Les semaines passent et les fêtes également… Au final, cela forme une suite presque continue de repas relativement chargés, situés entre la fin et le début de l’année. Il faut avoir l’estomac bien accroché, ou alors une volonté de fer et quelques remèdes « miracles » pour éviter quelques désagréments liés à cet afflux soudain de nourriture. Restons raisonnables et choisissons toujours de manger avec plaisir plutôt que par convention.
En ce début janvier, c’est bien entendu la galette des rois qui est à l’honneur. Difficile de passer outre, elle est partout, autant dans les boulangeries que dans les pâtisseries, et même dans les étals des supermarchés. Janvier serait donc le mois royal par excellence, ou plutôt le mois du feuilletage et de l’amande. Un programme tout en « richesse », ce qui est appréciable lorsqu’il fait froid, mais on ne peut pas dire que ce soit vraiment le cas cette année. Qu’à cela ne tienne, la tradition est ainsi faite. L’épiphanie est fixée le 6 janvier, et c’est ce jour là qu’on tire les rois. Je vous passerai les détails sur les références religieuses liées à cet événement pour m’intéresser plutôt aux produits qui sont proposés à cette occasion.
Bien entendu, la star incontestée de la fête est la galette feuilletée aux amandes. On peut toutefois en distinguer plusieurs sortes : à la frangipane et à la crème d’amande « pure ». Dans le premier cas, on ajoute à la crème d’amande du sucre et de la crème pâtissière en quantité égale, ce qui aurait pour effet de rendre l’ensemble plus léger. En réalité, l’objectif est souvent de cacher l’utilisation d’amandes de mauvaise qualité, de plus, cela permet de limiter les quantités mises en oeuvre – or, l’amande est un des ingrédients les plus coûteux dans une galette. Il y a des adeptes pour les deux méthodes, et certains « puristes » rejettent tout bonnement la crème d’amande, objectant que la tradition (encore elle !) veut que la galette soit fourrée à la frangipane. Pourquoi pas. Dans les deux cas, cela demeure assez riche et gras.
Si l’on reste dans le périmètre de la galette feuilletée, on peut aussi distinguer différents types de feuilletage : traditionnel, inversé ou viennois. Ce dernier est le plus compliqué à réaliser, et il est assez rare qu’il soit sélectionné par les artisans, au vu de sa fragilité. On incorpore en effet au feuilletage de la crème, ce qui augmente sa fluidité. Le feuilletage inversé est, quant à lui, une option intéressante pour obtenir un résultat friable et léger en limitant les risques.
Enfin, une partie de la clientèle des boulangers est adepte de la galette « sèche », c’est à dire sans fourrage, ce qui amène certains d’entre eux à en proposer.
Je voudrais aussi inviter mes lecteurs à ne pas réchauffer leur galette. En effet, cela aura pour effet de faire remonter les parfums de gras et de beurre, qui masqueront alors tous les arômes complexes que peuvent exprimer le fourrage et la pâte feuilletée à température ambiante. Si l’on nous incite souvent à le faire, c’est justement pour cacher la faiblesse gustative du produit.
Autre option, la couronne des rois briochée, issue de la tradition provençale. On la retrouve généralement ornée de gros grains de sucre et de fruits confits, avec un parfum de fleur d’oranger. Bien entendu, cela n’a pas grand chose à voir en terme de goût et de texture, mais on peut toujours fêter dignement les rois avec cette gourmandise.
Une question importante lors du choix de la galette en boutique : comment différencier les bonnes des mauvaises ? Voici là une tâche bien peu évidentes. Evitons les galettes trop levées pour être honnêtes, elles auront tendance à créer un mauvais rapport entre garniture et feuilletage. Pour l’aspect, privilégiez les galettes au développement harmonieux et non « torturé » comme c’est parfois le cas. Le décor peut être un bon indicateur du soin de l’artisan et de son implication lors de la réalisation des galettes : en effet, plus celui-ci est complexe (feuilles, dessins…), plus il prendra de temps à être dessiné. Egalement, prêtez attention aux mentions indiquées au sujet de votre galette : n’en achetez pas une qui ne soit pas pur beurre, de préférence un beurre AOC Charente-Poitou – beaucoup plus savoureux. (du beurre frais, également, car certains utilisent du beurre pasteurisé !).
Bien sûr, les galettes à l’aspect terne et brouillon (difformes, feuilletage brouillon et mal levé, …) seront à mettre de côté.
Une fois ces considérations intégrées, où acheter sa galette ? Le syndicat de la boulangerie-pâtisserie a quelques idées à vous proposer, puisqu’il organise chaque année un concours visant à récompenser les meilleurs artisans. Il a eu lieu ce mardi, et vous pourrez consulter les résultats en suivant ce lien.
On peut ensuite faire le choix de demeurer dans le domaine purement traditionnel, ou bien de chercher à s’orienter vers des galettes plus créatives. Dans le second cas, les prix ont rapidement tendance à grimper. Fruits -frais ou secs-, épices, … tout y passe, et chaque année les artisans rivalisent d’imagination pour se démarquer.
Cette année, j’inviterais les gourmands à s’intéresser aux galettes suivantes :
- Café Pouchkine – crème d’amande & sarrasin ou mandarine & noisette ;
- des Gâteaux et du Pain – la traditionnelle (réalisée avec des amandes non émondées), bien sûr, mais aussi la Kashmir et ses notes exotiques (association de l’orange, du safran et de la datte) ;
- Gontran Cherrier – avec une crème d’amande bien « punchy », parfumée au piment de la Jamaïque, au clou de girofle, au poivre de Setchuan et aux kumquats confits dans du sel ;
- Jean-Paul Mathon, la Gambette à Pain, et sa très surprenante galette végétale à l’Azuki, parfumé au miel et au sésame. Le résultat est très léger, beaucoup moins gras qu’avec de l’amande, tout en conservant une garniture à la texture proche de la tradition. La pâte feuilletée, réalisée à partir de farine T80, a un caractère propre et particulier . La boulangerie sera ouverte à cette occasion ce week-end ainsi que le suivant ;
- Dominique Saibron et ses différentes déclinaisons (perles de praliné, pistache). J’apprécie l’idée d’incorporer des fèves mettant à l’honneur le personnel de sa boutique, qui fait un très beau travail au quotidien malgré les volumes à produire et à servir ! ;
- Hugo & Victor, chez qui Hugues Pouget propose une galette parfumée au Combawa, ainsi qu’une sympathique couronne briochée ;
- La Pâtisserie Pain de Sucre, où Nathalie Robert & Didier Mathray proposent cette année encore deux créations dont ils ont le secret : Garden Party (crème frangipane, pistache et zestes de citron vert) et Joli Moulin (crème frangipane, pomme, coing, poire) ;
- Un Dimanche à Paris et ses trois déclinaisons (traditionnelle, chocolat et pain d’épices) – profitons-en pour féliciter Quentin Bailly, qui a été nommé capitaine de l’équipe de France de Pâtisserie, en vue de la Coupe du Monde qui se tiendra début 2013 à Lyon ;
- La Maison Pichard et sa galette traditionnelle, réalisée à partir d’un feuilletage viennois, pour un fondant incomparable !
Bien sûr, les galettes proposées chez les boulangers (Gontran Cherrier, Jean-Paul Mathon, Dominique Saibron et la Maison Pichard) sont moins coûteuses sans être pour autant moins intéressantes. Dans chacun des cas, j’ai plutôt cité les galettes dites créatives, mais la recommandation vaut tout autant pour les déclinaisons traditionnelles. J’espère que vous trouverez parmi ces idées de quoi être le roi de la fève… ou plutôt de la fête !
C’est vrai que la galette à l’azuki de J.-P. Mathon est surprenante (je l’ai goûtée le 23 décembre, hérésie). Elle a un côté rustique inhabituel, et est très peu grasse.
Cette déclinaison est sans doute une trace de son passage à Taïwan 🙂
J’ai goûté aussi celle à l’amande, qui est également très peu grasse, et qui n’a pas ce goût d’arôme d’amande en général assez marqué.
Ça fait longtemps que je n’ai pas acheté de galette chez Pichard, mais dans mes souvenirs, c’est une des meilleures que j’ai pu manger.
(Pour le pratiquer moi-même, je confirme que le feuilletage inversé donne une pâte très fine et légère.)
C’est marrant, moi la Picard, je trouve qu’elle a un goût insupportable d’amande amère très chimique… mais elle est pas chère !
Certains artisans boulangers proposent des galettes excellentes et très accessibles… C’est un peu dommage de ne pas se faire plaisir au moins une fois en se retrouvant autour d’un bon produit.
Mingou parlait de la galette de la maison Pichard, qui n’a rien à voir avec celle de chez Picard !
Oui, bien sûr que je parlais de la maison Pichard, rue Cambronne.
Oh ben oui désolée !! lu trop vite !…. ça m’étonnait aussi ! Je suis dans le 20ème tout près de la Gambette mais je ne connais pas du tout la maison Pichard dans le 15ème….
Une chose encore : quel est l’intérêt des galettes sèches, sinon de pouvoir d’étouffer avec ?
Je me suis toujours posé la question… La seule qui pourrait être intéressante est celle de chez Poilâne, parfumée cette année à la myrrhe et à l’encens.
s‘étouffer
Dans le genre très surprenant, il y a aussi la galette des rois de Sadaharu Aoki qui navigue entre la France et le Japon : crème frangipane au mâcha, morceaux de marrons glacés et Rhum. Il y a également la Reine et Roi de chez Delmontel avec sa frangipane au chocolat et ses noix de pécan caramélisées.
Pour Aoki, je trouve que cela fait un peu beaucoup entre amande, alcool et marrons… Quant à la maison Delmontel, je ne l’ai pas citée car vous connaissez mon amour pour l’homme et les produits 😉
Rémi, c’est vrai que vous êtes parfois un peu dur avec Delmontel… Je viens aussi de goûter sa galette au caramel beurre salé qui est franchement pas mal…
Une remarque par rapport au « réchauffage » de la galette, tous les pâtissiers ne sont pas d’accord : voici par exemple le conseil de dégustation qui est donné avec les galettes de Pierre Hermé : « la galette aux amandes et la galette Ispahan peuvent se déguster tièdes ou à température ambiante ». Alors qui croire ?
La galette de chez Toraya (crème d’amande, purée d’azuki et yuzu) est une pure merveille, même froide (en général, je préfère les manger tièdes, sinon, c’est un peu secos). La sensation en bouche est superbe. S’ils faisaient des galettes traditionnelles à la frangipane/crème d’amande, ce seraient mes préférées !
Mais la perfection a un prix : 29 € la galette 3 parts 🙁
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