Il faut parfois creuser profond pour trouver du bon pain. Descendre dans les bas fonds, prendre des risques. La quête en deviendrait presque aventureuse, et plus particulièrement en banlieue, ou même en province. N’ayons donc pas peur de faire un peu descendre notre ligne de flottaison, de voir un peu en dessous du niveau du sol…

La Cave à Pains, Asnières-sur-Seine (92)

… pour aller voir à la cave, par exemple. La situation est assez amusante puisque cette cave n’a rien de souterraine, en réalité. A Asnières-sur-Seine, la boulangerie Loupy porte le nom surprenant de « Cave à Pains »… C’est d’autant plus curieux quand on tient compte de l’aspect des lieux, plutôt soigné et présentant une devanture ornée de carreaux peints, où l’on retrouve les fameux coquelicots, si chers à nos boulangers.

Les pains, La Cave à Pains, Asnières-sur-Seine (92)

A l’intérieur, même tableau : la boutique est sobre et élégante, avec un beau plafond ancien sous verre. Si toutes les caves étaient de cet ordre, je crois que l’on y passerait plus de temps. Néanmoins, accordons lui ce mot pour les pains : en effet, ces derniers sont affinés… pardon, fermentés longuement, avant d’être cuits et mis en vente. La maison met en avant le fait que l’ensemble de ses produits soient travaillés sur levain naturel, à commencer par la baguette de Tradition. Elle ne manque pas d’allure, avec son façonnage soigné et sa grigne verticale bien ouverte. Impossible de ne pas la trouver un peu courte, et pour cause : son poids a été fixé à 200g, ce qui permet à l’artisan de la proposer au prix « psychologique » de 1,10€… or, son prix au kilogramme s’envole à 5,5€. Ne gâchons pas notre plaisir pour autant et apprécions sa mie crème, bien alvéolée, laquelle développe une légère acidité qui relève des notes de noisette et une saveur de froment prononcée. La croûte fine craque sous la dent, pour une mâche fraiche et une bonne conservation. Son homologue dite « de campagne » et sa touche de seigle ne sont pas en reste.

Pains & traiteur, La Cave à Pains, Asnières-sur-Seine (92)

Un petit tour dans le reste de la gamme boulangère nous ferait presque croire qu’il s’agit de la cave…rne d’Ali Baba : entre un pain Noisettes-Miel très moelleux, croquant et parfumé, le pain au Cacao, la ciabatta aux olives, les pains de campagne ronds, longs ou à la coupe… Le choix ne manque pas, ni la qualité : l’emploi d’une bonne matière première, en l’occurrence les farines des moulins Foricher, ne trompe pas chez cet artisan.

Pâtisseries, La Cave à Pains, Asnières-sur-Seine (92)

Les viennoiseries ont un peu plus de peine à convaincre, et on leur préfèrera la surprenante baguette feuilletée, avec son façonnage en torsade et sa caramélisation aboutie. Laissons les pâtisseries à la cave, mis à part peut-être les tartes à partager sur lesquelles la maison Loupy semble parvenir à briller un peu plus. Le traiteur nous offre ses sandwiches, tartes « boulangères » et fougasses garnies à des tarifs honnêtes pour des produits simples.

Pains & traiteur, La Cave à Pains, Asnières-sur-Seine (92)

L’accueil n’a rien de caverneux, bien au contraire, et malgré l’efficacité nécessaire en heure de pointe, le client est respecté et servi avec beaucoup de gentillesse et d’attention. L’organisation mise en place derrière le comptoir semble avoir fait ses preuves : une personne à l’encaissement, une autre au service, cela permet de régler ses achats rapidement et de laisser la file d’attente se dépiler de façon fluide. Il faut dire qu’au vu de l’espace relativement restreint dans la boutique, il était nécessaire de trouver une façon de faire.

Infos pratiques

12 avenue d’Argenteuil – 92600 Asnières-sur-Seine (Transilien ligne L & J, gare d’Asnières-sur-Seine) / tél : 01 47 33 83 04
ouvert du lundi au vendredi de 7h30 à 20h, le samedi de 7h30 à 13h.

Avis résumé

Pain ? Lionel Loupy a fait deux choix lui permettant de nous offrir des pains savoureux, à la conservation de bon niveau : tout d’abord un meunier de qualité – les moulins Foricher -, puis un travail sur levain naturel pour l’ensemble de sa gamme. Une pratique d’ailleurs encouragée par ce fournisseur, à juste titre, puisque le résultat d’avère tout à fait probant : entre la baguette de Tradition et sa légère acidité, soutenant des notes de noisette et une saveur de froment prononcée, les pains de Campagne en divers formats, ou des déclinaisons plus gourmandes (noisettes-miel, cacao, fromage, ciabatta aux olives…), nous sommes servis. Petit bémol sur le prix de la baguette de Tradition, 1,10€ pour 200g – soit 5,5€ le kilogramme -, c’est un tarif assez élevé… d’autant que nous sommes en banlieue !
Accueil ? Efficace, bien organisé mais néanmoins charmant, il sait nous mettre à l’aise dans cette cave… pardon, boutique, à l’espace restreint mais au décor agréable : entre une façade recouverte de carreaux peints et un plafond sous verre, le lieu ne manque pas de cachet.
Le reste ? Nous sommes définitivement dans une boulangerie, et les pâtisseries manquent d’affinage… surprenant car nous sommes à la cave, mais à Pains ! Bref, peu importe les jeux de mots, mieux vaut se tourner vers les viennoises ou la surprenante baguette feuilletée, même si les tartes à partager sont plutôt honnêtes. Les travailleurs du secteur ont fait de l’endroit une halte de ravitaillement de choix, avec des sandwiches classiques et quelques tartes « boulangères » ou fougasses garnies de bonne facture.

Faut-il y aller ? Pour le pain, sans aucun doute, car la maison Loupy et sa « cave à pains » nous propose là une bien belle adresse en banlieue. On y retrouve autant diversité, cuissons que saveurs, un exemple à suivre pour bon nombre d’artisans en dehors de notre capitale. La qualité passable des pâtisseries et d’une bonne partie des viennoiseries demeure cependant regrettable, et cette boulangerie compte sans doute plus sur les ventes d’en-cas et sandwiches au déjeuner, à plus forte raison quand on connaît ses horaires et jours de fermeture.

Il est curieux d’observer comme certaines allées commerçantes concentrent les boulangeries et… les déceptions. Ces regroupements ont rarement un caractère heureux, et on peut reprocher aux affaires qui s’y développent de profiter du passage, sans forcément se soucier de la qualité du produit. Forcément, leur chiffre est quasiment assuré sans nécessiter d’effort particulier. A Paris, ce type d’emplacement ne manque pas, et des noms viennent rapidement à l’esprit : rue Montorgueil, rue Cler…

… ou encore rue de Lévis. Dans le 17è arrondissement, cette voie aux allures de marché permanent accueille 6 boulangeries dont bien peu m’ont vanté les éloges. J’avais moi-même pris la plume il fût un temps pour parler de Nature de Pain, l’entreprise de Loic Bret. A l’autre extrémité de la rue, L’Ecureuil tenu par Ralf et Laurence Edeler est parti courir d’autres noisettes pour laisser sa place à… Léonie et ses douceurs.

Boulangerie Léonie, Paris 17è

De l’extérieur, on pourrait penser que peu de choses ont changé. En effet, la devanture affiche toujours le nom de l’ancienne boutique. Pour autant, à l’intérieur, cela n’a plus grand chose à voir. Les lieux ont été entièrement remaniés afin d’optimiser l’espace et installer quelques tables de dégustation « sur le pouce ». Le résultat est plutôt chaleureux, dans un style sobre et moderne. Trois pôles se distinguent : la boulangerie et quelques viennoiseries sur la gauche, les gourmandises, pâtisseries et plats traiteur au fond à droite, tandis que les salades, desserts en verrines et boissons nous accueillent. En heure de pointe, le service est fluide grâce à deux postes de caisse, dont l’un est dédié au pain.

Les pains, Boulangerie Léonie, Paris 17è

Parlons-en, justement, du pain. Les grands classiques sont représentés, avec boules de campagne, complets et autres pains aux céréales. Le travail sur levain s’exprime dans les différents produits de la maison au travers d’une certaine acidité… y compris pour la baguette de Tradition, que l’on préfère généralement plus lactique. Cette dernière est d’ailleurs la seule – avec sa déclinaison aux céréales – proposée par Léonie : pas de baguette de pain courant ici. Elaborée à l’aide d’une diviseuse, la Tradition nous offre une croûte fine et une mie très hydratée, sans doute un peu trop, d’ailleurs. La mâche tend à manquer de fraicheur et le produit perd rapidement de sa consistance.
On lui préférera les créations de la maison, à commencer par un sympathique pain aux graines de courge, ou une ficelle fruits secs-fêve de Tonka. Cette dernière joue sur les registres acidulés des cranberries et celui assez « chaud » et corsé de l’épice, pour un résultat surprenant et atypique. Les déclinaisons salées ne sont pas en reste, avec des accords toujours réussis, comme l’agréable tomates-olives. Les cuissons sont abouties, surtout sur les grosses pièces, à l’image du pain de campagne proposé à la coupe (6,50€/kg).

Viennoiseries & gourmandises, Boulangerie Léonie, Paris 17è

Les viennoiseries et pâtisseries sont un peu à la traine, et l’on peinerait bien à s’y attarder. La gamme traiteur contraste nettement avec ce tableau, puisqu’elle offre diversité, fraicheur et créativité. Salades, quiches, parmentiers multicolores « de Léonie » et bien sûr sandwiches, difficile de ne pas trouver chaussure à son pied. On comprend bien l’intérêt des tables installées à l’entrée, idéales pour profiter des formules proposées à partir de 7 euros.

Salades, Boulangerie Léonie, Paris 17è

Pour ne rien gâcher, Léonie nous offre un accueil des plus charmants, en bonne cohérence avec l’esprit sympathique et chaleureux que développe cette jeune entreprise. Nous avons donc perdu un écureuil, mais avons gagné une sympathique demoiselle faite boulangerie… difficile de se plaindre.

Infos pratiques

96 rue de Lévis – 75017 Paris (métro Malesherbes, ligne 3 ou Translien ligne L, gare de Pont Cardinet) / tél : 01 42 27 28 27
Site internet : http://leonie-paris.fr

Avis résumé

Pain ? Le travail sur levain est une des « signatures » de la gamme de pains proposée ici. L’acidité se fait assez présente, y compris sur la baguette de Tradition que l’on préfèrerait volontiers plus lactique et moins collante. Sa croûte très fine ne lui permet pas de conserver beaucoup de consistance au fil des heures, ce qui est un peu dommage. Néanmoins, le reste des produits s’avère de bonne facture, avec un pain aux graines de courges très craquant, quelques créations bien vues (ficelle fève de Tonka-fruits secs, tomates-olives, chocolat-cacao, …) et un Campagne à la coupe bien rustique.
A noter le fait que le ticket d’entrée est ici la baguette de Tradition, puisque la baguette dite de pain courant n’est pas proposée dans cette boulangerie. Je serais bien en peine de m’en plaindre.
Accueil ? Attentif, charmant et néanmoins efficace, le service contribue à donner à la boulangerie Léonie un caractère sympathique et chaleureux, en cohérence avec l’aménagement sobre et accueillant développé ici, malgré un espace plutôt restreint. Ainsi, on prendra plaisir à s’attabler à l’entrée, pour déguster un repas rapide ou une gourmandise.
Le reste ? Passons sur le sucré, sans grand intérêt, que ce soit en terme de produits feuilletés ou plus pâtissiers. Les becs salés seront, quant à eux, beaucoup moins en peine car Léonie leur a réservé des propositions plutôt bien vues : salades créatives, parmentiers multicolores, soupes, quiches variées, sandwiches… Bref, vous l’aurez compris, ici on préfère le salé pour une note pas si salée, avec des formules allant de 7 à 11€.

Faut-il y aller ? La boulangerie Léonie a remplacé l’Ecureuil, dans un esprit tout à fait différent. Tandis que le second était plutôt axé sur une offre sucrée, la nouvelle arrivante articule ses propositions autour de produits snacking bien vus, pouvant être consommés sur place ou à emporter. Les fondamentaux n’en sont pas moins respectés, avec des pains honnêtes, parmi lesquels on préfèrera les déclinaisons gourmandes – mention spéciale au fruits secs-fève de Tonka très réussi. Notons enfin l’aménagement soigné, même si la devanture affiche toujours les couleurs des anciens occupants, et l’accueil charmant. De quoi faire de cette petite boutique une halte agréable sur une rue de Lévis pas toujours très généreuse en adresses de qualité.

Nous sommes envahis par les publicités : bus, abris, murs, écrans… ces différents supports sont recouverts de messages visant à nous faire consommer ou à promouvoir des entreprises poursuivant des buts généralement commerciaux. Parfois, ce sont des messages plus « institutionnels » qui sont déployés, et le consommateur lambda est ainsi pris dans un échiquier bien étrange où évoluent financiers, industriels ou encore institutions… Pourtant, il serait bien difficile d’en vouloir à ceux qui font le choix de se lancer dans cette « course » médiatique, l’essentiel étant de se battre avec les mêmes armes que les autres.

Campagne "Coucou, tu as pris le pain ?"

Si vous êtes parisien, vous avez difficilement pu la rater. Je veux parler de la campagne de publicité mise en place par l’Observatoire du Pain sur les panneaux d’affichage, abri-bus et autres supports muraux présents dans notre capitale et sa banlieue. Cette dernière a d’ailleurs été reprise par certains artisans, au travers d’affiches ou de sacs à baguette. La question est simple : « Coucou, as-tu pris le pain ? ». Au travers de cette interrogation, c’est une réflexion beaucoup plus profonde qu’il convient de mener afin de comprendre ce qui peut mener cette organisation à mettre en place un tel dispositif de communication.

A la base, le constat est là, implacable et irréfutable : les français consomment de moins en moins de pain. Peu importe les chiffres exacts, le fait est que les clients se font plus rares dans les boulangeries, tout du moins pour acheter ce fameux produit constituant jadis la base de notre alimentation. Changements dans notre alimentation, dans notre mode de vie, … le pain ne serait donc plus « tendance » et on lui préfèrerait des repas composés où il n’aurait, de fait, plus sa place.

Bien sûr, ce n’est pas complètement faux. Les nouvelles générations, dont je fais partie, ont tendance à perdre ce rapport « fort » que pouvaient avoir nos ancêtres avec le pain. On a également tendance à l’apprécier plus moelleux et sucré, à l’image de celui proposé dans les burgers ou autres produits de type pain de mie. Les régimes ont également contribué à faire de cet aliment un ennemi de notre ligne, alors que les faits tendraient plutôt à prouver le contraire. Les légendes urbaines ont la vie dure !
Face à ce désamour, rassurons-nous : les hautes instances de la boulangerie ont bien conscience du problème. Au travers de cette fameuse campagne, elles agissent même. Pour autant, est-ce la bonne manière de répondre ?

Dans le Parisien daté du 26 juin, un article bien téléguidé au sujet de la fameuse campagne et du désamour pour le pain... Il y est question d'une baguette proposée "en moyenne à 86 centimes", or c'est à mon sens l'un des noeuds du problème : ce produit n'est vraiment pas à l'honneur de nos boulangers, dans la plupart des cas.

Dans le Parisien daté du 26 juin, un article bien téléguidé au sujet de la fameuse campagne et du désamour pour le pain… Il y est question d’une baguette proposée « en moyenne à 86 centimes », or c’est à mon sens l’un des noeuds du problème : ce produit n’est vraiment pas à l’honneur de nos boulangers, dans la plupart des cas.

Je n’en suis pas franchement convaincu. Il faut bien voir qu’un tel déversement de communication multi-supports présente un coût élevé, et que cet argent pourrait être consacré à agir de façon beaucoup plus concrète. Si les consommateurs se détournent du pain, ce n’est pas sans raison : il est souvent vu comme un produit cher, d’une qualité moyenne. Difficile de dire le contraire : peut-on vraiment considérer que l’on en a pour son argent avec une baguette blanche à plus de 85 centimes, laquelle ne présente souvent aucune saveur et se conserve très mal ? Face à cela, les industriels et terminaux de cuisson savent proposer des offres attractives, pratiques et nature quasi-comparable. De plus, les récentes sorties faites sur les viennoiseries et pâtisseries surgelées n’ont rien fait pour arranger les choses : le consommateur devient méfiant, si l’artisan est capable de lui mentir de cette façon, pourquoi faire un effort et continuer à entretenir cette relation de longue date ? Le couple bat de l’aile, la procédure de divorce n’est pas loin.

Il ne s’agit pas de tirer sur l’ambulance et de se payer à bon compte une démarche visant à inciter les consommateurs à prendre le temps de faire un crochet par leur boulangerie. Cependant, si l’on veut parvenir à les fidéliser de nouveau, ce sont des efforts de long terme qui sont à mener : aussi bien pour aujourd’hui – en incitant les boulangers à adopter des méthodes de fabrication aboutissant à un produit plus qualitatif (emploi de matières premières de bonne qualité, longues fermentations, travail sur levain…) – que pour demain, en mettant l’accent sur la formation d’artisans passionnés du goût… et des autres. Sur ces terrains, je pense que des organismes tels que la confédération ont un rôle essentiel à jouer. En sont-ils seulement capables ?

Le façonnage est un élément important de la constitution d’un pain. On voit parfois certains boulangers réaliser de véritables chefs d’oeuvre avec la pâte, la question étant alors de savoir si le produit demeure comestible, et s’il aurait vraiment vocation à être consommé. Au quotidien, il serait bien difficile de réaliser les mêmes exploits, et avec le volume à produire dans certains fournils, le fait même d’aboutir à un pain présentable paraît être extraordinaire. Certains y ont même renoncé, en faisant appel à des diviseuses-formeuses de type PanovA ou Panéotrad, ce qui leur permet de multiplier les formats et les fournées. Cette tâche est en effet contraignante, voire usante à long terme. D’autres font le choix volontaire d’abandonner le façonnage pour ne pas imprimer leur « marque » sur la pâte… Nous entrons là dans des débats bien théoriques.

En réalité, la forme que le boulanger va donner à un pain aura deux conséquences directes : le rendre attirant – ou non ! – pour le consommateur, et influer sur la façon de le consommer. On ne va pas déguster de la même façon une baguette ou une tourte, forcément. Certains s’amusent en intégrant des valeurs et concepts au façonnage : des petites boules à partager, comme pour le pain Brochette au Maïs de Dominique Saibron, des pétales pour la Fleur du Vendredi de Jean-Paul Mathon…

Pain Châtaigne-Noix, Bread & Roses

Dans le cas présent, c’est le soin pris pour le dessin et la forme qui m’ont toujours séduit sur ce pain. En effet, chez Bread & Roses, on ne badine pas avec le façonnage : le pain châtaigne-noix arbore fièrement un dessin de feuille sur sa croûte, en plus de présenter une séparation nette entre sa base et sa croûte supérieure, à l’image des Tabatières de Picardie… sauf qu’ici, c’est en Corse que l’on nous emmène. « Un pain de berger Corse » comme aime le décrire cette « deli-bakery » fondée par Philippe Tailleur, amoureux du pain et des bons produits.
Bon, ce pain l’est, assurément. L’association entre les deux fruits se révèle d’une grande subtilité : tandis que la châtaigne apporte des notes douces et sucrées, la noix exprime son caractère légèrement amer et vif, presque fumé dans le cas présent. L’équilibre se créé sur cette base et se prolonge dans les textures. La mie fondante moelleuse est chahutée par le croquant des cerneaux entiers incorporés à la pâte, et la croûte entre dans le jeu avec un léger craquant et une caramélisation bien réalisée.
Même si l’utilisation d’une farine de châtaigne a un impact direct sur le prix final, on aboutit à un produit bien plus agréable et équilibré que la plupart des pains aux noix, souvent acides et agressifs. Ainsi, le gourmand pourra prendre plaisir à l’associer avec des fromages variés – un bon Comté un peu vieux sera un partenaire de grande valeur -, des viandes blanches ou tout simplement nature, car cela demeure une création très savoureuse en elle-même. Bien sûr, on peut considérer que ce pain n’est pas vraiment de saison, et qu’il sera plus adapté en automne… tout dépend des goûts, et je l’apprécie personnellement par tous les temps.

Vue tranchéePain Châtaigne-Noix, Bread & Roses

Voilà donc un pain que l’on choisit avec les yeux, de par son façonnage plus que soigné (une application bien rare !), et auquel on revient pour son goût… Certes, le prix est élevé, mais comme toujours chez Bread & Roses, les ingrédients sont sélectionnés avec soin : farines biologiques, noix savoureuses, il n’y a pas de secret.

Pain Châtaigne-Noix, Bread & Roses (Paris 6è & 8è), vendu à la pièce, 4,80€ la boule d’environ 430g.

Je vous avais déjà parlé de course de fond pour décrire ma démarche painrisienne, mais avec le temps je me découvre d’autres talents… de nageur, notamment. En effet, je nage à contre-courant pour remonter la filière pain, en visitant aussi bien boutiques, fournils, moulins et à présent champs. Ce parcours me permet de mieux appréhender l’engagement d’hommes et de femmes pour aboutir à un produit de qualité, et en la matière, chaque maillon de la chaine compte. On parviendrait difficilement à faire du bon pain avec des farines moulues à partir de blés de piètre qualité, dépourvus de tout intérêt nutritionnel et technique.

Des blés, visite chez Capserval, juin 2013

Ce fait-là, Yvon Foricher l’a bien compris en choisissant, depuis le début de son activité au Moulin des Gaults, de sélectionner une matière première de haute qualité. Faire de la Tradition, c’est bien. La faire avec des blés cultivés dans des conditions acceptables, c’est mieux. En effet, si le cahier des charges définissant la baguette de Tradition impose l’absence d’additifs, il ne présume pas des traitements administrés aux céréales, ni à l’environnement dans lequel elles sont produites.

Des blés barbus. Ils seront très appréciés en bordure de forêt, car les sanglier n'aiment pas cette fameuse "barbe" qui a tendance à se coincer entre leurs dents.

Des blés barbus. Ils seront très appréciés en bordure de forêt, car les sanglier n’aiment pas cette fameuse « barbe » qui a tendance à se coincer entre leurs dents.

CRC, voilà un acronyme bien mystérieux pour la plupart des consommateurs. Trois lettres pour signifier Culture Raisonnée Contrôlée. Cette démarche a vu le jour en 1989, à destination de l’alimentation infantile. Plasmon, un marque italienne spécialisée dans la « Baby Food », a été parmi les premières à souhaiter s’engager sur la qualité de ses produits et la traçabilité de l’ensemble de ses matières premières, avec bien évidemment le blé en ligne de mire. Le crédo est simple : Obtenir des produits sains et de qualité tout en respectant l’environnement.

Catherine Robillard et Michel Deketelaere

Catherine Robillard et Michel Deketelaere

Ainsi, l’histoire commence chez Capserval, une coopérative céréalière implantée non loin de Sens. A cette époque, le législateur n’a pas encore pris conscience de l’importance des pratiques culturales sur l’environnement et sur la santé des consommateurs. Cette initiative privée revêt un caractère précurseur, qui sera reconnu en 1999 avec l’obtention d’une Certification de Conformité Produit. Ce sigle de qualité officiel permet de crédibiliser l’ensemble, avant d’aboutir un an plus tard à la création d’un GIE regroupant différents acteurs de la filière : Agriculteurs, Organismes stockeurs, Meuniers, Industriels, … Chacun est impliqué dans le développement de la démarche.

Les parcelles sont bien distinctes et correspondent chacune à une variété. Au fond, des études d'impact environnemental sont menées sur 7 ans afin de mieux comprendre les implications des pratiques culturales sur les sols. Ainsi, les ingénieurs modulent les doses de traitement, les retirent, etc.

Les parcelles sont bien distinctes et correspondent chacune à une variété. Au fond, des études d’impact environnemental sont menées sur 7 ans afin de mieux comprendre les implications des pratiques culturales sur les sols. Ainsi, les ingénieurs modulent les doses de traitement, les retirent, etc.

Pour parvenir à associer qualité, respect de l’environnement et performance, il est indispensable de mener un travail de recherche et développement. Ce dernier se concrétise par l’implantation de champs d’essais, comme celui que j’ai pu visiter en cette fin de semaine.
Accueillis par Michel Deketelaere, responsable qualité et développement de Capserval, et Catherine Robillard, ingénieure agronome chez Seine-Yonne – un groupement de coopératives -, nous avons découvert les différents éléments qui font la démarche CRC au quotidien.

Les pièges à insectes permettent de détecter une éventuelle attaque sur le secteur, et de déclencher les actions nécessaires si besoin.

Les pièges à insectes permettent de détecter une éventuelle attaque sur le secteur, et de déclencher les actions nécessaires si besoin.

Lorsque l’on veut cultiver du blé CRC, il est nécessaire de s’éloigner des grosses artères routières : le groupement a en effet intégré dans ses critères une distance de « sécurité » pour protéger les cultures de la circulation automobile. Nous nous retrouvons ainsi au calme, perdus quelque part sur la commune d’Evry. Les variétés de blés sont bien alignées, divisées en petites parcelles. Leur développement est étudié au quotidien par les équipes de Seine-Yonne (Capserval & 110 Bourgogne) afin de déceler maladies, attaques d’insectes, résistance au vent… Autant d’éléments qui influent sur la qualité d’une récolte et son utilisation en Meunerie ou ailleurs.

Le Seigle se distingue nettement du blé : cette céréale rustique produit des plants plus hauts et vigoureux.

Le Seigle se distingue nettement du blé : cette céréale rustique produit des plants plus hauts et vigoureux.

Le catalogue de semences est en perpétuelle évolution : chaque année, de nouvelles variétés sont développées puis expérimentées. Ici, des noms bien connus tels qu’Apache (un blé cultivé depuis déjà plusieurs années, et en perte de vitesse) côtoient des numéros qui représentent autant de céréales en devenir. Chacune aura ses spécificités : barbue ou non, résistante à la fusariose (une des nombreuses maladies atteignant le grain), plus ou moins précoce … En fonction des constatations réalisées ici ou sur l’un des nombreux sites d’expérimentation, on pourra établir un « tableau » précis et orienter les agriculteurs vers une variété plutôt qu’une autre, en fonction de leurs besoins, du type de sol qu’ils possèdent, de leur terroir, etc.

Catherine Robillard nous explique les différences entre variétés de blé, ainsi que les pratiques mises en oeuvre pour les protéger : en plus du désherbage chimique, une action mécanique est de plus en plus menée, avec dans certains cas un guidage GPS : un traitement toujours plus précis, et donc moins intensif ou inutile, correspondant à un besoin et non à une "éventualité".

Catherine Robillard nous explique les différences entre variétés de blé, ainsi que les pratiques mises en oeuvre pour les protéger : en plus du désherbage chimique, une action mécanique est de plus en plus menée, avec dans certains cas un guidage GPS : un traitement toujours plus précis, et donc moins intensif ou inutile, correspondant à un besoin et non à une « éventualité ».

L’objectif sous-jacent demeure une utilisation minimale de produits insecticides ou de désherbants : les résidus (de mycotoxines – provenant du développement de champignons sur les blés – ou de pesticides) sur le produit final ne doivent pas excéder un certain seuil, exprimé… en microgrammes, soit bien en dessous des limites fixées par les pouvoirs publics ou même dans le cadre de l’agriculture Biologique. Le CRC démontre là son objectif de qualité supérieure.

Un silo à grain, cela en impose !

Un silo à grain, cela en impose !

Cette même qualité doit se retrouver à la panification, avec des caractéristiques techniques (force, taux de protéines…) permettant un emploi facilité suite à l’écrasement en Meunerie. Chaque blé suit ainsi un processus de certification, visant à aboutir à un label « Blé Panifiable Supérieur », puisque c’est ce que souhaite cultiver Capserval. D’autres types existent, à l’image des blés biscuitiers, des blés améliorants, ou des blés autres usages. La classification attendue n’est pas toujours celle remise par l’organisme certificateur, et certaines variétés sont donc « déclassées ». L’Association Nationale de la Meunerie Française – ANMF – rend elle aussi son avis au travers de son catalogue de variétés recommandées, dites « VRM ».
Au fil du temps, les blés cultivés dans les champs changent. On en oublie certains au profit de nouveaux, aux caractéristiques plus intéressantes.

L'ensemble des cellules sont gérées de façon informatisée, avec une supervision en temps réel de la température.

L’ensemble des cellules sont gérées de façon informatisée, avec une supervision en temps réel de la température.

Qui dit grain dit aussi stockage. En la matière, le groupement CRC a décidé d’avoir son mot à dire en imposant un stockage sous ventilation à l’air naturel, avec absence d’insecticide de stockage. Une exigence très pointue là encore, puisque le label Biologique n’oblige à rien de tel de son côté.
Cela a poussé Capserval à investir dans ses outils, et notamment à bâtir des silos modernes, tel que celui-ci : inauguré en 2008, il présente une capacité de stockage de 35000 tonnes de grain. Sa conception a été entièrement pensée afin de s’inscrire dans une démarche d’économie d’énergie.

Une des machines de ventilation.

Une des machines de ventilation.

A l’intérieur des cellules, la température est régulée afin de la maintenir toujours inférieure à celle présente à l’extérieur, pour rendre le silo bien peu attirant aux yeux des insectes. Une innovation a également été développée sur ce site, avec un silo « homogénéiseur » : il permet en effet de réaliser un mélange homogène de variétés, grâce à une division en 6 parties sur le principe d’un camembert. Le grain pénètre par le haut, et est entrainé par la gravité. Cela permet d’éviter d’avoir plusieurs « couches » comme c’est le cas dans un silo traditionnel.

Au dessus des silos, les machines se chargent d'acheminer le grain et de remplir.

Au dessus des silos, les machines se chargent d’acheminer le grain et de remplir.

On retrouve bien sûr d’autres équipement plus traditionnels, comme des cellules de séchage (très utilisées pour le maïs, mais aussi lorsque les blés sont trop humides), et trois voies de chargement : fer (le premier convoi ferroviaire partira d’ailleurs la semaine prochaine), eau ou route. Voilà de quoi distribuer le bon grain CRC, mais aussi l’orge à destination des brasseurs, entre autres céréales stockées ici.

Les péniches peuvent être chargées directement par le biais de ce système.

Les péniches peuvent être chargées directement par le biais de ce système.

Vous l’aurez compris, Capserval s’est profondément engagé dans le virage du CRC, et Foricher y a bien participé. Michel Deketelaere se rend très régulièrement au Moulin des Gaults et les échanges avec les équipes techniques du meunier sont permanents, afin d’assurer qualité et régularité. Ce partenariat est valorisé auprès des clients finaux, puisque des représentants de la coopérative sont dépêchés lors des animations organisées autour de la baguette Bagatelle : de cette façon, le consommateur peut faire connaissance avec l’ensemble de la filière blé-farine-pain et mieux comprendre le rôle de chaque acteur. Cette démarche prend tout son sens dans une période où il faut rassurer et défendre des produits de qualité face à une industrie aux pratiques déviantes.
Le CRC a donc de beaux jours devant lui, preuve en est de ses clients toujours plus nombreux : Saint-Michel a fait le choix d’utiliser une farine CRC pour l’ensemble de sa production, l’alimentation infantile est toujours plus demandeuse, la plupart des meuniers ont intégré une offre Label Rouge/CRC dans leur catalogue…

Avoir un plan de marche, c’est bien. S’y tenir, c’est mieux. Bien sûr, ce n’est pas toujours possible, d’autant plus quand on tient compte des aléas de notre système économique, où les banques sont frileuses, le recours aux investisseurs parfois risqué, et la clientèle très volatile. Dans cet univers brumeux, certains parviennent à tirer leur épingle du jeu et à continuer leur développement. Pas toujours aussi rapidement qu’ils le souhaiteraient, mais la performance reste à saluer.

Arnaud Delmontel fait partie de ceux-ci. Ce projet de quatrième boutique, il le portait depuis 2010, et souhaitait le concrétiser dès l’année suivante. Cela aura pris bien plus de temps que prévu, mais c’est aujourd’hui chose faite. En effet, l’artisan a ouvert un nouveau point de vente au 45 rue de Douai, il y a plus d’une semaine.
La petite boutique n’avait rien d’une boulangerie auparavant, et il aura fallu – et faudra encore – de nombreux travaux pour achever la « conversion ».

Une devanture sobre, affichant tout simplement "Delmontel". Les codes couleurs de la maison sont repris, mais attention, vous noterez bien qu'il n'est nullement fait mention de "boulangerie" : cela n'en est pas une, le pain n'étant pas fait sur place.

Une devanture sobre, affichant tout simplement « Delmontel ». Les codes couleurs de la maison sont repris, mais attention, vous noterez bien qu’il n’est nullement fait mention de « boulangerie » : cela n’en est pas une, le pain n’étant pas fait sur place.

Aujourd’hui, nous ne sommes pas en présence d’une boulangerie à proprement parler, mais plutôt d’un dépot de pain : en effet, l’ensemble des produits sont acheminés depuis la boutique historique de la rue des Martyrs, située non loin de là. A terme, la production sera réalisée dans un laboratoire attenant. L’idée d’ouvrir la boutique sans plus attendre demeure assez bien vue, car cela permet dès à présent d’engranger du chiffre et d’attirer la clientèle dans les lieux. Ainsi, la « perte » liée au temps des travaux est moins importante.

L'espace contraint a parfois des conséquences intéressantes : les pâtisseries sont visibles de la rue et attirent toujours la gourmandise.

L’espace contraint a parfois des conséquences intéressantes : les pâtisseries sont visibles de la rue et attirent toujours la gourmandise.

Il s’agit sans nul doute de la plus petite boutique de l’artisan, avec un espace assez contraint. Les pâtisseries sont regroupées dans une vitrine donnant sur la rue, tandis que les produits traiteurs occupent une armoire réfrigérée qui ne correspond pas aux « standards » développés par la maison dans ses autres implantations, où les produits sont présentés de façon plus « plate » et non sur plusieurs étages comme c’est le cas ici. Côté pains et viennoiseries, la présentation est plutôt aléatoire, l’ensemble manque d’ordre et ne semble pas bien achevé.

Ici, pas de salades au poids comme dans la boulangerie de la rue des Martyrs, l'ensemble est déjà pré-conditionné. Il faut faire efficace et dans un espace contraint.

Ici, pas de salades au poids comme dans la boulangerie de la rue des Martyrs, l’ensemble est déjà pré-conditionné. Il faut faire efficace et dans un espace contraint.

Les produits sont forcément les mêmes qu’ailleurs, avec tout le caractère approximatif que l’on peut parfois leur trouver. Notons tout de même une certaine amélioration en terme de finition sur les pâtisseries au cours de ces derniers mois. Pas de mieux par contre du côté des prix, toujours très élevés.
Malgré tout, on ne manquera pas d’apprécier la qualité de l’accueil dans cette petite boutique, et c’est un élément remarquable dans une maison où le service n’est bien souvent pas dénué de reproches.

Viennoiseries et cakes, Arnaud Delmontel, rue de Douai, Paris 9è

Reste à voir comment cette nouvelle implantation évoluera – avec notamment la mise en service de son propre laboratoire -, et si elle trouvera son public, du fait de la présence proche de plusieurs autres boulangeries.

Infos pratiques

45 rue de Douai – 75009 Paris (métro Blanche, ligne 2)

La boulangerie est une affaire de culture, et ce à plusieurs titres. En réalité, il convient de donner plusieurs sens à ce mot. Tout commence par la culture… dans les champs, où les blés et céréales poussent avant d’être récoltés par les agriculteurs. Cela se prolonge dans les fournils où le pain qui est produit dépend de la culture locale, ici ce sera plutôt des baguettes, tandis que les spécialités pourront être fort différentes dans d’autres régions du monde.

Il y a la belle, le bon et le truand. A Poilly, jusqu'à mercredi, il y a le moulin, la tente et... le taureau. Une installation plutôt inhabituelle en meunerie.

Il y a la belle, le bon et le truand. A Poilly, jusqu’à mercredi, il y a le moulin, la tente et… le taureau. Une installation plutôt inhabituelle en meunerie.

De la culture, il en faut tout autant pour parvenir à produire une farine de qualité. Assemblage entre variétés, terroirs… La meunerie est un métier complexe, où il faut composer avec les aléas du temps et des cours. Au delà de ces aspects techniques, la dimension culturelle s’inscrit dans la façon de concevoir cette activité et le public auquel on s’adresse : ce ne sont pas les mêmes produits et approches selon qu’on s’adresse à des artisans ou à des industriels.
Chez Foricher, on a fait le choix dès le début de cultiver un état d’esprit bien à part, avec de nombreux facteurs différenciants et un engagement total envers sa clientèle 100% artisanale.

Dès l'entrée, les produits, les hommes et les femmes qui font Foricher sont mis en avant.

Dès l’entrée, les produits, les hommes et les femmes qui font Foricher sont mis en avant.

Dans ce cadre, des Portes Ouvertes sont organisées de façon « traditionnelle » dans les deux moulins détenus dans la famille. Cette année, c’est à Fougerolles que le bal s’est ouvert, du 9 au 12 juin. Les moulins Dormoy et toute sont équipe ont ainsi accueilli leurs clients… et c’est à présent au tour des Gaults de continuer dans la même lignée. Puisque je parlais de bal, la journée de dimanche se sera achevée de façon festive avec un concert organisé en soirée.

Pour donner un aspect festif, rien de tel qu'un peu de musique !

Pour donner un aspect festif, rien de tel qu’un peu de musique !

Cet événement musical est l’un des nombreux éléments qui contribuent à donner à l’entreprise un véritable caractère familial, où les artisans ne sont pas de simples clients. Pendant ces quatre jours, ils peuvent se rencontrer et rencontrer les différents acteurs qui animent le moulin au quotidien : commerciaux, démonstrateurs, techniciens, responsables qualité… L’accent est mis sur l’échange et l’enrichissement mutuel. Dès son arrivée, le visiteur est immergé dans l’univers du meunier, à commencer par la valorisation de ses produits phares – et plus particulièrement de la fameuse Bagatelle, une baguette de Tradition française réalisée à partir de farine Label Rouge.

Ici, la star, c'est la Bagatelle : cette baguette de Tradition certifiée Label Rouge répond à un cahier des charges très précis, aussi bien sur le plan technique qu'organoleptique. Le processus de certification est exigeant et garantit un produit d'exception, bien en phase avec les codes de communication adoptés pour ce produit (tons noirs issus de l'univers du luxe, PLV nombreux...)

Ici, la star, c’est la Bagatelle : cette baguette de Tradition certifiée Label Rouge répond à un cahier des charges très précis, aussi bien sur le plan technique qu’organoleptique. Le processus de certification est exigeant et garantit un produit d’exception, bien en phase avec les codes de communication adoptés pour ce produit (tons noirs issus de l’univers du luxe, PLV nombreux…)

Le Label Rouge et le CRC, voilà deux signatures qui ont fait de Foricher un acteur particulièrement engagé parmi les meuniers. Ces labels garantissent de bonnes pratiques en terme de culture et de stockage des blés, des éléments rassurants pour un consommateur en manque de repères. D’ailleurs, la Bagatelle est utilisée pour contrer les offensives des chaines boulangères au développement rapide et dévastateur : en élevant la qualité, les artisans apportent de vraies réponses et fidélisent leur clientèle.

Les viennoiseries ne manquent pas d'allure, bien dorées et façonnées. La dégustation de pain est également bien mise en avant.

Les viennoiseries ne manquent pas d’allure, bien dorées et façonnées. La dégustation de pain est également bien mise en avant.

Une fois cette entrée en matière réalisée, impossible de passer à côté des nombreux pains et gourmandises mis au point par Patrick Cognard et son équipe. Que ce soit en terme de goût, de cuisson ou d’alvéolage, difficile de mettre en défaut les produits présentés dans cette charmante boutique de démonstration.
Ici, pas de pré-mixes à outrance, mais plutôt des recettes et tours de mains mis à disposition des artisans pour développer leur gamme de façon cohérente et rentable. Au delà des déclinaisons autour de la baguette de Tradition, des pains spéciaux (ciabatta, pain des Gaults aux cranberries, épeautre-sésame, tourte de Seigle, …), l’accent est mis sur la gourmandise : c’est en effet cette dernière qui est un excellent vecteur de marge.

Ces "tartes briochées" se révèlent être de redoutables gourmandises : la déclinaison fruits rouges associe la douceur moelleuse du fond de pâte à la fraicheur des fruits, pour un résultat addictif. Les déclinaisons aux fruits jaunes ou pistache-griotte ne sont pas en reste. L'idée est excellente, car ce sont des produits simples, accessibles et très savoureux.

Ces « tartes briochées » se révèlent être de redoutables gourmandises : la déclinaison fruits rouges associe la douceur moelleuse du fond de pâte à la fraicheur des fruits, pour un résultat addictif. Les déclinaisons aux fruits jaunes ou pistache-griotte ne sont pas en reste. L’idée est excellente, car ce sont des produits simples, accessibles et très savoureux.

Le constat est simple : lorsqu’un consommateur se rend chez son boulanger, il s’attend à trouver des produits simples, peu onéreux, lui permettant de se faire plaisir au quotidien. Pour cela, rien de tel que les brioches et viennoises. Au muesli, « marbrée » nature-chocolat, citron vert-chocolat blanc, … les déclinaisons ne manquent pas. Cette même base briochée peut également se décliner en gâteaux à partager, façon tartes : ainsi, l’artisan n’a pas à multiplier le nombre de pâtes à préparer et peut concentrer son savoir-faire sur des éléments clé. C’est aussi l’occasion de présenter la dernière nouveauté de la gamme, le « Complet CRC », garanti sans pesticides et travaillé de manière à obtenir un pain alvéolé et agréable au goût.

Formes, saveurs, couleurs... Rien ne manque dans ces oeuvres de snacking réalisées par l'équipe du CFA de Bourges !

Formes, saveurs, couleurs… Rien ne manque dans ces oeuvres de snacking réalisées par l’équipe du CFA de Bourges !

Côté salé, un professeur du CFA de Bourges et ses élèves sont à l’oeuvre, avec des créations autour du sandwich. Couleurs, formes, tout est étudié pour mettre en appétit le consommateur avec un visuel abouti. L’initiative est d’autant plus louable qu’elle valorise un partenariat de longue date avec l’organisme, dont les futurs boulangers bénéficient du « carnet d’adresses » de Foricher pour développer leurs connaissances au travers de stages et expériences.

Les gants magnétiques proposés par ce fournisseur d'équipement sont redoutables : simples d'usage, assez peu coûteux, ils rendent l'hygiène en vente toute naturelle. On notera aussi la présence de bien jolis bacs à pâte et à farine siglés Foricher.

Les gants magnétiques proposés par ce fournisseur d’équipement sont redoutables : simples d’usage, assez peu coûteux, ils rendent l’hygiène en vente toute naturelle. On notera aussi la présence de bien jolis bacs à pâte et à farine siglés Foricher.

Les partenariats, voilà un élément clé de la démarche. Si l’on veut assurer aux artisans un service complet et cohérent, il faut développer un véritable écosystème autour du savoir-faire de base. Ainsi, ces Portes Ouvertes sont l’occasion de présenter de nombreuses solutions utiles au quotidien d’une entreprise : un logiciel de gestion de recettes, de coûts, d’équipes…, un fabricant de fèves pour les galettes des Rois, un fournisseur d’équipements variés (gants magnétiques, bacs à farine…), un autre de chocolat et purées de fruit… mais aussi divers professionnels aptes à intervenir pour développer des produits additionnels, comme un spécialiste des guimauves, chocolats et autres confiseries, ou bien un pâtissier très créatif. Il ne faudrait pas oublier les offres de vannerie, d’expertise comptable, de fruits secs, de trancheuses ou encore d’enseignes artisanales. En parallèle, les boulangers visitent le moulin et apprennent ainsi à mieux connaître l’outil de production de leur matière première.

Des démonstrations autour des confiseries sont organisées par un formateur partenaire des Moulins Foricher. Guimauves, caramels, chocolats... L'idée est de démontrer que ces produits peuvent être faits maison sans grande difficulté, pour développer le chiffre d'affaires avec des produits simples et savoureux.

Des démonstrations autour des confiseries sont organisées par un formateur partenaire des Moulins Foricher. Guimauves, caramels, chocolats… L’idée est de démontrer que ces produits peuvent être faits maison sans grande difficulté, pour développer le chiffre d’affaires avec des produits simples et savoureux.

Beaucoup de sérieux avec une ambiance familiale et bon enfant, voilà sans doute le secret de l’événement. Une bonne pratique que la filière commence à adopter, à l’image des Moulins de Chars, qui ont organisé des rencontres similaires récemment. Cela traduit bien un fait de plus en plus avéré : l’avenir de la meunerie artisanale tient en l’accompagnement et le positionnement en tant que force de proposition pour aller vers des pratiques toujours plus vertueuses. Ceux qui ne prennent pas ce pli commencent d’ores et déjà à en ressentir les effets, et de petits moulins sont en grande difficulté. Différence rime aussi avec… résistance.

Portes Ouvertes du Moulin des Gaults, Poilly-lez-Gien, du 23 au 26 juin 2013.

Billets d'humeur

23
Juin

2013

Une saison gâchée

Beaucoup d’activités humaines sont soumises au facteur climatique. Certes, les degrés d’importance sont différents et si cela peut parfois mettre des vies en jeu, il s’agit plus souvent de biens matériels remplaçables et/ou réparables… C’est un peu plus gênant dans le cas de l’alimentation, où le mal serait bien difficilement réversible, mais ne tombons pas dans le catastrophisme. Même si les risques de famine sont plus faibles aujourd’hui, des personnes ne parviennent pas encore à manger à leur faim chaque jour, la faute à des moyens financiers insuffisants ou à un environnement difficile.

La nature est verdoyante et les cours d'eau vigoureux... mais cela ne parvient pas à faire oublier la grisaille.

La nature est verdoyante et les cours d’eau vigoureux… mais cela ne parvient pas à faire oublier la grisaille.

En parlant de difficultés et d’environnement, je crois que l’on peut dire que nous aurons vécu une saison particulièrement troublée, à la fois pluvieuse, froide et désagréable. La grisaille se retrouve aussi bien au dessus que dans nos têtes : notre moral a tendance à être en berne, et cela s’explique aussi bien par des raisons physiques que par la lassitude que l’on peut ressentir avec cette vue déprimante.

Du côté de la boulangerie-pâtisserie, ce manque d’enthousiasme a un effet direct sur les ventes : en semaine, les clients sont moins incités à déjeuner en extérieur ou sur le pouce, ce qui impacte négativement les ventes de salades et sandwiches, le week-end, ils n’ont pas forcément une forte envie de « fêter » quoi que ce soit, réduisant ainsi leur consommation de desserts. Ajoutez à cela une conjoncture économique bien mouvementée, et vous obtenez un tableau qui peinerait bien à satisfaire nos artisans. L’impact sur les restaurateurs, dont les terrasses sont désertées, se répercute à son tour sur les commandes de pain, de viennoiseries et pâtisseries qu’ils peuvent passer à leurs fournisseurs… le tout produisant une sorte de cercle vicieux, l’ensemble de l' »écosystème » étant touché.

De plus, on nous prévoit un été fait d’orages et de périodes chaudes/humides comme nous avons pu en connaître ces derniers jours. Ces dernières sont sans doute les plus difficiles pour les boulangers, car le pain est particulièrement attaqué par ce « climat » similaire à celui connu dans les tropiques. Les croûtes perdent très rapidement de leur consistance après la sortie du four, et pour cause : le pain fait office d’éponge à humidité. Dès lors, les pertes peuvent être importantes : j’ai parfois vu des baguettes ne « tenir » qu’une trentaine de minutes… et il est bien gênant de proposer à son client un produit dans cet état. Bien sûr, de petites fournées réalisées en continu au fil de la journée permettent d’éviter de générer trop de casse, mais ce n’est pas une pratique à la portée de tous nos artisans pour des questions de personnel et d’organisation.

Les problèmes ne se concentrent pas en bout de filière, mais aussi en amont, où la campagne de récolte du blé devrait débuter avec deux à trois semaines de retard… sans considérer la qualité de la céréale, qui risque d’être fortement compromise si elle ne sèche pas à présent.

Bref, vous l’aurez bien compris, cette saison est gâchée pour nous tous, la boulangerie-pâtisserie n’est pas épargnée et je pense que certains hésiteraient parfois à ressortir Mont-Blanc, Paris-Brest, … et autres pâtisseries chocolatées, souvent mises en valeur en période hivernale. Il faut dire que nos fruits de saison sont de qualité plutôt médiocres : chargés d’eau, ils se conservent mal et ne dégagent que bien peu de parfum. Qui aurait envie d’une tarte aux abricots ou aux pêches complètement aqueuse ? Pourtant, c’est sans doute ce qui nous attend… Restent les fruits surgelés, purées de fruit et autres conserves pour tenter de donner un semblant de saison aux vitrines.

Aurons-nous le plaisir de voir un peu de soleil « durable » dans les semaines à venir ? Rien n’est moins sûr, mais nous ne pouvons que le souhaiter… autant pour notre plaisir que pour celui de nos artisans.

Je n’en parle sûrement pas assez, mais je suis admiratif des progrès réalisés ces dernières années en terme de technologie boulangère. Entre chambres de pousse, diviseuses-formeuses, … les outils qui améliorent le quotidien du boulanger se sont multipliés. Même si certains ne souhaitent pas les utiliser, pour des raisons plus ou moins pertinentes (et parfois très dogmatiques, en définitive), j’y vois une piste de réflexion pour aller à l’encontre de la crise de vocations que le secteur a pu connaître par le passé (même si cela semble aller dans le bon sens de ce côté).

La Boulange du 12è, Paris 12è

Seulement, il reste toujours des hommes et de la techniques pour manoeuvrer ces machines. Le savoir-faire du boulanger s’exprime ici – fort heureusement ! – et il demeure nécessaire pour aboutir à un résultat de qualité.
Donnant sur la large place Felix Eboué, la Boulange du 12è nous donne malheureusement une démonstration de ce la technologie peut produire si elle n’est pas maîtrisée.
Cette petite boulangerie jouit d’un emplacement idéal, avec un fort passage. Sa petite terrasse extérieure permet de consommer sandwiches et en-cas rapidement, et est particulièrement appréciée par les étudiants des collèges et autres établissements scolaires alentour. Une caractéristique bien comprise par le propriétaire de cet établissement. Pour cet entrepreneur de la boulangerie – pas franchement issu du milieu -, l’enjeu était de parvenir à transformer l’affaire d’une échoppe de quartier tenue « à l’ancienne » en boulangerie bien en phase avec son temps.

La Tradition semble d'être complètement avachie sur elle même, et offre une croûte étrange, à la mâche plutôt désagréable.

La Tradition semble d’être complètement avachie sur elle même, et offre une croûte étrange, à la mâche plutôt désagréable.

Le pari semble être gagné au vu de la fréquentation des lieux : on se presse nombreux pour déguster les produits de la maison. Seulement voilà, malgré une farine de bonne qualité (avec notamment de la farine Label Rouge Reine des Blés livrée par les Moulins Bourgeois), les pains mériteraient plus d’attention… A l’image de la baguette de Tradition. De prime abord, on pourrait se dire que son façonnage est bien étrange. En réalité, il s’agit là d’un des risques lorsque l’on utilise une diviseuse-formeuse comme c’est le cas ici : un produit très carré… et mal poussé, car il s’est littéralement avachi sur lui-même. La pâte manquait sans doute de force, et au final, pour le consommateur, elle manque cruellement d’arôme. On ne s’attardera donc pas sur ce produit.

Excusez moi de vous montrer les dessous d'une baguette, mais celle-ci vaut le détour : on voit très nettement la "marque" laissée par la diviseuse, ce qui est loin d'être du meilleur effet.

Excusez moi de vous montrer les dessous d’une baguette, mais celle-ci vaut le détour : on voit très nettement la « marque » laissée par la diviseuse, ce qui est loin d’être du meilleur effet.

Pour le reste, la gamme est particulièrement étendue et gourmande : pain « Italien », boules variés, pains à la coupe, pain figue-raisin, aux noix, aux céréales, un plus surprenant « Goyave-Ananas-Raisins et flocons d’avoine » ainsi que des déclinaisons en viennoises (chocolat-orange, cranberries-chocolat blanc…).

La large gamme de pains

La large gamme de pains

Le constat est assez similaire côté viennoiseries, tout comme pour les pâtisseries. Les produits sont d’une étonnante régularité, chacun étant le jumeau de son voisin… ce qui est loin d’être gage d’un produit de qualité.

Des pâtisseries étrangement régulières

Des pâtisseries étrangement régulières

Terminons par un détour du côté de l’offre traiteur, où les références de sandwiches se succèdent, ainsi que celles de salades et paninis. Bref, vous l’aurez compris, les repas sur le pouce sont clairement visés par cette boulangerie et l’offre a été orientée en conséquence. Ce n’est pas pour autant que l’on y accordera plus d’importance.

Viennoiseries, La Boulange du 12è, Paris 12è

Heureusement, l’accueil sait se montrer chaleureux et souriant, l’humain relève un peu sur ce problème de machines, même si cela peine à nous faire oublier le caractère plutôt passable des gammes de cet établissement.

Infos pratiques

127 Rue de Reuilly – 75012 Paris (métro Daumesnil, lignes 6 et 8) / tél : 01 43 07 61 21
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? Notre amie la diviseuse est ici bien mal utilisée, pour un résultat peu attirant. La baguette de Tradition est ainsi fort étrange, en plus de ne développer aucun arôme particulier. On appréciera tout de même la large gamme de pains : pain « Italien », boules variés, pains à la coupe, pain figue-raisin, aux noix, aux céréales, un plus surprenant « Goyave-Ananas-Raisins et flocons d’avoine » ainsi que des déclinaisons en viennoises (chocolat-orange, cranberries-chocolat blanc…)… Les plus gourmands apprécieront.
Accueil ? Dans cette boutique aux tons rouges et vifs, héritage d’un passé au sein du groupement Banette, le service est efficace mais néanmoins souriant et attentif. La file d’attente, qui se forme rapidement en heure de pointe, grâce à un emplacement très passant, avance ainsi de façon fluide.
Le reste ? Rien de bien intéressant, que ce soit en viennoiserie, pâtisserie ou même traiteur. Une uniformité des produits et des gammes qui laisse bien peu de place aux saveurs…

Faut-il y aller ? Pour découvrir la large gamme de pains, pourquoi pas, mais sans doute pas pour le reste. La qualité des produits se révèle plus que passable, et mieux vaut faire un peu de chemin pour découvrir les spécialités de Stéphane Vandermeersch ou d’Antonio Dias Gil, tous deux situés non loin de là.

Les grosses machines ont un côté attirant. Elles sont capables de produire le pire comme le meilleur, selon les hommes et les moyens que l’on place derrière. Il faut savoir les nourrir, leur apporter tout le soin nécessaire pour qu’elles continuent à fonctionner… ce qui est parfois usant, à long terme. Néanmoins, l’expérience demeure toujours très enrichissante, car cela permet d’acquérir des compétences pointues, que ce soit en terme de relations humaines ou sur le métier en lui-même. Au delà de ce mot de « machine », on devrait sans doute s’intéresser aux personnes qui sont derrière, à toutes ces petites mains habiles qui oeuvrent à actionner les manettes et ficelles, en coulisse.

Chez Joséphine Bakery, on ne partage pas qu'une tranche de pain... mais une tranche de vie ! La boutique a peu changé depuis sa reprise, ce qui rend le changement difficilement identifiable pour certains passants. Ainsi, l'ouverture du samedi n'est pas encore bien rentrée dans les habitudes.

Chez Joséphine Bakery, on ne partage pas qu’une tranche de pain… mais une tranche de vie !
La boutique a peu changé depuis sa reprise, ce qui rend le changement difficilement identifiable pour certains passants. Ainsi, l’ouverture du samedi n’est pas encore bien rentrée dans les habitudes.

Le fait est que cela manque de fantaisie, et que Benoît Castel sait bien en mettre dans ses créations, où il continue à s' »amuser »… c’est d’autant mieux que ce sont nos papilles qui sont, par la même occasion, amusées. Le chef pâtissier, que l’on a connu pendant 8 ans aux commandes du laboratoire sucré de La Grande Epicerie, a pris son envol à la fin de l’été dernier. Il a choisi de quitter cette grande maison pour atterrir… quelques centaines de mètres plus loin, au 42 rue Jacob, passant ainsi du 7è au 6è arrondissement.

On pourrait dire que Benoît Castel a un petit vélo dans la tête... mais en réalité, il est devant la boutique. Le triporteur est un outil idéal pour les livraisons à proximité, avec un caractère écologique bien dans l'air du temps.

On pourrait dire que Benoît Castel a un petit vélo dans la tête… mais en réalité, il est devant la boutique. Le triporteur est un outil idéal pour les livraisons à proximité, avec un caractère écologique bien dans l’air du temps.

Pour en arriver à la tête de ce vaisseau, ce breton d’origine a naturellement commencé son apprentissage à Rennes, avant de céder rapidement aux sirènes de la capitale. C’est dans ses hauteurs, et plus précisément à la Pâtisserie de l’Eglise, qu’il recevra des bases solides pour la suite de sa carrière. Tourage à la boulangerie attenante – le fameux 140, pâtisseries de boutique, … Jean-Claude Vergne et Pierre Demoncy ont tout particulièrement marqué Benoît Castel, en lui apportant plus que des connaissances techniques mais aussi une véritable vision humaine et juste du métier. Un univers bien différent de celui développé par Hélène Darroze, où il officiera pendant 4 ans, après avoir participé à l’ouverture du salon de Thé « Le Valentin », toujours présent dans les dédales du passage Jouffroy. Un passage par le service militaire et une saison en restauration le conforteront dans son idée de persister sur cette voie.

Benoît Castel, toujours le sourire aux lèvres, dans sa boutique du 42 rue Jacob.

Benoît Castel, toujours le sourire aux lèvres, dans sa boutique du 42 rue Jacob.

A chaque fois, ce travailleur acharné prend des virages importants, qui lui permettent d’élargir sa vision du métier. Cela continue avec sa prise de responsabilité au sein de la centrale de production du groupe Costes, où il est sensibilisé au respect du produit par Jean-Louis Costes. Puis 8 ans de Grande Epicerie, de nombreuses créations emblématiques et un style affirmé qui continue encore à marquer les vitrines de l’institution parisienne.

La boutique est remplie de détails qui nous renvoient à un univers doucement désuet et charmant. Ici, une boite de confiseries en fer, décorée avec soin.

La boutique est remplie de détails qui nous renvoient à un univers doucement désuet et charmant. Ici, une boite de confiseries en fer, décorée avec soin.

« Revenir aux fondamentaux du métier »

Juillet 2012, l’opportunité de reprendre cette petite affaire proche de Saint-Germain-des-Prés, le rapprochement avec son ami de longue date Jean-François Celbert (originaire de la même ville bretonne), la remise en question de l’année de la quarantaine… Autant d’éléments réunis qui ont amené Benoît Castel à revenir aux fondamentaux de son métier, à se tourner vers une clientèle de quartier, bien loin des desserts à l’assiette qu’il avait pu réaliser en restauration.

Ici, on ne trouve que des baguettes de Tradition. Ces dernières ont leur petit caractère, avec une note de levain, sans tomber dans l'acidité. Les cuissons sont parfois un peu courtes, mais on trouve toujours de quoi satisfaire l'ensemble des goûts.

Ici, on ne trouve que des baguettes de Tradition. Ces dernières ont leur petit caractère, avec une note de levain, sans tomber dans l’acidité. Les cuissons sont parfois un peu courtes, mais on trouve toujours de quoi satisfaire l’ensemble des goûts.

Ici, le parti-pris de l’artisan a été imposé immédiatement : des produits simples, honnêtes, réalisés avec des matières premières de haute qualité. Farines des Moulins Bourgeois, charcuteries Bellota, beurre Lescure, légumes frais et aussi locaux que possible… Des choix qui ont eu pour effet direct de perdre une partie de la clientèle, du fait du positionnement prix logiquement plus élevé, tout en attirant des amateurs du goût et de l’authentique.

Les sablés représentent une véritable "signature" chez Joséphine Bakery. Nature, au chocolat, garnis de confiture d'abricot ou de framboise, au gingembre... Ils s'invitent même en fond de tarte ! Les madeleines et financiers ne sont pas en reste, et offrent un moelleux remarquable.

Les sablés représentent une véritable « signature » chez Joséphine Bakery. Nature, au chocolat, garnis de confiture d’abricot ou de framboise, au gingembre… Ils s’invitent même en fond de tarte ! Les madeleines et financiers ne sont pas en reste, et offrent un moelleux remarquable.

Parmi les « gestes forts », on pourra aussi noter l’abandon pur et simple de la baguette de pain courant. Le ticket d’entrée est donc placé à 1,30€ les 275g avec la baguette de Tradition. L’idée était de simplifier l’organisation au sein du fournil, tout en développant une gamme de pains plus « pointue » et mieux maîtrisée.

La gamme de viennoiserie s'est resserrée au fil des mois. On y retrouve des classiques, très étudiés et travaillés. Chausson à la compote de pomme maison, croissants, pains au chocolat... Leur caractéristique ? Un goût de beurre bien présent : 1/3 de leur pâte en est constitué. Un parti-pris de l'artisan, qui exprime bien ses origines bretonnes. On appréciera également le travail sur la base du même levain naturel que pour le pain, avec un temps de fermentation de 3 jours... pour un résultat savoureux et croustillant !

La gamme de viennoiserie s’est resserrée au fil des mois. On y retrouve des classiques, très étudiés et travaillés. Chausson à la compote de pomme maison, croissants, pains au chocolat… Leur caractéristique ? Un goût de beurre bien présent : 1/3 de leur pâte en est constitué. Un parti-pris de l’artisan, qui exprime bien ses origines bretonnes. On appréciera également le travail sur la base du même levain naturel que pour le pain, avec un temps de fermentation de 3 jours… pour un résultat savoureux et croustillant !

« Créer un pain comme une recette de pâtisserie »

Le pain est un nouveau terrain de jeu pour notre artisan, reconnu pour ses talents de pâtissier. Même si la viennoiserie était loin de lui être étrangère, il lui fallait donc faire ses preuves dans un milieu différent. Dès le début, le travail du levain l’a particulièrement intéressé, et la plupart des pains développés par Joséphine Bakery en incorporent. C’est le cas pour la baguette de Tradition, qui conserve malgré tout une belle douceur sans acidité, avec un fond plus « tonique ».

Le fameux Pain du Coin, façonné en grosses pièces vendues à la coupe. Notez la cuisson toujours très aboutie, qui permet d'obtenir une croûte épaisse et caramélisée. Difficile de passer à côté des parfums dégagés par ce produit de caractère : le sel fumé de Salish fait merveille, tout comme la note de miel incorporée à la pâte.

Le fameux Pain du Coin, façonné en grosses pièces vendues à la coupe. Notez la cuisson toujours très aboutie, qui permet d’obtenir une croûte épaisse et caramélisée. Difficile de passer à côté des parfums dégagés par ce produit de caractère : le sel fumé de Salish fait merveille, tout comme la note de miel incorporée à la pâte.

Le secret ? Un levain naturel cultivé sur une base de coing, ce qui permet de ne pas tomber dans un caractère acétique trop marqué. L’autre secret, même s’il n’en est pas un, c’est la présence dans le fournil d’un boulanger expérimenté et passionné.

Au sous-sol, Didier Marchand confectionne avec beaucoup de soin les petits pains gourmands, garnis de leurs mélanges de légumes et fromages.

Au sous-sol, Didier Marchand confectionne avec beaucoup de soin les petits pains gourmands, garnis de leurs mélanges de légumes et fromages.

Dès les premières heures de la journée, Didier Marchand veille sur la fabrication du pain avec beaucoup d’attention. Ayant intégré l’équipe pour un dépannage, il l’a finalement rejointe de façon durable depuis près de 8 mois. Au cours de cette période, un dialogue permanent avec Benoît Castel s’est mis en route, pour aboutir à la gamme proposée aujourd’hui en boutique.

Une étape essentielle avant l'enfournement des baguettes : le lamage. Une opération que Didier Marchand réalise près de 600 fois dans une journée, puisque c'est le volume de baguettes produit ici, sandwiches y compris.

Une étape essentielle avant l’enfournement des baguettes : le lamage. Une opération que Didier Marchand réalise près de 600 fois dans une journée, puisque c’est le volume de baguettes produit ici, sandwiches y compris.

S’il y a bien une signature au 42 rue Jacob, c’est le Pain du Coin. D’un produit à la farine de Meule, poussé avec peu de levure et du levain, nous sommes aujourd’hui arrivés à un vrai pain de caractère. Pour cela, une démarche singulière s’est mise en place pendant 6 mois : l’idée était de créer sa recette comme celle d’une pâtisserie. Le résultat ne manque pas de panache : 10kg de farine par pièce, une hydratation proche des 70%, une fermentation pouvant aller jusqu’à 72h… puis une cuisson très marquée, pour une croûte épaisse et remplissant parfaitement son rôle de concentration des arômes. La mie, dense mais souple, surprend par ses notes de miel, mais aussi de fumé. Ce n’est pas le fruit du hasard, mais plutôt d’une rencontre.

Les croûtons incorporés aux salades font l'objet d'autant d'attention que le reste : des tranches de Pain du Coin ou de fougasse frottés à l'ail puis grillées... Le tour est joué !

Les croûtons incorporés aux salades font l’objet d’autant d’attention que le reste : des tranches de Pain du Coin ou de fougasse frottés à l’ail puis grillées… Le tour est joué !

En découvrant le sel de Salish, Benoît Castel a été immédiatement séduit par son parfum particulier et a souhaité l’intégrer à son pain. L’artisan « rencontre » des matières premières et fait évoluer son produit…

Comme un clin d'oeil à l'attachement de Benoît Castel aux matières premières, on trouve en boutique des tubes présentant des grains de blés... essentiels pour une farine de qualité !

Comme un clin d’oeil à l’attachement de Benoît Castel aux matières premières, on trouve en boutique des tubes présentant des grains de blés… essentiels pour une farine de qualité !

« Les rencontres font évoluer notre façon de concevoir et de faire notre métier »

Puisque nous parlons de rencontres, ces dernières sont essentielles pour l’artisan, d’autant plus dans un métier où l’humain demeure un facteur clé. Notre pâtissier demeure encore marqué par sa collaboration avec les chefs de la Pâtisserie de l’Eglise, et essaie d’avoir le même rôle à son tour auprès de l’équipe de 9 personnes qui compose aujourd’hui Joséphine Bakery. Il ne s’agit donc pas d’être chef d’entreprise, de superviser les opérations ou de participer à la production quotidienne. Non, c’est une vision et une patte qui doivent être imprimés sur l’entreprise.

Non, Benoît Castel et Marie n'admirent pas une oeuvre d'art mais s'assurent de la pertinence de l'assemblage d'une salade. Au quotidien, les recettes sont remises en question pour tenter de faire toujours plus savoureux.

Non, Benoît Castel et Marie n’admirent pas une oeuvre d’art mais s’assurent de la pertinence de l’assemblage d’une salade. Au quotidien, les recettes sont remises en question pour tenter de faire toujours plus savoureux.

Dans le laboratoire, les idées se rencontrent et se confrontent au quotidien : questions de goût, de tours de main, d’objectif… la remise en question est permanente et permet de consolider l’acquis mis en place depuis la reprise des lieux. En parallèle, des chantiers de plus longue haleine sont menés : 3 mois ont été ainsi dédiés à la mise au point d’une gamme de viennoiseries affinée, une ligne de tartes est en réflexion pour la rentrée, … Pour chacune de ces évolutions, c’est l’ensemble de l’équipe qui goûte et donne son avis. Vente ou production, Benoît Castel met un point d’honneur à impliquer chaque personne dans le processus.

Arnaud est un collaborateur de longue date de Benoît Castel : il ont en effet travaillé ensemble pendant 4 ans au sein des laboratoires de la Grande Epicerie. Une relation de confiance et de respect.

Arnaud est un collaborateur de longue date de Benoît Castel : il ont en effet travaillé ensemble pendant 4 ans au sein des laboratoires de la Grande Epicerie. Une relation de confiance et de respect.

« Faire rêver les jeunes et les salariés »

Que ce soit en boutique ou au laboratoire, le personnel a d’ailleurs très peu « tourné » depuis l’installation de Joséphine Bakery. Que ce soit Clémentine, responsable des ventes, ou Arnaud, responsable de la production, et les petites mains agiles qui créent ou vendent ces douceurs jour après jour (Marie, Sarah, Didier, …), chacun participe à l’aventure… et cela n’est sans doute pas étranger à l’état d’esprit bien particulier développé ici : même si l’exigence est de mise, il faut aussi savoir rêver et faire rêver, accorder de la confiance. Se détacher un peu des préoccupations quotidiennes, prendre de la distance pour voir plus loin, pour apprécier le goût des choses et de ce que l’on fait… Un programme que bien d’autres devraient intégrer à leurs préoccupations. C’est sans doute de cette façon que l’on parviendra à faire accepter ce métier à plus de jeunes, malgré son caractère assez « marginal » – lié aux horaires et aux difficultés physiques de ce dernier.

La fin d'année scolaire est une période propice aux stages. Ici, Arnaud, le responsable de production, explique à un jeune comment gratter efficacement une gousse de Vanille. Une tâche anodine, mais faisant partie du quotidien d'un pâtissier.

La fin d’année scolaire est une période propice aux stages. Ici, Arnaud, le responsable de production, explique à un jeune comment gratter efficacement une gousse de Vanille. Une tâche anodine, mais faisant partie du quotidien d’un pâtissier.

« Pour perdurer, les artisans devront être pointus et créatifs »

Puisqu’il est question d’apprentis, parlons un peu d’avenir. Benoît Castel est sensible à l’environnement concurrentiel dans lequel il évolue, avec notamment des offensives de la moyenne et grande distribution (installation de points chauds dans les supérettes Dia, …). Malgré la tentation des produits industriels, sa position est de chercher à se différencier par le goût et la qualité. Le savoir-faire des artisans demeure un élément essentiel et il doit être utilisé pour développer des produits « pointus », intégrant une large part de technique et de tours de main. Inutile de se disperser dans une gamme trop étendue et mal maîtrisée : à l’image de ce qui est pratiqué chez Joséphine Bakery, on peut très bien se concentrer sur quelques références très qualitatives…

L'essentiel de la gamme de pains est regroupé ici. Réalisés à partir des farines des Moulins Bourgeois, ils présentent chacun leur spécificité : le pain de mie, très moelleux, se rapproche de la brioche, tandis que la fougasse olive-cumin séduit par la saveur subtile des Taggiasche associée à la vivacité du cumin... Viennoises et pain cacao complètent la gamme.

L’essentiel de la gamme de pains est regroupé ici. Réalisés à partir des farines des Moulins Bourgeois, ils présentent chacun leur spécificité : le pain de mie, très moelleux, se rapproche de la brioche, tandis que la fougasse olive-cumin séduit par la saveur subtile des Taggiasche associée à la vivacité du cumin… Viennoises et pain cacao complètent la gamme.

Ces démonstrations de compétence ne doivent cependant pas rester invisibles, et la communication fait partie des axes à développer pour exister sur la « scène médiatique ». Le 42 rue Jacob n’a pas encore fait beaucoup parler de lui, mis à part pour des événements ponctuels comme les bûches de Noël ou le récent Bar à Tartines éphémère de la marque Philadelphia. A cela plusieurs raisons : l’entreprise est encore jeune, et il faut lui laisser le temps de se mettre en place sereinement. De plus, cela nécessite un budget conséquent.

Au premier plan, les meringues en forme de cupcakes attirent l'oeil. Ce qui devait être un simple produit de décoration est rapidement devenu un best-seller. C'est d'autant plus amusant que Benoît Castel avait mis au point cette idée pour faire un pied de nez aux cupcakes, meringues et macarons qu'il ne souhaitait pas proposer chez Joséphine Bakery. Au déjeuner, quiches, pizzas et autres burgers rencontrent un certain succès... tout comme les pâtisseries, le coeur de métier de notre artisan. Cheesecake et sa pipette de coulis de fruit, tartes variées (au citron frais, aux fruits de saison...), Petit Pralin, clafoutis et autres flans ou fars bretons... De la simplicité mais beaucoup de goût, à des tarifs raisonnables compte tenu de la qualité.

Au premier plan, les meringues en forme de cupcakes attirent l’oeil. Ce qui devait être un simple produit de décoration est rapidement devenu un best-seller. C’est d’autant plus amusant que Benoît Castel avait mis au point cette idée pour faire un pied de nez aux cupcakes, meringues et macarons qu’il ne souhaitait pas proposer chez Joséphine Bakery.
Au déjeuner, quiches, pizzas et autres burgers rencontrent un certain succès… tout comme les pâtisseries, le coeur de métier de notre artisan. Cheesecake et sa pipette de coulis de fruit, tartes variées (au citron frais, aux fruits de saison…), Petit Pralin, clafoutis et autres flans ou fars bretons… De la simplicité mais beaucoup de goût, à des tarifs raisonnables compte tenu de la qualité.

Pour autant, je suis persuadé que l’on ne finira pas d’entendre parler de Benoît Castel et de Joséphine Bakery, tant les projets et envies sont nombreux… avec toujours beaucoup de fantaisie et de fraicheur.