J’ai passé une grande partie de mon adolescence à jouer avec les mots, parfois plus que de raison. Cela peut être amusant, mais aussi très agaçant. Il faut donc trouver un point d’équilibre, et distiller délicatement ces notes d’esprit au travers des discussions. On peut aussi choisir de les utiliser pour nommer un lieu, un projet, et ainsi inscrire de façon quasi-indélébile sa façon légère et souriante de voir la vie. Ainsi, de nombreux commerces se voient titrés d’enseignes telles que « l’abri côtier », dont la récurrence pourrait bien finir par ne plus faire rire personne.

La Flûte de Chaud Pain, Houdan (78)

A Houdan, Jean-Luc Legrand a choisi il y a 8 ans d’associer boulangerie et musique pour le nom de son affaire. La Flûte de Chaud Pain était née. Face à la majestueuse église de la ville, ce n’est pas un orgue mais un splendide four à bois ancien que l’on retrouve au fond de la boutique. Jour après jour, c’est au sein de cet âtre que se joue la belle musique boulangère de cet établissement.

Jean-Luc Legrand devant son majestueux four à bois.

Jean-Luc Legrand devant son majestueux four à bois.

Notre artisan est un passionné du pain et du travail sur levain autant que des associations de saveurs parfois surprenantes qu’il met au point. La signature de ses produits est forcément cette note boisée que l’on retrouve aussi bien sur la baguette de Tradition, la Houdanaise – une baguette Biologique associant des farines T110 et T65 -, ainsi que les différents pains spéciaux vendus à la coupe pour la plupart. Pas moins de quatre meuniers fournissent les farines mises en oeuvre au fournil : le Moulin des Osmeaux – ayant aidé l’artisan à s’installer -, les Moulins Fouché, de Brasseuil et enfin une entreprise auvergnate.

Un petit pain gourmand, une véritable barre d'énergie. Une bonne alternative à la viennoiserie au goûter.

Un petit pain gourmand, une véritable barre d’énergie. Une bonne alternative à la viennoiserie au goûter.

Dommage cependant que des pré-mixes soient utilisés pour certains des produits, car ils cohabitent avec des céréales de qualité, comme le petit épeautre, le seigle, … qui produisent des pains savoureux, sans avoir besoin de recourir à de tels mélanges. Même si la clientèle est parfois demandeuse de ce type de « référent », le travail d’un artisan est aussi d’être force de proposition. On appréciera néanmoins les cuissons bien menées, les croûtes craquantes et l’excellente conservation des produits… Comme quoi, le four à bois – quand il est bien utilisé – a un impact sur le résultat final.

Four et grille à pains, La Flûte de Chaud Pain, Houdan (78)

Cet été, la boutique a été entièrement remaniée pour mieux valoriser ses larges volumes et les différentes gammes disposées dans d’imposantes vitrines. Dans cette atmosphère authentique et mettant en valeur des matériaux nobles tels que le bois, la clientèle prend plaisir à s’arrêter quelques minutes sur l’une des tables disposées au sein de l’espace de vente ou en terrasse. Le jour de mon passage, on y trouvait notamment… Gérard Klein.

La boutique offre de beaux volumes, avec le four à bois au fond.

La boutique offre de beaux volumes, avec le four à bois au fond.

En effet, Houdan ne compte que 3000 habitants en semaine, un chiffre qui peut doubler le week-end du fait de la présence de nombreuses résidences secondaires. Dès lors, il faut parvenir à satisfaire la demande, et c’est pourquoi l’artisan adapte son offre en proposant plus de produits, dont la fameuse brioche « Nucatum », contenant tout logiquement… du nougat, mais aussi un pain à la farine de Pois Chiche, au Kamut, … Visiblement inspiré par la clientèle issue de l’univers du petit écran, Jean-Luc Legrand s’est lancé dans l’aventure télévisuelle en participant au concours de la chaine M6, la Meilleure Boulangerie de France.

Pâtisseries, La Flûte de Chaud Pain, Houdan (78)

Pour satisfaire les gourmands, la Flute de Chaud Pain propose également des pâtisseries traditionnelles mais néanmoins soignées, à l’image des éclairs, tartes fines aux pommes, flans et autres millefeuilles. Une application qui se retrouve au rayon traiteur, avec des quiches attirantes.

Quiches, La Flûte de Chaud Pain, Houdan (78)

Bémol cependant du côté des viennoiseries, où le boulanger admet que certaines ne sont pas réalisées maison tout au long de la semaine, du fait d’un manque de personnel et de temps. Un effort de transparence appréciable, d’autant que les produits utilisés sont de qualité honnête, même si toujours éloignés de ce que peut produire un artisan. Toutefois, la question de fond demeure sur la pertinence d’un tel choix, car on vient chez un artisan pour retrouver son savoir-faire… On se rattrape avec plaisir sur les cakes, pains de mie et viennoises au façonnage original.

Derrière le comptoir, La Flûte de Chaud Pain, Houdan (78)

Le service, parfois un peu timide, fait preuve d’une agréable simplicité et la clientèle est reconnue, un point important pour une « petite » ville… même si cette dernière ne compte pas moins de 5 boulangeries, ce qui impose une de se différencier par la qualité de son offre et de son accueil. Parmi les détails qui ne trompent pas, les gants magnétiques Scaritech, lesquels tendent à se répandre en boulangerie artisanale… pour le plus grand plaisir des clients, mais aussi des personnels de vente, chez qui l’hygiène devient plus facile à observer.

C'est beau, un four à bois !

C’est beau, un four à bois !

Infos pratiques

58 Grande Rue – 78550 Houdan (Transilien ligne N, gare de Houdan) / tél : 01.30.59.72.39
ouvert du mardi au samedi de 7h30 à 19h30, le dimanche de 7h30 à 13h.

Avis résumé

Pain ? Le four à bois qui trône au fond de la boutique n’y est certainement pas étranger : les pains proposés ici expriment des notes boisées, lesquelles confèrent un caractère fortement addictif à la baguette de Tradition rebaptisée du nom de la boutique – 1,15€ les 225g, soit 5,12€ le kilogramme. Sa déclinaison Biologique, la Houdanaise, n’est pas en reste avec sa note de farine intégrale, qui lui ajoute du caractère. Difficile de passer à côté des gros pains, dont la plupart sont proposés à la coupe. Les associations de saveurs sont un moyen d’expression pour Jean-Luc Legrand, lequel fait cohabiter céréales, noix et noisettes ou encore fruits exotiques dans des miches généreuses. Seigle et épeautre sont aussi à l’honneur, rejoints le week-end par une large gamme de propositions, dont certaines sont très gourmandes, comme la brioche « Nucatum » au nougat. Excellente conservation, cuissons abouties et croûtes craquantes sont de rigueur, de même que des notes de levain très douces – l’artisan est équipé d’un fermentolevain pour entretenir son levain liquide, même s’il entretient également un levain dur pour certains pains spéciaux.
Accueil ? Parfois un peu timide, il fait néanmoins preuve d’une agréable simplicité et authenticité, en offrant une belle maîtrise des produits et des techniques de vente. Les habitués sont reconnus, et on se sent bien dans cette vaste boutique où le bois et la pierre font écho à l’église située juste en face. La clientèle ne s’y trompe pas, et c’est nombreuse qu’elle profite de la terrasse attenante.
Le reste ? Les pâtisseries déclinent de grands classiques, à l’image des éclairs, tartes fines aux pommes, flans et autres millefeuilles. Le traiteur séduit avec des quiches gourmandes, petits pains apéritifs aromatisés, entre autres propositions de bon goût. Ce qui l’est un peu moins, c’est la viennoiserie dont une partie est parfois industrielle. Un « écart de conduite » lié à un laboratoire de petite taille et à des moyens humains limités. Sans refaire le débat sur la pertinence d’un tel choix afin d’assurer la survie d’une entreprise artisanale, on se tournera alors vers les brioches, cakes et autres pains gourmands aux multiples fruits secs proposés ici, même si ces derniers finissent parfois par être riches et coûteux – en effet, le ticket d’entrée est à 9€ le kilogramme pour les pains à la coupe.

Faut-il y aller ? Autant pour le lieu que pour le pain, oui ! La fameuse « Flute de Chaud Pain » craque sous la dent pour nous laisser profiter de son parfum singulier, mêlant notes boisées et crémeuses, tandis que les grosses pièces séduisent par leur caractère brut et rustique. Des produits bien à l’image de cette boutique mariant bois et pierre, dans un style à la fois ancien et soigné. Jean-Luc Legrand et son équipe nous jouent une douce musique boulangère… avec toutefois quelques fausses notes, mais tous les chefs d’orchestre en ont connu.

En faisant le choix de créer ce blog et de m’y investir comme je l’ai fait, ma vie et mon rapport aux autres a changé de façon impressionnante. Tout d’abord car j’ai repris goût à aller vers les autres, à découvrir des univers personnels et singuliers, mais aussi parce que cela m’a imposé un certain nombre de responsabilités… et d’attentes. Honnêteté, indépendance, persévérance… Autant de mots qui forment des actes au quotidien.
Ce qui est sans doute le plus étonnant pour moi, c’est le nombre d’amis et d’ennemis potentiels que cela m’a créé. Ainsi, de nombreux artisans m’attendent plus ou moins, sans vraiment se manifester pour la plupart. Je ne connais peut-être même pas leur adresse actuellement, mais ma visite serait bienvenue… ou pas.

L'Atelier des Artistes, une boutique fraichement repeinte, ayant abandonné les tons bleutés pour un noir élégant.

L’Atelier des Artistes, une boutique fraichement repeinte, ayant abandonné les tons bleutés pour un noir élégant.

Ainsi, ma visite à Romainville, en Seine-Saint-Denis, n’a pas vraiment surpris. Je n’avais pas été informé de l’adresse exacte, ni même de la date d’ouverture précise, mais je savais qu’ils partaient vers une nouvelle aventure. En effet, c’est au 73 boulevard Edouard Branly que Stéphanie Dias Gil, Luzia et Jorge Costa Da Silva ont démarré leur propre affaire, il y a tout juste une semaine. On les a connus dans le 12è arrondissement, au sein de la boutique très familiale d’Antonio Dias Gil, mais c’est à présent sur leur propre scène qu’ils s’expriment… ou plutôt leur Atelier des Artistes, puisque c’est le nom de leur boulangerie.

Jorge, Stéphanie et Luiza, les fameux artistes.

Jorge, Stéphanie et Luiza, les fameux artistes.

Même si Sévérine et Franck Perrée – les anciens propriétaires – étaient déjà des professionnels sérieux, reconnus par la population locale, nos trois jeunes entrepreneurs ont souhaité dès le début imposer leur identité, au travers d’éléments visuels et produits. Une devanture repeinte, un magasin rafraichi, deux points qui marquent immédiatement la clientèle et l’informent sur la reprise. Ici, aucun agenceur n’a été appelé pour réaliser les travaux, on préfère le fait maison, et ce n’est pas forcément un mal car la boutique porte ainsi les couleurs des associés en toute simplicité.

Des croissants tout juste façonnés.

Des croissants tout juste façonnés.

Cet engagement dans le « fait maison », on le retrouve tout autant dans les douceurs : pains, viennoiseries, pâtisserie et traiteur sont de réalisation entièrement artisanale. Au laboratoire, c’est Jorge qui officie en boulangerie et viennoiserie, accompagné d’un ouvrier, tandis que sa soeur Luzia prend en charge le sucré.

La baguette au Curry et aux Céréales est un produit savoureux mais néanmoins surprenant : il faut le proposer à une clientèle réceptive... et cela semble être le cas à Romainville, puisque les baguettes se vendent, tout comme la viennoise chocolat blanc-citron vert ou les généreuses tourtes de Meule, de Kamut ou de Seigle.

La baguette au Curry et aux Céréales est un produit savoureux mais néanmoins surprenant : il faut le proposer à une clientèle réceptive… et cela semble être le cas à Romainville, puisque les baguettes se vendent, tout comme la viennoise chocolat blanc-citron vert ou les généreuses tourtes de Meule, de Kamut ou de Seigle.

De la capitale à la banlieue, les habitudes n’ont pas changé : le trio est resté fidèle au meunier Foricher et à la certification Label Rouge – Bagatelle pour leur baguette de Tradition française. Difficile de mettre en défaut les pains : entre la Bagatelle avec sa mie crémeuse, sa croûte très craquante et son alvéolage remarquable, le pain des Gaults nature, céréales ou aux noix avec ses notes acidulées, la tourte de Meule, le Kamut, la Tradi-Curry-Céréales ou pour les plus gourmands les viennoises chocolat blanc-citron vert… On ne sait que choisir, et dans un sens, je crois que ce serait agréable si c’était plus souvent le cas.

Afin d'accueillir les nouvelles propositions de Jorge, l'étagère à pains a été élargie sur la droite. Kamut, boule et baguette de Meule, ... Cuissons et façonnages sont au rendez-vous.

Afin d’accueillir les nouvelles propositions de Jorge, l’étagère à pains a été élargie sur la droite. Kamut, boule et baguette de Meule, … Cuissons et façonnages sont au rendez-vous.

 

Certes, les viennoiseries manquent parfois un peu de cuisson – elles n’en demeurent pas moins croustillantes et généreuses -, mais cela n’a pas empêché le public d’être séduit par la première apparition des artistes : ce week-end, on se pressait nombreux aux portes de la boulangerie pour déguster les croissants du « nouveau boulanger ». Nouveau, pas tant que ça, en réalité. Le choix de cette implantation n’a rien d’un hasard : la famille Costa est présente à Romainville depuis bien longtemps, tandis qu’Antonio Dias Gil tenait une affaire à Montreuil avant de rejoindre Paris. Dès lors, de fidèles clients, informés de cette arrivée, n’ont pas hésité à faire le déplacement… ce qui témoigne d’un bel attachement du consommateur à son artisan ainsi qu’à sa famille.

Viennoiseries classiques et très accessibles : 0,90€ pour un croissant au beurre, le prix est plus qu'honnête.

Viennoiseries classiques et très accessibles : 0,90€ pour un croissant au beurre, le prix est plus qu’honnête.

Le plus frappant est sans doute cette capacité à mettre en place les gammes aussi vite : en boulangerie, mais aussi en pâtisserie, avec des pâtes à choux, tartes, millefeuilles… aussi simples que gourmands. Le flan à l’ancienne, dont je vous avais parlé dernièrement, est de la partie, tout comme les cakes pomme-vanille ou abricot-pistache.

Le Flan Grand-Mère, toujours bien cuit, partage le terrain des gourmandises avec les cakes.

Le Flan Grand-Mère, toujours bien cuit, partage le terrain des gourmandises avec les cakes.

On retrouve ici le fruit de nombreuses inspirations : tout d’abord l’expérience au sein de Pains et Gourmandises dans le 12è arrondissement, l’apport en recettes de leur meunier, et une grande curiosité vis à vis des idées développées par d’autres artisans.
Pour mieux valoriser le potentiel de l’affaire, la « coupure » observée par l’ancien propriétaire au déjeuner a été supprimée et l’offre traiteur renforcée. Sandwiches, quiches et pizzas ne tarderont sans doute pas à faire des adeptes chez les travailleurs alentour.

Simplicité et gourmandise pour l'offre traiteur : deux clés que l'Atelier des Artistes souhaite utiliser pour développer le chiffre d'affaire sur cette activité, en plus de la suppression de la "coupure" du déjeuner.

Simplicité et gourmandise pour l’offre traiteur : deux clés que l’Atelier des Artistes souhaite utiliser pour développer le chiffre d’affaire sur cette activité, en plus de la suppression de la « coupure » du déjeuner.

On n’a sans doute pas fini de voir ces trois compères nous étonner : Jorge Costa travaille déjà à la mise en place d’une gamme variée de brioches – un produit très en vogue en boulangerie -, tandis que la perspective future d’une extension sur une menuiserie attenante et ayant cessé son activité pourrait trouver du sens.
A la vente, Stéphanie Dias saura sans doute séduire une clientèle parfois déçue de l’accueil proposé jusqu’alors. Jeunesse et dynamisme, autant d’éléments qui participeront au renouveau de la boulangerie artisanale.

Infos pratiques

73 boulevard Edouard Branly – 93230 Romainville (métro Mairie de Montreuil, ligne 9 – attention, c’est assez éloigné tout de même !) / tél : 01 48 57 07 01
ouvert tous les jours sauf le mardi de 7h à 20h – 19h30 le dimanche.

Avis résumé

Pain ? Je reste encore soufflé par la qualité de réalisation des produits, seulement une semaine après l’ouverture. Les artisans ont souvent besoin de se « caler », de prendre pleinement en mains leur nouveau matériel, et cela peut prendre du temps. Ici, la gamme est aussi large d’aboutie : le pain des Gaults – vendu à la coupe – nous offre sa croûte bien marquée et ses notes acidulées, tandis que la baguette de Tradition Bagatelle (1,10€ les 250g) séduit sur le ton de la douceur avec son craquant et sa mie crémeuse. Pour autant, il serait bien idiot de passer à côté de la Tradi-Curry-Céréales (un excellent accompagnement pour les viandes blanches), du Kamut ou de la tourte de Meule. L’agrément Bio ne devrait pas tarder, et permettra de mettre en avant les produits utilisant d’ores et déjà des farines Biologiques.
Accueil ? J’aurais bien du mal à en juger, car j’ai été immédiatement reconnu : même s’ils ont été surpris de la rapidité de ma visite, d’autant plus que je n’avais pas été informé de l’adresse, les associés savaient que je viendrais… un jour ou l’autre. Ce fut aujourd’hui, et même si mon expérience ne pouvait qu’être positive sur ce point, je ne doute pas des qualités relationnelles de Stéphanie Dias, puisque j’ai déjà pu en attester dans la boulangerie du 12è arrondissement, où elle était -forcément !- très présente.
Le reste ? Pour seulement 90 centimes, le croissant offre une belle expérience en terme de croustillance et d’arômes. Généreux en beurre, seule sa cuisson encore un peu aléatoire pourrait être mise en défaut. Torsade feuilletée et croustillant aux pommes séduisent tout autant, même si le chausson aux pommes manque de générosité.
En pâtisserie, c’est Luiza qui officie, avec à présent beaucoup plus de latitude dans la réalisation des produits : elle propose ainsi des classiques de la pâtisserie « boulangère », au travers de tartes, pâtes à choux et millefeuilles, complétés par quelques entremets traditionnels.
Le traiteur se décline en fougasses, pizzas et sandwiches, lesquels peuvent être inclus dans des formules débutant à 5,60€, soit un niveau de prix très accessible. Les tickets restaurants et Cartes Bleues sont acceptées, ce qui n’était pas le cas avec les anciens propriétaires, voilà qui devrait contribuer à développer cette boulangerie comme elle le mérite.

Faut-il y aller ? On ne peut que saluer le travail et l’envie que portent ces trois jeunes entrepreneurs. Leur boulangerie est aujourd’hui l’aboutissement d’une expérience débutée de longue date au sein de l’affaire familiale des Dias Gil, mais aussi d’une veille sur les bonnes pratiques du secteur : produits accessibles et gourmands, boutique claire et accueillante, simplicité… Souhaitons donc une belle réussite à ce trio, mais aussi au couple, puisqu’il accueillera prochainement un heureux événement. Il ne me restera plus qu’à aller découvrir la nouvelle affaire d’Antonio Dias Gil… à Chelles, cette fois !

En Boulangerie, il est important de peser chaque ingrédient. Ce sens de la mesure doit être intégré par les artisans dès le début de leur apprentissage afin de prendre de bonnes habitudes, et produire ainsi des pains les plus réguliers possibles, car chaque ingrédient compte. Les pâtissiers sont sans doute plus sensibilisés à ce fait, ce qui les rend plus habiles à passer d’un métier à l’autre, même si la maîtrise des fermentations, la sensibilité de la pâte… reste tout de même à acquérir afin de pouvoir prétendre réaliser des produits savoureux.
Dans la vie, c’est un peu la même chose. On devrait savoir peser nos mots, être de bons musiciens et rester dans les bonnes notes, avancer avec mesure. Nous ne sommes que des hommes… dès lors, tout ne saurait être linéaire et parfait.

La famille Hayertz, réunie au sein du fournil de sa boulangerie.

La famille Hayertz, réunie au sein du fournil de sa boulangerie.

Je pense que nous serons d’accord avec le couple Hayertz sur ce point-là. J’avais parlé de façon assez véhémente et négative de leur boulangerie du 18è arrondissement, il y a quelques semaines de cela. La principale raison de mon mécontentement était liée à la baguette Bagatelle, certifiée Label Rouge, dont la réalisation m’avait laissé… pantois.
Depuis, l’artisan et son épouse m’ont contacté afin de nous échangions sur mon article et le fonctionnement de leur entreprise.

Baguettes avant l'enfournement, Boulangerie Raphaëlle, Paris 18è

Commençons tout d’abord par une initiative responsable : la certification a été suspendue à l’initiative de Sébastien Hayertz, afin de lui laisser le temps de régler des problèmes en production, lesquels ne lui permettent pas aujourd’hui d’assurer un produit régulier. En effet, sa chambre de pousse est défaillante et est sur le point d’être remplacée. Auparavant, c’était sa diviseuse qui lui faisait défaut… Les 4 ans écoulés depuis la reprise du fonds n’ont pas permis de réaliser l’ensemble des investissements nécessaires pour relever pleinement cette affaire, à laquelle le couple est profondément attaché : en effet, Stéphanie Hayertz y a réalisé son apprentissage, et c’est l’union de cet homme et de cette femme qui a abouti à la naissance de Raphaëlle…

Profitant de son dernier jour de liberté avant la rentrée, la jeune Raphaëlle mène son père et à la baguette et veille avec attention sur leur réalisation.

Profitant de son dernier jour de liberté avant la rentrée, la jeune Raphaëlle mène son père et à la baguette et veille avec attention sur leur réalisation.

Ou plutôt des Raphaëlle, puisque c’est aussi le prénom de leur jeune fille. Cette histoire de famille implique aussi les clients des lieux, très attachés à leur boulangerie de quartier, et toujours prêts à la défendre. Les produits ne sont pas toujours réguliers, mais ils sont réalisés avec amour et honnêteté, des éléments importants dès lors qu’il s’agit d’artisanat.

Rénovée l'an passé, la boutique affiche des tons vifs et accueillants.

Rénovée l’an passé, la boutique affiche des tons vifs et accueillants.

Le deuxième prix obtenu au concours de la Meilleure Baguette de Tradition est venu un peu « bousculer » les habitudes de la maison, car leur meunier – la minoterie Trottin – les a incités à s’engager plus rapidement dans la démarche de certification Label Rouge, une action discutable quand on sait l’exigence et l’investissement que peut demander ce processus.

Le fournil de la boulangerie Raphaëlle est très parisien : situé au sous-sol, il est exigu et la température y monte rapidement.

Le fournil de la boulangerie Raphaëlle est très parisien : situé au sous-sol, il est exigu et la température y monte rapidement.

Pâtissier-cuisinier de formation, l’artisan a souhaité s’y impliquer par défi personnel, afin de proposer un produit de qualité toujours supérieure à sa clientèle. Ses compétences, développées au fil de l’expérience et du savoir transmis par les équipes de démonstrateurs dépêchées par le meunier, sont aujourd’hui bien présentes mais il demeure difficile de réaliser avec régularité l’ensemble des produits lorsqu’on porte sur ses épaules la responsabilité de l’ensemble des pains et de la viennoiserie.

Les madeleines sont la spécialité de la maison. Déclinées en de nombreuses saveurs (citron, pistache, noix de coco, ...), elles offrent moelleux et réconfort aux gourmands.

Les madeleines sont la spécialité de la maison. Déclinées en de nombreuses saveurs (citron, pistache, noix de coco, …), elles offrent moelleux et réconfort aux gourmands.

Toutes ces explications seraient bien incomplètes voire inutiles sans une nouvelle dégustation du produit. La baguette de Tradition, déchue de son label, sans que cela change quoi que ce soit à sa recette, s’est ainsi avérée bien plus réussie que lors de mes précédents essais. A la place de ce parfum prégnant de levure, j’ai retrouvé un agréable fond de levain, de belles notes de froment et une mie relativement alvéolée. La croûte fine et craquante garde une bonne consistance au fil du temps, ce qui fait de ce pain un produit agréable. Les aléas rencontrés ces derniers mois par l’entreprise ne sont sans doute pas étrangers à mes précédentes expériences.

Ici, les pâtisseries sont faites maison, et elles ont le bon goût de la simplicité.

Ici, les pâtisseries sont faites maison, et elles ont le bon goût de la simplicité.

Gageons simplement que l’avenir sera plus radieux pour cette sympathique boutique d’angle, à l’écart de l’agitation parisienne. Ainsi, à l’image de cette jeune princesse, notre amie Raphaëlle de la rue Feutrier pourra grandir harmonieusement…

Boulangerie Raphaëlle, Paris 18è

Infos pratiques

Angle 1 rue Feutrier – 10 rue André del Sarte – 75018 Paris (métro Barbès-Rochechouart, lignes 2 et 4) / tél : 06 99 34 81 61
ouvert tous les jours de 7h30 à 20h, sauf le mercredi et le mardi à partir de 14h.

Tous les boulangers ne font pas face aux mêmes enjeux : en effet, quand ils commencent à « prendre de l’importance » et à s’étendre sur plusieurs points de vente, leur travail portera autant sur le maintien d’une qualité de produit uniforme et régulière entre les boutiques que sur le développement d’une véritable identité, propre à leur entreprise. Cet « univers » doit pouvoir se multiplier pour créer de la cohérence, des synergies et des repères pour les consommateurs. Le problème est que cela contribue à rendre notre paysage boulanger toujours plus morne et aseptisé, offrant en définitive bien peu de variété.

Huré Victor Hugo, Paris 16è

Je vous avais parlé de l’arrivée de la famille Huré dans le 16è arrondissement, il y a un peu plus de quatre mois. Ils n’auront pas tardé pour faire table rase du passé, puisque la vieillissante boutique Carton vient de faire place à une boulangerie-salon de thé clinquante, signée Mosaïc. L’agenceur, qui se revendique « Créateur d’espaces » et se positionne dans le segment de la « haute couture », a bâti ici une création dans la droite ligne de ses nombreuses réalisations dans le domaine de la boulangerie francilienne : des tons clairs, beaucoup de blanc nacré, et un caractère très aseptisé, presque trop propre, qui correspond assez peu à l’idée que l’on pourrait se faire de la boutique d’un artisan boulanger.

Les pains et brioches nous accueillent depuis la rue : un bon point, les fondamentaux sont ainsi bien mis en valeur et l'on sait immédiatement que l'on entre dans une boulangerie... et pas dans une bijouterie comme les boutiques Mosaïc nous le font parfois croire.

Les pains et brioches nous accueillent depuis la rue : un bon point, les fondamentaux sont ainsi bien mis en valeur et l’on sait immédiatement que l’on entre dans une boulangerie… et pas dans une bijouterie comme les boutiques Mosaïc nous le font parfois croire.

Les nombreux produits de la maison sont mis en valeur avec soin, et la vitrine visible depuis la rue nous accueille de façon gourmande : brioches variées, pains généreux, le client est ainsi attiré par les douceurs proposées et se laissera sans doute convaincre pour un petit arrêt dans les lieux. Ce fût mon cas aujourd’hui.
Malgré les changements cosmétiques apportés au 150 avenue Victor Hugo, les fondamentaux restent les mêmes : des vitrines bien chargées – trop à mon goût – et de quoi satisfaire tous les appétits, sucrés comme salés.

Les pains

Les pains

On commence ainsi avec la gamme de pains, qui reprend la plupart des spécialités Huré : pain Acajou aux fruits secs, pain au maïs, baguettes au Miel… avec quelques spécificités cependant, puisque des produits à base de farine Biologique sont proposés, à l’image de la Baguette Bio – 1,50€ la pièce – ou du pain Céréales Bio – 2,80€. La Tradition n’a pas ou peu changé par rapport à mon précédent billet : croûte fine, parfum de froment soutenu, mais conservation toujours aussi moyenne. On appréciera cependant le repositionnement prix : de 1,40€ initialement, elle est passée à 1,20€, la rendant bien plus accessible.

Des pâtisseries plutôt élégantes, Huré Victor Hugo, Paris 16è

Des pâtisseries plutôt élégantes, Huré Victor Hugo, Paris 16è

Je l’avais noté à l’époque, mais le trait s’est accentué : les tons sont beaucoup moins tapageurs ici, et les produits affichent des lignes plutôt sobres et élégantes. La gamme de pâtisseries décline ainsi les classiques en pâtes à choux – avec une gamme d’éclairs variée -, entremets et tartes. Rien à redire quant au soin porté aux produits, les finitions sont impeccables, et même si l’on pourra regretter des équilibres discutables en terme de textures – gelées de fruits assez prises, notamment – l’ensemble est de très bon niveau. Côté prix, le ticket d’entrée se trouve du côté des éclairs avec des standards à 2,80€, la moyenne se situant au dessus de la barre des 4 euros pour les entremets et tartelettes.
Gourmandises sablées (au sucre, au nutella (chez les Huré, on aime bien cette fameuse pâte à tartiner !), aux cranberries…), briochées et feuilletées sont également de la partie.

Une des signatures du lieu est ce "zébrage", présent sur les vitrines et une partie de la vaisselle.

Une des signatures du lieu est ce « zébrage », présent sur les vitrines et une partie de la vaisselle.

Bien entendu, il aurait été étrange de ne pas chercher à valoriser la terrasse et l’espace intérieur, et c’est pourquoi la gamme traiteur se décline elle aussi dans un large choix de quiches, salades, sandwiches …

Ce n'est pas tous les jours que vous verrez cela : des Pyramides du Louvre en pâtisserie, c'est... charmant.

Ce n’est pas tous les jours que vous verrez cela : des Pyramides du Louvre en pâtisserie, c’est… charmant.

Malgré ce tableau plutôt honnête, quelques points me font toujours autant tiquer :

  • Pour certains détails, le bon goût semble avoir été considéré comme une option… non souscrite par l’artisan. En effet, difficile de passer à côté de ces sièges aussi massifs qu’inélégants, ou des pâtisseries triangulaires maladroitement nommées « Pyramide du Louvre ». La maison s’est assagie sur les teintes, mais pas sur le fond, qui reste toujours aussi démonstratif et en bordure du mauvais goût. Cela me fait un peu penser au comportement du Bourgeois Gentilhomme, lequel cherche à imiter les habitudes d’une classe sociale supérieure à la sienne… pour un résultat plutôt grotesque.
  • La surabondance de produits ne permet certainement pas d’assurer la fraicheur de l’ensemble d’entre eux, et il est inévitable que plusieurs références aient quelques jours dans les jambes… ce qui aura un impact direct sur la satisfaction de la clientèle. De plus, les pertes générées se retrouvent dans le prix de vente final de la marchandise.
  • L’accueil manque toujours autant d’entrain, de sincérité, d’implication – tout du moins côté « boutique », car le service salon de thé semble plus dynamique. Même si l’on peut reprocher cette attitude aux vendeuses, le management n’y est certainement pas étranger : comment faire preuve d’entrain quand une responsable vous assène « aujourd’hui on fait de la vente, du dynamisme, je ne veux pas juste de la caisse… ah, et si je revois ça, je tue quelqu’un » ? Pour recevoir, il faut parfois commencer par donner.
Voici sans doute le détail le plus remarquable dans cette boutique : ces sièges massifs et d'un goût discutable. Bien sûr, on pourra reconnaître le fait que cela n'est pas dans les "standard Mosaïc"... mais en définitive, peut-être aurait-il mieux valu se passer de cette excentricité.

Voici sans doute le détail le plus remarquable dans cette boutique : ces sièges massifs et d’un goût discutable. Bien sûr, on pourra reconnaître le fait que cela n’est pas dans les « standard Mosaïc »… mais en définitive, peut-être aurait-il mieux valu se passer de cette excentricité.

Je me questionne sur l’accueil que donnera ce quartier assez traditionaliste à une boutique aux lignes aussi modernes, même si l’affaire semble plutôt bien tourner pour le moment. L’histoire se poursuivra sans doute très vite du côté de la rue Rambuteau, puisque les Huré ont là aussi fait appel à Mosaïc pour donner une nouvelle jeunesse à leur boutique… quand je vous disais qu’ils voyaient la vie en mosaïques.

Malgré cette fin août, la terrasse était assez remplie !

Malgré cette fin août, la terrasse était assez remplie !

Nous devrions être les premiers amoureux de notre patrimoine, de notre culture, ne jamais manquer une occasion de les défendre et d’en montrer le meilleur. C’est pourtant loin d’être le cas, car l’habitude et le sentiment d’avoir affaire à des produits qui n’ont rien d' »exceptionnel », dans le sens qu’ils font partie de notre quotidien, ne nous incite pas à en faire la promotion. Ce « mal » est assez ancré chez nous, et dans le cas de la boulangerie, il pourrait bien aboutir à la lente disparition du savoir-faire.

Pour autant, à l’international, tout cela rayonne encore vivement… et particulièrement dans au pays du Soleil-Levant. Comme quoi il n’y a pas de hasard. Ainsi, ce peuple est tout particulièrement passionné de Pain, de Pâtisserie ou de Gastronomie en général. On ne compte plus les cars de touristes qui débarquent à l’assaut de nos institutions parisiennes et contribuent ainsi à faire « tourner les affaires ».

J'aurais bien aimé vous nommer ce guide, mais je ne comprends pas vraiment la couverture.

J’aurais bien aimé vous nommer ce guide, mais je ne comprends pas vraiment la couverture.

Ce qui est pour moi le plus singulier et remarquable, c’est leur capacité à établir un inventaire précis et détaillé de nos spécialités. On ne compte plus les guides et magazines japonais dédiés à notre capitale, ces derniers représentant un véritable travail de fourmi : la plupart du temps, on y retrouve des photographies détourées avec le plus grand soin, ainsi que des informations et conseils pratiques. Tout est prévu : les façons d’optimiser ses journées, les lieux à ne pas manquer…

Les spécialités boulangères sont décrites sur une double page, avec photos de produits, de boutiques, et de personnes...

Les spécialités boulangères sont décrites sur une double page, avec photos de produits, de boutiques, et de personnes…

J’ai réussi à mettre la main sur l’une de ces curiosités nippones, laquelle est assez généraliste. Restaurants, boulangeries, pâtisseries, boutiques de mode, épiceries fines… de nombreuses adresses y sont référencées et il est difficile de maintenir l’ensemble des informations à jour : certains des produits et photographies présentés ne sont plus d’actualité, mais cela demeure bien anecdotique compte tenu de l’ampleur de la tâche.

Ici, un focus sur les produits de Gontran Cherrier. On reconnaît d'ailleurs l'artisan et deux de ses anciens vendeurs. S'ils me lisent, j'en profite pour saluer les sympathiques Thomas et Benoît !

Ici, un focus sur les produits de Gontran Cherrier. On reconnaît d’ailleurs l’artisan et deux de ses anciens vendeurs. S’ils me lisent, j’en profite pour saluer les sympathiques Thomas et Benoît !

Ce qui m’interpelle, c’est la volonté d’aller plus loin et de rendre le tout « humain » : en effet, des vendeurs et propriétaires de boutique sont représentés et ont même droit à leurs petites bulles. Je ne comprends pas ce qu’ils disent, mais tout cela a l’air charmant. Les japonais semblent donc avoir bien saisi l’importance des hommes et des femmes qui créent l’ensemble de ces douceurs qui leurs sont chères. Malgré tout, il est aussi fait mention de produits bien moins artisanaux et qualitatifs, à l’image de certaines marques de distributeurs curieusement représentées.

Même travail sur les pâtisseries, avec un beau travail de mise en scène.

Même travail sur les pâtisseries, avec un beau travail de mise en scène.

Le succès que rencontrent nos boulangers et pâtissiers à l’international est bien illustré par ce type de guide. D’ailleurs, j’avais pu en consulter certains entièrement dédiés aux pains, viennoiseries et autres gourmandises. Le portrait dressé de chaque boutique était réellement saisissant. La question qui demeure pour moi est de savoir quel est le but recherché : volonté de ne rater aucune des spécialités, ou bien de s' »approprier » ce savoir, ces connaissances, pour les reproduire ensuite ? Ce rapport passionnel brouille les cartes, et la recherche d’une certaine forme de perfection trouve rapidement ses limites dès lors qu’il s’agit de produits vivants.

Cela s'étend aussi aux restaurants, avec des prises de vue précises sur les assiettes et plats.

Cela s’étend aussi aux restaurants, avec des prises de vue précises sur les assiettes et plats.

Dans tous les cas, je pense que nous aurions tout à gagner à développer des équivalents en version française, car les guides de qualité demeurent rares ou partiels autour de ce riche patrimoine. Ils ne sont pas inexistants, certes, mais ils manquent cruellement de cette approche « humaine », de ces apports pratiques et de détails sur les produits.

Voir et goûter l'essentiel de Paris en trois jours, avec un emploi du temps bien précis, voilà le but de ces deux pages, redoutablement efficaces.

Voir et goûter l’essentiel de Paris en trois jours, avec un emploi du temps bien précis, voilà le but de ces deux pages, redoutablement efficaces.

Dans la vie, on peut choisir de tout enchainer, de s’adonner à une perpétuelle course de fond. C’est un peu risqué, car l’usure ne manquera pas de se faire sentir au bout de quelques années, d’autant plus quand il s’agit d’un métier aussi physique et difficile que la boulangerie. Pourtant, certains parviennent bien à le faire, en reprenant coup sur coup des affaires, ou en changeant d’employeur rapidement. Il faut dire qu’il y a souvent des raisons économiques qui poussent à agir ainsi : difficile de rester sans revenu pendant plusieurs mois.

A l’inverse, d’autres prennent leur temps et disparaissent quelques temps de la « scène » pour parfaire leur projet. Je ne sais pas si c’était la volonté de Vanessa et Christophe Coet, mais c’est ainsi qu’ils ont agi. En effet, après avoir tenu sa boulangerie du 13è arrondissement pendant près de 9 ans, le couple n’est pas ré-apparu sur nos ‘écrans radar’ boulangers avant ce mois d’août… mois au cours duquel ils ont fait l’acquisition d’une nouvelle boutique.

Boulangerie Coet, Paris 10è

Cette boulangerie, je vous en avais déjà parlé. Située à quelques mètres du Canal Saint-Martin, on peut dire que j’avais aimé l’affaire Haimet. Cet artisan canalisé s’en est allé sans bruit pour voguer vers d’autres aventures (je suis d’humeur fluviale)… d’ailleurs, la devanture de la boulangerie arbore toujours son nom, même si l’enseigne reprend les prénoms des deux nouveaux propriétaires, ainsi que la « marque » Artisan Boulanger, développée par les Moulins Bourgeois. C’est sans doute le principal changement : les farines ne sont plus les mêmes. La baguette de Tradition bénéficie ainsi d’une matière première certifiée Label Rouge, même si c’est son délicieux goût de froment qui séduira le public. Les qualités techniques du produit sont indiscutables, tant au point de vue de l’alvéolage marqué que de la finesse de la croûte. Façonnages et cuissons achèvent de convaincre.
Le pain « Belle Arôme », déclinaison de la baguette du même nom, continue à être proposé, ce dernier étant devenu au fil du temps une des spécialités du lieu. Travaillé en de grosses pièces et vendu à la coupe, il constitue avec ses notes de sarrasin un produit rustique et agréable, même si le fait que ses parfums proviennent d’une ‘poudre’ est discutable.
Pour le reste, la gamme est peu développée, mis à part le ferme et moelleux pain Brié. Cela viendra peut-être avec le temps, l’installation de l’artisan restant encore récente.

Vue d'ensemble de la boutique, Boulangerie Coet, Paris 10è

Les viennoiseries n’attirent pas tellement l’attention, et on leur préférera sans doute les sympathiques tartes à la part, ainsi que les honnêtes pâtisseries proposées par la maison Coet. Tropézienne, Courchevel et autres classiques en choux et pâtes feuilletées répondent à l’appel avec une belle simplicité boulangère.
Au déjeuner, sandwiches, quiches et salades attendent les gourmands.

Dans ce large espace aux tons bleutés, l’accueil se révèle tout aussi lumineux, organisé et efficace. On se laisse glisser au fil de la queue, bercés par le flot des clients et des échanges avec les vendeuses… avant de faire son choix, échanger quelques mots et un sourire.

Infos pratiques

4 rue des Ecluses St Martin – 75010 Paris (métro Colonel Fabien, ligne 2) / tél : 01 42 45 87 94
ouvert du lundi au vendredi de 6h30 à 20h15.

Avis résumé

Pain ? Le meunier a changé mais pas les bonnes habitudes : le pain demeure ici une valeur sûre. Les fidèles ne seront pas dépaysés car l’offre demeure similaire : le pain Belle Arôme, vendu au poids, reste disponible. La baguette de Tradition bénéficie de la qualité de sa matière première – une farine Label Rouge, la Reine des Blés – et déploie son rond parfum de froment, ses notes chaudes et sa croûte très craquante. Légèreté et alvéolage sont également de la partie. Dommage que le reste de la gamme manque de fantaisie, mis à part l’agréable pain Brié.
Accueil ? Très chaleureux, professionnel et efficace, il répond bien à cette large boutique où le client est mis à l’aise par les larges espaces mis à sa disposition. Les tons bleutés de l’endroit apportent une note gaie à l’ensemble et répondraient presque à l’environnement très aquatique du quartier. Là dessus, Vanessa et Christophe Coet bénéficient d’un « héritage » de grande valeur.
Le reste ? Les viennoiseries ne sont pas inoubliables, même si relativement honnêtes, tandis que le reste de l’offre sucrée se révèle plus séduisante. Les nombreuses tartes à la part, complétées par des classiques pâtissiers passés dans le registre boulanger – Tropézienne ou Courchevel -, satisfont les envies gourmandes avec une simplicité et une qualité qui font trop souvent défaut. Rien à redire non plus du côté des pâtes à choux, petits entremets et millefeuille, tout aussi soignés.
Le traiteur ne tente pas d’en faire trop, sandwiches et salades sont de rigueur. Bénéficiant comme base de l’excellente baguette de Tradition proposée ici, ils seront forcément remarqués.

Faut-il y aller ? Tout autant qu’avant, oui ! Peu de choses ont changé, et ce n’est pas forcément un mal, puisque la maison Haimet proposait déjà des produits de qualité. Le couple Coet continue dans cette droite ligne, même si l’on ne peut qu’espérer qu’il imprime à son tour une identité sur cette sympathique boulangerie.

Les relations entre générations sont en pleine mutation, dans une société en pleine recherche de repères. Les traditionnels rapports d’autorité, de respect et de transmission à sens unique ont tendance à être fortement revus au profit de schémas plus équilibrés, où l’échange finit par trouver sa place quand cela a lieu d’être… Même si certains abandonnent complètement la partie et laissent évoluer leur progéniture selon ses propres règles, ce qui est loin d’aboutir à des résultats probants. Bref, tout cela pour dire que si l’on connaissait des familles de boulanger, le mouvement pourrait bien passer de descendant à ascendant, les enfants tentant d’impliquer leurs parents dans leurs projets panifiés.

C’est précisément le cas ici, dans le 17è arrondissement. En effet, au 38 rue des Batignolles, une boulangerie moderne, aux nuances grises et rosées, vient de prendre la suite des époux Connan, installés depuis 25 ans dans le quartier. Son nom ? La Fille du Boulanger. Un choix qui ne tient pas du hasard, mais bien d’un parcours atypique, et de l’histoire d’une famille pour qui le pain et la farine tiennent du mode de vie.
Anaïs Ramond est née dans cet univers bien particulier, et a ainsi grandi au milieu des salons biologiques où son père vendait des pains. Il faut dire que l’homme est un des pionniers dans le secteur, et a longtemps œuvré en tant que Commercial pour les farines Lemaire – groupe Axiane – ou Decollogne. De nombreux artisans gardent aujourd’hui avec Francis Ramond de véritables rapports affectifs, preuve -s’il en fallait une- de son engagement.

La Fille du Boulanger, Paris 17è

Seulement voilà. La mouche de la boulangerie avait piqué la jeune femme, et c’est après un cursus commercial – un diplôme de l’ESSEC en poche, plus précisément – qu’elle a voulu concrétiser son projet. Plutôt que de se lancer seule, elle a tenté de convaincre son père, initialement peu enclin à passer de la farine au pain… et pourtant. Un CAP de Boulanger en poche, fraichement obtenu à l’EBP suite à une formation en reconversion professionnelle, on le retrouve à présent au sein du fournil de cette affaire entièrement rénovée.

Rénovée, je devrais plutôt dire transformée. L’endroit n’a plus grand chose à voir avec ce qu’il pouvait être avant : on passe d’une boutique sombre et étriquée à un espace de vente agréable, moderne et sobre. Côté produits, là aussi, la transformation est importante. Fidèle à ses convictions, Francis Ramond a souhaité développer une gamme Biologique, en plus des pains de Tradition. Pour cela, il a voulu s’entourer d’une autre famille, en l’occurrence les Bourgeois, qui livrent les farines.
Châtaigne, seigle, noix, raisins, … la gamme est large et chacun peut prendre plaisir à la découvrir grâce au « bar à pains », un élément cher à notre « jeune » artisan : en effet, tous les jours, l’ensemble de la gamme de pains spéciaux sera proposée à la dégustation. Une excellente façon d’inciter le consommateur à découvrir les spécialités de la maison.
Bien sûr, les fondamentaux sont là, à l’image d’une baguette de Tradition à la mie sauvage et aux délicates notes de céréales torréfiées. Autant croustillante qu’élégante -un poil sèche pour moi, cependant, amateur de mies hydratées que je suis-, je ne doute pas qu’elle saura se faire une place dans le paysage boulanger local.

Pains, bar à pains, viennoiseries, La Fille du Boulanger, Paris 17è

Bonne nouvelle également pour les intolérants au gluten, puisqu’une gamme de pains sans blé est proposée. Réalisée dans un laboratoire dédié et à l’abri de potentielles « contaminations », ils répondent aux exigences nécessaires pour les intolérances marquées.
Il faudra sans doute attendre un peu afin que l’ensemble des gammes soient rodées : les sandwiches seront ainsi préparés à la demande au sein même de la boutique, devant les yeux des clients, et les pâtisseries trouveront certainement leur rythme de croisière. Rien à redire par contre du côté des viennoiseries, ces dernières offrant dès à présent un superbe feuilletage.

Pâtisseries & pains sans Blé, La Fille du Boulanger, Paris 17è

Les habitués des lieux apprécieront sans doute le fait qu’une des vendeuses déjà en place continue l’aventure, rejointe par des apprenties dynamiques… et la Fille du Boulanger, bien sûr, puisque Anaïs Ramond assurera le service. Cette nouvelle équipe recevra sans aucun doute un accueil favorable de la clientèle, grâce à sa volonté de renouveler l’offre locale, aussi bien sur le plan qualitatif qu’en terme de variété. Pour l’hygiène, les gants magnétiques Scaritech font merveille : j’aimerais voir ce genre de produit se répandre dans les boulangeries, car leur caractère pratique rend l’hygiène « facile ». La vision « neuve », issue de la meunerie pour l’un, d’une école de commerce pour l’autre, ne peut que contribuer à dynamiser l’affaire. Un exemple parmi d’autres : le système de carte de fidélité, qui permettra aux clients d’obtenir des produits gratuits, et au commerçant de les tenir informés de l’actualité de la boutique. Un vrai système de Gestion de la Relation Client, bien rare en boulangerie artisanale. Comme quoi, quand des enfants roulent leurs parents dans la farine, cela peut aussi donner des résultats intéressants…!

Infos pratiques

38 rue des Batignolles – 75017 Paris (métro Rome, ligne 2 ou Place de Clichy, lignes 2 et 13) / tél : 01 45 22 45 04
ouvert du lundi au samedi de 6h45 à 20h.

Signer des chèques en blanc. L’expression n’a pas une connotation très sympathique, certainement à raison. J’évite de le faire, tout autant que la plupart des gens, car les risques d’utilisation malveillante sont réels, et en définitive, cela se résume à accorder beaucoup de confiance sans bien mesurer les conséquences que l’action peut avoir par la suite. Pour autant, certaines opportunités peuvent nous inciter à le faire, à sauter dans l’inconnu. J’admets l’avoir fait récemment en associant le nom du painrisien à celui de M6 pour un concours organisé à l’occasion du lancement de leur nouvelle émission, La Meilleure Boulangerie de France. L’idée était simplement de faire partager des lots à mes lecteurs…

… A tort ? J’ai eu quelques éléments de réponse à ce sujet hier soir, lors de la « conférence digitale » organisée dans les locaux du groupe. Comprenez par ce terme que la chaine avait invité un groupe de blogueurs positionnés autour des thématiques « cuisine » et « gastronomie ». Un sympathique groupe d’excités du tweet, en définitive, qui consomment et zappent aussi vite que leur ombre. Pour assurer le show, des représentants de chez Shine France étaient présents, ainsi que les responsables du projet chez M6. Gontran Cherrier avait fait le déplacement, Bruno Cormerais étant quant à lui en vacances.

Les responsables du projet chez M6, un représentant de Shine et Gontran Cherrier ont répondu aux questions des blogueurs, dont l'appétit avait été stimulé par la diffusion d'un extrait de l'émission

Les responsables du projet chez M6, un représentant de Shine et Gontran Cherrier ont répondu aux questions des blogueurs, dont l’appétit avait été stimulé par la diffusion d’un extrait de l’émission

A force, vous avez du saisir le pitch : 84 boulangeries visitées, inscrites par leurs clients sur le site m6.fr, toutes placées en compétition pour prétendre au titre de Meilleure Boulangerie de France. J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer ce que je pensais de ce type de concours, à plus forte raison quand on prétend juger l’accueil et la tenue d’une boutique. N’est-il pas évident que les artisans, prévenus à l’avance de la venue des caméras, mettront tout en oeuvre pour présenter « le meilleur » d’eux-mêmes et de leurs équipes ? C’est sans compter sur le fait que la sélection opérée en amont a exclu des artisans pourtant très talentueux : entre ceux qui ne souhaitaient pas participer (et ils ont été nombreux à Paris), ceux qui ne présentaient pas un profil particulièrement « vendeur », …

Nous sommes à la télévision, univers de paillettes et d’images. Il faut raconter des histoires, si possible de belles. Parcours atypiques, familles de boulangers, … des éléments qui parleront forcément plus à l’audience de la chaine qu’un artisan sans histoire particulière, comme si cela lui enlevait le droit d’être un excellent professionnel, généreux et passionné par son travail. Anecdotes, situations « amusantes », cela ne manque pas, pour un programme qui aurait du mal à prétendre développer un quelconque caractère sérieux.

Ne vous méprenez pas sur mes intentions et sur le fond de ma pensée : je pense que c’est toujours une bonne chose que l’on parle du métier de boulanger, que c’est une profession trop discrète et pourtant profondément ancrée dans notre quotidien. Chaque jour, des hommes et des femmes rejoignent leurs fournils pour donner du plaisir à leur clientèle. Sur ce point, je pense que les équipes de Shine seront parvenues à saisir de beaux clichés, d’autant que des artisans de valeur sont représentés. Pour autant, nous ne sommes pas au cinéma, et ce quotidien ne doit être pas être « surjoué » comme il a pu l’être à l’occasion de ce tournage. Des boulangers intimidés qui ont tendance à en rajouter, un jury lancé dans des dégustations particulièrement démonstratives… autant d’ingrédients qui ne font pas franchement lever la pâte… ou élever le niveau.

Les créations de Gontran Cherrier avant la "dégustation"... Notez le sympathique téléphone à gauche, il fallait bien tweeter avant que cela ne disparaisse.

Les créations de Gontran Cherrier avant la « dégustation »… Notez le sympathique téléphone à gauche, il fallait bien tweeter avant que cela ne disparaisse.

Au final, le programme tourne tout particulièrement autour des spécialités, régionales ou développées par les artisans. Où est le pain, la baguette de Tradition, le produit de base qui devrait être mis en valeur ? On entend plutôt les noms de pré-mixes développés par de grands groupes meuniers… si c’est ainsi que l’on entend défendre notre savoir-faire artisanal, j’avoue être plutôt perplexe. Bien sûr, la production avait imposé que l’ensemble des boulangers réalisent eux-même la totalité de leur offre. Utiliser un sac où tout est pré-dosé, suivre la recette indiquée, c’est simple et cela reste « fait maison ». Oublions le reste, voulez-vous.

Cela s'agite devant le buffet !

Cela s’agite devant le buffet !

Bien sûr, je n’ai pas manqué de faire part de mes doutes à l’équipe de M6, devant un buffet pris d’assaut par des affam…, pardon, gastronomes, lesquels n’avaient pas manqué de tweeter le-dit assortiment avant de débuter la « dégustation ». On m’a réaffirmé la profonde volonté de valoriser l’artisanat français, de créer des vocations auprès des jeunes, de… Bref. Je ne suis pas persuadé que cette vague idée de compétition soit compatible avec ces ambitions, d’autant plus quand le tout se joue face à des caméras de télévision.

C’est légèrement pétrifié, sonné, que je suis rentré chez moi. Les douces effluves des sucreries de la fête des Tuileries, en passant en métro, n’ont pas vraiment réussi à m’apaiser. Rendez-vous dès lundi, 17h35, sur l’antenne de M6…

Certaines choses ne s’expliquent pas. Alors ne cherchons pas à le faire. Contentons-nous de les observer, de les saisir. Parmi elles, les ambiances que peuvent dégager certaines boutiques, malgré leur agencement le plus moderne, classieux, et étudié qui soit. Pourtant, l’ambiance reste toujours aussi particulière, à moitié hautaine, inscrite dans un quelconque « passé glorieux » qui devrait nous convaincre du caractère exceptionnel de l’établissement… comme s’il fallait entrer avec ses petits souliers, de peur de déranger. Déranger qui, déranger quoi, au juste ?

Le Petit Duc, Saint-Maur-des-Fossés (94)

A Saint-Maur-des-Fossés, Le Petit Duc de Serge Boileau s’inscrit parfaitement dans cet esprit, à mon sens. Une affaire de famille, entretenue depuis 5 générations, et déclinée en deux adresses sur le territoire de la commune. Autant vous dire que nous sommes en présence d’une véritable institution locale, et qu’il ne faut pas oublier de garder ce fait à l’esprit dès lors que l’on pénètre dans les boutiques de cet artisan.

La plus représentative de l’entreprise est sans doute celle située à quelques pas de la gare du Parc de Saint-Maur. Aménagée par Mosaïc Agencement, elle ne saurait cacher son caractère clinquant et surfait, un état d’esprit qui me semble aujourd’hui un peu dépassé. Pour autant, si l’on s’arrête ici, c’est avant tout pour les douceurs et autres produits salés disponibles à la vente. Organisés en des pôles bien distincts, ils sont ainsi bien mis en valeur et sont facilement accessibles pour la clientèle. Cela devient un peu plus compliqué lorsque l’on vient chercher des produits dans plusieurs « univers », puisqu’il faut alors naviguer entre les rayons, mais le détail demeure anecdotique.

Vue d'ensemble de la boutique, Le Petit Duc, Saint-Maur-des-Fossés (94)

Ce qui nous intéresse le plus, en bons painrisiens que nous sommes, n’est pas ce qui nous accueille : les pains et viennoiseries sont placés au fond de la boutique, au plus près du fournil. Ici, les farines des moulins de Chars sont transformées pour réaliser une gamme assez traditionnelle, où seuls les pains Duval, Normand et le Sportif brioché se distiguent des propositions habituelles aux céréales, noix, ou autres Charpentiers et produits à la mie foncée. Le Duval et le Normand sont des pains moelleux, proches des viennoises, avec un façonnage différent puisqu’il s’agit de boules. La mie serrée et souple est appréciable pour confectionner des toasts ou tartiner au petit-déjeuner.
La baguette de Tradition – et ses variantes au pavot, sésame ou germes de blé – exprime un parfum de Froment pur et soutenu, même si sa mie a tendance à manquer d’alvéolage. La croûte manque souvent de vigueur, la faute à une cuisson un peu timide, ce qui limite d’autant la conservation. Le soin porté au façonnage et à la grigne est néanmoins appréciable.
Avant de continuer notre course, arrêtons nous sur le sportif et son mélange de fruits secs, l’ananas, les raisins et autres douceurs s’associent dans une mie douce pour un résultat assez gourmand.

Pâtisseries, Le Petit Duc, Saint-Maur-des-Fossés (94)

Juste en dessous, les viennoiseries ne font pas beaucoup plus de folies, même si elles se classent dans une moyenne supérieure. Croissants et pains au chocolat sont les stars du rayon, même si leur cuisson est aussi aléatoire que celle observée sur les pains. Drop’s et  pains aux raisins viennent les compléter, en plus des habituelles brioches à tête, au chocolat, chaussons aux pommes ou pains au lait. Le sucré prend toutes ses lettres de noblesse avec les spécialités pâtissières de la maison : Serge Boileau semble vouloir y exprimer tout son savoir-faire, autant par la diversité des entremets proposés que par l’attention portée à leur réalisation. Opéra, Petit Duc, Caramel, Speculos, Rocher au lait, Charlottes… autant de douceurs qui font une belle concurrence aux tartes aux fruits et pâtes à choux proposées ici. Les macarons sont également de la partie, de toutes les couleurs et saveurs, avec des coques bien réalisés, le tout pour des tarifs bien plus raisonnables que ceux pratiqués par certains grands pâtissiers parisiens.

Pâtisseries, Le Petit Duc, Saint-Maur-des-Fossés (94)

Le Petit Duc nous propose de prolonger le plaisir avec une gamme de chocolats et confiseries – tablettes, ganaches, pralinés… -. Les compositions en bonbons ne manquent pas de faire sourire, les bouquets, voitures et personnages naïfs se faisant très doux et sucrés une fois passés par les mains expertes de l’équipe de la maison Boileau.
Dans cet univers sucré, la clientèle peut aussi choisir de faire une pause et de s’attabler au milieu de la boutique, pour déguster l’un des produits en vente au traiteur. Salades, croques, quiches, sandwiches, … la fraicheur et la propreté de l’offre la rendent attractive et appréciable pour la clientèle locale, parmi laquelle les personnes âgées se font nombreuses.

Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard : je vous parlais en introduction d’ambiance, et nous sommes ici en présence d’un cas d’école d’une boulangerie-pâtisserie aux vitrines rutilantes mais au service tantôt désinvolte, tantôt enfermé dans une attitude hautaine et semblant vouloir nous signifier le prestige dont jouirait l’endroit. Ce côté un peu bourgeois et surfait, même si les produits sont de bonne facture, ont tendance à rendre l’endroit plutôt désagréable : le plaisir est bien souvent dans la sobriété et la simplicité… Un parti que Serge Boileau ne semble pas avoir pris, autant dans l’aménagement de sa boutique que dans le choix de son personnel.

Infos pratiques

10 Avenue Charles de Gaulle – 94100 St Maur des Fossés (RER A Le Parc de Saint-Maur) / tél : 01 48 83 90 05
ouvert tous les jours sauf le mercredi de 7h à 20h.
7 Avenue du Bel-Air – 94100 Saint-Maur-des-Fossés / tél : 01 48 89 38 27
ouvert tous les jours sauf le mercredi de 7h à 14h et de 15h à 20h.

Avis résumé

Pain ? La gamme de pains du Petit Duc demeure très traditionnelle. Seuls les pains Duval, Normands et Sportifs sont plus originaux, même s’ils se caractérisent par un dénominateur commun, une mie moelleuse et comparable à celle des viennoises. Les façonnages sont appliqués, les cuissons un peu moins, ce qui est regrettable car cela ne permet pas à la sympathique baguette de Tradition de se conserver autant qu’on le souhaiterait. Son parfum de froment vif et pur, sans levain, séduira les amateurs de pains très lactiques. Pour le reste, rien de spécial à signaler du côté des déclinaisons aux noix, céréales et mélanges classiques.
Accueil ? C’est sans doute le point le plus désagréable ici : entre désinvolture et attitude hautaine, le personnel de vente semble vouloir nous faire comprendre que nous sommes en présence du Petit Duc, et que cela implique de présenter un certain ‘rang’… Le tout dans une boutique aux accents bourgeois et à l’allure clinquante, on ne peut pas dire que l’objectif soit de mettre à l’aise le client.
Le reste ? Les équipes de Serge Boileau réalisent des produits soignés et travaillés, tout particulièrement en pâtisserie, où les classiques et créations sont interprétés jour après jour sans fausse note, que ce soit en terme de goût, prix ou finition. Les viennoiseries sont de bonne facture, la gamme manquant tout de même de diversité et d’audace. Le traiteur, quant à lui, associe diversité et fraicheur, et on prendrait plaisir à s’asseoir quelques instants pour déguster une salade, quiche ou encore à sandwich si la boutique ne laissait pas une impression aussi désagréable.
Les confiseries et chocolats complètent le tableau avec fantaisie et couleurs : les compositions en bonbons amuseront les petits, tandis que les grands apprécieront tablettes et ganaches variées.

Faut-il y aller ? Particulièrement pour l’offre sucrée, avec des pâtisseries de très bon niveau. Le pain ne présente pas de point fort particulier, même si la baguette de Tradition offre un agréable parfum de froment. Pas de levain, et pas de signe distinctif, c’est un peu ce qui caractérise le reste de l’offre panifiée. Le plus notable chez Serge Boileau, c’est sans doute son service aussi nombreux que peu accueillant, le tout emballé dans une boutique dont les mille feux gagneraient à être échangés par plus de sobriété.

Billets d'humeur

19
Août

2013

Se racheter une conscience

6 commentaires

L’intégrité et la droiture ne sont pas des valeurs très en vogue ces derniers temps. D’accord, cela ne date pas d’hier. Ce qui est plus récent, et sans doute encore plus détestable, ce sont tous les efforts que les marques, entreprises, politiques, communicants ou que sais-je encore, déploient pour se racheter une conscience et une image. Il faut dire que cela ne fait pas très « bien » d’avoir une réputation entachée par de sombres histoires, et qu’il est préférable de laisser les cadavres où ils sont… dans les placards. Pour cela, le mieux reste encore de positionner des meubles massifs, des arbres qui cachent une forêt, pour éviter que les portes s’ouvrent sur la vérité.

J’ai fait, je fais et je ferai sans doute des erreurs à l’avenir. On peut me reprocher de vouloir me créer une popularité à bon compte ou de m’associer à des projets discutables… Pourquoi pas, après tout. J’ai ma conscience pour moi, c’est à peu près tout ce qui importe… et ce n’est pas le cas de tout le monde.
Il n’y a qu’à voir toutes les choses dont les acteurs de la boulangerie-pâtisserie ne sont pas très fiers… à commencer par la viennoiserie surgelée.

Vu chez Eric Kayser au 8 rue Monge : une affichette indiquant que les viennoiseries sont "maison" : sont-elles fabriquées sur place ou maison prend-il ici le sens de "produit au sein de notre laboratoire d'Ivry" ?

Vu chez Eric Kayser au 8 rue Monge : une affichette indiquant que les viennoiseries sont « maison » : sont-elles fabriquées sur place ou maison prend-il ici le sens de « produit au sein de notre laboratoire d’Ivry » ?

Du coup, ils ont développé des produits plus « hauts de gamme », employant des matières premières de qualité, des beurres AOC, etc. Cela change-t-il vraiment la donne ? En tout cas, une chose est sûre, les utilisateurs de tels produits ont un poids moins lourd sur la conscience : après tout, ils ne donnent que de bonnes choses à leurs clients… même si c’est l’industrie qui leur fournit.

Pour se soulager, le sponsoring peut être une bonne option. Chez Banette, on s’implique ainsi dans le Tour de France, une superbe opération de partage et de générosité, qui nous en ferait presque oublier les prémixes et l’uniformisation de l’offre que pousse le groupement. Mieux encore, Délifrance, filiale de NutriXo (Grands Moulins de Paris), s’engage pour… la reforestation à Madagascar. Il y a de grandes causes qui valent bien plus la peine que le plaisir du client final, n’est-ce pas. Cet exemple n’est pas isolé au sein des entreprises de l’agro-alimentaire, et on ne compte plus les programmes développés pour l’éducation, la santé ou de développement de peuples défavorisés, entre autres actions pour l’environnement.

De jolies images et engagements, le site delifrance.fr laisse songeur...

De jolies images et engagements, le site delifrance.fr laisse songeur…

Le mieux, ou le pire, ce sont dans doute tous les labels apposés sur les produits pour les rendre plus recommandables. De nombreuses coquilles vides, aux cahiers des charges taillés sur-mesure, viennent attester de la qualité d’une méthode de fabrication, d’une filière, du goût… Le plus célèbre est sans doute « Saveur de l’année », au panel d’une étendue ridicule, mais d’autres sont plus respectés alors que les problèmes ne manquent pas. Prenez le Bio, par exemple. Même si cette certification impose des règles sur l’utilisation des pesticides, engrais et autres éléments peu souhaitables, il demeure tout à fait possible de « tricher » en exploitant des « failles » : en matière de farine, glutens secs, et même améliorants de panification (acide ascorbique ou alpha-amylase fongique) demeurent tolérés. Le consommateur n’y voit que du feu, et le producteur peut couler des jours heureux en se disant qu’au moins, son produit est « un peu meilleur » qu’il n’aurait pu l’être sans toutes ces jolies étiquettes.

C’est vrai qu’après tout, je peux comprendre tous ces gens. Il faut bien arriver à dormir la nuit, sur ses deux oreilles si possible. Bercé d’illusions, leur sommeil doit être lourd et profond… qu’importe la vérité.