Certains événements donnent des couleurs aux villes, par leur portée et leur animation. Un carnaval, un défilé et la cité s’enflamme. Bon, n’exagérons rien, mais tout de même. Un peu de mouvement est toujours le bienvenu.
Bienvenue à Europain 2012 !
Depuis le 3 mars, un bien curieux défilé se déroule d’ailleurs à Villepinte, dans le Nord de Paris. Une ville peinte en pain… Passons sur les jeux de mots, il s’agit d’un événement tout à fait sérieux, en l’occurrence l’Europain 2012, la grand messe des acteurs de la boulangerie-pâtisserie. Jusqu’au 6 mars, ce salon est un peu « the place to be », autant pour les artisans que pour les fournisseurs du milieu. Tout le monde y est : meuniers, industriels fournissant des solutions surgelées, fabricants de fours et matériaux divers, aménageurs de magasins, écoles de formation… Il faut un peu faire son marché pour ne pas être débordé par la quantité d’exposants et le flot d’informations qui en découle. Chacun voit midi à sa porte : certains privilégieront les équipementiers, d’autres les fournisseurs d’ingrédients divers, tandis que les boulangers travaillant sur un projet d’installation iront s’adresser aux meuniers.
Difficile d’exprimer un avis sur un tel salon, tant il présente un éventail diversifié d’acteurs et de visions de la profession. On peut toutefois tenter d’en dégager quelques tendances de fond, des mouvements et des directions dans lesquelles la boulangerie s’oriente. Il faut en effet écrire directions, le pluriel prend ici tout son sens, et toutes ne sont pas orientées de la même façon. Tandis que certains tentent de porter la profession vers le haut, certains semblent plutôt satisfaits de la situation actuelle et ne voudraient surtout pas que cela change.
Sur le "village" Banette
C’est d’ailleurs par là que l’on commence. En pénétrant dans le Hall 4, on est immédiatement accueilli par le « village » Banette. Il est tout à fait à l’image de l’empire et de la puissance qu’a pris le groupement, aujourd’hui constitué en majorité par des moulins de grande taille, tels que Axiane Meunerie ou les Grands moulins Aubry. Pas question pour cette entreprise de faire les choses à moitié : sur son stand, on retrouve l’ensemble des activités du « groupe », entre l’école de formation et les concepts de boutique, tout en mettant l’accent sur sa force de communication, développée notamment au travers de son statut de Fournisseur Officiel du Tour de France. Je ne vois pas ici des personnes cherchant à faire évoluer le pain et la boulangerie : dans la boutique de démonstration, les mixes sont mis en avant et distribués à tour de bras dans des sacs à l’effigie de la marque. Il ne serait pas question de chercher à développer chez les boulangers un quelconque esprit, les encourager à développer leurs recettes et leur identité, bien au contraire : il faut que le consommateur puisse retrouver la même gamme d’un bout à l’autre du pays. Même constat du côté d’acteurs tels que Copaline, Festival des Pains, Soufflet / Baguépi ou encore Grands Moulins de Paris / Ronde des Pains. Chacun propose ses solutions clés-en-mains, il ne reste plus qu’à l' »artisan » à suivre les modes d’emploi, mettre son épouse ou une vendeuse à la caisse, et le tour est joué. Est-ce ainsi que l’on avancera vers une boulangerie concentrée sur le goût, la qualité nutritionnelle et plus globalement sur l’idée que chacun de nos artisans peut être unique ? Certainement pas. Pourtant, c’est bien dans cette voie que nous devrions nous engager, il en va de la survie de la profession : à force de proposer une offre ennuyeuse, peu qualitative aux consommateurs, ceux-ci finiront par se détourner des petites échoppes, au profit de la praticité offerte par les grands distributeurs.
Le stand des Grands Moulins de Paris / Ronde des Pains
Fort heureusement, d’autres acteurs tentent de changer les choses et s’inscrivent dans une toute autre dynamique. Chez des meuniers comme les moulins Bourgeois, Decollogne, Foricher, Fouché, … le discours est bien différent. Il est question de qualité, d’authenticité, de sélection du blé… Autant de choses qui ont du sens et devrait entrainer les boulangers dans une dynamique positive pour tous. Pas de mystère : ces acteurs de la meunerie fournissent la plupart des adresses citées ici.
La maquette du nouveau moulin de chez Decollogne
En marge de ce « débat », il est aussi important de s’intéresser aux fournisseurs de produits finis. Bien sûr, Coup de Pâte, Bridor et autres créateurs de pains et gourmandises industriels sont représentés. Chez Coup de Pâte, on pousse le vice jusqu’à développer des concepts de magasin articulés autour de leurs gammes de produits, en les mettant en scène comme s’ils revêtaient un quelconque caractère authentique. Au vu du monde présent sur leur stand et de l’activité de leur équipe commerciale, ce discours ne semble pas laisser insensible nombre d' »artisans » et entrepreneurs de la boulangerie. Bridor développe une démarche plus qualitative et créative, notamment au travers de son partenariat avec Lenôtre et avec le développement de produits originaux (comme de petits pains parfumés, au citron et au thym, entre autres).
Sur le stand Bridor, du surgelé "haut de gamme"
Les meuniers ne sont pas en reste pour proposer leurs gammes de viennoiseries surgelées (Recettes de Mon Moulin chez les GMP, notamment), ce qui est assez inacceptable à mon sens : comment pouvoir prétendre défendre l’artisanat ensuite ? L’argent et le profit sont décidément le coeur des préoccupations de ces entreprises, rien d’autre.
La Boulangerie de la Place selon Coup de Pâtes, alors que cela ne pourrait pas être nommé ainsi dans la réalité (législation quand tu nous tiens)
La tendance est clairement au Biologique : chacun dégaine sa gamme certifiée, alors que cela ne signifie pas pour autant que les produits sont meilleurs. Les consommateurs sont rassurés, mais si cela ne s’accompagne pas d’une vraie démarche de qualité et de goût, cela ne vaut rien. Heureusement, quelques acteurs « historiques » de la minoterie Biologique relèvent le niveau et permettent de sortir des mixes fraichement développés par les mastodontes du secteur.
Sur le stand Bio des Moulins de Brasseuil (enseigne l'Artisan Bio)
Côté pâtisseries, là encore il y a du choix, plus ou moins qualitatif. Des entreprises telles que PCB Création sont parvenues à exceller dans le visuel, mais je ne suis pas certain que le goût soit toujours à la hauteur des promesses faites par cette apparence séduisante. Là encore, il y a quelques questions à se poser : pourquoi se tourner vers ce type de solution, alors qu’il serait souvent préférable de rester dans des gammes de produits plus simples et « boulangères » (tartes, pâtes à choux…) qui permettraient d’assurer une fabrication 100% maison ?
Frédéric Lalos en pleine action chez Philibert Savours
Au détour des allées, on découvre aussi des associations pas toujours très heureuses. Lorsque l’on voit Frédéric Lalos oeuvrer sur le stand de Philibert Savours et proposer l’un des pains développés dans ses boutiques du Quartier du Pain (le Longuet est en effet présent au catalogue Philibert, sous le nom de Campasine), on peut s’interroger sur la véracité de l’engagement qualitatif de ce Meilleur Ouvrier de France, car cette entreprise utilise tout bonnement le levain comme un additif, destiné à donner du goût, le détournant de ses qualités premières. Il faut croire que certains, arrivés à un certain niveau de visibilité et de reconnaissance, se laissent porter par leur succès et acceptent des contrats qui ne sont pas toujours à leur honneur.
Avant d’en arriver là, c’est par les écoles de boulangerie qu’il faut passer, et elles sont représentées sur le salon, à l’image de l’INBP qui réalise des démonstrations. Elles prennent également part aux concours organisés tout au long de l’Europain. Coupe du Monde de Boulangerie, Mondial des Arts Sucrés, Coupe de France des Ecoles… Les événements ne manquent pas et ponctuent la vie du salon.
Pains snacking créatifs chez Eric Kayser
Au delà des fabricants de chocolat, confiseries et autres gourmandises qui ont l’habitude d’innover dans les saveurs et les formes, la création s’invite également du côté du pain, et on peut ainsi découvrir de nouvelles façons d’en déguster. A mon sens, c’est tout bonnement vital pour donner envie aux consommateurs d’en manger plus régulièrement, et surtout en plus grande quantité. Pains de mie marbrés aux différentes saveurs (légumes, encre de seiche…) sur le stand Foricher, soupière en pain pouvant être mangée chez Eric Kayser, … les idées ne manquent pas et j’espère sincèrement que ce bouillonnement intellectuel de leurs démonstrateurs saura faire mouche auprès des visiteurs du salon.
En innovation, on peut aussi citer les machines toujours plus perfectionnées développées par les équipementiers, à destination des acteurs de la boulangerie industrielle. Rien de très heureux là dedans, je ne peux pas dire que voir des baguettes sans vie tomber dans des bacs soit un spectacle réjouissant pour moi, mais à chacun son métier, après tout…
Une terrifiante machine chez un équipementier pour la boulangerie industrielle
Comme vous l’aurez compris, Europain nous propose un environnement très riche, entre « tradition » et innovation, entre boulangerie consciente des enjeux à venir et volonté de perdurer sur les mêmes recettes qui ne peuvent que nous conduire à une catastrophe future. Je finirai par un clin d’oeil souriant aux stands plutôt délaissés par les visiteurs au sein de ce salon… et notamment à celui de la confédération, où l’équipe de M. Crouzet n’avait pas fort à faire.
Le stand de la confédération, assez déserté.
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Chez les Moulins Fouché, les sacs de farine sont colorés !
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Le stand de la confédération, assez déserté.
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Le mauvais goût par les Moulins Soufflet
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La maquette du nouveau moulin de chez Decollogne
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Sur le stand Viron / Rétrodor
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Drôle d' »écrin de la réussite », chez Ronde des Pains…
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La Boulangerie de la Place selon Coup de Pâtes, alors que cela ne pourrait pas être nommé ainsi dans la réalité (législation quand tu nous tiens)
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Coup de Pâte décline des concepts aux couleurs de tradition
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Coup de Pâtes et ses confrères sait bien reproduire les codes de la boulangerie artisanale pour vendre…
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Les pains de mie créatifs de chez Foricher
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Le stand des Grands Moulins de Paris / Ronde des Pains
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Sur le stand Gana
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Gana décrit son engagement
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Sur le stand Bio des Moulins de Brasseuil (enseigne l’Artisan Bio)
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Sur le stand Bridor, du surgelé « haut de gamme »
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Une partie du stand « Spirit of Bread » d’Eric Kayser sur le salon Europain 2012
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Une terrifiante machine chez un équipementier pour la boulangerie industrielle
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Le stand Festival des Pains
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Frédéric Lalos en pleine action chez Philibert Savours
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Banette à Europain 2012. Historiquement, ce sont les réseaux boulangers qui communiquaient et créaient des images. Cela doit changer aujourd’hui : l’artisan doit imprimer sa marque pour exprimer son identité propre.
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Bienvenue à Europain 2012 !