie de Franck Dépériers à Nantes est un bon exemple de boulangerie exigeante sur les produits (locaux et Bio pour certains) sans avoir dérivé vers un positionnement « haut de gamme ».

Nous devons avoir à coeur de redonner aux Boulangeries cette image de commerces accueillants et « inclusifs » : cela n’exclut pas une forme de modernité, bien nécessaire pour rassurer les consommateurs en terme d’hygiène et pour s’inscrire dans le paysage commercial, mais l’ADN du métier doit être respecté pour rester cohérents et défendre une image à la fois pertinente et différenciante du métier. Ce dernier élément est essentiel : plutôt que de se fondre dans le paysage, je suis persuadé que la profession doit conserver ses spécificités, qui lui ont permis de survivre au temps et aux modes. La notion de lien social entretenue chez les artisans boulangers est fondamentale : ce commerce doit rester un « refuge » où chacun peut se retrouver, partager quelques mots et des gourmandises.
Cette idée est mise à mal par les dérives tarifaires que l’on connaît bien en région parisienne : quand certains pains dépassent allègrement les 15 euros/kg ou certaines viennoiseries se négocient à 6 euros la pièce individuelle, on peut se dire que l’on a quitté le terrain de l’alimentation quotidienne. Sans négliger de calculer les coûts de revient, l’artisan doit continuer à proposer des gourmandises accessibles, ce qui à mon sens fait partie de l’ADN d’une boulangerie. Cela nous renvoie à la nécessité de penser son projet en amont pour éviter de générer des charges et investissements qui se retrouveront forcément dans la gamme et les prix de vente : alors que la tendance est d’aller vers « toujours plus », ne devrait-on pas retourner à des choses simples, rationnelles et permettant en définitive de ne pas perdre son âme en route ?

Dans ces « boutiques-atelier » telles que l’Atelier Létanduère de Kaori Onishi à Angers, les gammes sont plus courtes, rationnelles et la relation entre les produits, l’artisans et la clientèle plus évidente.

Une Boulangerie doit raconter l’histoire d’un artisan et ses engagements

Justement, ce refuge a été bien mis à mal par la conceptualisation marquée des boutiques : aujourd’hui, il ne suffit plus d’ouvrir une Boulangerie, il faut trouver un positionnement qui la rende foncièrement différente des autres… sans qu’il soit question de la sincérité de ces « artisans » qui n’en sont plus, pour la plupart, car ils ne mettent même pas la main à la pâte. Je ne vous cache pas que je suis assez interloqué quand je vois leurs initiatives reprises dans des grands médias nationaux, souvent accompagnées de qualificatifs grandiloquents : « la boulangerie nouvelle génération », « une boulangerie qui casse les codes », « un artisan qui dépoussière le métier »…
Au delà de ces belles images, quand on cherche à comprendre l’intention initiale des entrepreneurs derrières ces projets, le constat est plutôt attristant : le sujet principal est le business, sans considérer les éléments fondamentaux du métier que sont les paramètres humains ou de savoir-faire. Ils sont mis au service d’une entreprise somme toute très « froide » et centrée sur une logique économique et/ou marketing, alors que le chemin devrait être pris à l’envers : c’est en construisant une boulangerie qui a du sens pour ceux qui la font et ceux qui y consomment que l’on réussit durablement.

  • The French Bastards, une boutique ouverte en début d’année par trois associés (dont un pâtissier et deux fraiches reconversions), s’est faite remarquer dès le début par son positionnement qui se veut résolument tendance ainsi que le ciblage opéré sur les « influenceurs » : campagne de relation publiques (avec agence s’il vous plaît), produits très visuels et en vogue (babka, éclair coloré au charbon)… Tout cela pose question vis à vis de la sincérité de la démarche : ces entrepreneurs ont-ils vraiment envie de s’inscrire durablement dans le métier, qui reste inscrit dans le quotidien en dehors de tout effet de communication ?
  • Quelques lettres lumineuses que l’on a vu en boucle sur Instagram : tout a été pensé pour générer du buzz.

Cette évolution est très visible à Paris, sans doute moins dans le reste de la France, mais la contagion peut aller très vite. Elle aboutit à rendre inintéressantes des affaires pourtant rentables et bien tenues aux yeux de porteurs de projets disposant d’un apport suffisant pour les reprendre : du fait de leur emplacement, de leur configuration ou de leur superficie, elles ne correspondent plus aux « standards » recherchés par de nombreux acquéreurs aux apports financiers conséquents : pas de place assise, difficultés à développer le snacking, petit magasin… les raisons sont nombreuses et traduisent bien le glissement opéré. Il ne s’agit plus de vendre du pain et des gourmandises boulangères, qui nécessitent beaucoup de savoir-faire et génèrent en définitive trop peu de chiffre aux yeux de ces « artisans »… en plus de générer infiniment moins de buzz sur les réseaux sociaux.
Cela se traduit souvent dans la configuration de la boutique : on remarque le peu de place laissé au pain, et des caractéristiques qui ne trompent pas sur le manque de soin qui lui est porté : mies denses, croûtes ternes, arômes faibles, en bref des produits bien peu heureux pour des clients qui le seront tout autant.

Chez BO&MIE, les viennoiseries sont devenues un outil de communication majeur : avec leur visuel élaboré, elles séduisent les réseaux sociaux et consommateurs. Cela parvient à occulter une gamme de pains négligée, à la fois peu visible et largement sous-hydratée, comme si cette dernière n’avait pas vraiment sa place ici. Sans commenter la démarche, on peut cependant se poser des questions sur la durabilité de la chose : le savoir-faire lié à ces produits reposant sur un salarié et non sur l' »artisan » propriétaire du lieu, la gamme est appelée à changer considérablement au gré des mouvements naturels du personnel. A mon sens, une boulangerie se définit par un fil conducteur créé par l’artisan, qui affirme sa vision du produit, du goût et la partage avec sa clientèle. Malheureusement, on est bien souvent loin du compte avec ce type de reconversion rapide.

Dès lors, je pense qu’il devient urgent d’inverser la tendance et ne plus chercher à faire toujours plus clinquant mais plutôt chercher à raconter une histoire sincère, engagée et respectueuse du métier d’artisan boulanger. Cela passe par une réflexion portée dès les prémices de la création d’entreprise : peu importe la forme que prendra le commerce en définitive, car il ne faut pas avoir d’idée arrêtée sur ce sujet, c’est une certaine idée du pain et plus globalement de l’alimentation que l’on doit véhiculer, avec un projet bien dimensionné en terme d’investissements afin de le mettre au service du produit… et non l’inverse. C’est tout cela que j’incite chaque porteur de projet à faire son chemin dans le métier avec beaucoup d’humilité pour développer à la fois leurs aptitudes professionnelles, leur organisation mais aussi leur culture du produit et de la panification. Plutôt que d’orienter son regard uniquement vers des professionnels aux valeurs et procédés compatibles avec ses propres aspirations, il faut s’ouvrir à toutes les façons de concevoir la boulangerie pour en saisir des éléments qui, assemblés, permettront de créer une identité singulière.

Dans le domaine des « boulangeries traditionnelles », l’Essentiel a su garder une place prépondérante pour le pain et les gourmandises boulangères, malgré le développement de l’entreprise (avec aujourd’hui 4 adresses parisiennes). Cela se remarque autant par la place donnée dans les boutiques à ces produits -ils sont très largement visibles- qu’à leur qualité. Le couple Bosson a ainsi fédéré autour de lieu des équipes et une clientèle fidèles, portés par la transmission d’un savoir-faire riche.

Une Boulangerie est un lieu de création et de diversité

Nous avons trop longtemps considéré la boulangerie comme un métier centré uniquement sur la labeur. Or, il n’est durable que s’il touche autant les mains que la tête. Au delà du manque criant de vision et de perspectives au sein des formations professionnelles, le développement des réseaux de boulangeries associé à la l’apparition des pré-mixes a contribué à transformer les artisans en simples ouvriers, dépossédés de la capacité à mener leur propre affaire selon leurs volontés voire même de tout savoir-faire lié à la panification. L’offre industrielle en pâtisserie et viennoiserie n’ont fait que renforcer le phénomène : beaucoup ne se contentent plus que d’ouvrir des cartons et mélanger un peu d’eau avec de curieuses préparations additivées dans leur pétrin.

Si des groupements comme Banette ont toujours capitalisé sur le fait que leurs membres pouvaient mettre en avant l’appellation « boulangerie » ainsi que le caractère indépendant de chaque artisan, il me semble que ces enseignes ne permettent plus de définir ce que doivent être des boulangeries aujourd’hui, à savoir des boutiques défendant chacune sa propre identité et ses produits, ce qui permet ainsi de créer un lien singulier avec sa clientèle.

Ces produits et concepts standardisés ont fortement développé l’uniformité dans un métier où les professionnels possédaient jadis chacun leurs recettes et leurs tours de mains. L’enjeu est aujourd’hui de parvenir à réintroduire cette idée de création et de diversité. On a pu observer ces derniers mois l’apparition de programmes de formation chez de nombreux meuniers ou groupements : chacun y va de son « école » (Ecole de Boulangerie Artisanale chez Festival des Pains ou l’Ecole des Moulins Viron), « académie » (l’Académie des Moulins Familiaux, qui regroupe les Moulins de Chars, Chérisy, Brasseuil et Paul Dupuis), de ses « stages » (les Stages Bourgeois), l’Atelier M’Alice (créé par la Minoterie Girardeau) se déploie maintenant sur trois sites (Boussay, Itteville et Ernée) en plus de réaliser des stages pour le compte d’autres meuniers (Minoterie Mignot ou Maury), les moulins affiliés à l’association des Petits Moulins de France a développé ses services avec l’INBP, … même si d’autres ont toujours capitalisé sur cet accompagnement, à l’image de Foricher.

En plein centre de Toulouse, la boulangerie chez Georgette surprend par son format miniature, aussi bien en terme de devanture que d’espace de vente. Au vu de la charge foncière qui pèse sur les artisans dans les centres ville de grandes agglomérations, le choix paraît assez pertinent et montre que le ‘modèle’ des boutiques tentaculaires, qui ressemblent plus à des épiceries ou à des restaurants, n’est pas une fatalité, malgré ce qu’en disent des armées de consultants.

Même si l’on ne peut que saluer toute initiative visant à transmettre du savoir, je pense qu’il reste beaucoup à faire pour armer correctement les artisans dans un contexte concurrentiel particulièrement agressif. D’une part car il ne s’agit pas uniquement de fournir des recettes et quelques tours de mains ou de réaliser des produits qui ne seront jamais repris en boutique car peu adaptés à une fabrication quotidienne, d’autre part car ces formations ont tendance à s’orienter dangereusement vers des publics non issus d’un cursus en boulangerie (comme je l’avais noté précédemment).
Plutôt que se disperser et consommer des ressources de façon inutile, il me paraîtrait plus pertinent de chercher à transmettre une vision de marché pertinente et cohérente aux professionnels déjà installés, avec l’idée que cela puisse infuser sur les jeunes en formation chez ces mêmes artisans. Cela passe par une meilleure lecture des attentes des consommateurs, notamment en terme de nutrition ou de sélection des matières premières, sur la construction d’une gamme rationnelle et adaptée en fonction du projet et de l’identité du boulanger, ainsi qu’une réelle volonté de redonner du sens au métier en l’inscrivant mieux dans la communauté qui l’entoure (ce qui signifie notamment re-créer des liens avec des producteurs mais aussi avec sa clientèle, au delà de la simple relation de vente). Plus que jamais, une Boulangerie doit être un élément fort du lien social mais aussi un trait d’union entre les métiers de la terre, qui produisent les matières transformées au fournil.
Il faut également lui donner des clés pour construire une démarche intellectuelle vertueuse, étendue de la fourche au fournil, où le travail des mains n’est plus le seul valorisé : chaque artisan peut être pleinement moteur de la vie de son entreprise s’il se détache des solutions pré-conçues, marques et autres concepts, et c’est ce qui lui permettra de mieux s’adapter à son contexte local ainsi qu’aux futures évolutions du marché.

Les enseignes qui reposent sur des mécanismes de promotion permanente et des efforts marketing s’éloignent considérablement de ce que doit être une boulangerie, et se construisent sur un mode de consommation appelé à disparaître : on ne parle que de prix et de volume, alors que le vrai sujet est de savoir comment, avec quoi et par qui les produits ont été réalisés. La grande distribution a bien compris l’enjeu et a commencé à prendre le virage (développement du Bio, valorisation des producteurs locaux…) alors que les boulangeries peinent encore à s’y mettre.

En définitive, une Boulangerie se définit avant tout par des valeurs, un projet et une intention portée sur le métier

Le temps où l’on définissait une boulangerie par son offre, son format ou ses horaires d’ouverture est aujourd’hui dépassé. Dans un métier qui n’a jamais été aussi pluriel, le dénominateur commun entre de « véritables » artisans se trouvera sur le terrain des valeurs et d’un projet destiné à créer de la valeur durablement au service du savoir-faire propre au métier, des hommes et femmes qui le perpétuent chaque jour pour nourrir sainement une clientèle. Le problème est que nous évoluons dans un monde de communication et de faux-semblants : combien d’entrepreneurs se parent aujourd’hui d’une vertu factice ?

Le storytelling appliqué : un exemple chez la P’tite Boulangerie où les fondateurs ont beaucoup rêvé avant de créer un réseau noyé dans des supérettes, avec pour « boulangeries » des cabanes de pêcheur.

Dès lors, il faut chercher à lire entre les lignes, capter les signaux faibles qui distinguent les engagements sincères des postures. Un des meilleurs indicateurs reste sans doute la sobriété dans la conception de la boutique (les boulangeries où le pain est marginalisé pour devenir complètement invisible en disent long sur la réelle nature du commerce !) et la présentation des engagements ou méthodes de fabrication : il y a des questions à se poser en présence de références marquées à la tradition, au savoir-faire ancestral, à nos chères grand-mères ou encore face à une séance de name-dropping destinée à prouver un sourcing « rigoureux ». C’est aussi le cas quand le professionnel cherche à cocher toutes les cases des tendances : produits au visuel conçu pour faire du buzz sur les réseaux sociaux, mise en oeuvre des ingrédients et saveurs en vogue (exotiques comme le Yuzu ou le thé matcha, graines aux vertus tant vantées comme le Chia…) avec souvent peu de cohérence et avec des dosages discutables, adoption de codes issus d’autres métiers de façon pas ou peu pertinente, etc.

Certains produits sont vus et revus sur les réseaux sociaux, à l’image de la fameuse Babka, ici reprise chez Mamiche. Si le produit n’est pas mauvais en soi, il traduit plus une démarche visant à construire une stratégie marketing différenciante que d’une volonté de créer sa propre identité singulière.

Bien sûr, il faut goûter et chercher avant tout à connaître les produits : le « fait maison » reste indispensable pour définir ce qu’est une boulangerie artisanale, mais il dit en définitive assez peu de choses sur la qualité des matières premières et le soin pris à les transformer. Ce sont les recettes et procédés qui font la différence : travail sur levain naturel, longues fermentations, pâtes fortement hydratées, sélection de producteurs locaux, respect des saisons… autant d’éléments qui font parler pains et gourmandises mieux que tout discours marketing. Une Boulangerie doit développer un fort savoir-faire sur ces produits et éléments fondamentaux : si le pain, la viennoiserie et la pâtisserie boulangère sont négligés, une erreur fondamentale est commise.

Thierry Marx rêvait de développer des boulangeries à son nom, rappelant à l’envie son enfance bercée par l’image de la boulangerie Ganachaud de la rue de Ménilmontant. S’il serait difficile de mettre en défaut la qualité du pain et des gourmandises boulangères élaborées par le MOF Joël Defives et ses équipes, d’autres points interpellent : l’aménagement des points de vente (avec toujours ces fameux scooters repris en référence à… on ne sait quoi ?), l’hybridation marquée entre la boulangerie et la restauration -le second métier finit par prendre le pas sur le premier, avec notamment l’importance de ces fameuses plaques « teppan » comme celle représentée sur l’image- et le plan de marche avancé par l’enseigne (plus de 20 boutiques en France, financées par le fonds d’investissement FrenchFoodCapital)…

Mis bout à bout, ces éléments doivent traduire une démarche sincère de partage, qui se place avant toute notion de réussite économique. Si cette dernière est indispensable pour la vie normale de l’entreprise, on doit la voir comme la résultante d’un effort permanent visant à satisfaire sa clientèle locale (et non quelques influenceurs appâtés par de la nourriture offerte) ainsi que ses salariés. Ces valeurs manquent encore à beaucoup d’artisans, et plus encore à de fraiches reconversions professionnelles, qui trouvent pour certaines dans la boulangerie un curieux passe temps. En les réintroduisant, on parviendra à redonner du sens au mot Boulangerie… et à toute la filière. A chacun de se saisir de ses responsabilités.

  • Installée dans le MyAuchan de la place du Marché Saint Honoré, la P’tite Boulangerie est équipée d’un simple four de magasin Wiesheu, d’une Manotrad (diviseuse-formeuse manuelle de chez Sinmag) et d’un petit pétrin. Difficile d’imaginer que tous les produits sont fabriqués sur place (notamment la viennoiserie et la pâtisserie). En plus d’être dilué dans un curieux montage (où Auchan conserve un tiers des parts), l’artisan est dépendant de l’enseigne et ne fera que la servir. Est-ce ça une « boulangerie différente » ? Est-ce ça une boulangerie, tout simplement ?
  • Une cabane de pêcheur
  • Une partie de l’offre de la P’tite Boulangerie adossée à MyAuchan est pré-emballée et vendue dans des vitrines en libre-service. En reprenant quasi intégralement les codes de la boulangerie « classique » proposée en GMS, le discours artisanal est-il vraiment lisible ?
  • Derrière son atypique devanture jaune canari, la jeune Boulangerie Perséphone se défend avec sincérité sur le pari osé d’une création avec une petite surface de vente et de production. Christel Régis a du s’adapter ses premiers mois d’activité, en se recentrant sur ses fondamentaux en pains, viennoiserie et pâtisserie boulangère pour mieux maîtriser sa masse salariale, la qualité de ses produits et prendre du plaisir au quotidien dans la production qu’elle réalise pour ses clients.
  • L’étonnant Pain Brut à Montpellier : un lieu hybride où se mélangent pains au levain naturel (à base de farines locales, dont certaines livrées par le paysan-meunier Michel-Carol Patin), petite restauration et… cours de yoga, ainsi que des soirées à thème. L’entrepreneur s’est formé à l’Ecole Internationale de Boulangerie de Noyers sur Jabron et y a acquis un certain savoir-faire en terme de panification au levain naturel, ce qui lui permet de proposer une gamme qualitative et ainsi donner à sa boutique un réel caractère boulanger, en dehors de toute considération conceptuelle.
  • Malgré la diversité des activités développées chez Pain Brut, le pain y est justement bien visible et présent, comme en témoigne le large mur à pains. Cela rend le discours plus lisible auprès du consommateur : on sait pourquoi on vient ici.
  • Ils s’appellent Archibald, Le Bricheton, Fournil Ephémère, ou des dizaines d’autres à travers la France et ont choisi de n’ouvrir que sur des plages horaires restreintes, souvent en fin d’après-midi ou quelques jours dans la semaine. Confort de vie, méthode de panification en direct, volonté délibérée de limiter la production… les raisons sont aussi nombreuses qu’elles peuvent paraître justifiées quand on sait l’image dégradée que peut avoir le métier. Sans pour autant prétendre que ce format deviendra demain dominant ou à opposer deux mondes qui doivent co-exister, ces lieux méritent bien l’appellation boulangerie car ils cultivent un vrai respect pour le produit et offrent à leur clientèle une proposition singulière.
  • Je me demande parfois si les gens changent vraiment ou s’ils ne font que changer d’habits pour se fondre dans un nouveau paysage. L’exemple de nombreuses reconversions est assez parlant : plutôt que de mettre les mains à la pâte et s’inscrire dans la réalité du métier, beaucoup ne font que… refaire ce qu’ils faisaient avant, à savoir produire du marketing, gérer des projets et des équipes, … Est-ce une façon durable de mener une entreprise de boulangerie ? Est-ce que l’on créé vraiment une boulangerie en agissant ainsi, ou bien se cantonne-t-on à reproduire des recettes sur lesquelles on ne possède ni prise ni maîtrise, au risque de se brûler les ailes du fait du rapport de hiérarchie inversé avec ses salariés ? Il me semble important de commencer à gratter la peinture de ces projets basés sur des chaises à trois pieds… à moins que le temps et leur développement prématuré (avec une deuxième boutique pour l’été chez Mamiche, notamment) ne fasse son oeuvre.

12 réflexions au sujet de « Qu’est-ce qu’une Boulangerie ? »

  1. Enorme article. Tellement critique (dans le bon sens du terme) et lucide.
    Que dire, à part merci d’avoir su mettre des mots sur ce phénomène.
    Quand je vois, à côté de « boutiques étoiles », la démarche d’artisans tels que Epis et Pains à côté de chez moi (à Chavenay, dans le 78…je vous invite vraiment à y venir faire un tour 🙂 ): blé bio cultivé localement, que le boulanger transforme en farine dans son moulin, et cultive une panification « directe », simple, sans artifices (farine, eau, peu levain, pétrissage manuel, fermentation longue, cuisson au feu de bois….je me dis qu’il y a simplement 2 activités, 2 métiers différentes…ou alors un métier d’un côté et une vocation, une passion, portée par des convictions de l’autre…

    • Merci Jérémy. J’ai prévu de passer chez Epis et Pains prochainement, je devais le faire plus tôt mais je n’ai pas encore trouvé le temps!

  2. Oui , un grand merci pour cet article , aussi long qu’instructif pour ceux qui consomment de façon compulsive et non réfléchie , privés de ce que doit être un vrai produit , de la valeur que le vrai artisan met dans son métier . Je ne dis pas travail car arriver à ce stade , on parle de passion , presque de raison d’être , de vivre . La nature reprend ses droit et nous sommes simplement là pour la comprendre et l’accompagner , rien d’autre . L’humilité doit restée reine dans la panification , et l’artisan doit bien avoir à l’esprit qu’il ne doit être que le prolongement des épis de blés que la nature lui met à disposition , rien d’autre . Le reste , ce n’est que de l’artifice …
    Il faudrait que bon nombre de  » gens  » se demandent ce qu’il reste de toute la mise en scène imaginée par ces économistes en  » pain  » ( le mot pain n’est pas approprié dans leur cas … ) lorsque leur pain se retrouve sans autre décors que celui de leur table de cuisine .
    Je pense que cette simple démarche pourrait aider à comprendre à pas mal de monde la différence entre acheter un concept et acheter du PAIN .
    Un boulanger , amoureux de son métier et qui croit en son avenir !!

  3. Merci pour votre article, passionnant de nouveau !
    Cela permet d’en apprendre plus sur le métier de boulanger et de pouvoir décrypter plus facilement tous ces discours marketing qui cache parfois (souvent ?) un produit qui ne vaut pas forcément le coup.
    Cela tombe bien que vous parliez de Bo&Mie, je passe régulièrement devant celui qui est en travaux au début de la rue saint martin. Je ne connaissais pas cette « marque », je me posais la question de quoi il pouvait bien s’agir : une énième franchise ou quelque chose d’intéressant.
    J’y ferais surement un tour par curiosité. Cela ne me détournera sans doute pas de la petite boulangerie bio où je vais de temps en temps même si elle n’est pas sur mon chemin. Un bon pain vaut bien un petit détour :D.

  4. Article vraiment passionnant, merci !
    Il pointe une tendance que l’on voit poindre de plus en plus à Paris et sans doute dans d’autres grandes villes : c’est une perte de sens du produit même. On trouve la même chose pour la café par exemple ou la vague des coffee-shop a balayé ce qui faisait l’essence même de l’espresso : une boisson populaire, bon marché et vite bu au comptoir. En voulant amener la qualité du café en France (et il y en avait besoin), on a tout balayé en mode révolution culturelle. A 2,5€ ou parfois même 3€ l’espresso dans des lieux qui se ressemblent presque tous, très codés et qui peuvent intimider certains, on rate paradoxalement l’éducation au bon café. Dans le 15ème (ou j’habite) il y a un coffee-shop très sympa, le 1er du genre par là : j’y suis allé les 1ers jours et c’était drôle car les gens du quartier venait par curiosité et c’était cool de voir une population du coin y venir. Mais très vite, on y a vu le public habituel de ce genre d’endroit le squatter.
    Idem pour certaines pizzerias non plus populaires au bon sens du terme, mais populaires sur les réseaux sociaux. On peut y trouver une margharita à 15€ alors que c’est un produit de base par excellence. ça devient complètement hors sol comme on dit. A t’on besoin de produits ultra sourcés pour bien faire les choses ? Non !
    Dans le 15ème la boulangerie Pichard (garantie 0 réseaux sociaux), fourni le quartier en pain et viennoiseries de très haute qualité depuis plus de 20 ans et à des prix « normaux ». C’est l’honneur de l’artisanat français, la constance dans la qualité, un encrage de quartier.
    Ce positionnement haut de gamme de produits populaires, l’arrogance de détenir la vérité, me rappelle un peu ce que devient Apple aujourd’hui : elle oublie ce qu’est qu’un ordinateur pour en faire un objet de luxe au détriment d’un objet fonctionnel (et qui n’empêche pas d’être esthétique).

    • Merci David pour votre commentaire. Effectivement, les parallèles que vous faites sont très pertinents et la tendance à s’orienter vers un positionnement « premium » laisse de nombreux consommateurs sur le bas côté.
      Sur le sourcing, rien n’empêche d’être exigeant mais encore faut-il acheter au bon prix et agir de façon rationnelle à tous les niveaux. La famille Pichard est un très bon exemple là dessus, et c’est ce qui explique leur succès durable.

  5. Bonjour,

    En tant que fondateur de la BO&MIE, Je me permets d’écrire ce message pour apporter quelques commentaires/remarques au sujet de votre article qui met notamment en cause la « sincérité » de notre démarche.

    Je n’argumenterai pas concernant votre avis sur la qualité de nos produits. Nous faisons avant tout des produits qui nous plaisent et que nous aimons nous-mêmes consommer. Nous comprenons très bien que cela ne plaise pas à tout le monde et libre à vous (et à tous nos clients) de donner un avis plus ou moins critique sur notre travail. Là ou je vous comprends moins, c’est quand vous semblez nous reprocher de mettre en avant nos viennoiseries et nos pâtisseries en proclamant que le pain est « l’essentiel d’une boulangerie ». De notre coté, dès le départ nous avons voulu BO&MIE comme une Boulangerie/Pâtisserie axée sur 3 piliers que sont le Pain, la Viennoiserie et la Pâtisserie. A vous lire, le travail autour d’une belle viennoiserie ou d’une pâtisserie mériterait moins de considération que le travail de fermentation du pain. Ce n’est pas notre point de vue. C’est pour cette raison que nous avons choisi d’accorder une place sensiblement équivalente à ces 3 offres dans notre magasin. D’autres artisans sur Paris auront probablement des points de vue différents et c’est très bien ainsi. Libre à chacun de proposer les produits de son choix à sa clientèle en fonction de ses propres aspirations.

    Au delà du sujet de la qualité du pain, votre article m’a plus dérangé lorsque vous vous permettez d’interpréter les motivations profondes de ces « nouveaux reconvertis » de la Boulangerie. Autant je comprends tout à fait qu’il soit possible de juger la qualité d’une production par une simple visite, autant il me parait risqué de se lancer dans des analyses approfondies de la motivation de ces porteurs de projet sans un vrai travail préalable. Il aurait été plus honnête vis à vis de vos lecteurs de préciser en préambule de votre article que vous ne nous avez jamais rencontrés. Je ne parle pas ici d’une rencontre de quelques minutes à la caisse à l’occasion d’un achat ponctuel mais d’un vrai entretien dans lequel nous aurions pu vous expliquer notre parcours, nos motivations et nos buts. Du coup, votre article est agréable à lire car il procure à un plaisir coupable de voir distribuer les bons et les mauvais points mais il n’évite pas l’accumulation de clichés déjà vus ici ou là : on retrouve donc d’un coté le méchant reconverti assoiffé d’argent, qui avec ses moyens financiers illimités obtient les meilleurs emplacements et arrivent avec son armée « d’agences, de consultants et de communicants » en renfort. De l’autre coté, on trouvera donc le client un peu naïf qui – dans un réflexe pavlovien – viendrait faire la queue chez BO&MIE, Mamiche ou French Bastards parce qu’on lui a agité sous le nez une belle photo sur Instagram.

    Pour ne parler que de BO&MIE, permettez moi donc de vous apporter quelques précisions que vous auriez pu facilement obtenir si vous nous aviez consacré 30 minutes avant la rédaction de votre article :
    – NON : nous n’avons pas pris de consultant ni d’agenceur. Nous n’avons pas non plus importé de concepts de l’étranger. Nous avons conçu BO&MIE tout seul, nous avons dessiné nos propres meubles, choisi notre décoration, agencé notre laboratoire par nous mêmes. Nous avons défini seul nos plans électriques, nos plans de plomberie, le choix des machines, la ventilation du local et la climatisation.
    – NON : Nous n’avons pas d’armée de communicants. Tout est fait en interne (par moi en l’occurrence). 95% de notre communication est faite sur Instagram. Les photos Instagram sont toutes faites à l’Iphone (le mien !) et les commentaires rédigés maison. Coût global : 0 euros
    – NON : Nous n’avons pas dépensé des sommes folles pour créer BO&MIE : Nous avons récupéré un local vide et sans pas de porte qui n’intéressait pas grand monde. Nous avons tout fait nous mêmes. Alors bien sûr c’est beaucoup de travail mais c’est également beaucoup moins cher que de racheter un fond. Au final, nous avons pu construire une boulangerie neuve pour un prix inférieur à un fond de commerce « moyen » sur Paris.
    – NON : Nous ne roulons pas sur l’or. Après presque 5 ans d’implication totale sur ce projet, je continue à ne pas me payer mensuellement et à attendre la fin de l’année pour regarder ce qu’il reste dans les comptes pour pouvoir financer ma vie personnelle.

    Le problème avec le genre de clichés que vous véhiculez c’est que vous allez peut être dégoûter du métier des gens qui auraient eu envie de se lancer mais qui vont penser n’avoir aucune chance car ils n’auront pas les bons contacts, le bon apport ou l’emplacement idéal.

    Je me permets donc de porter à l’attention de vos lecteurs quelques constats (qui ne sont que mon modeste avis) mais qui peuvent venir contrebalancer votre propre jugement.

    La motivation première des gens qui se reconvertissent n’est pas financière. Cher lecteur, si vous avez une belle carrière et que vous voulez changer de vie pour être tranquille, gagner rapidement plein d’argent et que vous ne devez retenir qu’un seul conseil ici, le voici : n’ouvrez pas une boulangerie ! Vous investirez beaucoup de votre temps et de votre argent pour un retour financier qui restera très aléatoire. Par contre, si vous êtes passionnées par ces produits, que vous aimez accueillir des gens et que vous n’avez pas peur du travail, foncez ! Vous aurez plein d’autres satisfactions que l’argent.

    Enfin je trouve que votre article fait peu de cas d’un critère important : le goût des clients. Mais pourquoi donc ces « nouveaux boulangers » rencontrent un tel succès ? Et si tout simplement les gens trouvaient cela bon ? Croyez-vous vraiment que les gens feraient la queue le week-end chez Mamiche ou BO&MIE juste à cause d’Instagram ? Soyons sérieux, si les gens viennent (et reviennent) c’est qu’ils ont aimé ce qu’ils ont mangé. D’ailleurs vous le reconnaissez vous même, la Babka de Mamiche est « pas mauvaise » (on comprend bien que ça veut dire « BONNE » mais que ça vous coute un peu de le dire).

    En conclusion je m’étonne quand même de ce genre d’articles qui semble s’offusquer que des Boulangeries indépendantes où tout est fait maison ouvrent et prospèrent à une époque où tous les centres villes sont trustés par de grandes enseignes internationales. On a ouvert BO&MIE dans un local vide qui fut brièvement occupé auparavant par une Boulangerie qui a fait faillite et où quasiment tout était industriel. Je pense donc n’avoir fait aucun mal à la profession. Les habitants du quartier nous remercient tous les jours pour notre ouverture. Nous avons créé près de 20 emplois. Nos employés respectent scrupuleusement leurs horaires de travail réglementaire et leurs jours de congés. Tout le monde travaille dans de bonnes conditions et dans une ambiance plutôt agréable. Et c’est probablement là notre plus belle réussite.

    Jean-François
    BO&MIE

    • Bonjour Jean-François,
      Merci d’avoir pris le temps de rédiger cette réponse.
      Il n’était pas question de sous-estimer le travail réalisé pour aboutir à des produits de viennoiserie ou de pâtisserie. Simplement, ce sont des disciplines où il est assez facile de faire plus beau que bon, en recourant à des procédés technologiques et autres choix que je n’ai pas vocation à détailler ici. La panification sait beaucoup moins mentir.
      Je suis par contre navré que vous manquiez de mémoire au point de ne pas vous souvenir de notre rencontre et de notre échange.

      Pour le reste, je ne reviendrai pas sur les éléments de l’article que vous ramenez à tort vers votre entreprise, car il est bien loin de traiter de votre unique cas. Je ne reviendrai pas non plus sur votre lecture personnelle, et sans doute un peu hâtive, ce que je peux comprendre, de mon billet sur des points pourtant essentiels tels que l’absence de nécessité d’un emplacement N°1 ou d’un gros apport, car tout cela revient à tomber dans les travers que je dénonce ici. Vous noterez également que j’ai évoqué d’autres reconversions aux approches différentes de la vôtre, et le portrait que vous dépeignez correspond assez peu à l’idée finale que j’ai développé ici. Ce n’est pas une question de reconversion ou non, mais bien d’ancrage dans le métier où l’on évolue. Force est de constater que, malheureusement, certains profils ont tendance à s’orienter plus facilement vers des modèles qui, à mon sens, créent peu de valeur sur le long terme. Cela ne leur est pas réservé et beaucoup de boulangers « traditionnels » ont mis le doigt dans le pot de confiture (voir la main, le bras puis le reste). Je le regrette.

      Le goût étant une notion très relative et personnelle, je ne me permettrai pas de remettre en doute celui de vos clients. Je suis ravi qu’ils soient satisfaits de votre offre.

      Je terminerai simplement sur l’opposition que vous faites entre boulangeries indépendantes et grandes enseignes internationales. Avec le temps, j’ai fini par penser qu’il n’y avait en définitive pas tant de différence que cela si les artisans cherchent à jouer le même jeu que ces enseignes. Au contraire, c’est contre-productif car cela contribue à brouiller encore plus le message que devrait porter la boulangerie artisanale, dans un contexte déjà très perturbé.

      Belle soirée,

      Rémi

  6. N’étant pas spécialement amateur de discussion par clavier interposé, je me permets juste de rajouter quelques mots qui seront pour ma part les derniers.

    Je réitère mes propos concernant le sérieux de votre analyse. Lorsque vous mettez en cause la sincérité d’un projet comme le notre, prenez s’il vous plait plus que quelques minutes pour comprendre notre démarche. C’est d’ailleurs amusant puisque je parlais de ce point aujourd’hui avec d’autres boulangers mis en cause dans votre article et eux-mêmes ne se souvenaient pas avoir échangé plus de quelques minutes avec vous de manière informelle. Comme vous vous permettez de juger le sérieux de notre travail, je me permettrais moi-même quelques conseils pour alimenter vos futurs articles : la prochaine fois n’hésitez pas à prendre un petit RDV pour discuter, voir même (soyons fous) de prendre une feuille et un crayon pour prendre quelques notes. Cela vous éviterait de mettre dans ma bouche des propos recueillis par d’autres et glanés ici et là sur internet et sortis de leur contexte. Vous verrez, avec cette démarche (assez largement répandue), vos articles n’en seront que meilleurs.

    J’ai bien noté que l’ensemble de l’article ne nous concernait pas. Je me suis juste permis de répondre aux points où nous sommes nommément cités. Il serait un peu facile pour vous de ne pas avoir de contradiction au seul titre que l’article ne traite pas du cas d’un artisan en particulier.

    Enfin et pour conclure, je ne partage pas du tout votre vision concernant l’expansion des grandes enseignes internationales dans nos centres villes. Si pour vous, avoir un Starbucks au pied de son immeuble c’est la même chose qu’un Mamiche ou qu’un BO&MIE, je ne peux malheureusement plus dire grand chose pour vous convaincre.

    Jean-François

  7. Bonsoir,
    J’ai lu votre article avec intérêt, d’autant qu’y était fait mention de ma boulangerie préférée, « chez Georgette », à Toulouse. Le meilleur pain que j’aie jamais croqué ! Mais depuis septembre, plus de boulangerie… Georgette a disparu, d’un coup, sans prévenir… Est-ce que finalement, « la charge foncière qui pèse sur les artisans dans les centres ville de grandes agglomérations » a été trop lourde ? Je ne sais pas, mais en attendant, on mange beaucoup moins de pain…

    • J’ai lu votre article qui est très bien écrit.
      Je suis mitigée.
      Sur le fond je suis à peu près d’accord pour le reste je pense qu’il faut être plus modéré.
      Créer une entreprise en France quelques que soit son concept,c’est déjà énorme c’est une prise de risque,
      De l’endettement,des nuits blanches..
      Ça fait travailler tout un tas de corp de metiers (macon,electricien,architecte,comptable ect..)
      Et rien que pour ça on devrait respecter tout ce travail et cette prise de risque.
      Alors je sais c’est un article à faire évoluer les pensées et c’est votre point de vue.
      Moi mon point de vue serait plutôt de vous dire.
      Créer votre entreprise embaucher 20 personnes comme le patron de bo&mie et après on rediscute de tout ça.

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