Il y a des occasions qu’il ne faut pas manquer, des événements qu’il faut honorer. D’autant plus quand on oeuvre dans un secteur d’activité où les actualités ne sont pas légion, comme la boulangerie. Début mai est toujours une période forte en mouvements et « émotions » pour les artisans et les amateurs de pain, puisque c’est là que se déroulent la Fête du Pain, mais également le très fameux concours de la meilleure baguette (de tradition, bien sûr) de la Ville de Paris.

Je vous ai annoncé hier soir le nom du vainqueur de ce concours emblématique dès sa publication, hier soir. L’heureux boulanger se nomme cette année Sébastien Mauvieux, et c’est dans sa boulangerie du 18è arrondissement que je me suis rendu aujourd’hui afin de partager avec vous le goût, la couleur et la forme de cette demoiselle primée.

Avant même de rentrer, on apprécie dans tous les cas le charme de la boutique de cet artisan. Au 159 rue Ordener, cette boulangerie d’angle a fière allure, avec ses élégantes peintures sous verre et sa couleur bleu nuit. Rien de tapageur, c’est une échoppe comme on pourrait en rencontrer des centaines d’autres, inscrites dans une certaine tradition boulangère d’aménagement.

Justement, si l’on est ici, c’est pour cette fameuse Tradition… A l’intérieur, on ne peut pas dire que la reine des lieux soit particulièrement mise en avant, puisqu’elle n’était même pas visible à l’heure où je suis passé. Il faut dire que la fournée était toute fraiche, et que la boutique semblait avoir connu une certaine affluence ce matin.
D’ailleurs, le titre ne semblait pas avoir fait tourner la tête de M. Mauvieux, puisqu’il était au service dans sa boutique, et j’ai eu le plaisir, le privilège, d’être servi de la main même de l’artisan.

Trêve de tergiversations, parlons de l’objet de nos convoitises. Pour 1,05 euros les 250g, cette baguette de tradition, réalisée à partir d’une farine des moulins Soufflet (marque Baguépi), affiche un façonnage élégant et soigné. Fine, élancée, avec une grigne verticale unique bien ouverte (il faut dire que ce grignage est plutôt « efficace », car la baguette « crache » au four et se développe assez facilement), elle attire notre gourmandise, ce qui est un bon point.
La cuisson manque malheureusement d’aboutissement, malgré le fait que ce soit le produit le plus cuit de la fournée. Cependant, on peut aisément supposer que cela ne manque pas d’être lié à la forte demande qu’a du rencontrer l’artisan ce jour.

La croûte, fine et craquante, dégage un parfum de froment agréable. On le retrouve bien présent à la dégustation, accompagné par une mie crémeuse et légèrement grasse. L’alvéolage est irrégulier, relativement marqué. Le tout n’est pas trop salé, tout en l’étant suffisamment pour stimuler l’envie et l’appétence.
La mâche est plutôt fraiche et agréable, malgré une tendance à virer sur un petit côté « pâteux » lors du vieillissement de la baguette. En effet, sa conservation est relativement moyenne, même si le temps assez chaud et humide n’y est pas étranger.

Dans tous les cas, je n’ai pas trouvé à ce produit un caractère exceptionnel, qui justifierait un prix particulier. C’est une baguette de Tradition très… traditionnelle. A titre personnel, j’apprécie des pains légèrement plus typés en arômes, comme peuvent l’être les baguettes de Gontran Cherrier, de Benjamin Turquier ou encore l’Alésiane de Dominique Saibron pour rester dans le périmètre des artisans classés à ce concours. Néanmoins, ce pain est incontestablement mieux réalisé que celui proposé par l’artisan primé l’an dernier

Pour aller un peu plus loin, les autres pains proposés dans la boulangerie de Sébastien Mauvieux ne sont pas au niveau de sa baguette. En effet, rien ne présente d’intérêt particulier, la gamme est assez courte, sans relief. C’est dommage, il ne faudrait pas demeurer dans un « baguetto-centrisme » très français. Les viennoiseries sont dans la même lignée. Plus appréciables, les sandwiches vendus ici ont le bon goût de la simplicité… et du bon pain.

Chose importante également, la qualité de l’accueil et du service, qui est bien présente au 159 rue Ordener. L’équipe de vente est chaleureuse, impliquée et dynamique. L’artisan y veille personnellement, comme je vous l’ai indiqué plus haut.

Infos pratiques

159 rue Ordener – 75018 Paris (métro Jules Joffrin, ligne 12) / tél : 01 42 62 76 70
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h30.

Faut-il y aller pour cette fameuse baguette ? Pourquoi pas. Elle ne manque pas d’élégance, même si sa cuisson a tendance à être un peu courte, ni de goût puisqu’on y trouve un agréable parfum de froment. Cependant, elle n’exprime pas un caractère particulier qui permette de la différencier d’une baguette « non primée ». Après tout, c’est peut-être ce que l’on attend d’une baguette de tradition : être un pain de table, plutôt discret. C’est un peu triste, mais pourquoi pas…

Le Grand Prix de la Meilleure Baguette de la Ville de Paris se tenait aujourd’hui. Il a réuni un jury composé de Lyne Cohen-Solal (adjointe au Maire en charge du commerce et de l’artisanat), de professionnels de la boulangerie et de la gastronomie, de journalistes, ainsi que de 6 internautes ayant participé au concours organisé sur le site internet paris.fr.
Comme chaque année, le jugement s’est opéré sur la cuisson, le goût, la mie, l’odeur et l’aspect des baguettes de tradition apportées le matin même par les artisans ayant souhaité participer au concours.

Tout cela est encore une fois l’occasion pour moi de rappeler que cet événement demeure plutôt symbolique, au delà du fait que le boulanger lauréat fournira pendant un an la table présidentielle et touchera la somme de 4000 euros. En effet, cela juge une baguette particulière, pétrie, façonnée et cuite spécialement pour le concours, ce qui n’est pas forcément représentatif du produit proposé au quotidien. Pour preuve, je sais que certains artisans avaient travaillé tout spécialement sur le produit qu’ils présenteraient, et ce depuis plusieurs jours. Rien de bien répréhensible là dedans, après tout, c’est humain.

Dans tous les cas, on pourra dire que le 18è arrondissement concentre les boulangeries primées, puisque c’est encore dans cette zone de Paris que se situe l’artisan vainqueur du prix cette année. C’est en effet Sébastien Mauvieux, le propriétaire de la boulangerie Mauvieux, située au 159 rue Ordener, qui a brillé et su convaincre le jury. Nul doute que cela donnera de la notoriété à cet artisan jusque là plutôt discret. N’ayant pas encore visité sa boutique, soyez certain que je ne manquerai pas de le faire dans les prochains jours… même si j’aurais plutôt tendance à vouloir attendre un peu, le temps que l’engouement que cela suscite inévitablement se calme, et que la production se fasse dans des conditions plus sereines. Le bon pain ne se fait pas dans l’agitation et la tension. Il a besoin de calme, de temps, pour se développer.

Pour le reste du palmarès, il faudra encore attendre un peu… Nous en saurons plus demain.

S’il y a bien une chose que je ne parviens pas à comprendre, c’est que nous ne soyons pas arrivés à mettre en place une véritable égalité hommes-femmes dans nos sociétés modernes. Nous parvenons bien à considérer les membres de l’autre sexe comme des mères, des épouses, mais visiblement pas comme des personnes égales à nous, grands « mâles dominants » que nous serions… Tout cela est un peu primaire, comme quoi la civilisation ne demeure que bien superficielle, après tout.

Lorsqu’il s’agit de métiers physiques, la différence est encore plus marquée. Certes, les femmes n’ont naturellement pas les même gabarits que les hommes, mais cela n’est pas irrémédiable, et leur force de détermination peut parvenir à compenser une grande partie de cette différence. Ainsi, beaucoup d’artisans ont encore du mal à concevoir le fait que les fournils et les laboratoires de pâtisserie se féminisent. Pourtant, le mouvement est bel et bien en marche, et c’est tant mieux.

Le mot boulangère va pouvoir prendre un autre sens que « femme du boulanger », souvent contrainte à assurer la vente des pains et gourmandises de son époux, sans que l’on puisse imaginer lui confier une autre tâche. Des boulangères en production, il en existe. Je pourrais vous citer quelques exemples, comme celui de Florentine Bachet et Camille Rosso dans leur boulangerie du 17è arrondissement, Marie-Christine chez le Farinoman Fou d’Aix-en-Provence, Kerstin Lekander, la boulangère « franco-suédoise » propriétaire de la maison Lebon… mais aussi de toutes ces anonymes que j’ai pu croiser au fil du temps, comme chez Rodolphe Landemaine. La profession suscite des vocations au féminin, et je ne peux que m’en réjouir, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord pour le fait que cela contribue un peu plus à abattre les barrières qui s’élevaient jusqu’alors entre la considération de la femme et celle de l’homme. Les idées reçues doivent être dépassées pour parvenir à construire une société plus juste et harmonieuse. Ensuite, cela peut donner une nouvelle ouverture aux fournils, bien souvent embués dans un état d’esprit un peu poussiéreux et peu porté sur la façon dont la société évolue. Pourtant, le pain est un objet du monde, il s’y intègre autant qu’il le façonne. Nos habitudes vis à vis de cet aliment transcrivent notre mode de vie et de pensée. Il n’est donc pas concevable que les personnes amenées à le produire soient en décalage avec notre quotidien, et c’est pourtant parfois le cas : cela se traduit bien dans les additifs utilisés pour la fabrication de certains pains, dans le peu d’intérêt porté à la qualité des farines, dans l’appel à des produits surgelés issus de l’industrie… alors que le consommateur aurait tendance à souhaiter un retour vers l’authentique, le naturel.
Tout cela pour dire que je suis convaincu que les femmes peuvent apporter une sensibilité et une ouverture d’esprit qui font souvent défaut aux hommes. Cette « finesse féminine », bien souvent reconnue, est un vrai atout pour l’entreprise. Il n’y a qu’à voir le talent avec lequel officient des pâtissières renommées telles que Claire Damon chez des Gâteaux et du Pain, Nathalie Robert au Pain de Sucre, ou encore Claire Heitzler chez Lasserre. On pourrait tout à fait appliquer cela en boulangerie, et je ne doute pas que cela a un intérêt en terme de goûts et même de création.

La tendance est en tout cas prise en compte par les organismes encadrant la boulangerie-pâtisserie, car les femmes seront au coeur de la Fête du Pain qui se déroulera du 14 au 20 mai 2012, au travers de diverses animations un peu partout en France et notamment à Paris sur le Parvis de Notre-Dame.
Au delà de cet événement ponctuel, une association nommée les Pomponettes a été créée par deux boulangères passionnées, afin de permettre de créer une vraie communauté entre « celles qui sont au fournil », pour qu’elles puissent partager leur quotidien parfois difficile, leurs envies, leurs projets… Une belle initiative que l’on se doit d’encourager, en espérant qu’elle contribuera à changer les mentalités et à convaincre des « boulangères potentielles » que ce métier ne leur est pas interdit. D’autant que des solutions techniques existent aujourd’hui pour le rendre moins pénible : le non-façonnage, au travers de PanovA ou Panéotrad a été justement développé pour répondre à ce genre de difficulté.

Dans tous les cas, boulangerie n’a jamais été un mot aussi féminin qu’aujourd’hui !

Les épiceries fines sont légion dans notre belle capitale, mais malheureusement elles ne sont pas aussi ‘fines’ qu’on l’aimerait parfois. En effet, le choix des produits n’est pas toujours très qualitatif, et il est plus influencé par des intérêts financiers que par la qualité propre des sélections. Néanmoins, certaines adresses parviennent à se détacher du lot en proposant une offre réellement triée sur le volet, exprimant la passion des propriétaires de telles boutiques pour le beau et le bon.

C’est tout à fait le cas de l’Epicerie Générale, dont j’avais déjà eu l’occasion de vous parler précédemment. Cette charmante échoppe du 7è arrondissement ne propose en effet que des produits bio, bons et français, une sélection du meilleur de nos terroirs. A l’époque de mon premier billet, le pain vendu ici était alors fourni par Patibio, ce que je regrettais par ailleurs.

Depuis la semaine dernière, la situation a changé puisque c’est à présent Gontran Cherrier qui fournit les pains, et on ne peut que s’en réjouir : les habitants du quartier peuvent profiter des créations de l’artisan sans avoir à traverser la Seine. Au menu, un pain à l’Epeautre, un complet, un céréales, ainsi qu’un ensemble de petits pains aux fruits secs, amandes, pruneaux, muscade… réalisés à partir de farines biologiques – puisque c’est la règle ici. Ce que l’on apprécie d’autant plus, c’est la douceur des produits proposés, à l’image de ceux développés dans les deux boulangeries parisiennes de Gontran Cherrier : pas d’acidité excessive comme on en trouve souvent lorsqu’il s’agit de pains biologiques.

Voilà donc une belle initiative de partenariat entre deux passionnés du goût, dont certaines épiceries et même traiteurs devraient s’inspirer, ce qui serait tout à fait bénéfique pour eux et leur clientèle.

Les grandes maisons parisiennes ont toutes leur réputation, plus ou moins glorieuse. Certaines ont conservé leur image dorée, à l’inverse d’autres ont connu un certain désamour de la part de la population parisienne, et continuent à vivre de leur prestige auprès de la clientèle internationale, au travers notamment de leur présence dans ce nombreux guides. C’est assez dommage, car cela ne contribue pas à donner une bonne image de notre gastronomie, pourtant si vantée à l’international.

Tout cela n’est pas une fatalité, et certaines marques tentent de prendre les choses en main pour redonner à leur enseigne ses marques de noblesse et reconquérir cette clientèle perdue. C’est notamment le cas de Fauchon, qui a entrepris ces derniers mois d’importants chantiers visant à relever le niveau de qualité des produits vendus au sein de leurs boutiques de la place de la Madeleine. Il faut dire qu’il y avait du travail… à commencer par l’épicerie fine, où les chocolats affichaient des tarifs peu en adéquation avec le niveau du produit. En prenant une participation dans l’entreprise du chocolatier Pascal Caffet et en lui confiant la réalisation de ses gammes, la marque est parvenue à revenir sur des standards de qualité bien plus acceptables. Il reste du chemin à parcourir sur nombre de références, qui semblent issues de la grande distribution, juste « rebrandées » Fauchon.

Traversons la rue, intéressons-nous au 24/26 place de la Madeleine et plus particulièrement à l’offre sucrée ainsi qu’à la boulangerie. Jusqu’à l’an dernier, c’était le fameux Christophe Adam qui officiait ici et dirigeait la création de la maison. Certes, ses pâtisseries affichaient un visuel attirant, mais elles décevaient énormément au goût, ce qui avait fini par lasser les gourmands… Quant à la boulangerie, le pain n’est certainement pas le plus mauvais de la place parisienne, mais son prix est peu en rapport avec sa fraicheur, puisque les dernières cuissons sont achevées en fin de matinée.

Cette douce routine, cette pente descendante qui aurait bien fini par devenir savonneuse, a été enrayée par l’arrivée d’un nouveau chef, Fabien Rouillard. La maison ne lui était pas tout à fait inconnue, puisqu’il y avait déjà oeuvré plus tôt dans son parcours professionnel. Sa feuille de route ? Redonner du goût, apporter un nouveau souffle à l’offre « fraiche » de Fauchon.

L'opérette, un opéra... à la plage : Biscuit moelleux vanille, ganache crémeuse amande douce et amère, purée de pêche blanche fraîche, coque chocolat blanc argenté.

Au fil des mois, de nouvelles créations sont ainsi apparues dans les vitrines sucrées du traiteur parisien, et la transformation va continuer, voire s’accentuer, avec l’arrivée de la « collection » de pâtisseries Printemps / Eté. Nommée « Fauchon les Bains », elle a été présentée aujourd’hui aux blogueurs dont il faut croire que je fais partie, puisque j’étais convié à l’événement.

Eclairs Fraise Amande (le Deauville), éclairs Fraise des bois Citron Vert (le Cap Ferret) & éclairs Vanille Bourbon de Madagascar (les Sables) - 7€ l'unité

Après des mois passés entre chocolat, caramel, café et autres saveurs pouvant traverser l’hiver, cela apporte fraicheur, couleur et légèreté aux douceurs de la maison. L’éclair demeure la signature Fauchon, avec des déclinaisons autour des fruits rouges et jaunes. Ceux-ci seront d’ailleurs les premiers à arriver, puisque réalisés à partir de purées de fruit. Rendez-vous d’ici une quinzaine de jours pour les accueillir.
Viendront ensuite les premières tartes aux fruits, avec les fruits rouges qui feront leur apparition courant Avril. Le reste de la gamme se dévoilera au fil des mois d’été, entre juin et août, avant de s’achever avec les derniers fruits jaunes.

Justement, c’est là que se situe le point le plus intéressant de la démarche développée par Fauchon : le respect de la saisonnalité des fruits, et la priorité donnée à l’approvisionnement local de ceux-ci. Cela avait déjà été débuté avec le « Carré aux pommes » proposé cet hiver : sa fabrication mettait en oeuvre des pommes produites en Ile-de-France, avec diverses variétés au fil de la saison (vitelotte, granny ou encore patte de loup ces derniers temps… avant de s’achever dans les prochains jours). A chaque fois, il faut adapter le produit et les recettes, mais c’est ainsi que les choses doivent se faire : la nature a ses règles, qui ont à être respectées. Le résultat n’en est que de toute façon plus beau et plus savoureux.

Les éclairs et entremets Printemps / Eté chez Fauchon... Une liste gourmande !

Au cours des mois ensoleillés à venir, c’est un producteur de Gagny qui fournira le laboratoire de Courbevoie en fruits rouges variés. Gariguette tout d’abord, Mara des Bois ensuite… Chaque variété est plus ou moins précoce. Cette démarche est rendue possible par le fait que Fauchon ne possède qu’une seule boutique, et donc des volumes plus réduits (environ 500 clients par jour). On notera l’organisation de 4 week-ends « Fraises » où des tartes mettant à l’honneur ce fabuleux fruit seront réalisées devant les yeux des clients, comme l’an passé. Là encore, cet artisan maraîcher sera associé à l’opération.
Les entremets vont également revêtir leurs habits colorés et revisiter les grands classiques de la pâtisserie française : Opéra tout en fraicheur, fraisier bousculé, rien ne résiste à la créativité de Fabien Rouillard. Au programme, des visuels toujours soignés, assez simples mais élégants, et des associations de saveurs pertinentes.

Parmi les autres chantiers à mener pour le chef, la boulangerie, et c’est ce sur quoi je n’ai pas manqué de le questionner. Difficile d’avoir beaucoup d’informations à ce sujet, mais les effets devraient commencer à se faire sentir en mai, avec notamment la mise en place de 3 cuissons par jour. Cela permettra de proposer du pain bien plus frais en fin de journée, car jusqu’à présent les baguettes sont assez… fatiguées à 20h30, heure à laquelle le traiteur Fauchon ferme. D’autres points devraient également changer, mais rien n’a filtré.
Un travail sera également réalisé sur la gamme de glaces, qui en a bien besoin, ainsi que sur le développement d’une offre de biscuits secs « frais », à l’inverse de ceux proposés juste à côté à l’épicerie. Autant de sujets sur lesquels il faudra garder un oeil gourmand dans les prochains mois…

Le Biarritz, sorte de Fraisier revisité par Fabien Rouillard : biscuit léger, gelée de fraise et framboise acidulée, chantilly au chocolat blanc et vanille Bourbon de Madagascar, fraises fraîches Mara des bois, le tout enveloppé de pâte d'amande.

Dans tous les cas, j’ai beaucoup apprécié le fait qu’une vraie dynamique se dégage chez Fauchon, qui paraissait être une belle endormie. Autant M. Rouillard que les autres personnels de l’entreprise exprimaient une véritable volonté d’aller sur le terrain de la qualité et de la saveur. A voir si cela tiendra sur la durée, et surtout portera ses fruits. Resteront les prix qui demeurent très élevés, beaucoup trop pour rendre ces plaisirs potentiels accessibles au plus grand nombre.

L’hiver ne dure pas éternellement, fort heureusement. Arrivé à un moment, il finit par laisser place au printemps… C’est ce qui se produit depuis quelques jours, et même si nous n’avons pas connu une saison aussi difficile qu’elle avait pu l’être l’an passé, je pense que ce n’est pas sans une certaine joie que nous assistons à l’arrivée des beaux jours. Avec eux s’accompagnent d’autres changements, dans nos habitudes notamment, et il est intéressant de s’y pencher pour les comprendre un peu mieux.

Notre corps n’exprime plus les mêmes envies. Forcément, les températures plus clémentes font qu’il aura moins à lutter au cours de nos déplacements à l’extérieur, ses besoins nutritionnels auront donc tendance à être moins importants. Cela a un impact direct sur notre alimentation et sur les plats que nous aurons chercherons à consommer. Certes, il est encore un peu tôt pour les fruits et légumes du soleil – saison, ensoleillement et températures encore un peu basses oblige, bien que tout cela ne doit plus vraiment respecté – mais on aspire à plus de verdure et de légèreté. Exit donc les potées réconfortantes consommées au coin du feu en plein coeur de l’hiver…

Pour le pain, c’est un peu la même chose. Cela avait commencé en automne avec l’apparition des pains à la châtaigne, aux figues et autres créations remplies d’ingrédients divers et variés. La pâte à pain se faisait plus riche pour accompagner nos besoins et nos plats… Avec ces changements, nos artisans vont devoir eux aussi s’adapter et proposer – s’ils ne le font pas déjà – des couleurs différentes. Certes, la baguette, les pains au levain et diverses miches sont toujours présents dans les présentoirs des boutiques, mais nous devons sortir de ce carcan pour accorder mets et pains. Pourquoi ne pas parler de « pains de saison » ? Il existe en effet de nombreuses recettes qui s’accommodent très bien des plats remplis de soleil que nous allons être amenés à préparer ou consommer dans les mois à venir.

D’ailleurs, plusieurs d’entre eux viennent des pays où il fait bon vivre. La Ciabatta, la Foccacia et autres pains moelleux originaires d’Italie accompagnent très agréablement une salade. On peut les trouver nature ou garnis d’olives, d’herbes diverses. L’important, et on n’y prête peut-être pas assez attention, est d’utiliser une bonne huile d’olive, ce qui va parfumer le pain, sinon quoi l’effet est manqué : on obtient un résultat graisseux et sans saveur. Vous trouverez de très bonnes Ciabattas chez Alexine, la boulangerie du couple Planchais installée rue Lepic, dans le 18è arrondissement, et à quelques pas une belle Foccacia aux herbes chez Gontran Cherrier. Benjamin Turquier, dans sa boulangerie 134 RdT en propose également de façon régulière, en plus de son pain « Provençal », que j’ai déjà eu l’occasion de vous présenter.
Bien sûr, les fougasses sont également de la partie, et là encore le sujet est vaste : il doit y avoir au moins autant de recettes qu’il y a d’artisans. Plus ou moins garnies, elles peuvent accompagner ou mener un repas simple et léger.

Malgré tout, cela me semble assez convenu et presque trop traditionnel. Soyons créatifs et dépassons ces classiques ! Je pense qu’il serait intéressant de mener un travail sur les farines que l’on pourrait utiliser pour varier les saveurs, ainsi que sur les autres ingrédients que l’on pourrait ajouter. L’olive est certes agréable, mais son parfum a tendance à écraser plutôt qu’à accompagner. Pourquoi ne pas privilégier l’utilisation d’herbes aromatiques, telles que le basilic, le romarin ou le thym ? Il est important de trouver un certain équilibre dans le mélange, sinon quoi cela peut être trop fort au goût du consommateur. Egalement, le citron et les agrumes en général manquent plutôt à l’appel en dehors des périodes de fête, où le « seigle-citron » est un grand classique.
Les épices manquent aussi dans les créations de nos artisans. Par exemple, le curry pourra très bien accompagner une salade à base de poulet.

Dans tous les cas, même si l’on varie les saveurs, la consommation de pain aura plutôt tendance à baisser au cours de ces « beaux » mois. Dès que les températures commencent à être vraiment élevées, les clients désertent littéralement les boulangeries pendant quelques semaines, avant d’y revenir petit à petit… Une valse répétée, toujours amusante lorsqu’on la regarde de l’extérieur. Pas question d’arrêter de manger du pain pour un painrisien !

Certains événements donnent des couleurs aux villes, par leur portée et leur animation. Un carnaval, un défilé et la cité s’enflamme. Bon, n’exagérons rien, mais tout de même. Un peu de mouvement est toujours le bienvenu.

Bienvenue à Europain 2012 !

Depuis le 3 mars, un bien curieux défilé se déroule d’ailleurs à Villepinte, dans le Nord de Paris. Une ville peinte en pain… Passons sur les jeux de mots, il s’agit d’un événement tout à fait sérieux, en l’occurrence l’Europain 2012, la grand messe des acteurs de la boulangerie-pâtisserie. Jusqu’au 6 mars, ce salon est un peu « the place to be », autant pour les artisans que pour les fournisseurs du milieu. Tout le monde y est : meuniers, industriels fournissant des solutions surgelées, fabricants de fours et matériaux divers, aménageurs de magasins, écoles de formation… Il faut un peu faire son marché pour ne pas être débordé par la quantité d’exposants et le flot d’informations qui en découle. Chacun voit midi à sa porte : certains privilégieront les équipementiers, d’autres les fournisseurs d’ingrédients divers, tandis que les boulangers travaillant sur un projet d’installation iront s’adresser aux meuniers.

Difficile d’exprimer un avis sur un tel salon, tant il présente un éventail diversifié d’acteurs et de visions de la profession. On peut toutefois tenter d’en dégager quelques tendances de fond, des mouvements et des directions dans lesquelles la boulangerie s’oriente. Il faut en effet écrire directions, le pluriel prend ici tout son sens, et toutes ne sont pas orientées de la même façon. Tandis que certains tentent de porter la profession vers le haut, certains semblent plutôt satisfaits de la situation actuelle et ne voudraient surtout pas que cela change.

Sur le "village" Banette

C’est d’ailleurs par là que l’on commence. En pénétrant dans le Hall 4, on est immédiatement accueilli par le « village » Banette. Il est tout à fait à l’image de l’empire et de la puissance qu’a pris le groupement, aujourd’hui constitué en majorité par des moulins de grande taille, tels que Axiane Meunerie ou les Grands moulins Aubry. Pas question pour cette entreprise de faire les choses à moitié : sur son stand, on retrouve l’ensemble des activités du « groupe », entre l’école de formation et les concepts de boutique, tout en mettant l’accent sur sa force de communication, développée notamment au travers de son statut de Fournisseur Officiel du Tour de France. Je ne vois pas ici des personnes cherchant à faire évoluer le pain et la boulangerie : dans la boutique de démonstration, les mixes sont mis en avant et distribués à tour de bras dans des sacs à l’effigie de la marque. Il ne serait pas question de chercher à développer chez les boulangers un quelconque esprit, les encourager à développer leurs recettes et leur identité, bien au contraire : il faut que le consommateur puisse retrouver la même gamme d’un bout à l’autre du pays. Même constat du côté d’acteurs tels que Copaline, Festival des Pains, Soufflet / Baguépi ou encore Grands Moulins de Paris / Ronde des Pains. Chacun propose ses solutions clés-en-mains, il ne reste plus qu’à l' »artisan » à suivre les modes d’emploi, mettre son épouse ou une vendeuse à la caisse, et le tour est joué. Est-ce ainsi que l’on avancera vers une boulangerie concentrée sur le goût, la qualité nutritionnelle et plus globalement sur l’idée que chacun de nos artisans peut être unique ? Certainement pas. Pourtant, c’est bien dans cette voie que nous devrions nous engager, il en va de la survie de la profession : à force de proposer une offre ennuyeuse, peu qualitative aux consommateurs, ceux-ci finiront par se détourner des petites échoppes, au profit de la praticité offerte par les grands distributeurs.

Le stand des Grands Moulins de Paris / Ronde des Pains

Fort heureusement, d’autres acteurs tentent de changer les choses et s’inscrivent dans une toute autre dynamique. Chez des meuniers comme les moulins Bourgeois, Decollogne, Foricher, Fouché, … le discours est bien différent. Il est question de qualité, d’authenticité, de sélection du blé… Autant de choses qui ont du sens et devrait entrainer les boulangers dans une dynamique positive pour tous. Pas de mystère : ces acteurs de la meunerie fournissent la plupart des adresses citées ici.

La maquette du nouveau moulin de chez Decollogne

En marge de ce « débat », il est aussi important de s’intéresser aux fournisseurs de produits finis. Bien sûr, Coup de Pâte, Bridor et autres créateurs de pains et gourmandises industriels sont représentés. Chez Coup de Pâte, on pousse le vice jusqu’à développer des concepts de magasin articulés autour de leurs gammes de produits, en les mettant en scène comme s’ils revêtaient un quelconque caractère authentique. Au vu du monde présent sur leur stand et de l’activité de leur équipe commerciale, ce discours ne semble pas laisser insensible nombre d' »artisans » et entrepreneurs de la boulangerie. Bridor développe une démarche plus qualitative et créative, notamment au travers de son partenariat avec Lenôtre et avec le développement de produits originaux (comme de petits pains parfumés, au citron et au thym, entre autres).

Sur le stand Bridor, du surgelé "haut de gamme"

Les meuniers ne sont pas en reste pour proposer leurs gammes de viennoiseries surgelées (Recettes de Mon Moulin chez les GMP, notamment), ce qui est assez inacceptable à mon sens : comment pouvoir prétendre défendre l’artisanat ensuite ? L’argent et le profit sont décidément le coeur des préoccupations de ces entreprises, rien d’autre.

La Boulangerie de la Place selon Coup de Pâtes, alors que cela ne pourrait pas être nommé ainsi dans la réalité (législation quand tu nous tiens)

La tendance est clairement au Biologique : chacun dégaine sa gamme certifiée, alors que cela ne signifie pas pour autant que les produits sont meilleurs. Les consommateurs sont rassurés, mais si cela ne s’accompagne pas d’une vraie démarche de qualité et de goût, cela ne vaut rien. Heureusement, quelques acteurs « historiques » de la minoterie Biologique relèvent le niveau et permettent de sortir des mixes fraichement développés par les mastodontes du secteur.

Sur le stand Bio des Moulins de Brasseuil (enseigne l'Artisan Bio)

Côté pâtisseries, là encore il y a du choix, plus ou moins qualitatif. Des entreprises telles que PCB Création sont parvenues à exceller dans le visuel, mais je ne suis pas certain que le goût soit toujours à la hauteur des promesses faites par cette apparence séduisante. Là encore, il y a quelques questions à se poser : pourquoi se tourner vers ce type de solution, alors qu’il serait souvent préférable de rester dans des gammes de produits plus simples et « boulangères » (tartes, pâtes à choux…) qui permettraient d’assurer une fabrication 100% maison ?

Frédéric Lalos en pleine action chez Philibert Savours

Au détour des allées, on découvre aussi des associations pas toujours très heureuses. Lorsque l’on voit Frédéric Lalos oeuvrer sur le stand de Philibert Savours et proposer l’un des pains développés dans ses boutiques du Quartier du Pain (le Longuet est en effet présent au catalogue Philibert, sous le nom de Campasine), on peut s’interroger sur la véracité de l’engagement qualitatif de ce Meilleur Ouvrier de France, car cette entreprise utilise tout bonnement le levain comme un additif, destiné à donner du goût, le détournant de ses qualités premières. Il faut croire que certains, arrivés à un certain niveau de visibilité et de reconnaissance, se laissent porter par leur succès et acceptent des contrats qui ne sont pas toujours à leur honneur.
Avant d’en arriver là, c’est par les écoles de boulangerie qu’il faut passer, et elles sont représentées sur le salon, à l’image de l’INBP qui réalise des démonstrations. Elles prennent également part aux concours organisés tout au long de l’Europain. Coupe du Monde de Boulangerie, Mondial des Arts Sucrés, Coupe de France des Ecoles… Les événements ne manquent pas et ponctuent la vie du salon.

Pains snacking créatifs chez Eric Kayser

Au delà des fabricants de chocolat, confiseries et autres gourmandises qui ont l’habitude d’innover dans les saveurs et les formes, la création s’invite également du côté du pain, et on peut ainsi découvrir de nouvelles façons d’en déguster. A mon sens, c’est tout bonnement vital pour donner envie aux consommateurs d’en manger plus régulièrement, et surtout en plus grande quantité. Pains de mie marbrés aux différentes saveurs (légumes, encre de seiche…) sur le stand Foricher, soupière en pain pouvant être mangée chez Eric Kayser, … les idées ne manquent pas et j’espère sincèrement que ce bouillonnement intellectuel de leurs démonstrateurs saura faire mouche auprès des visiteurs du salon.
En innovation, on peut aussi citer les machines toujours plus perfectionnées développées par les équipementiers, à destination des acteurs de la boulangerie industrielle. Rien de très heureux là dedans, je ne peux pas dire que voir des baguettes sans vie tomber dans des bacs soit un spectacle réjouissant pour moi, mais à chacun son métier, après tout…

Une terrifiante machine chez un équipementier pour la boulangerie industrielle

Comme vous l’aurez compris, Europain nous propose un environnement très riche, entre « tradition » et innovation, entre boulangerie consciente des enjeux à venir et volonté de perdurer sur les mêmes recettes qui ne peuvent que nous conduire à une catastrophe future. Je finirai par un clin d’oeil souriant aux stands plutôt délaissés par les visiteurs au sein de ce salon… et notamment à celui de la confédération, où l’équipe de M. Crouzet n’avait pas fort à faire.

Le stand de la confédération, assez déserté.

Il y a des visites qui vous font faire des cauchemars la nuit, qui vous empêchent de dormir. En effet, c’est au cours de celles-ci que l’on peut toucher du doigt ce qui ne va vraiment pas dans notre alimentation et de quelle façon les industriels profitent de la passivité du consommateur pour lui proposer des produits de bien mauvaise qualité. L’artisanat disparaît complètement au profit de l’utilisation de la machine, ce qui rend le métier bien plus accessible à des personnes qui deviennent uniquement de simples investisseurs, des entrepreneurs préoccupés par la rentabilité de leur établissement et non pas par la saveur de ce qu’ils servent.

Au Sandwich & Snack Show, qui se tenait hier et aujourd’hui à Paris Expo Porte de Versailles, on avait un bel aperçu de ce qu’est l’univers de la restauration rapide aujourd’hui, et par extension de l’offre que développent en la matière nos artisans boulangers sur ce secteur. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela suscite des vocations, aussi bien en matière d’exposants que de visiteurs. Avec un bon emplacement, l’affaire peut être extrêmement rentable, car il n’y a pas besoin de beaucoup de personnel ni de compétences pour se lancer dans la course. De plus, en faisant appel à l’une des sociétés produisant des produits traiteur surgelés, le prix de revient reste limité et les marges sont plutôt attractives.

Quelques tendances assez nettes se dégagent d’une visite sur ce salon : tout d’abord, pour les sandwiches et en-cas réalisés à partir de pain, les bagels et pains moelleux ont la côte, ils sont déclinés avec des couvertures différentes (graines, nature…) pour donner envie au consommateur. Egalement, on cherche à augmenter le ticket moyen en proposant des gammes de desserts complexes et diversifiés. Tartes, gourmandises étrangères (muffins, cheesecakes, …), yaourts, salades de fruits, viennoiseries variées…, tout y passe. Bien sûr, il y a différents niveaux de qualité et certains acteurs proposent des produits tout à fait convenables, bien qu’industriels. Tout est une affaire de volonté, et on ne saurait ranger l’ensemble de l’offre derrière un seul et unique drapeau, tant elle est vaste et diversifiée.

Si l’on s’intéresse plus particulièrement à la Boulangerie-Pâtisserie, on peut remarquer la présence assez marquée de Bridor, la division du groupe Le Duff (Brioche Dorée, Del Arte…) chargée de la vente aux professionnels et acteurs de la restauration. Cette entreprise a développé des partenariats avec Lenôtre et… Frédéric Lalos pour élaborer des recettes « premium » et de cette façon prouver qu’ils sont eux aussi capables de proposer autre chose que les pains bien blancs et peu savoureux que l’on s’imagine souvent. C’est un peu dommage qu’un professionnel tel que M. Lalos s’implique dans de tels projets, car il rend la frontière entre artisan et industriel un peu floue. Il développe avant tout sa marque et remplit son porte-feuille, en se souciant guère des effets que cela peut avoir auprès du consommateur.
Délifrance était également présent, mettant en avant son offre pour les sandwiches et les pâtisseries. Un des grands amis des artisans les moins concernés par la qualité de leurs produits répondait aussi présent, j’ai nommé Coup de Pâtes, qui  proposait ses différentes gammes en insistant sur la flexibilité offerte par leurs solutions (on ne sort que ce dont on a besoin, ce qui limite la casse… de plus, les compétences nécessaires sont quasi-nulles).

D’autres entreprises plus discrètes avaient également installé leur stand. Au programme, des pains bien blancs pour certains, des pâtisseries sans vie ni âme pour d’autres… Rien de bien painrisien là dedans, au contraire. Ce qui est triste, c’est qu’en voyant toutes ces tartes, ces assemblages de farine, sucre, crème et autres ingrédients, j’ai reconnu les produits que l’on retrouve aujourd’hui chez de nombreux artisans boulangers. Certes, Paris est une ville difficile pour eux, car il faut bien arriver à payer le loyer et les salaires à la fin du mois, mais cela dénote tout de même d’une vraie dérive de la profession. A mon sens, c’est un jeu dangereux : à terme, les consommateurs risquent de ne plus faire la différence entre les chaines et les indépendants, du fait de la proximité des produits proposés. La conséquence ? La disparition progressive des seconds, ceux-ci perdant du terrain.

Si l’on laisse de côté tout cela, on peut tout de même se réjouir de voir quelques produits snacking assez qualitatifs, comme ceux distribués par des grossistes tels que Bergam’s. Rien à voir avec la boulangerie, mais on trouve des soupes, produits laitiers et boissons innovants, bien loin de l’image très traditionnelle et peu savoureuse que l’on peut avoir de ce type de produit. Pocket Garden Blendie, New Covent Garden, Marie Morin, Juicy Water… autant de marques qui montent et portent le snacking vers le haut. Certains boulangers les ont d’ailleurs adoptées pour compléter leur offre traditionnelle en salé et sucré, car la clientèle a parfois d’autres attentes que le sandwich, la tarte ou la pâtisserie. Le tout est d’être en phase avec son époque, sans perdre son âme.

Voilà donc un salon résumant bien le fourmillement qui existe autour de ce secteur, où chacun tente de tirer la couverture vers lui. Beaucoup y voient une véritable poule aux oeufs d’or, et notamment à Paris où les bouches à nourrir ne manquent pas. On pouvait ainsi croiser dans les allées de nombreux « entrepreneurs » en plein développement de projet, à la recherche de leurs premiers fournisseurs. Il faut tout de même savoir garder la tête froide, car tout le monde n’est pas Alain Cojean… et ne rencontrera pas le même succès. On compte beaucoup d’échecs et de fermetures au bout de la première année d’activité, ce qui représente un vrai échec personnel et professionnel pour les créateurs confrontés à de telles situations.

Pour en revenir à notre terrain painrisien, le prochain rendez-vous, cette fois pleinement centré autour de l’univers de la boulangerie-pâtisserie, sera le salon Europain, qui se tiendra à Paris-Nord Villepinte début Mars. On y retrouvera de nombreux acteurs de l’industrie, accompagnés par les différents équipementiers (fours, pétrins, …) qui permettent, eux, de réaliser un vrai travail artisanal. Encore une occasion de se faire quelques frayeurs en voyant l’imagination développée par les géants du secteur, toujours prêts à aller plus loin dans l’abattage du consommateur et du bon goût. Je me dis que le combat est perdu d’avance, parfois, tant ils possèdent un pouvoir financier important et en prenant en compte qu’au final, leurs « solutions » sont tellement attirantes pour des chefs d’entreprise peu sensibilisés à la qualité et à l’authenticité des produits… Ne soyons pas fatalistes, du moins, essayons.

Les jours et les semaines passent au fil de l’actualité de la capitale, et parmi elles les nombreuses ouvertures de ce début d’année. Nombre de restaurants ont en effet ouvert leurs portes, accueilli leurs premiers clients et cela devrait continuer encore un peu. Début 2012 aura été marqué par une « tendance burger », avec Blend, Le Camion qui Fume et autres adresses huileuses autour de cette bien curieuse gastronomie…

En marge de ces tendances, certains continuent de renforcer le maillage de leur réseau dans la capitale, et c’est notamment le cas d’Eric Kayser, qui a ouvert ce matin sa boulangerie-pâtisserie-sandwiches et restaurant au coeur de Bercy Village, dans le 12è arrondissement. Voilà plusieurs éléments assez surprenants auxquels il est intéressant d’accorder un peu plus d’attention.
Tout d’abord, cette implantation est la première pour l’enseigne dans un centre commercial, tout du moins en France. C’est bien plus souvent le cas à l’étranger, où le boulanger-entrepreneur n’a pas hésité à se positionner dans les lieux où se concentre sa clientèle potentielle (d’autant que le tout est généralement accompagné d’un indispensable salon de thé). Certes, Bercy Village est un centre plutôt atypique par sa forme et son aménagement, mais cela marquerait-il les débuts d’une nouvelle stratégie d’implantation pour Kayser, jusqu’alors absent de ce terrain où le groupe Holder excelle depuis quelques années ?

Ensuite, cette adresse marque un nouveau pas vers la sortie du simple modèle de boulangerie-salon de thé comme cela pouvait être le cas dans la plupart des adresses de la Maison. Parmi les plus symboliques de l’activité de restauration rapide entretenue par l’entreprise, la boutique de la rue Danielle Casanova, en plein quartier d’affaires, était jusqu’alors citée en exemple de la mue progressive des boulangeries Eric Kayser vers l’univers de la restauration. Ici, c’est affiché clairement, plus de doute possible : l’endroit est abrite également une partie restaurant, avec une carte et des formules dédiées. Un service à table est donc assuré.
Des plats sortant complètement de l’univers boulanger sont donc proposés, et un schéma classique entrée-plat-dessert peut être consommé sur place. Bien sûr, la « note » boulangère continue à être présente, au travers d’accords mets-pains élaborés. Poêlée de crevettes, guacamole au piment et pain au curcuma-noix-noisettes, Velouté de champignons, saumon fumé et pavé au Sarrasin… Quelques exemples d’associations pertinentes, comme on aimerait en voir plus souvent chez des restaurateurs.
L’offre se décline aussi bien pour le matin – avec le petit-déjeuner -, le déjeuner ou encore le goûter (pain perdu et salade de fruits, pâtisseries diverses…).

Une large place est dédiée à la gamme de restauration rapide, entre salades, sandwiches, boissons, salades de fruits et autres desserts consommables en snacking. Ces produits peuvent être emportés ou consommés sur les quelques mange-debout installés vers l’entrée.
Sur le côté, les pâtisseries dorment dans leur écrin, avec un assortiment comparable à celui proposé dans les autres boutiques Kayser. Forcément, aujourd’hui, tout était pimpant, propre et léché. Ce n’est pas toujours le cas ailleurs au quotidien. La présence de membres de l’équipe de direction et de divers journalistes ne devait pas être étrangère à cet état de fait.
Un comptoir de chocolats en libre-service a également été installé, sans que je comprenne bien la pertinence d’une telle offre dans ce lieu, mais nous ne sommes plus à une surprise près. La volonté doit être certainement de capter un peu de la clientèle de « shoppers » sillonnant le centre commercial, principalement le week-end et en soirée.

Finissons sur le pain, qui occupe le fond de la boutique. La gamme est assez similaire à celle développée dans les autres points de vente Kayser, avec une baguette Tolbiac (1,20 euros les 250g, ce n’est pas donné pour une baguette très standard !), des tourtes de meule, une belle gamme de pains spéciaux (figues, céréales, curcuma-noix-noisettes…) et un pain signature, le « Pain de Bercy », qui n’avait pas l’air d’avoir trouvé sa place en boutique aujourd’hui, puisque l’on trouvait un Carré Vendome dans les étals… Rien à signaler, les cuissons étaient bien menées et les façonnages soignés en ce premier jour d’activité, reste à voir si cela tiendra sur la durée.

Difficile de juger la qualité du service, encore frais et sur son 31 du fait de l’ouverture, mais le personnel semble avoir été recruté en abondance pour assurer les différentes activités de ce lieu, ce qui est plutôt un bon point.

Dans tous les cas, je ne peux que saluer ce choix d’implantation, particulièrement malin et judicieux, car la zone n’était pas particulièrement bien dotée en boulangeries jusqu’alors. Je ne doute pas qu’Eric Kayser trouvera ici son public, autant pour le pain que pour la restauration…

Tout n’est pas rose dans les instances de la Boulangerie-Pâtisserie, loin de là. Sa confédération nationale, présidée depuis plus de 10 ans par Jean-Pierre Crouzet – 67 ans ! -, connaît certains « remous » dans son fonctionnement.
Ainsi, Amandio Pimenta, Président départemental de l’Allier et Président régional de l’Auvergne, a vu sa mission d’administrateur suspendue à la suite d’un vote où sa région n’a pas participé, ce qui a permis d’obtenir d’une unanimité assez honteuse.

Il ne semble pas bon de défendre une ligne de conduite allant à l’encontre des aspirations de ce président, dont la vision de la Boulangerie semble être plutôt dépassée. Parmi les dernières actions de cette fameuse confédération, on pourra citer la développement d’une nouvelle identité visuelle, que bien peu de boulangers semblent prêts à adopter… et pour cause, elle n’apporte définitivement rien de neuf et est, à mon goût, plutôt grotesque. On peut également citer la mise en place d’une mutuelle professionnelle, affiliée à l’organisme AG2R Isica … dont le même Jean-Pierre Crouzet est président. Il y a de quoi rester sans voix face à de tels conflits d’intérêt, d’autant que cet homme semble avoir pour habitude de cumuler responsabilités et mandats, au point que leur nombre dépasse celui des jours de la semaine. Dès lors, il semble bien difficile d’accorder à chacun l’attention nécessaire au suivi des dossiers.

Non pas que je porte une vision particulièrement négative sur nos ainés, mais je pense qu’il serait nécessaire que la confédération soit dotée d’une direction dynamique et entreprenante, car ce métier doit faire face à de nombreux enjeux capitaux pour son avenir : concurrence des industriels et de la grande distribution, questionnement sur la matière première et la qualité des blés, évolution de la qualité des pains, notamment vis à vis de l’incorporation d’additifs… Les sujets ne manquent pas, et ils ne peuvent être traités de façon cohérente et entière que si la profession toute entière parvient à faire corps pour avancer dans la bonne direction. Or, il serait bien difficile aujourd’hui de donner envie aux artisans boulangers de rejoindre cette confédération…

Amandio Pimenta, un artisan Meilleur Ouvrier de France, reconnu et passionné, exerçant ce métier depuis plus de 30 ans, exprime bien tout ce mal-être et ces difficultés dans une lettre ouverte publiée il y a quelques jours, que je mets à votre disposition à la fin de ce billet.
Il met notamment en avant l’action passée de certains présidents de la confédération, qui ont abouti à de belles avancées en leur temps. Comment ne pas parler du décret pain, de l’appellation « tradition française », qui ont permis de marquer un retour vers un bel artisanat boulanger ?
Aujourd’hui, cet organisme pourrait bien n’exister que pour lui-même s’il continue à être autant en décalage avec le quotidien des artisans oeuvrant dans leurs fournils. C’est un véritable danger, car qui d’autre pourrait faire « poids » et avoir une influence sur les décisions que peuvent prendre nos politiques ?

En cette année de présidentielles, le sujet est à prendre très au sérieux, et les candidats à l’élections devraient être sensibilisés au péril quotidien auquel sont exposés nos boulangers. Entre loyers, coûts de main d’oeuvre, augmentation du prix des matières premières… il est bien difficile de faire face à la concurrence déployée par de grandes entreprises, qui sont à même de réaliser des économies d’échelle et à amortir le coût de leurs outils de production. C’est bien ça la grande différence entre un artisan et un industriel : tandis que le premier oeuvre chaque jour de ses mains, créé à partir de son savoir-faire – ce qui ne pourra jamais être amorti sur le plan comptable -, le second se contente d’actionner des machines bien tangibles et matérielles, dont l’acquisition aura représenté un investissement pouvant être réparti dans le temps.
La boulangerie est profondément ancrée dans notre culture, et elle doit être défendue avec ardeur. Ce n’est pas possible dès lors que nous avons du temps à perdre dans de telles querelles, qui sont uniquement destructrices.

On retrouve là encore des questions de valeurs humaines, que certains semblent avoir perdu. Partage, écoute, sens de l’autre… Tout cela fait partie intégrante du pain, et ceux qui ne se sentent pas concernés par de tels mots ne devraient rien avoir à faire dans son quotidien et son avenir. Il n’est pas question d’intérêts personnels, mais bien du collectif, car cet aliment est d’une importance capitale. C’est ce que j’essaie de défendre ici au quotidien. Non seulement vecteur de plaisir simple et accessible (quoi de mieux que du bon pain sur une table ?), il participe également à l’équilibre nutritionnel de chacun… d’où la notion de « pain santé ». Pas sûr que ces fameux produits issus de l’industrie et vendus sous la même appellation soient tout aussi sains et bénéfiques à l’organisme, ne serait-ce que lorsqu’on lit la composition de ceux-ci et la profonde obscurité sur la qualité des farines, et plus généralement des matières premières.

Dans tous les cas, je ne peux que saluer l’initiative de cet homme, qui met là en avant des points cruciaux auxquels nous devons nous intéresser avec sérieux et implication. Cette démarche doit aussi impliquer les consommateurs que nous sommes, puisque c’est grâce à nous que les artisans peuvent continuer à exercer leur profession. D’où l’importance d’une information pertinente et objective…

Télécharger la lettre ouverte d’Amandio Pimenta et consulter le sujet dédié sur le forum du site Boulangerie.net