Il y a des individus qui font plus parler que d’autres. Sans doute est-ce lié à leur façon d’agir, généralement plutôt décomplexée : si l’on se soucie trop souvent de ce que le reste du monde pensera de nos actes, il faudrait au contraire savoir s’en détacher pour enfin prétendre à une quelconque liberté. Ma conviction est que le caractère positif ou négatif des propos entretenus à notre sujet importe peu. Dans ce monde en mouvement perpétuel, souvent empreint d’une agressivité et d’une morosité latents, le plus difficile est tout simplement… d’exister. Exister pour continuer à avancer, à tracer sa route, en partageant son projet et sa vision avec force et conviction.

Le Moulin du Fromenteau, site très moderne bâti en 2004.

Le Moulin du Fromenteau, site très moderne bâti en 2004.

Bertrand Girardeau s’est inscrit dans cette voie très jeune : si la meunerie est avant tout une histoire de famille, les aléas de la vie l’ont conduit à s’investir très tôt dans l’entreprise familiale. Suite au décès prématuré de son père, c’est avec sa mère qu’il prendra la suite à la tête de cette entreprise en 1981. Ensemble ils vont perpétuer une tradition débutée dès 1895, avec l’acquisition du moulin du Feuillou. En parlant de tradition… française, celle-ci, le meunier s’y inscrira pleinement en rejoignant la Générale des Farines et contribuera ainsi au sursaut qualitatif connu par la boulangerie artisanale suite à l’adoption du décret pain.

Seulement, plutôt que de tracer une ligne droite, de continuer pleinement dans la voie tracée par ses ancêtres, celui qui se décrit lui-même comme un meunier-entrepreneur-constructeur a pris le parti de prendre des virages, d’aller vite, de grandir et de faire rugir -parfois un peu trop, jugeront certains- les moteurs de son entreprise. Sans doute est-ce lié à sa seconde passion, la course automobile.
Il faut dire que pour devenir l’un des acteurs majeurs de la meunerie française – Girardeau fait partie du « top 10 » des entreprises du secteur, aux côtés d’acteurs tels que les GMP, Soufflet, les Grands Moulins de Strasbourg, Evelia/Terrena, Axiane… -, il aura fallu y aller… pleins gaz. Le site historique du Feuillou, en bord de Sèvre, est rapidement devenu trop étroit. C’est ainsi qu’est né le Fromenteau, véritable tête du pont des « Moulins Associés », avec une capacité d’écrasement de 450 T / jour.

Les Moulins Associés sont engagés aux côtés de la CAVAC dans la démarche Agri-Ethique.

Les Moulins Associés sont engagés aux côtés de la CAVAC dans la démarche Agri-Ethique.

Pour Bertrand Girardeau, hors de question d’utiliser le mot « groupe » pour qualifier l’ensemble qu’il a bâti. La dénomination de Moulins Associés est défendue avec vigueur par l’entreprise, pour valoriser les spécificités de chacun des sites de production. Ainsi, en plus des 2 outils à Boussay, l’entreprise compte aujourd’hui 3 implantations supplémentaires : les Minoteries du Château à Ernée (53), la Minoterie du Bocage à Binic (22) et la Minoterie Corouge à Réguigny (56). Cette dernière est dédiée à l’écrasement du blé noir (ou sarrasin), avec un véritable savoir-faire associé à cette céréale au multiples visages – IGP Bretagne, Bio, d’importation…
Au total, ce sont plus de 830 T / jour de céréales qui peuvent être écrasées.

Sur le site du Feuillou, la Minoterie Suire. L'approvisionnement en céréales est géré par la CAVAC, avec des blés bio en provenance de France, de Roumanie et du Canada. L'argument avancé pour ces choix de fournitures, surprenants dans une logique d'Agriculture Biologique qui devrait être plus "locale", est le manque de volumes en blés Bio sur le sol français.

Sur le site du Feuillou, la Minoterie Suire. L’approvisionnement en céréales est géré par la CAVAC, avec des blés bio en provenance de France, de Roumanie et du Canada. L’argument avancé pour ces choix de fournitures, surprenants dans une logique d’Agriculture Biologique qui devrait être plus « locale », est le manque de volumes en blés Bio sur le sol français.

Cette grande capacité n’aurait pas de sens si elle avait été uniquement destinée à l’artisanat boulanger. L’industrie représente le plus important vecteur de volume pour la meunerie, et c’est pourquoi l’entrepreneur s’est tourné vers ce marché. Ses équipements lui permettent de réaliser des farines sur-mesure pour ses clients, notamment grâce à des stations de mélange hautement capacitives ainsi qu’à un stockage blé important.

Carrefour fait partie des clients de la Minoterie Girardeau pour la fabrication de ses farines biologiques vendues en rayon.

Carrefour fait partie des clients de la Minoterie Girardeau pour la fabrication de ses farines biologiques vendues en rayon.

Si ce choix a pu être critiqué, notamment car il compte dans sa clientèle la chaine Ange, ce positionnement est aujourd’hui assumé par l’entreprise, qui met en avant le fait que ces investissements profitent à tous, et que l’exigence des industriels fait avancer les process et donc la qualité de la farine. Cela impose également une véritable rigueur dans la maitrise des coûts et de la chaine logistique. En revanche, le service et donc l’essentiel de la force humaine déployée chez Girardeau sont dédiés aux artisans boulangers.

Les viennoiseries de toutes formes & couleurs sur le Stand Girardeau, à Serbotel 2015.

Les viennoiseries de toutes formes & couleurs sur le Stand Girardeau, à Serbotel 2015.

S’il y a bien un sujet sur lequel le meunier « multi-régional » s’est investi et a investi, c’est celui-ci : l’accompagnement et l’offre de services ont été placés au coeur de sa stratégie, et il s’est entouré pour cela de professionnels aguerris. Pour l’équipe commerciale, c’est Jean-Christophe Paturel – qui a oeuvré pendant plus de 10 ans aux Moulins Rioux – qui dirige les opérations.
L’équipe de démonstrateurs est bâtie sur de véritables piliers que sont Mickaël Chesnouard – Meilleur Ouvrier de France 2011 – et Fabrice Guéry – Compagnon du Devoir et présent depuis plus de 10 ans dans l’entreprise. Avec des boulangers talentueux tels qu’Olivier Coquelin, Frédéric Kerberenes, Fabrice Vuffray ou encore le dernier arrivé, Cédric Béziat, ils partagent avec la clientèle de la Minoterie Girardeau un savoir-faire riche et reconnu. Pains sur levain naturel, viennoiseries, … la maitrise technique rejoint la créativité et inspire les artisans.

Les bureaux du Moulin du Fromenteau, siège de la Minoterie Girardeau. Ils concentrent les activités commerciales, d'achat, de direction... et également le fameux Atelier M'Alice. Leur conception est écologique : l'isolement est réalisé en chanvre... fourni par la CAVAC, qui collecte également ce produit !

Les bureaux du Moulin du Fromenteau, siège de la Minoterie Girardeau. Ils concentrent les activités commerciales, d’achat, de direction… et également le fameux Atelier M’Alice. Leur conception est écologique : l’isolement est réalisé en chanvre… fourni par la CAVAC, qui collecte également ce produit !

La particularité de l’Atelier m’alice est d’être ouvert à tous : en effet, les formations peuvent être suivies par des professionnels de tous horizons. C’est une véritable vitrine du savoir-faire de l’entreprise, mais aussi un formidable outil pour partager et faire grandir une base de compétences que l’on doit chercher avant tout à protéger. Il s’agit, je pense, de l’un des enjeux majeurs du secteur pour les prochaines années et de telles initiatives doivent se développer pour y répondre. Des partenariats avec l’INBP sont d’ailleurs en cours de mise en place, notamment pour mettre en place une formation spécifique pour les équipes de vente. L’offre m’Alice s’étend bien au delà de la production et traite également des problématiques liées à la communication, à la gestion, …
L’espace aménagé depuis 4 ans valorise pleinement l’engagement de l’entreprise, puisqu’il accueille également le siège de la Minoterie Girardeau et de ses Moulins Associés. Chaque visiteur passe ainsi devant ce grand fournil vitré qui nous rappelle que c’est ici que se trouve l’essentiel : sans ces fournils et le travail assidu des femmes et hommes qui y oeuvrent, la boulangerie artisanale n’est pas grand chose.

L’enjeu pour une telle entreprise est à présent de parvenir à maintenir le niveau de qualité et de proximité qu’il met en avant et qui ont fait son succès. La forte croissance de ces dernières années rend forcément la chose plus compliquée, et c’est justement sur ces facteurs humains que l’on peut concentrer aujourd’hui la plupart des reproches aux acteurs de grande taille présents sur le marché. Il appartient donc à Bertrand Girardeau et à ses équipes de prouver que l’on peut tracer une autre route, tout en étant présent sur des marchés aussi différents que l’industrie et la boulangerie artisanale. La structure mise en place, où chaque moulin garde une certaine indépendance, permet sans doute de conserver une taille « correcte » pour chacun, même s’il faut que les moyens humains soient  adaptés.
Le défi ne manque pas d’intérêt, mais il faut garder à l’esprit qu’il ne fait pas qu’engager la minoterie : ses clients sont en première ligne pour juger des évolutions, avec toutes les implications que cela peut représenter pour leur activité. Voilà un sujet à suivre avec intérêt dans les prochaines années.

Les clients emblématiques de la minoterie Girardeau sont utilisés sur les supports de communication. Ici, Eric Marché.

Les clients emblématiques de la minoterie Girardeau sont utilisés sur les supports de communication. Ici, Eric Marché.

Si la vie est intéressante, c’est parce qu’elle se déroule en trois dimensions, créant ainsi un jeu de perspectives et de nuances qui donne du sens aux événements passés et à venir. Ceux qui se contentent de regarder le mouvement de façon linéaire se privent de l’essentiel et finissent par adopter un mode de lecture proche des hiéroglyphes : tout est présenté à plat, rendant l’ensemble facilement accessible… mais aussi tellement triste à long terme.

Le moulin et ses silos.

Le moulin et ses silos.

Ainsi, mon emploi du temps pourrait parfois sembler terriblement monotone : un moulin le dimanche, un autre le mardi et le mercredi, un dernier le vendredi… mais si les mots et les papiers tracent des contours, les hommes, les paysages et les histoires donnent des couleurs et du sens. Mon dernier billet était un peu à l’Ouest, changeons un peu de point cardinal pour découvrir ce riche lieu qu’est le moulin Dormoy, à Fougerolles (70). Je passe ainsi d’une ville – certes paisible – à la pleine nature. Contrastes et dénivelés.

La grande tente abritant les stands.

La grande tente abritant les stands.

C’est ici que se tenaient les Portes Ouvertes du second outil de la famille Foricher, du 27 au 30 septembre. Acquis en 2009, la perspective de devoir redonner de la vie à ce lieu en aurait sans doute découragé plus d’un. Il faut dire que les chantiers sont nombreux, à la fois sur le moulin en lui-même qu’au niveau de ses abords. Ces défis sont presque monnaie courante pour Yvon et Loïc Foricher, ce dernier étant en charge de la gestion du site. L’expérience acquise au Moulins des Gaults participera sans doute à la réussite du projet, mais l’essentiel se situe dans l’humain et le service : ce sont ces éléments qui attirent et fidélisent des boulangers passionnés, engagés dans une démarche de qualité.

Le mur à pains généreusement garni de la boutique éphémère.

Le mur à pains généreusement garni de la boutique éphémère.

On a pu voir défiler au cours de ces quatre jours des noms reconnus de la profession : Sébastien Chevallier, Stéphane Georgeon, Bruno Cormerais, Joël et Jérôme Schwalbach… des cols bleu-blanc-rouge qui ont trouvé en ce meunier un partenaire aux mêmes valeurs de partage et d’excellence. Ce n’est pas tout. Il y a ici quelque chose d’assez atypique qui se produit : il n’est pas uniquement question d’affaires, de ventes, de chiffres. Les visiteurs pouvaient découvrir librement les différents partenaires… sans se faire rattraper systématiquement par des logiques économiques. Atypique comme Sébastien Chevallier, Meilleur Ouvrier de France 2011 avec sa veste rose et son statut de professeur de CFA. Atypique comme toute cette aventure qui finit par faire toujours plus parler d’elle.

Le Pain de Traverse, de superbes pièces à la grigne naturelle, réalisées à partir de farine T80 écrasée sur cylindres.

Le Pain de Traverse, de superbes pièces à la grigne naturelle, réalisées à partir de farine T80 écrasée sur cylindres.

Tout cela nous prouve bien que l’humain compte tout autant, voire plus, que les machines dans le métier de meunier. Si certains se sont lancés dans la course à l’équipement avec des moulins toujours plus modernes, le travail réalisé par les équipes est essentiel : du chef meunier au livreur en passant par le contrôle qualité et les tests de panification au fournil d’essai, il n’y a pas de très bonne farine sans une équipe impliquée et engagée dans une dynamique de qualité et de remise en question permanente.

Des pâtes et des mains... le travail du façonnage suit son cours au fournil.

Des pâtes et des mains… le travail du façonnage suit son cours au fournil.

En la matière, les moulins Foricher sont exceptionnellement bien pourvus, et il me semble que c’est un des rares faits obtenant l’unanimité dans la profession. A chaque fois, les produits présentés lors de ces événements en sont une excellente preuve : alliant à la fois créativité (notamment sur les pièces de brioches, marbrées ou parfumées) et maîtrise technique, ils montrent la voie aux clients et prospects venus découvrir l’entreprise… une vraie source d’inspiration. J’aurais bien dit que les autres meuniers devraient suivre le même chemin… mais ils ne m’ont pas attendu. Certains ne se privent pas pour piocher allègrement dans les idées des autres. Que voulez-vous, il paraît que l’on n’a jamais vraiment rien inventé dans ce métier.

La clé de l'adhésion aux produits présentés ? Le goût, et donc la dégustation.

La clé de l’adhésion aux produits présentés ? Le goût, et donc la dégustation.

Si l’on n’invente rien, on peut tracer sa route, et l’illuminer d’une vision. L’aventure Dormoy ne fait que commencer : la capacité d’écrasement, assez faible aujourd’hui – environ 25 tonnes / jour -, correspond bien à la taille de la clientèle, composée de plus de 120 artisans boulangers. Il faudra la faire grandir, sans doute, moderniser les outils. De plus en plus de professionnels alentour sont sensibles à la démarche et font évoluer leur façon de travailler pour mieux correspondre aux attentes de leur clientèle… mais aussi faire face à la concurrence en se différenciant par la qualité.
Pour les accompagner et mieux les servir, les projets ne manquent pas : un centre de formation verra le jour dans les années à venir, élément indispensable pour mener à bien la démarche. Puisqu’il n’y a pas de bon pain sans bon grain, Yvon Foricher évoquait également la possibilité de collecter des céréales produites à proximité, dans une logique d’encouragement de l’agriculture locale et de cohérence, dans un contexte où l’impact écologique des productions doit être toujours réfléchi.

Le fameux Rodéo. Je ne l'ai pas affronté, j'avoue ma faiblesse.

Le fameux Rodéo. Je ne l’ai pas affronté, j’avoue ma faiblesse.

Sous les allures d’une agréable décontraction, tout cela est en définitive bien sérieux. On peut aller faire un tour sous la girafe gonflable, se confronter au terrible rodéo… mais on finit toujours par en revenir à la grande tente et ses différents stands, où le plus important reste encore et toujours le fournil. Ici, Patrick Cognard et toute l’équipe de démonstrateurs prouvent, comme à chaque fois, que les moulins Foricher ne font pas que vendre de la farine. Ils construisent avec le reste de l’équipe, commerciale, administrative, …, un projet global, cohérent, honnête et sincère. Autant de valeurs qui nous montrent la voie vers une filière boulangerie plus vertueuse.

Le principe des galaxies est de rester en orbite. Comme reliées par des fils invisibles, les étoiles se tiennent les unes les autres et brillent dans un ciel parfois agité. Si l’on ne parvient pas toujours à distinguer leur vive lueur, c’est parce que les obstacles sont nombreux : nuages, pollution, éclairage extérieur surabondant… difficile d’avoir toujours la tête dans les étoiles. Parfois on finit par ne plus avoir envie. Non pas que notre terre puisse satisfaire pleinement notre imaginaire et notre irrépressible envie d’ailleurs, mais les astres ne sont pas toujours aussi brillants qu’ils en ont l’air.

Le Moulin, vu de l'extérieur

Le Moulin, vu de l’extérieur

A Gournay-en-Bray (76), le Moulin Paul Dupuis apparaît comme une étoile atypique dans la galaxie Maurey. En effet, la famille est propriétaire de l’entreprise, tout en ayant délégué sa gestion et son développement à Lionel Deloingce et ses équipes.
L’originalité de l’entité se manifeste avant toute chose par son emplacement : c’est un véritable moulin « de centre ville », situé à quelques mètres de commerces et inscrit dans une sympathique cité, même si elle reste de petite taille. Cette spécificité impose ses contraintes, à commencer en terme d’espace. Les plafonds relativement bas peuvent surprendre. L’usine qui se dresse ici a construit son identité, presque son patrimoine. Les escaliers en bois et parquets en témoignent. Si les machines sont récentes – l’outil de mouture date principalement de 1998 -, on sent que le bâtiment a une histoire.

Les Planchister... sur un superbe parquet.

Les Plansichters… sur un superbe parquet.

Avoir une histoire, c’est bien, cela permet de savoir d’où l’on vient. Un outil utile pour tracer l’avenir. Chaque année, des investissements sont menés pour améliorer la productivité et rester dans « la course ». Ligne d’ensachage moderne et automatisée, nettoyage de qualité… aujourd’hui, ce moulin à cylindres a une capacité d’écrasement de 100 tonnes par jour, et fonctionne 7j/7, 24h/24. Autant dire qu’il y a de belles possibilités…

L'outil de nettoyage des grains schématisé sur le poste de contrôle.

L’outil de nettoyage des grains schématisé sur le poste de contrôle.

… mais à quoi les utiliser ? Artisanat, grande distribution, chaines …? Chez Paul Dupuis, le choix n’a pas été vraiment fait. Bien sûr, il n’était pas question de s’en vanter lors des portes ouvertes qui se sont tenues de dimanche à hier, mais l’entreprise ne fait pas que livrer la boulangerie artisanale. Le Groupe Holder (donc Paul Dupuis livre Paul, ça ne tombe pas au fond du puits) et Auchan sont aussi de la partie. Quitte à se couvrir la tête, autant multiplier les casquettes, cela tient chaud l’hiver. A l’image du reste du « groupe », Lionel Deloingce a participé à la création de Banette et compte encore aujourd’hui parmi ses adhérents. « Une autre idée de la farine » nous vante-t-on…

Banette 1900

Banette 1900

Pour autant, le chef d’entreprise a développé une vision qualitative et ambitieuse de la boulangerie artisanale. Sa proximité avec Yvon Foricher n’y est sans doute pas étrangère, le fameux meunier d’origine bretonne sachant marteler ses idées avec conviction et finir par acquérir la conviction d’acteurs toujours plus nombreux.

Le Stand dédié au CRC occupait une place importante dans ces portes ouvertes, qui restaient très familiales et modestes. On peut saluer l'initiative, mais j'ai du mal à voir tout cela cohabiter avec Banette à quelques mètres. Il y a deux mondes de la boulangerie qui sont difficilement compatibles : tandis que l'un porte l'avenir, l'autre est resté figé sur des outils marketing dépassés...

Le Stand dédié au CRC occupait une place importante dans ces portes ouvertes, qui restaient très familiales et modestes. On peut saluer l’initiative, mais j’ai du mal à voir tout cela cohabiter avec Banette à quelques mètres. Il y a deux mondes de la boulangerie qui sont difficilement compatibles : tandis que l’un porte l’avenir, l’autre est resté figé sur des outils marketing dépassés…

Cette rencontre avec la clientèle était en effet l’occasion d’annoncer l’adhésion au groupement CRC et de mettre en valeur la farine développée avec les céréales certifiées. Répondant au doux nom de Campteclair, elle est proposée avec des diagrammes de fabrication respectueux du temps et des arômes, avec de longues fermentations et, pour certains, du levain naturel.

Baguettes Campteclair (CRC) au Levain

Baguettes Campteclair (CRC) au Levain

Alexandre Deloingce – tout juste 23 ans ! – a été chargé de saisir un bâton de pèlerin pour prêcher la bonne parole auprès de la clientèle et tenter de faire évoluer les pratiques. La partie est loin d’être gagnée : ici, les artisans boulangers sont encore très sensibles au marketing de masse et n’ont pas suffisamment fait évoluer leurs méthodes, preuve en est de l’importance que Banette porte encore aujourd’hui dans le secteur. Même si les farines de l’Artisan Bio / Moulin de Brasseuil étaient également représentées, ce n’était sans doute pas le centre d’intérêt de la plupart des visiteurs… qui se préoccupaient plus des caisses enregistreuses ou des idées pour l’offre snacking.

L'espace "boutique" avec les produits de boulangerie.

L’espace « boutique » avec les produits de boulangerie.

Est-ce pour autant peine perdue ? Non, certainement pas. Il faudra seulement être tout à fait cohérent à un moment et prendre les décisions qui feront réellement avancer l’ensemble de la clientèle dans le même sens. Lionel Deloingce travaille beaucoup sur la formation de ses équipes commerciales, avec comme objectif de les impliquer plus fortement dans une démarche d’accompagnement et de qualité au sein de la clientèle. On ne peut que saluer l’initiative et la vision, car c’est ainsi qu’il faut prendre le problème : les forces de vente sont les premiers interlocuteurs de nos boulangers, et ils doivent sortir du rôle de simples preneurs de commandes qu’ils ont souvent adopté.

Les Pains Artisan Bio / Moulin de Brasseuil étaient bien mis en valeur.

Les Pains Artisan Bio / Moulin de Brasseuil étaient bien mis en valeur.

Paul Dupuis n’est pas un meunier très visible sur le marché parisien, et pour cause, ce n’est pas son coeur de cible. Chars et Chérisy sont géographiquement les plus à même d’apporter un service adapté. Pour autant, la famille Pichard, rue de Cambronne, a fait le choix de ce partenaire il y a déjà bien longtemps. Ensemble, ils ont mis en place l’engagement et le processus atypique qui donnent toute sa saveur à la fameuse baguette Pichard. C’est une bonne preuve de l’ouverture et de l’intérêt que peut porter ce meunier à l’artisanat… Seulement, après les idées, les petits pas, il est largement temps de passer aux actes et de donner une vraie cohérence à la démarche. Affaire à suivre.

Je ne suis pas un grand amateur de chiffres et statistiques, mais il y a parfois des données qui poussent à réfléchir : si l’on calculait le ratio d’artisans boulangers produisant un pain de qualité par rapport au nombre d’habitants d’une ville, je pense qu’on pourrait parfois trembler devant un tel constat d’échec. Quelles sont les raisons précises de telles situations ? On ne peut pas blâmer uniquement les professionnels, mais aussi la clientèle : dans de nombreuses zones, le public n’est pas encore assez sensible à la qualité et persistent à demander des produits blancs et sans saveur… Une situation qui a vite fait d’en décourager plus d’un.

A Marseille, la boulangerie artisanale est un secteur plutôt moribond : la plupart des affaires se laissent littéralement mourir, et avant de parler de qualité, il faudrait déjà commencer par faire un grand ménage. Je pense que l’état de certains fournils imposerait, dans certains cas, une fermeture administrative immédiate. 
Ce manque de dynamisme a fait le lit des gros faiseurs en meunerie, à l’image des Grands Moulins de Paris, de Soufflet / Baguépi ou de groupements comme Banette ou Festival, qui restent encore très implantés ici. Ils bénéficient d’une image très qualitative auprès des artisans, qui n’imagineraient même pas d’aller voir ailleurs.

Il faut dire que la clientèle ne fait pas preuve d’une particulière sensibilité à la question : beaucoup sont encore habitués à des pains insipides, en sous-cuisson. Le travail d’éducation à réaliser est d’ampleur, et je peux comprendre que cela en décourage plus d’un. Quand bien même ils étaient convaincus à la base, beaucoup d’artisans finissent par céder et les croûtes de leurs pains, jadis si colorées, finissent par blanchir… un peu comme si, à la façon de l’amour, on les avait passées à la machine.

Est-ce que les couleurs d’origines peuvent revenir (vous voyez comme je suis persistant dans ma référence culturelle) ? Certains s’y emploient, en tout cas. Certes, il ne m’aura pas fallu plus d’une main – et encore – pour les compter, mais ils ont pris une voie tranchée avec des gammes courtes, voire quasi-entièrement centrées sur la boulangerie.

Je vous avais déjà parlé de Dame Farine la semaine passée, mais il aurait été difficile de passer à côté de la Maison Saint-Honoré et du Fournil des Auffes, particulièrement en vue dès que l’on parle de pain à Marseille. Pierre Ragot a multiplié les créations colorées et les collaborations avec les chefs locaux : foccacia au charbon végétal, petits pains ‘bloomers’ au chocolat, pralines, … pain de mie feuilleté, sans compter les nombreuses grosses pièces à la coupe. Quelques cakes, viennoiseries et flans viennent compléter l’offre, mais c’est à peu près tout. Une grande partie des produits sont vendus au poids, ce qui permet à chacun de choisir sa part.

131 rue d’Endoume, 13007 Marseille / tél : 04 91 90 25 69
ouvert du mardi au samedi de 6h30 à 13h30 et de 16h à 19h30, le dimanche de 6h30 à 13h30 

Près de la gare Saint-Charles, c’est le Bar à Pain qui en fait… des tartines. Le lieu est atypique, vivant, une sorte d’hybride entre boulangerie et café. Les propositions sont centrées sur le pain – au levain, vendu au poids – et les pizzas, tartines, tartes et sandwiches du déjeuner. Très peu de sucré, pas de pâtisserie, quelques brioches et cookies. Même si l’ambiance est un peu surchauffée avec le fournil mélangé à la boutique, le tout dans un espace confiné, le côté jeune et dynamique de l’endroit est agréable.
Le projet est mené par un reconverti à la boulangerie, ayant suivi une formation au sein de l’Ecole internationale de boulangerie. C’est donc tout naturellement qu’il a poursuivi sur les bases qui lui ont été transmises, en réalisant du pain biologique à partir de la farine livrée par les Moulins Pichard.

18 Cours Joseph Thierry, 13001 Marseille / tél : 06 87 04 02 51
ouvert du mardi au vendredi de 10h à 20h, le samedi de 10h à 18h.

Et pendant ce temps-là…

La gastronomie marseille est plutôt active : entre chefs renommés (Gérald Passédat, Alexandre Mazzia, Lionel Levy, …) et nouvelles adresses (restaurant gastronomique dans le MuCEM, les Voutes de la Major, la rénovation des Galeries Lafayette…), on peut finir par se demander si un écart profond n’est pas en train de se creuser entre le « haut du panier », ciblant une clientèle aisée, et le reste du monde… dont la boulangerie et son caractère très prosaïque font partie. C’est dommage, mais cette tendance de fond peut être observée dans de nombreuses villes.

Sinon ?

Les amateurs pourront toujours se consoler du faible niveau de la boulangerie locale en cherchant quelles sont les meilleures navettes de la ville (chez « Au four des Navettes », qui revendique son statut de plus vieille boulangerie marseillaise ? ou bien chez « Aux Navettes des Accoules » …?), ou tout simplement en se promenant un peu… Parfois, il vaut mieux délaisser les nourritures terrestres pour celle de l’esprit et regarder plus le paysage que son assiette.

Paysage, Marseille (13)

J’ai longtemps écouté le dicton selon lequel les voyages forment la jeunesse, sans y attacher une quelconque importance. Non seulement je m’en moquais mais l’effort de sortir de mon quotidien pour aller chercher un ailleurs très incertain représentait pour moi une chose tellement conséquente que j’y ai longtemps renoncé. La vie prend parfois des détours bien étranges : à la fois on peut être assoiffé de liberté et s’enfermer soi-même, en pleine conscience. Les barrières sont faites pour tomber un jour ou l’autre, balayées par le vent ou par d’autres forces.

Sur la Grand Place, Lille

Sur la Grand Place, Lille

J’avais donc décidé de partir voir ailleurs, dans le Nord, à Lille. C’était un peu facile, rapide, mais il faut bien commencer quelque part. J’irai plus loin, voir comment la vie s’écrit dans des secteurs plus reculés, moins balisés, mais ce sera l’objet d’autres aventures… et donc d’écrits.

Dans les rues de LilleLa capitale des Flandres, puisque c’est l’un de ses surnoms, est une ville agréable, avec son vieux centre, son fort Vauban, ses vives couleurs par beau temps… à la fois forte d’un passé mais riche d’un avenir, on y sent une belle jeunesse et un certain dynamisme.
Elle n’échappe pas aux maux de notre époque : ses rues commerçantes sont peuplées par des enseignes très uniformes, aux allures bobo-chic. En définitive, le coût des loyers a fini par supprimer une bonne partie des perspectives de différenciation profonde de l’offre, car il faut disposer de moyens importants avant de pouvoir « s’offrir » de tels emplacements.

Devanture Paul, Lille

Bon, on repassera pour le dépaysement, mais il ne fallait tout de même pas se priver d’essayer de goûter un peu de la couleur locale. Nous sommes ici sur les terres historiques de la famille Holder, et les boutiques Paul que l’on découvre au fil des rues ont conservé leur cachet. Bien sûr, en terme de produits, pas de miracles – heureusement, dans un sens, il y aurait de quoi être frustré sinon ! La force des emplacements et l’ancrage dans la cité assurent encore aujourd’hui le succès de l’enseigne. Il faut dire que les artisans boulangers ne sont pas légion dans l’hyper-centre.

Boulangerie Brier

Boulangerie Brier

Je vous avais parlé d’Alex Croquet précédemment, mais on pourrait aussi citer le couple Brier à quelques pas. Peut-être qu’ils brillèrent avec les pains de Briard (ils sont affiliés à la marque Banette), mais aujourd’hui, rien de bien détonnant.

Pâtisseries chez Meert

Pâtisseries chez Meert

Il y a bien sûr l’institution locale, la pâtisserie-salon de Thé Meert et ses fameuses gaufres. En vitrine, les pâtisseries appellent le passant avec un visuel particulièrement léché. A quelques pas, Patrick Hermand (4 boutiques dans la région Nord, tout de même) déploie lui aussi ses douceurs dans un style tout aussi soigné, le décor « à l’ancienne » en moins. N’oublions pas non plus de citer les fameux Merveilleux de Fred, qui ont tellement colonisé les grandes villes françaises qu’on en oublierait presque qu’elles sont nées ici.

Maison Doucet, dans le quartier de Wazemmes.

Maison Doucet, dans le quartier de Wazemmes.

En réalité, c’est en s’éloignant un peu de ce secteur que l’on trouve sans doute les adresses les plus authentiques. Dans le quartier de Wazemmes, Patrick Doucet et son équipe proposent une très belle gamme de pains, allant des classiques aux céréales anciennes (Kamut, petit épeautre) en passant par des déclinaisons gourmandes (noix, foccacia aux multiples saveurs, …). Les viennoiseries sont également de très bonne facture, et même si la pâtisserie n’est pas le domaine de prédilection de l’artisan, il a su rester dans le domaine boulanger.
D’autres artisans régalent également leur clientèle, à l’image de Christophe Pitman à Lambesart, de Vianney Degruson un peu plus loin dans le Vieux Lille, …

Eric Kayser, Gare de Lille Flandres

Eric Kayser, Gare de Lille Flandres

Parmi les derniers arrivants, on compte également Eric Kayser, qui est entré en Gare de Lille Flandres au travers d’un partenariat conclu avec Relay. La nouvelle pourrait paraître anecdotique, mais le boulanger globe-trotter n’a pas trahi ses fondamentaux en installant un vrai fournil sur place. Bon, on repassera pour l’aménagement décidément très… orange, ce qui ne correspond plus aux standards développés par la maison aujourd’hui.

Boulangerie Degruson

Boulangerie Degruson

Bref, Lille c’était joli et gourmand, bien qu’un peu uniforme. On repassera pour le dépaysement, mais on reviendra pour découvrir un peu plus les adresses locales, et notamment côté restaurants où des jeunes chefs comme le très tendance Florent Ladeyn agitent le secteur.

Fort heureusement, je ne fais pas que courir le pain, même si on pourrait parfois le penser. En dehors de ces plaisirs quotidiens que peuvent représenter le calme du jour qui se lève, le plaisir de construire et d’échanger autour de projets, d’histoires… je me promène souvent et je visite divers salons, professionnels ou grand public. J’y retrouve parfois des têtes biens connues, des marques très présentes sur le terrain ou dans l’espace médiatique. C’est tantôt un plaisir, tantôt une source de désagréments.

L'Artisan Bio, Moulins de Brasseuil (78)

Olivier Deseine est sans doute l’une des personnes que j’ai eu l’occasion de croiser le plus souvent dans les événements liés de près ou de loin au pain. SIRHA à Lyon, SIAL à Villepinte, JTIC à Reims, ou plus récemment au cours de la Fête du Pain sur le parvis de Notre-Dame ainsi que lors des Journées Professionnelles des Moulins de Chérisy, … il faut dire que l’homme compte parmi les acteurs impliqués dans l’évolution de la filière.
Non content de diriger les Moulins de Brasseuil, il exerce des responsabilités au sein de l’ANMF (présidence de la commission Bio & de la Région Ile-de-France) et de l’Observatoire du Pain. Il participe ainsi aux évolutions de la filière et tente d’apporter une vision ouverte et constructive dans un secteur souvent enclin à l’immobilisme et aux guerres de clan.

A gauche, le camion décharge le grain. La remorque à gauche stocke du son qui sera ensuite valorisé. Au milieu, derrière les fenêtres, les meules et cylindres s'activent.

A gauche, le camion décharge le grain. La remorque à gauche stocke du son qui sera ensuite valorisé. Au milieu, derrière les fenêtres, les meules et cylindres s’activent.

C’est dans la région de Mantes-la-Jolie que son histoire au sein de la meunerie commence. Fils de Meunier – son père et son grand-père exploitaient le Moulin de Mantes -, il a commencé très tôt, avant même l’âge de 16 ans, à creuser le sujet… en travaillant aux Moulins de Brasseuil, que sa famille achètera finalement en 1984.
Entre temps, Olivier Deseine sera passé par une école de commerce, aura suivi des cours particuliers en meunerie et mis en pratique les compétences ainsi acquises de façon régulière au sein de multiples moulins.
Cette double expertise lui permet aujourd’hui d’être pointu sur l’ensemble des sujets ayant trait à son activité, en pouvant ainsi passer des aspects commerciaux en clientèle au travail auprès des agriculteurs et coopératives.

Les Soder. Ces engins, dont la fabrication a été arrêtée, constituent en quelque sorte une solution intermédiaire entre les anciennes meules horizontales et les broyeurs à cylindres. Ils sont en effet composées d’un cylindre horizontal à base de pierre meulière broyée et liée par un ciment spécial, ce cylindre écrase le grain contre un sabot réglable de même composition et qui s’écarte automatiquement dès qu’un objet dur se présente.

Les Soder. Ces engins, dont la fabrication a été arrêtée, constituent en quelque sorte une solution intermédiaire entre les anciennes meules horizontales et les broyeurs à cylindres. Ils sont en effet composées d’un cylindre horizontal à base de pierre meulière broyée et liée par un ciment spécial, ce cylindre écrase le grain contre un sabot réglable de même composition et qui s’écarte automatiquement dès qu’un objet dur se présente.

La spécificité des Moulins de Brasseuil est en effet d’avoir fait partie des pionniers de l’Agriculture Biologique, en s’y engageant dès 1972. En s’y installant durablement en 1987, la famille Deseine aura à coeur de développer cette activité. L’outil a été adapté en conséquence : initialement, le circuit pneumatique destiné au transport du grain et des produits était mutualisé entre les meules et les cylindres, ce qui imposait des interruptions de production à chaque changement de processus, en plus d’engendrer des risques de contamination entre céréales conventionnelles et biologiques.
Progressivement l’outil a gagné en capacité, tandis que le Bio prenait de l’ampleur… pour atteindre près des 2/3 de l’activité aujourd’hui, une belle preuve de la pertinence de l’engagement.

La ligne d'ensachage, dont le fonctionnement est très moderne, avec palettisation automatique. En effet, les Moulins de Brasseuil ont été parmi les premiers à passer aux sacs de 25kg. De par son implication au sein de l'Association Nationale de la Meunerie Française, Olivier Deseine est parmi les premiers informés de l'évolution des "bonnes pratiques" du secteur. Il a ensuite à coeur de les mettre en oeuvre pour inciter les autres acteurs à suivre le mouvement. C'est notamment le cas avec un système de silos "souples" (assez semblables aux "big bag" où sont parfois entreposées certaines céréales) qu'il a déployé au sein du moulin, ce qui facilite le nettoyage et limite les risques de contamination.

La ligne d’ensachage, dont le fonctionnement est très moderne, avec palettisation automatique. En effet, les Moulins de Brasseuil ont été parmi les premiers à passer aux sacs de 25kg. De par son implication au sein de l’Association Nationale de la Meunerie Française, Olivier Deseine est parmi les premiers informés de l’évolution des « bonnes pratiques » du secteur. Il a ensuite à coeur de les mettre en oeuvre pour inciter les autres acteurs à suivre le mouvement. C’est notamment le cas avec un système de silos « souples » (assez semblables aux « big bag » où sont parfois entreposées certaines céréales) qu’il a déployé au sein du moulin, ce qui facilite le nettoyage et limite les risques de contamination.

Pertinence mais également pragmatisme et engagement. Voilà trois mots qui correspondent bien pour décrire Olivier Deseine. Dans un secteur où de nombreux acteurs sont malades de leur égocentrisme et de leur manque d’ouverture d’esprit, il a au contraire fait le choix de se rapprocher d’autres acteurs pour les engager dans sa démarche. Ainsi est née la marque l’Artisan Bio, qui est distribuée par plusieurs meuniers nationaux (Chars, Chérisy, Fouché, Ceard, …).
En parallèle, des synergies ont été créées avec les moulins de la famille Maurey, qui fournissent notamment leur assistance en terme de services (démonstrateurs, tests de panification), de contrôle qualité… Ces derniers ont d’ailleurs pris une part conséquente de l’actionnariat du moulin, dans une optique de transmission et de continuité.

Les Moulins de Brasseuil vendent de la farine aux particuliers les mercredis et vendredis après-midi.

Les Moulins de Brasseuil vendent de la farine aux particuliers les mercredis et vendredis après-midi.

L’engagement prend forme dans les champs, où les Moulins de Brasseuil sont particulièrement impliqués : si d’autres acteurs se déchargent de ce sujet et le confient à des coopératives ou des négociants, la volonté développée ici était de créer une véritable dynamique pour développer l’Agriculture Biologique à proximité, dans une logique de développement durable et de « manger local ». Il a fallu convaincre les coopératives et les agriculteurs de se lancer dans ce mode de culture, en leur assurant un débouché fiable. Un véritable travail de fourmi. Aujourd’hui, entre 50 et 70% de l’approvisionnement en blés Biologiques est issu de l’Ile-de-France. Ce chiffre est une belle réussite pour le « meunier nature », lequel a tissé des liens étroits avec le CERVIA, organisme en charge du label Saveurs & Talents Paris Ile-de-France.

Dans les bureaux, on retrouve des souvenirs des stands de certains salons : SIAL, SIRHA, ... Les Moulins de Brasseuil communiquent sur leur démarche Bio et locale.

Dans les bureaux, on retrouve des souvenirs des stands de certains salons : SIAL, SIRHA, … Les Moulins de Brasseuil communiquent sur leur démarche Bio et locale.

Si le sujet aurait pu paraître anecdotique il y a quelques années, il est devenu complètement dans l’air du temps aujourd’hui et fait l’objet d’une demande soutenue de la part d’artisans passionnés, qui souhaitent transformer des matières premières locales. C’est un axe de développement significatif pour le moulin, et une récompense pour la fidélité portée à ces valeurs. Des récompenses, on en retrouve d’ailleurs chez plusieurs des clients des Moulins de Brasseuil : Michel Fabre, Anthony Bosson et Frédéric Pichard se sont distingués à plusieurs reprises pour la qualité de leur pain biologique. Laura Petit, fondatrice de Scoop Me a Cookie, utilise également cette même farine… pour des biscuits savoureux et appréciés de nombreux gourmands.

Une meule, fabriquée dans l'Ain.

Une meule, fabriquée dans l’Ain.

Au bord de la Vaucouleurs, petit fleuve tranquille, le site semble donc couler des jours heureux. Les meules, véritable signature de l’entreprise, écrasent doucement le grain en dix passages… pour des pains riches en saveurs et en nutriments. De leur côté, les cylindres réalisent des farines plus conventionnelles, destinées à la réalisation de pains de Tradition, de viennoiseries ou de pâtisseries. Aujourd’hui, avec les Moulins de Versailles, c’est le dernier site meunier en activité dans les Yvelines.
Pour autant, il faut penser à l’avenir, et c’est sans doute l’une des préoccupations majeures entretenues par Olivier Deseine. Les vifs assauts de la grande distribution et des réseaux de boulangeries, la baisse de consommation de pain, la peur du gluten, … autant de sujets qui occupent une place importante dans son emploi du temps. Il multiplie les interventions dans le cadre de l’Observatoire du pain, tente de fédérer pour mettre en place des opérations de communication, … même si l’attentisme de ses confrères tend parfois à susciter un certain découragement.

Sacs de farine Biologique, Moulins de Brasseuil (78)

Les prochaines étapes ? Mettre en place le Label Rouge pour les farines de Meule, un processus engagé de longue date (porté initialement par les Moulins Bourgeois), et surtout continuer à apporter une gamme de produits variée et qualitative, où les céréales anciennes trouvent de plus en plus de place (avec notamment le Petit Epeautre).
L’Observatoire du pain compte également développer de la communication sur le pain au petit-déjeuner, ainsi que sur le sujet sensible du Gluten. Autant d’occasions d’entendre Olivier Deseine défendre ses convictions… et sans doute pour moi de le croiser au hasard de mes pérégrinations !

Plus d’informations

Moulins de Brasseuil : http://www.moulindebrasseuil.com
Observatoire du pain : http://www.observatoiredupain.fr

Je vous avais déjà parlé de course de fond pour décrire ma démarche painrisienne, mais avec le temps je me découvre d’autres talents… de nageur, notamment. En effet, je nage à contre-courant pour remonter la filière pain, en visitant aussi bien boutiques, fournils, moulins et à présent champs. Ce parcours me permet de mieux appréhender l’engagement d’hommes et de femmes pour aboutir à un produit de qualité, et en la matière, chaque maillon de la chaine compte. On parviendrait difficilement à faire du bon pain avec des farines moulues à partir de blés de piètre qualité, dépourvus de tout intérêt nutritionnel et technique.

Des blés, visite chez Capserval, juin 2013

Ce fait-là, Yvon Foricher l’a bien compris en choisissant, depuis le début de son activité au Moulin des Gaults, de sélectionner une matière première de haute qualité. Faire de la Tradition, c’est bien. La faire avec des blés cultivés dans des conditions acceptables, c’est mieux. En effet, si le cahier des charges définissant la baguette de Tradition impose l’absence d’additifs, il ne présume pas des traitements administrés aux céréales, ni à l’environnement dans lequel elles sont produites.

Des blés barbus. Ils seront très appréciés en bordure de forêt, car les sanglier n'aiment pas cette fameuse "barbe" qui a tendance à se coincer entre leurs dents.

Des blés barbus. Ils seront très appréciés en bordure de forêt, car les sanglier n’aiment pas cette fameuse « barbe » qui a tendance à se coincer entre leurs dents.

CRC, voilà un acronyme bien mystérieux pour la plupart des consommateurs. Trois lettres pour signifier Culture Raisonnée Contrôlée. Cette démarche a vu le jour en 1989, à destination de l’alimentation infantile. Plasmon, un marque italienne spécialisée dans la « Baby Food », a été parmi les premières à souhaiter s’engager sur la qualité de ses produits et la traçabilité de l’ensemble de ses matières premières, avec bien évidemment le blé en ligne de mire. Le crédo est simple : Obtenir des produits sains et de qualité tout en respectant l’environnement.

Catherine Robillard et Michel Deketelaere

Catherine Robillard et Michel Deketelaere

Ainsi, l’histoire commence chez Capserval, une coopérative céréalière implantée non loin de Sens. A cette époque, le législateur n’a pas encore pris conscience de l’importance des pratiques culturales sur l’environnement et sur la santé des consommateurs. Cette initiative privée revêt un caractère précurseur, qui sera reconnu en 1999 avec l’obtention d’une Certification de Conformité Produit. Ce sigle de qualité officiel permet de crédibiliser l’ensemble, avant d’aboutir un an plus tard à la création d’un GIE regroupant différents acteurs de la filière : Agriculteurs, Organismes stockeurs, Meuniers, Industriels, … Chacun est impliqué dans le développement de la démarche.

Les parcelles sont bien distinctes et correspondent chacune à une variété. Au fond, des études d'impact environnemental sont menées sur 7 ans afin de mieux comprendre les implications des pratiques culturales sur les sols. Ainsi, les ingénieurs modulent les doses de traitement, les retirent, etc.

Les parcelles sont bien distinctes et correspondent chacune à une variété. Au fond, des études d’impact environnemental sont menées sur 7 ans afin de mieux comprendre les implications des pratiques culturales sur les sols. Ainsi, les ingénieurs modulent les doses de traitement, les retirent, etc.

Pour parvenir à associer qualité, respect de l’environnement et performance, il est indispensable de mener un travail de recherche et développement. Ce dernier se concrétise par l’implantation de champs d’essais, comme celui que j’ai pu visiter en cette fin de semaine.
Accueillis par Michel Deketelaere, responsable qualité et développement de Capserval, et Catherine Robillard, ingénieure agronome chez Seine-Yonne – un groupement de coopératives -, nous avons découvert les différents éléments qui font la démarche CRC au quotidien.

Les pièges à insectes permettent de détecter une éventuelle attaque sur le secteur, et de déclencher les actions nécessaires si besoin.

Les pièges à insectes permettent de détecter une éventuelle attaque sur le secteur, et de déclencher les actions nécessaires si besoin.

Lorsque l’on veut cultiver du blé CRC, il est nécessaire de s’éloigner des grosses artères routières : le groupement a en effet intégré dans ses critères une distance de « sécurité » pour protéger les cultures de la circulation automobile. Nous nous retrouvons ainsi au calme, perdus quelque part sur la commune d’Evry. Les variétés de blés sont bien alignées, divisées en petites parcelles. Leur développement est étudié au quotidien par les équipes de Seine-Yonne (Capserval & 110 Bourgogne) afin de déceler maladies, attaques d’insectes, résistance au vent… Autant d’éléments qui influent sur la qualité d’une récolte et son utilisation en Meunerie ou ailleurs.

Le Seigle se distingue nettement du blé : cette céréale rustique produit des plants plus hauts et vigoureux.

Le Seigle se distingue nettement du blé : cette céréale rustique produit des plants plus hauts et vigoureux.

Le catalogue de semences est en perpétuelle évolution : chaque année, de nouvelles variétés sont développées puis expérimentées. Ici, des noms bien connus tels qu’Apache (un blé cultivé depuis déjà plusieurs années, et en perte de vitesse) côtoient des numéros qui représentent autant de céréales en devenir. Chacune aura ses spécificités : barbue ou non, résistante à la fusariose (une des nombreuses maladies atteignant le grain), plus ou moins précoce … En fonction des constatations réalisées ici ou sur l’un des nombreux sites d’expérimentation, on pourra établir un « tableau » précis et orienter les agriculteurs vers une variété plutôt qu’une autre, en fonction de leurs besoins, du type de sol qu’ils possèdent, de leur terroir, etc.

Catherine Robillard nous explique les différences entre variétés de blé, ainsi que les pratiques mises en oeuvre pour les protéger : en plus du désherbage chimique, une action mécanique est de plus en plus menée, avec dans certains cas un guidage GPS : un traitement toujours plus précis, et donc moins intensif ou inutile, correspondant à un besoin et non à une "éventualité".

Catherine Robillard nous explique les différences entre variétés de blé, ainsi que les pratiques mises en oeuvre pour les protéger : en plus du désherbage chimique, une action mécanique est de plus en plus menée, avec dans certains cas un guidage GPS : un traitement toujours plus précis, et donc moins intensif ou inutile, correspondant à un besoin et non à une « éventualité ».

L’objectif sous-jacent demeure une utilisation minimale de produits insecticides ou de désherbants : les résidus (de mycotoxines – provenant du développement de champignons sur les blés – ou de pesticides) sur le produit final ne doivent pas excéder un certain seuil, exprimé… en microgrammes, soit bien en dessous des limites fixées par les pouvoirs publics ou même dans le cadre de l’agriculture Biologique. Le CRC démontre là son objectif de qualité supérieure.

Un silo à grain, cela en impose !

Un silo à grain, cela en impose !

Cette même qualité doit se retrouver à la panification, avec des caractéristiques techniques (force, taux de protéines…) permettant un emploi facilité suite à l’écrasement en Meunerie. Chaque blé suit ainsi un processus de certification, visant à aboutir à un label « Blé Panifiable Supérieur », puisque c’est ce que souhaite cultiver Capserval. D’autres types existent, à l’image des blés biscuitiers, des blés améliorants, ou des blés autres usages. La classification attendue n’est pas toujours celle remise par l’organisme certificateur, et certaines variétés sont donc « déclassées ». L’Association Nationale de la Meunerie Française – ANMF – rend elle aussi son avis au travers de son catalogue de variétés recommandées, dites « VRM ».
Au fil du temps, les blés cultivés dans les champs changent. On en oublie certains au profit de nouveaux, aux caractéristiques plus intéressantes.

L'ensemble des cellules sont gérées de façon informatisée, avec une supervision en temps réel de la température.

L’ensemble des cellules sont gérées de façon informatisée, avec une supervision en temps réel de la température.

Qui dit grain dit aussi stockage. En la matière, le groupement CRC a décidé d’avoir son mot à dire en imposant un stockage sous ventilation à l’air naturel, avec absence d’insecticide de stockage. Une exigence très pointue là encore, puisque le label Biologique n’oblige à rien de tel de son côté.
Cela a poussé Capserval à investir dans ses outils, et notamment à bâtir des silos modernes, tel que celui-ci : inauguré en 2008, il présente une capacité de stockage de 35000 tonnes de grain. Sa conception a été entièrement pensée afin de s’inscrire dans une démarche d’économie d’énergie.

Une des machines de ventilation.

Une des machines de ventilation.

A l’intérieur des cellules, la température est régulée afin de la maintenir toujours inférieure à celle présente à l’extérieur, pour rendre le silo bien peu attirant aux yeux des insectes. Une innovation a également été développée sur ce site, avec un silo « homogénéiseur » : il permet en effet de réaliser un mélange homogène de variétés, grâce à une division en 6 parties sur le principe d’un camembert. Le grain pénètre par le haut, et est entrainé par la gravité. Cela permet d’éviter d’avoir plusieurs « couches » comme c’est le cas dans un silo traditionnel.

Au dessus des silos, les machines se chargent d'acheminer le grain et de remplir.

Au dessus des silos, les machines se chargent d’acheminer le grain et de remplir.

On retrouve bien sûr d’autres équipement plus traditionnels, comme des cellules de séchage (très utilisées pour le maïs, mais aussi lorsque les blés sont trop humides), et trois voies de chargement : fer (le premier convoi ferroviaire partira d’ailleurs la semaine prochaine), eau ou route. Voilà de quoi distribuer le bon grain CRC, mais aussi l’orge à destination des brasseurs, entre autres céréales stockées ici.

Les péniches peuvent être chargées directement par le biais de ce système.

Les péniches peuvent être chargées directement par le biais de ce système.

Vous l’aurez compris, Capserval s’est profondément engagé dans le virage du CRC, et Foricher y a bien participé. Michel Deketelaere se rend très régulièrement au Moulin des Gaults et les échanges avec les équipes techniques du meunier sont permanents, afin d’assurer qualité et régularité. Ce partenariat est valorisé auprès des clients finaux, puisque des représentants de la coopérative sont dépêchés lors des animations organisées autour de la baguette Bagatelle : de cette façon, le consommateur peut faire connaissance avec l’ensemble de la filière blé-farine-pain et mieux comprendre le rôle de chaque acteur. Cette démarche prend tout son sens dans une période où il faut rassurer et défendre des produits de qualité face à une industrie aux pratiques déviantes.
Le CRC a donc de beaux jours devant lui, preuve en est de ses clients toujours plus nombreux : Saint-Michel a fait le choix d’utiliser une farine CRC pour l’ensemble de sa production, l’alimentation infantile est toujours plus demandeuse, la plupart des meuniers ont intégré une offre Label Rouge/CRC dans leur catalogue…

La boulangerie est une affaire de culture, et ce à plusieurs titres. En réalité, il convient de donner plusieurs sens à ce mot. Tout commence par la culture… dans les champs, où les blés et céréales poussent avant d’être récoltés par les agriculteurs. Cela se prolonge dans les fournils où le pain qui est produit dépend de la culture locale, ici ce sera plutôt des baguettes, tandis que les spécialités pourront être fort différentes dans d’autres régions du monde.

Il y a la belle, le bon et le truand. A Poilly, jusqu'à mercredi, il y a le moulin, la tente et... le taureau. Une installation plutôt inhabituelle en meunerie.

Il y a la belle, le bon et le truand. A Poilly, jusqu’à mercredi, il y a le moulin, la tente et… le taureau. Une installation plutôt inhabituelle en meunerie.

De la culture, il en faut tout autant pour parvenir à produire une farine de qualité. Assemblage entre variétés, terroirs… La meunerie est un métier complexe, où il faut composer avec les aléas du temps et des cours. Au delà de ces aspects techniques, la dimension culturelle s’inscrit dans la façon de concevoir cette activité et le public auquel on s’adresse : ce ne sont pas les mêmes produits et approches selon qu’on s’adresse à des artisans ou à des industriels.
Chez Foricher, on a fait le choix dès le début de cultiver un état d’esprit bien à part, avec de nombreux facteurs différenciants et un engagement total envers sa clientèle 100% artisanale.

Dès l'entrée, les produits, les hommes et les femmes qui font Foricher sont mis en avant.

Dès l’entrée, les produits, les hommes et les femmes qui font Foricher sont mis en avant.

Dans ce cadre, des Portes Ouvertes sont organisées de façon « traditionnelle » dans les deux moulins détenus dans la famille. Cette année, c’est à Fougerolles que le bal s’est ouvert, du 9 au 12 juin. Les moulins Dormoy et toute sont équipe ont ainsi accueilli leurs clients… et c’est à présent au tour des Gaults de continuer dans la même lignée. Puisque je parlais de bal, la journée de dimanche se sera achevée de façon festive avec un concert organisé en soirée.

Pour donner un aspect festif, rien de tel qu'un peu de musique !

Pour donner un aspect festif, rien de tel qu’un peu de musique !

Cet événement musical est l’un des nombreux éléments qui contribuent à donner à l’entreprise un véritable caractère familial, où les artisans ne sont pas de simples clients. Pendant ces quatre jours, ils peuvent se rencontrer et rencontrer les différents acteurs qui animent le moulin au quotidien : commerciaux, démonstrateurs, techniciens, responsables qualité… L’accent est mis sur l’échange et l’enrichissement mutuel. Dès son arrivée, le visiteur est immergé dans l’univers du meunier, à commencer par la valorisation de ses produits phares – et plus particulièrement de la fameuse Bagatelle, une baguette de Tradition française réalisée à partir de farine Label Rouge.

Ici, la star, c'est la Bagatelle : cette baguette de Tradition certifiée Label Rouge répond à un cahier des charges très précis, aussi bien sur le plan technique qu'organoleptique. Le processus de certification est exigeant et garantit un produit d'exception, bien en phase avec les codes de communication adoptés pour ce produit (tons noirs issus de l'univers du luxe, PLV nombreux...)

Ici, la star, c’est la Bagatelle : cette baguette de Tradition certifiée Label Rouge répond à un cahier des charges très précis, aussi bien sur le plan technique qu’organoleptique. Le processus de certification est exigeant et garantit un produit d’exception, bien en phase avec les codes de communication adoptés pour ce produit (tons noirs issus de l’univers du luxe, PLV nombreux…)

Le Label Rouge et le CRC, voilà deux signatures qui ont fait de Foricher un acteur particulièrement engagé parmi les meuniers. Ces labels garantissent de bonnes pratiques en terme de culture et de stockage des blés, des éléments rassurants pour un consommateur en manque de repères. D’ailleurs, la Bagatelle est utilisée pour contrer les offensives des chaines boulangères au développement rapide et dévastateur : en élevant la qualité, les artisans apportent de vraies réponses et fidélisent leur clientèle.

Les viennoiseries ne manquent pas d'allure, bien dorées et façonnées. La dégustation de pain est également bien mise en avant.

Les viennoiseries ne manquent pas d’allure, bien dorées et façonnées. La dégustation de pain est également bien mise en avant.

Une fois cette entrée en matière réalisée, impossible de passer à côté des nombreux pains et gourmandises mis au point par Patrick Cognard et son équipe. Que ce soit en terme de goût, de cuisson ou d’alvéolage, difficile de mettre en défaut les produits présentés dans cette charmante boutique de démonstration.
Ici, pas de pré-mixes à outrance, mais plutôt des recettes et tours de mains mis à disposition des artisans pour développer leur gamme de façon cohérente et rentable. Au delà des déclinaisons autour de la baguette de Tradition, des pains spéciaux (ciabatta, pain des Gaults aux cranberries, épeautre-sésame, tourte de Seigle, …), l’accent est mis sur la gourmandise : c’est en effet cette dernière qui est un excellent vecteur de marge.

Ces "tartes briochées" se révèlent être de redoutables gourmandises : la déclinaison fruits rouges associe la douceur moelleuse du fond de pâte à la fraicheur des fruits, pour un résultat addictif. Les déclinaisons aux fruits jaunes ou pistache-griotte ne sont pas en reste. L'idée est excellente, car ce sont des produits simples, accessibles et très savoureux.

Ces « tartes briochées » se révèlent être de redoutables gourmandises : la déclinaison fruits rouges associe la douceur moelleuse du fond de pâte à la fraicheur des fruits, pour un résultat addictif. Les déclinaisons aux fruits jaunes ou pistache-griotte ne sont pas en reste. L’idée est excellente, car ce sont des produits simples, accessibles et très savoureux.

Le constat est simple : lorsqu’un consommateur se rend chez son boulanger, il s’attend à trouver des produits simples, peu onéreux, lui permettant de se faire plaisir au quotidien. Pour cela, rien de tel que les brioches et viennoises. Au muesli, « marbrée » nature-chocolat, citron vert-chocolat blanc, … les déclinaisons ne manquent pas. Cette même base briochée peut également se décliner en gâteaux à partager, façon tartes : ainsi, l’artisan n’a pas à multiplier le nombre de pâtes à préparer et peut concentrer son savoir-faire sur des éléments clé. C’est aussi l’occasion de présenter la dernière nouveauté de la gamme, le « Complet CRC », garanti sans pesticides et travaillé de manière à obtenir un pain alvéolé et agréable au goût.

Formes, saveurs, couleurs... Rien ne manque dans ces oeuvres de snacking réalisées par l'équipe du CFA de Bourges !

Formes, saveurs, couleurs… Rien ne manque dans ces oeuvres de snacking réalisées par l’équipe du CFA de Bourges !

Côté salé, un professeur du CFA de Bourges et ses élèves sont à l’oeuvre, avec des créations autour du sandwich. Couleurs, formes, tout est étudié pour mettre en appétit le consommateur avec un visuel abouti. L’initiative est d’autant plus louable qu’elle valorise un partenariat de longue date avec l’organisme, dont les futurs boulangers bénéficient du « carnet d’adresses » de Foricher pour développer leurs connaissances au travers de stages et expériences.

Les gants magnétiques proposés par ce fournisseur d'équipement sont redoutables : simples d'usage, assez peu coûteux, ils rendent l'hygiène en vente toute naturelle. On notera aussi la présence de bien jolis bacs à pâte et à farine siglés Foricher.

Les gants magnétiques proposés par ce fournisseur d’équipement sont redoutables : simples d’usage, assez peu coûteux, ils rendent l’hygiène en vente toute naturelle. On notera aussi la présence de bien jolis bacs à pâte et à farine siglés Foricher.

Les partenariats, voilà un élément clé de la démarche. Si l’on veut assurer aux artisans un service complet et cohérent, il faut développer un véritable écosystème autour du savoir-faire de base. Ainsi, ces Portes Ouvertes sont l’occasion de présenter de nombreuses solutions utiles au quotidien d’une entreprise : un logiciel de gestion de recettes, de coûts, d’équipes…, un fabricant de fèves pour les galettes des Rois, un fournisseur d’équipements variés (gants magnétiques, bacs à farine…), un autre de chocolat et purées de fruit… mais aussi divers professionnels aptes à intervenir pour développer des produits additionnels, comme un spécialiste des guimauves, chocolats et autres confiseries, ou bien un pâtissier très créatif. Il ne faudrait pas oublier les offres de vannerie, d’expertise comptable, de fruits secs, de trancheuses ou encore d’enseignes artisanales. En parallèle, les boulangers visitent le moulin et apprennent ainsi à mieux connaître l’outil de production de leur matière première.

Des démonstrations autour des confiseries sont organisées par un formateur partenaire des Moulins Foricher. Guimauves, caramels, chocolats... L'idée est de démontrer que ces produits peuvent être faits maison sans grande difficulté, pour développer le chiffre d'affaires avec des produits simples et savoureux.

Des démonstrations autour des confiseries sont organisées par un formateur partenaire des Moulins Foricher. Guimauves, caramels, chocolats… L’idée est de démontrer que ces produits peuvent être faits maison sans grande difficulté, pour développer le chiffre d’affaires avec des produits simples et savoureux.

Beaucoup de sérieux avec une ambiance familiale et bon enfant, voilà sans doute le secret de l’événement. Une bonne pratique que la filière commence à adopter, à l’image des Moulins de Chars, qui ont organisé des rencontres similaires récemment. Cela traduit bien un fait de plus en plus avéré : l’avenir de la meunerie artisanale tient en l’accompagnement et le positionnement en tant que force de proposition pour aller vers des pratiques toujours plus vertueuses. Ceux qui ne prennent pas ce pli commencent d’ores et déjà à en ressentir les effets, et de petits moulins sont en grande difficulté. Différence rime aussi avec… résistance.

Portes Ouvertes du Moulin des Gaults, Poilly-lez-Gien, du 23 au 26 juin 2013.

Dans chaque métier, les différents acteurs font un choix de positionnement qui a de nombreuses implications sur le fonctionnement quotidien de leur entreprise. Tandis que certains se spécialiseront dans la réduction des coûts, pour aboutir à un produit le moins cher possible, d’autres préféreront développer des gammes plus qualitatives et donc moins orientées sur le facteur prix. Après tout, il faut bien qu’il y en ait pour tous les goûts et pour toutes les bourses afin de ne pas limiter certains biens ou services à une élite privilégiée, qui en détiendrait l’exclusivité « de fait ».

Le temps n'était pas particulièrement radieux pour visiter cette ancienne sucrerie... J'aurais donc vu Decollogne sous l'eau !

Le temps n’était pas particulièrement radieux pour visiter cette ancienne sucrerie… J’aurais donc vu Decollogne sous l’eau !

Chez Decollogne, le parti-pris a été dès le début de s’orienter vers la réalisation de farines biologiques haut de gamme, destinées à des artisans particulièrement exigeants et passionnés. Fruit de l’association des familles Decollogne et Lecocq, l’entreprise était implantée historiquement en banlieue parisienne, à Précy-sur-Marne, où elle effectuait une mouture sur meule ou sur cylindre. Les choses ont bien changé depuis 1971, année à laquelle l’entreprise a été créée. En effet, Dijon Céréales a racheté l’entité en 1998, avec l’ambition de se lancer dans l’aventure du Bio. Depuis, le directeur général de l’époque, Jacques Denizet, a passé la main à Marie-Lucie Jacquey, laquelle s’emploie au quotidien avec ses équipes à dynamiser la marque et à lui trouver de nouveaux débouchés.

La sucrerie avant sa reprise par Decollogne.

La sucrerie avant sa reprise par Decollogne.

Pas facile de s’imposer, comme je vous l’avais écrit précédemment, mais le dynamisme de la chef d’entreprise et de ses commerciaux est à la hauteur du défi qu’ils ont à relever. De par sa localisation francilienne, Decollogne a longtemps été vu comme un meunier dédié à Paris et sa région, avec un berceau de clients : Dominique Saibron (et son Boulanger de Monge, à l’époque), Jean-Luc Poujauran (en farine de Meule non Biologique), la maison Grégoire rue Monge, … mais aussi, et cela n’a pas manqué de lui être reproché, le groupe Carrefour. En effet, ce dernier a fait partie des pionniers du Bio en développant sa fameuse « Boule », en partenariat avec Dominique Saibron. C’est tout naturellement que l’artisan leur a proposé son fournisseur. Ainsi, le distributeur a longtemps représenté une part importante du Chiffre d’Affaires de l’entreprise… ce qui est bien moins le cas aujourd’hui, ses approvisionnements s’étant diversifiés, en plus de l’arrivée de nouveaux clients chez le meunier « Créateur de Farines ».

Le sac de farine 1kg destiné aux consommateurs. Son visuel a été particulièrement soigné, pour se démarquer dans les linéaires ou dans les boutiques des artisans clients du meunier.

Le sac de farine 1kg destiné aux consommateurs. Son visuel a été particulièrement soigné, pour se démarquer dans les linéaires ou dans les boutiques des artisans clients du meunier.

Cette signature n’a pas été choisie par hasard, et c’est sans doute ce qu’apprécient le plus les artisans travaillant avec ce fournisseur : leurs farines sont « 100% blé », c’est à dire dépourvues d’ingrédients supplémentaires visant à faciliter son travail. Un gage de qualité, renforcé par un approvisionnement majoritairement français : plus de 70% des blés moulus sont originaires de nos régions, le reste venant d’Europe de l’Est, où l’on obtient des blés dits « de force », permettant ainsi un meilleur usage en panification. Dans le cadre de besoin spécifiques, des « maquettes » et assemblages dédiés peuvent être mis en place, et c’est ainsi que plusieurs boulangeries bénéficient de leur mélange sur mesure, avec par exemple un taux de protéines plus important.

Carrefour dispose de sacs de farine bien différenciés, identifiant ainsi un mélange spécifique développé pour le distributeur.

Carrefour dispose de sacs de farine bien différenciés, identifiant ainsi un mélange spécifique développé pour le distributeur.

Chaque jour, l’équipe de commerciaux emmenée par Cyril Chambay (15 ans de maison, ce n’est pas rien !) sillonne les routes de France et d’ailleurs : le positionnement haut de gamme de Decollogne séduit particulièrement à l’international, au Japon, en Russie, en Irlande, en Italie… Un bon moyen pour se développer, même si la France reste un marché essentiel. Au delà des artisans, les industriels sont aussi intéressés par le savoir-faire spécifique du meunier, et c’est ainsi que des entreprises telles que Jacquey développent leurs gammes biologiques avec l’aide de ce dernier. A chaque farine son usage, et il faut à chaque fois développer des mélanges, que ce soit pour la biscuiterie, le pain, ou… l’usage domestique !

Les premiers sacs 5kg destinés aux consommateurs sur leur palette.

Les premiers sacs 5kg destinés aux consommateurs sur leur palette.

En effet, la dernière nouveauté made in Aiserey est destinée au consommateur, puisque des conditionnements de 1 et 5 kilogrammes sont venus enrichir le catalogue Decollogne. Avec leur habillage vichy du meilleur effet et la déclinaison en boite en métal, le produit ne manque pas d’arguments, d’autant qu’il est réalisé à partir de blés 100% français. Nous sommes ainsi bien loin des mélanges de blé plutôt médiocres développés par les marques de distributeur sur le même segment. Au delà de ce produit, cela traduit une véritable démarche orientée vers le grand public, qui trouve d’ailleurs son prolongement par des animations sur des marchés locaux, par la vente directe de farine au moulin, par un programme de visites prochainement mis en place… et même éventuellement par la vente de pain, à l’avenir !

Sur son écran de contrôle, le chef meunier dispose d'une vision en temps réel des opérations de mouture en cours au sein du moulin.

Sur son écran de contrôle, le chef meunier dispose d’une vision en temps réel des opérations de mouture en cours au sein du moulin.

Puisque l’on parle de pain, le consommateur pourra à l’avenir reconnaître le meunier au sein de ses boulangeries clientes, et notamment au travers d’une sacherie développée récemment. La « Perle Bio », une baguette de Tradition mise au point par les équipes de Decollogne, est actuellement proposée aux artisans et devrait prochainement rejoindre, accompagnée de sa signalétique, les présentoirs.

Ici, pas de cloison : les silos côtoient directement le coeur du moulin, où l'on peut voir les différents étages d'un seul coup d'oeil.

Ici, pas de cloison : les silos côtoient directement le coeur du moulin, où l’on peut voir les différents étages d’un seul coup d’oeil.

Ce site bourguignon s’inscrit donc durablement dans la communauté qui l’entoure, et il participe activement à son renouveau. Lors du rachat de la sucrerie par le groupe Beghin-Say, l’avenir de l’activité industrielle n’était pas assuré. Preuve en est que l’usine finira par fermer quelques temps plus tard. L’activité sucrière était pourtant bien ancrée dans l’histoire d’Aiserey, au point qu’une fête était organisée chaque année autour de cette « spécialité ». Il a bien fallu y renoncer et accepter de voir le blé remplacer la betterave, car c’est bien ce qui s’est passé : sous l’impulsion de Decollogne et de Dijon Céréales, des terres avoisinantes se sont reconverties. Le processus se poursuit, puisque l’objectif est d’impliquer toujours plus d’agriculteurs dans ce projet Biologique, respectueux des terres et des hommes.

Face aux besoins croissants en terme de stockage (différentes variétés de céréales, mélanges toujours plus nombreux...), de nouveaux silos sont en cours de mise en place au sein du moulin.

Face aux besoins croissants en terme de stockage (différentes variétés de céréales, mélanges toujours plus nombreux…), de nouveaux silos sont en cours de mise en place au sein du moulin.

Après un an et demi d’activité, l’outil trouve peu à peu son rythme de croisière, avec une capacité d’écrasement de plus de 20000 tonnes par an. Même si cette dernière n’est pas atteinte, elle a permis d’éviter la saturation qui se profilait en Seine-et-Marne, du fait d’un moulin vieillissant. Il aura fallu plus de 6 millions d’euros pour en arriver à ce résultat, mais on ne peut que saluer son caractère saisissant.
Ici, peu de choses sont laissées au hasard. Du port obligatoire de la blouse et de la charlotte pour accéder au moulin (conformément aux standards IFS auxquels Decollogne veut prétendre) aux systèmes de désinsectisation mécanique (rien de chimique ici, même si des solutions « naturelles » existent) à chaque étape de transformation ou de transport du blé, l’objectif est de parvenir à un produit de haute qualité sanitaire… et gustative.

Un exemple de mouture sur meule de pierre.

Un exemple de mouture sur meule de pierre.

C’est bien ce qui distingue les farines moulues ici : l’intérêt porté au goût qu’elles produiront suite à leur transformation est particulièrement marqué. Variétés de blé sélectionnées, mélanges étudiés, bien sûr… mais le processus de mouture a son importance également. Historiquement, Decollogne est un fervent défenseur de la farine de Meule, et il était inévitable que son outil de production la mette à l’honneur. 12 meules tournent ainsi en permanence afin de produire une farine « plus grasse et plus riche en fibres, en nutriments essentiels et en vitamines ». Le plus surprenant est sans doute le ressenti au toucher : en effet, les farines issues des 8 cylindres situés à côté s’avèrent beaucoup moins « douces », du fait même de l’action de cisaillement de ces derniers (les meules, quant à elles, « compressent ».

Les meules de pierre en pleine action. Les opérateurs peuvent contrôler le bon fonctionnement de ces dernières grâce à des vitres incassables disposées sur le côté.

Les meules de pierre en pleine action. Les opérateurs peuvent contrôler le bon fonctionnement de ces dernières grâce à des vitres incassables disposées sur le côté.

Côte à côte, c’est une des autres particularités de ce moulin décidément hors normes : tout y est rassemblé dans le même lieu, sans cloisons, ce qui permet d’avoir une vision globale du processus. De l’arrivée des grains dans les silos les plus sombres au transfert dans les plus clairs une fois la farine produite, le visiteur peut suivre dans cette yourte un parcours qui n’a rien de bien mongol.

Ce bâtiment, en forme de yourte, correspond à l'héritage de la sucrerie, où le produit était acheminé par le sommet avant d'être traité.

Ce bâtiment, en forme de yourte, correspond à l’héritage de la sucrerie, où le produit était acheminé par le sommet avant d’être traité.

Continuons justement notre parcours dans la filière en nous rendant à Longvic, à quelques kilomètres de là. C’est ici qu’est situé le laboratoire de Cérélab, une entreprise détenue à 51% par Dijon Céréales et à 49% par Eurogerm. Sa vocation est d’analyser les farines et blés, de procéder à des tests de panification, … pour Decollogne ou divers clients extérieurs. Elle a d’ailleurs été récemment mandatée par le meunier Bio pour démontrer les vertus de la mouture à la Meule, notamment en terme de valeurs nutritionnelles.
Pour faciliter les échanges et créer un véritable pôle intégré à Aiserey, Cérélab déménagera prochainement à quelques mètres du moulin, achevant ainsi la boucle initiée par le groupe.

Le laboratoire de Cérélab.

Le laboratoire de Cérélab.

Terminons la visite par un petit arrêt au coeur de ce même groupe, au siège de Dijon Céréales. La coopérative peut aisément être qualifiée de tentaculaire : extrêmement implantée en Bourgogne, elle y compte aujourd’hui 13 silos stratégiques, 7 silos majeurs d’expédition, plusieurs magasins Gamm’ Vert, d’autres boutiques dédiées aux professionnels… ainsi qu’une seconde filière farine au travers de Dijon Céréales Meunerie.
Pierre Guez et son équipe ont fait le « pari » de la Bio depuis plusieurs années et apportent à Decollogne les moyens de son développement, même si les choix du groupe ne sont pas toujours partagés par cette entreprise, qui a fini par occuper une place véritablement « à part » – à juste titre. Les investissements autour du Bio continuent, avec une équipe toujours plus importante dédiée à la recherche sur la qualité des blés, ainsi que par l’incitation à la conversion vers ce mode de culture.

Signe de la puissance du groupe Dijon Céréales... La salle de réunion, très moderne, confortable et bien équipée.

Signe de la puissance du groupe Dijon Céréales… La salle de réunion, très moderne, confortable et bien équipée.

Souhaitons donc une bonne continuation à Marie-Lucie Jacquey et à l’ensemble des hommes et femmes qui font vivre Decollogne. Il est important d’avoir aujourd’hui sur le marché de la meunerie des acteurs engagés sur la qualité et la mise en place de bonnes pratiques aussi bien sur le blé que sur le produit final… et nous avons là une entreprise qui s’implique pleinement dans cet esprit.

Les salons professionnels représentent un poste de coût non négligeable pour les entreprises exposantes, car leurs organisateurs exigent des loyers élevés… pour des retours parfois limités. Certes, c’est une excellente occasion pour développer son réseau, toucher un maximum de prospects, mais le visiteur a souvent tendance à adopter un comportement « zappeur » qui ne favorise pas la mise en place d’échanges durables. Dans le cas de la boulangerie, Europain demeure l’événement biennal par excellence, une sorte de « grand messe » où les différents acteurs de la filière – groupements boulangers, meuniers, équipementiers, … – ont pris l’habitude de se retrouver.

Les Rencontres des Moulins de Chars (95)

La famille Maurey semble avoir décidé de jouer les trublions pour l’édition 2014, puisqu’elle n’y sera pas présente, que ce soit par un stand « propre » ou au travers du groupement Banette auquel ses moulins sont affiliés. A cela plusieurs raisons : comme je l’ai expliqué en introduction, le salon ne présentait pas, selon le meunier, un environnement particulièrement propice à la discussion avec ses clients. De plus, ils n’y étaient pas « maîtres en leur demeure », d’autant plus qu’ils s’y rangeaient derrière les couleurs du groupement.

Un logo mettant en avant la famille Maurey et son engagement au service des artisans a été créé et est repris sur la plupart des éléments de communication.

Un logo mettant en avant la famille Maurey et son engagement au service des artisans a été créé et est repris sur la plupart des éléments de communication.

Pour autant, hors de question de ne pas mettre en place un dispositif visant à fédérer les artisans auprès de leur marque, laquelle est en plein développement. Ainsi sont nées les Rencontres des Moulins de Chars, qui se tiennent sur le site éponyme depuis dimanche et jusqu’à demain. Cela traduit concrètement la stratégie menée par Thomas Maurey, que j’avais d’ailleurs pu vous décrire lors de ma précédente visite dans les lieux. Prendre de plus en plus d’indépendance, mettre en avant une identité propre, des chantiers essentiels pour l’entreprise familiale face à un marché de plus en plus concurrentiel. Forte de son positionnement essentiellement artisanal – 450 boulangers, pour environ 70% du Chiffre d’Affaires -, elle peut accompagner les projets de chacun en portant des valeurs de proximité et de partage. Aide à la mutation de fonds, à l’installation, formations, interventions de démonstrateurs… Autant d’outils qui comptent dans la relation avec un moulin.

La gamme des Moulins de Chars s'est étoffée avec le temps, et on y retrouve autant les grands classiques aux céréales que des créations "de saison", à l'image de la Soléiade et son mélange d'herbes et de tomates séchées. Saluons le travail réalisé par les démonstrateurs, car les pains sont très soignés et bien cuits.

La gamme des Moulins de Chars s’est étoffée avec le temps, et on y retrouve autant les grands classiques aux céréales que des créations « de saison », à l’image de la Soléiade et son mélange d’herbes et de tomates séchées. Saluons le travail réalisé par les démonstrateurs, car les pains sont très soignés et bien cuits.

Signe de l’importance prise par la communication au sein de l’entreprise, un poste dédié à la communication a été créé l’an passé. Laure de Cabissole prend en charge les différents aspects liés à l’image des sites meuniers de la famille Maurey : dispositifs liés aux produits (PLV, argumentaire de vente, …), aux campagnes de communication (avec notamment la valorisation de l’approvisionnement 100% des blés, dans un rayon de 150km autour du Moulin de Chars), … et donc aux événements. Elle s’est naturellement chargée de l’organisation des Rencontres, en partenariat avec le prestataire GL Events.

La gamme Banette ne représente qu'un petit stand comparé à celui dédié aux créations des Moulins de Chars... un signe de la volonté d'indépendance développée ici.

La gamme Banette ne représente qu’un petit stand comparé à celui dédié aux créations des Moulins de Chars… un signe de la volonté d’indépendance développée ici.

Pour une première édition, le succès semble être au rendez-vous : au total, ce seront entre 450 et 500 personnes qui auront été accueillies sur le site, une véritable performance quand on sait la difficulté des artisans à se dégager de leurs contraintes de production quotidiennes. Le format est volontairement moins « festif » qu’il n’a pu l’être par le passé. En effet, les 100 ans du moulin avaient été fêtés sous la forme d’un dîner musical, une mise en scène sans doute charmante mais peu productive. Les enjeux actuels en boulangerie artisanale font qu’il était bien nécessaire d’adopter un ton plus sérieux… mais néanmoins convivial.

Toute la journée, Jérôme Le Teuff (chef pâtissier chez Stéphane Glacier) présente son savoir-faire en fabriquant des pièces artistiques en sucre. A côté de lui, Bernard Darrigues et Mickaël Morieux concoctent des spécialités basques (gâteau basque, brioches, sablés...). Une belle façon de mettre en avant le fait que les terroirs ont pleinement leur place en boulangerie artisanale : c'est en effet une bonne façon pour les artisans de se différencier les uns des autres. A partir de 17h, l'ambiance est plus conviviale encore avec la présence de démonstrations réalisées par Executive Traiteur (cuisine moléculaire, plancha négative...).

Toute la journée, Jérôme Le Teuff (chef pâtissier chez Stéphane Glacier) présente son savoir-faire en fabriquant des pièces artistiques en sucre. A côté de lui, Bernard Darrigues et Mickaël Morieux concoctent des spécialités basques (gâteau basque, brioches, sablés…). Une belle façon de mettre en avant le fait que les terroirs ont pleinement leur place en boulangerie artisanale : c’est en effet une bonne façon pour les artisans de se différencier les uns des autres. A partir de 17h, l’ambiance est plus conviviale encore avec la présence de démonstrations réalisées par Executive Traiteur (cuisine moléculaire, plancha négative…).

Un programme de conférences ponctue les journées, avec des interventions autour des attentes des consommateurs, de l’hygiène ou encore de la gestion. En parallèle, le fournil installé sous la tente principale et animé par les démonstrateurs de l’entreprise produit au fil de la journée des pains à partir des différents mélanges proposés aux clients. Les différents produits de la gamme « Rusti » sont à l’honneur, ainsi que la fameuse « Charmante », dernière née de la gamme. Cette baguette positionnée « premium », avec un prix de vente conseillé de 1€, répond à un constat réalisé sur le terrain : nombre d’artisans sont encore à la peine avec la baguette de Tradition, laquelle se révèle assez exigeante. Face à cela, le mélange mis au point par les Moulins de Chars offre flexibilité et facilité de mise en oeuvre, avec des caractéristiques appréciées par les consommateurs (aspect assez « jaune » lié à un mélange de blés spécifique, bonne conservation, note de levain pour donner du goût…).

Dernière née de la gamme des Moulins de Chars, la Charmante est particulièrement mise en avant, de par sa facilité de mise en oeuvre (possibilité de la réaliser en machine, grande tolérance, ...) avec un positionnement "premium".

Dernière née de la gamme des Moulins de Chars, la Charmante est particulièrement mise en avant, de par sa facilité de mise en oeuvre (possibilité de la réaliser en machine, grande tolérance, …) avec un positionnement « premium ».

J’avoue être un peu perplexe face à ce qui est pour moi un certain constat d’échec, et la proposition d’une « jambe de bois » à un système qui peine à fonctionner pour des boulangers qui manquent autant de technique que de passion. Je ne suis pas certain qu’ajouter des produits pour remplacer un savoir-faire manquant soit un choix tout à fait pertinent, même si cette Charmante s’est avérée assez convaincante.

Les Moulins de Chars viennent de mettre au point des produits spécifiques pour la réalisation de pâtes à pizza en toute simplicité. Ce travail a été réalisé en partenariat avec Thierry Graffagnino, champion du monde de Pizza en 2011 et 2012. Jusqu'alors, ce professionnel réalisait son propre mélange de trois farines. Il a ainsi apporté son savoir-faire et son réseau. Ainsi, ses recettes seront proposées aux clients des Moulins de Chars : "Teglias" à la part ou au mètre, Classica ou encore Piadines... à chaque fois, ce sont des pâtes légères et moelleuses qui sont recherchées. Un nouveau segment s'ouvre pour l'entreprise, avec à terme la vente de ces solutions aux artisans pizzaolos.

Les Moulins de Chars viennent de mettre au point des produits spécifiques pour la réalisation de pâtes à pizza en toute simplicité. Ce travail a été réalisé en partenariat avec Thierry Graffagnino, champion du monde de Pizza en 2011 et 2012. Jusqu’alors, ce professionnel réalisait son propre mélange de trois farines. Il a ainsi apporté son savoir-faire et son réseau. Ainsi, ses recettes seront proposées aux clients des Moulins de Chars : « Teglias » à la part ou au mètre, Classica ou encore Piadines… à chaque fois, ce sont des pâtes légères et moelleuses qui sont recherchées. Un nouveau segment s’ouvre pour l’entreprise, avec à terme la vente de ces solutions aux artisans pizzaolos.

Au delà de cette dimension de vitrine produit, plusieurs partenaires de la famille Maurey ont été conviés pour apporter leurs connaissances et proposer des solutions concrètes aux artisans : café, équipement, aménagement, désinsectisation, snacking, chocolat, pâtisserie… Des démonstrations sont réalisées pour parfaire le tableau. En parallèle, l’outil de production est mis à l’honneur avec des visites menées par le Chef Meunier, ce qui permet à chacun de comprendre comment la farine est fabriquée, un processus encore mal maîtrisé par bon nombre d’artisans.

Ce qui est un peu moins charmant avec la Charmante, c'est sans doute sa composition et son "mix". Certes, on m'a assuré que les enzymes étaient ajoutés à des doses très faibles (sinon cela affecterait fortement la conservation du produit), mais nous sommes bien loin d'une baguette de Tradition.

Ce qui est un peu moins charmant avec la Charmante, c’est sans doute sa composition et son « mix ». Certes, on m’a assuré que les enzymes étaient ajoutés à des doses très faibles (sinon cela affecterait fortement la conservation du produit), mais nous sommes bien loin d’une baguette de Tradition.

Je ne doute pas que l’initiative sera renouvelée, ici comme ailleurs. Les meuniers restent aujourd’hui le premier interlocuteur de nos boulangers, et ils doivent prendre à coeur leur rôle d’accompagnement de la filière vers plus de qualité : en améliorant la satisfaction et la fidélité des consommateurs, c’est la survie de la boulangerie artisanale qui pourra être assurée.