Prendre son envol, quitter l’emprise d’une influence, qu’elle soit familiale, religieuse, professionnelle… ou même boulangère. Voilà une décision courageuse, et souvent difficile à prendre au vu des implications qu’elle peut présenter. Certains n’y parviendront pas et resteront accrochés à leurs attaches, ce qui les empêchera inévitablement de prendre de la hauteur et de se réaliser tout à fait.
Je parle d’influence boulangère car c’est bien souvent ce qu’imposent les grands «réseaux boulangers» aux artisans qui les rejoignent. Certes, ils prennent la décision en leur âme et conscience, mais j’ose espérer qu’ils n’en mesurent pas tous les enjeux à l’instant où ils le font.

Même si certains continuent à alimenter de telles entreprises, nombre de boulangers font aujourd’hui le choix de privilégier des meuniers leur laissant plus de liberté quant à leur identité et à leurs produits. Une excellente chose quand on constate le manque de diversité dans l’offre boulangère que l’on connaît encore aujourd’hui.
Dans le 12è arrondissement, au sein de cette large artère qu’est le Cours de Vincennes, le pain m’a pris de cours… de court, pardon. En effet, Guillaume Cailleaud a entrepris cet été des travaux de rénovation dans sa petite boutique, mais ne s’est pas limité à ce changement cosmétique : il a quitté le groupement Banette pour faire appel aux Moulins Bourgeois.

Cela explique pourquoi nous pouvons aujourd’hui faire la cour à une Reine… des Blés. La baguette de Tradition, réalisée à partir d’une farine Label Rouge, se révèle charmante, avec son parfum de froment bien prononcé et sa croûte craquante. On y retrouve bien les «standards» de cette baguette typique du meunier de Verdelot.
Pour le reste, la gamme manque encore de vigueur, à peine y retrouve-t-on des pains dits «de Campagne», de mie ou encore différents mélanges développés par les Moulins Bourgeois, incluant notamment diverses céréales. On appréciera tout de même les cuissons très correctes, ainsi que des façonnages généralement appliqués.

Les gourmands pourront se satisfaire de pâtisseries boulangères, à l’image des déclinaisons de tartes gourmandes (chocolat, citron) ou au fruit. La tarte aux pommes de la maison s’est d’ailleurs récemment distinguée, se classant XXè au Concours de la Meilleure Tarte aux Pommes d’Île-de-France. Les viennoiseries ne présentent pas d’intérêt particulier, tout comme les sandwiches, visiblement réalisés à partir de baguette de pain courant, ayant pour effet immédiat de leur retirer tout intérêt en terme de saveur et de croustillance. Une formule, proposée à 7€, permet de constituer un repas avec une part de Tarte au choix, ainsi qu’une boisson en bouteille.

Une boutique neuve, certes, mais une histoire débutée de longue date : la Maison Cailleaud est installée ici depuis 1973, une longévité bien rare dans notre capitale, à plus forte raison sur un axe aussi nébuleux et passant que celui-ci. Le style élégant et les carreaux biseautés façon station de métro s’accompagnent d’un service honnête et sans fioritures, ce qui correspond bien à l’ambiance du quartier.

Infos pratiques

104 Cours De Vincennes – 75012 Paris (métro Porte de Vincennes, ligne 1) / tél : 01 43 40 30 07
ouvert du lundi au vendredi de 6h30 à 20h15, le samedi de 7h30 à 14h.

Avis résumé

Pain ? On ne peut que remarquer le changement opéré ici depuis cet été : exit la gamme Banette, Guillaume Cailleaud a fait le choix des farines Bourgeois et c’est à saluer. Le résultat ? Une Reine dans le cours, proposée à sa cour… et cette dernière ne manque pas d’attrait, avec un parfum de froment bien présent, une mie assez fraiche et bien alvéolée ainsi qu’une croûte fine et craquante. La gamme est assez courte en dehors de cette proposition de qualité, avec les traditionnels pains de Campagne, complets et autres mélanges aux Céréales. Cuissons très correctes et façonnages appliqués sont cependant au programme, ce qui contribue à donner une certaine valeur aux pains de l’artisan.
Accueil ? Simple, honnête et efficace. Rien de plus à ajouter, et c’est tant mieux, car on n’attend pas autre chose de cette petite boulangerie de quartier… si l’on peut parler de quartier, car le Cours de Vincennes s’apparenterait plutôt à un large couloir urbain.
Le reste ? Des gammes courtes et sans plus de cérémonie, avec des pâtisseries boulangères où les tartes sont à l’honneur, accompagnées de quelques éclairs et autres gourmandises (palmiers, sablés…). Rien d’exceptionnel, même si la Tarte aux Pommes a été récemment primée. Même constat côté viennoiseries, et malheureusement le secteur salé traine un peu plus des pieds, avec des sandwiches très moyens.

Faut-il y aller ? Pour encourager le changement boulanger, sans aucun doute. Sortir d’un réseau boulanger n’est pas un acte que font tous nos artisans, et c’est bien le signe d’une certaine volonté à développer son identité en dehors de toute marque. A mon sens, c’est par là que passera le salut de la boulangerie artisanale, en plus d’un pain de qualité, ce qui va de soi. En la matière, Guillaume Cailleaud nous propose une Reine des Blés tout à fait honorable, voilà donc une affaire qui suit son… cours.

J’ai souvent du mal à découvrir les bonnes adresses de quartier. Vous savez, ces petites perles qui illuminent simplement et sans cérémonie le quotidien des habitants de leur secteur, qui se contentent de proposer des produits honnêtes sans chercher à plus en faire, à se développer comme certains artisans le font avec plus ou moins de succès. Parfois un lecteur attire mon attention dessus, parfois c’est un professionnel du secteur qui m’incite à aller visiter une boutique… mais malgré tout, le painrisien demeure un «découvreur solitaire», il faut bien que toutes ces heures passées à arpenter les rues de la capitale trouvent un sens, tout de même !

Dans le cas présent, c’était pour aller découvrir les produits de la regrettée pâtisserie Dégardin que je m’étais rendu dans ce secteur. Le 12è arrondissement est une zone plutôt ouvrière et résidentielle, où la gastronomie ne s’est pas concentrée comme elle a pu le faire dans d’autres zones de Paris. Néanmoins, on y retrouve de bonnes adresses, et bien souvent dans un bel esprit d’accessibilité et de simplicité.

Chez le couple Royer, pas de boulangerie tapageuse : la devanture se décline dans des tons noirs et blancs sobres et élégants, avec quelques notes de vert disséminées ça et là. Dans cette boutique disposée en longueur, l’artisan et son épouse prennent plaisir à échanger avec leur clientèle, puisque l’on a parfois le plaisir de retrouver Monsieur en boutique. Ici, les habitués sont reconnus et le caractère social du métier n’est pas oublié.

Si l’on se limitait au social, ce serait tout de même bien dommage, et c’est loin d’être le cas puisque les produits ne sont pas en reste, à commencer par le pain. Nous ne sommes pas roulés dans la farine, mais on pourrait presque le regretter puisque ce boulanger a choisi de faire appel aux moulins Foricher, lesquels lui livrent une matière première de qualité, certifiée CRC Label Rouge. Le résultat sur le produit est plutôt convaincant, avec une baguette de Tradition aux notes de froment bien chantantes, ainsi qu’une croûte fine et craquante. On pourra toutefois regretter un léger manque de développement, ce qui a tendance à générer un caractère un peu sec.
Cette dernière s’accompagne d’une gamme assez large de petits pains aux ingrédients variés, en plus des traditionnelles déclinaisons aux céréales. Je parlais de social un peu plus haut, les Royer ont bien compris l’importance de s’intégrer à la vie de leur quartier, puisqu’ils élargissent leur gamme les jours de marché (lequel s’étend sur le boulevard de Reuilly, juste en face des vitrines de la boulangerie) avec notamment un pain vendu au poids de très bonne facture. Les cuissons sont généralement bien menées.

Pour le reste, le traiteur se retrouve mis à l’honneur avec une gamme variée et plutôt bien vue : des salades vendues au poids accompagnent les habituels sandwiches et autres quiches. On pourra choisir d’intégrer tout cela dans des formules accessibles, lesquelles constituent un repas complet. Côté pâtisserie, rien de bien exceptionnel mais des classiques honorables, qui se déclinent au travers de tartelettes, tartes «à la part» ou encore millefeuilles et pâtes à choux. C’est propre, et cela termine un repas sur une note sucrée bien agréable en ces temps rigoureux.
Les viennoiseries continuent dans le même registre, avec quelques spécialités agréables que l’on aimerait retrouver plus souvent, à l’image d’une sympathique tarte au sucre ou d’un Oranais.

J’ai déjà pu vous toucher quelques mots au sujet du service, j’ajouterai simplement que ce dernier se révèle chaleureux et efficace, avec un esprit «de quartier» qui finit par nous manquer trop souvent à Paris.

Infos pratiques

45 boulevard de Reuilly – 75012 Paris (métro Daumesnil, lignes 6 et 8) / tél : 01 43 43 40 85
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? La boulangerie Royer a fait le choix des farines Foricher, et, comme souvent, on ne peut que l’apprécier : on retrouve ainsi une baguette de Tradition savoureuse, aux agréables notes de froment, accompagnées d’une croûte fine et craquante. Cette dernière pourrait être un peu plus développée, mais ce n’est qu’une remarque accessoire ici. La maison propre également une gamme de petits pains variés, accompagnés par les classiques pains dits «de Campagne», pavés de Tradition et autres propositions aux céréales. Les jours de marché sur le boulevard de Reuilly, la gamme est légèrement élargie pour satisfaire la clientèle, avec notamment un pain «au poids» de bonne facture.
Accueil ? Ici, le couple Royer nous montre qu’il est aux manettes, et Monsieur – le boulanger de l’affaire, comme c’est souvent le cas – passe parfois derrière la caisse pour seconder son épouse et ses vendeuses. Le service est ainsi chaleureux, efficace et conforme à ce que l’on attend d’une boulangerie «de quartier».
Le reste ? La gamme traiteur se dévoile sous des jours variés et plutôt soignés : salades au poids, sandwiches, quiches, yaourts et autres gourmandises… rien ne manque pour se composer un repas rapide et savoureux, pas même un assortiment de formules. Les becs sucrés trouveront sans doute de quoi se sustenter au travers des tartes à la part, même si des pâtisseries classiques sont également présentées dans les vitrines (millefeuilles, tartelettes, pâtes à choux…).

Les viennoiseries sont honorables, sans trop en faire, avec tout de même quelques spécialités appréciables comme des tartes au sucre ou des Oranais, qui ont tendance à se faire rare dans nos boulangeries parisiennes.

Faut-il y aller ? Voilà une maison bien tenue, par un couple dynamique et non moins sympathique. On sent une agréable volonté de s’intégrer dans son quartier tout en proposant des produits de qualité, avec des engagements notables comme le choix d’une farine CRC Label Rouge. Le 12è arrondissement nous réserve décidément des adresses savoureuses, et -trop ?- discrètes.

En matière de boulangerie artisanale, certains sujets reviennent régulièrement sur « la table », même s’ils ne concernent pas directement le pain ou les produits proposés par les artisans. En effet, la profession est profondément inscrite dans la vie quotidienne et s’empare régulièrement des évolutions de la société, de façon plus ou moins heureuse par ailleurs…

S’il y a bien une chose qui touche et préoccupe nos boulangers, c’est leurs revenus et tout naturellement… leurs caisses. Ces dernières se voient ainsi fortement automatisées, et j’ai déjà eu l’occasion de vous parler de cette tendance que je regrette, même si la profession tente de la défendre bec et ongle. Nous avons récemment échangé à ce propos avec la sympathique étudiante en journalisme Dora Courbon, dont l’article a été publié sur le site Rue89. Les arguments développés par les différents intervenants (qu’ils soient constructeurs, boulangers ou membres du syndicat) ne manquent pas d’intérêt, mais ce qui compte, c’est le ressenti quotidien de la clientèle.

En la matière, j’ai toujours trouvé que ces machines rendaient l’encaissement long au possible. Certains ont décidé de me donner tort, et c’est tant mieux. En effet, à l’Atelier de Christophe, la jolie boulangerie charentonnaise de Christophe Teillet, un effort particulier a été réalisé afin d’intégrer ces caisses automatiques dans le flux de clients. Bien sûr, cela commence par le nombre de machines, puisque ce sont deux monnayeurs Tigra CashGuard qui reçoivent nos espèces – une chose indispensable dès lors que le lieu accueille un certain volume de clientèle.

Rien d’original jusque là, sinon que les clients sont dirigés vers une couleur de monnayeur : gris pour les uns, vert pour les autres. Pendant qu’ils règlent leurs achats, les vendeuses préparent les produits. Je dois bien avouer que le tout est d’une efficacité assez redoutable, en particulier le dimanche matin, où l’affluence est importante. Cette intégration n’est certainement pas le fruit du hasard, puisque Christophe Teillet a choisi cette solution d’encaissement en pionnier, puisqu’il était mis en avant sur le site de Tigra dès 2010.

Toutes ces considérations importent bien moins que la qualité des produits, et en la matière, notre artisan a quelques propositions gourmandes à nous faire. A commencer côté pain, où les produits, sans relever de l’exception, demeurent tout à fait honnêtes et variés. Une baguette de Tradition bien sûr, un peu onéreuse (1,30€ les 250g) même si correcte et soignée, mais également un sympathique et moelleux pain au Miel, très parfumé et remplaçant idéalement au petit-déjeuner des pains de Mie parfois peu digestes, ou encore des pains à la châtaigne ainsi qu’un « Impérial » à la mie dense (association de farines de Seigle et d’Epeautre).

Là où Christophe Teillet exprime sans doute le mieux son talent, c’est du côté des pâtisseries, créatives et plutôt bien vues. On y retrouve bien entendu de grands classiques, mais aussi beaucoup de propositions originales. Les prix demeurent assez élevés pour une boutique de banlieue, même si on appréciera le soin pris pour la réalisation des produits.

Vous l’aurez compris, l’accueil se veut efficace, et de fait pas forcément très humain. Cela manque singulièrement de chaleur, et on passe plus de temps à dialoguer avec le monnayeur qu’avec le personnel de vente… ce qui est pour le moins regrettable.

Infos pratiques

61 rue de Paris – 94220 Charenton-le-Pont (métro Charenton-Ecoles, ligne 8) / tél : 01 43 68 32 90
ouvert tous les jours sauf mercredi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? La gamme, réalisée à partir d’une farine livrée par les Moulins Bourgeois, se révèle plutôt variée et honorable. La baguette de Tradition est plutôt soignée, même si son prix est élevé (1,30€ les 250g). Du côté des pains spéciaux, le pain au Miel, son moelleux et son parfum soutenus en feront un compagnon idéal du petit-déjeuner, même si l’Impérial (Seigle-Epeautre) offre également un certain caractère.
Accueil ? L’organisation mise en place autour des caisses automatiques limite grandement les échanges avec le personnel de vente et toute possibilité de convivialité. Les personnes oeuvrant ici ne sont pas forcément désagréables, mais en définitive, on ne saurait même pas s’en rendre compte…
Le reste ? Le point fort des lieux demeure sans doute la pâtisserie, où on l’on trouve des créations originales et savoureuses. Soignées et colorées sans être tapageuses, elles séduisent plus que ne peuvent le faire les viennoiseries, sans grand relief.

Faut-il y aller ? L’Atelier de Christophe propose aux charentonnais des produits créatifs et plutôt honnêtes, malgré des tarifs assez élevés. On pourra aussi apprécier le caractère sobre et moderne des lieux, en plus des efforts particuliers mis en oeuvre pour rendre le service efficace et, de fait, rapide.

Je n’ai pas l’habitude d’arriver avec mes gros souliers de « blogueur », tout simplement car je ne considère pas que ce titre me différencie réellement d’un simple client. Ainsi, je me contente donc de passer, de faire mon choix et de payer mes achats… Parfois, je cherche tout de même à établir un contact plus poussé, et je sors alors une de mes petites cartes de visite, qui représentent bien souvent l’occasion de discuter un peu.

Cette fois, c’était chez Joséphine Bakery, la jeune boulangerie de la rue Jacob. Jeune, pas exactement, tout du moins sa reprise par Jean-François Celbert et Benoît Castel est récente. J’ai pu échanger avec ce dernier au sujet de son entreprise, et c’est toujours un plaisir que de rencontrer des artisans passionnés tels que lui.

Forcément, son nom et son parcours ne peuvent laisser indifférent et j’ai plusieurs fois eu l’occasion de le constater. La Grande Epicerie, les Costes, Hélène Darroze, … Autant de références et de grandes maisons pour un chef pâtissier revenu aujourd’hui à la simplicité d’une maison plus modeste. Cette nouvelle aventure est d’ailleurs le fruit du hasard, ou plutôt des opportunités, car Benoît Castel n’avait pas prévu de quitter la grande dame du 7è arrondissement aussi tôt. Seulement voilà, l’occasion était trop belle : une charmante boutique, un emplacement idéal, l’occasion de s’associer à un natif de la même cité… Il n’en fallait pas plus. En effet, les deux compères partagent des origines bretonnes, mais aussi le goût du bon. On reproche souvent à Jean-François Celbert son passé, et notamment son travail au sein du réseau Banette et d’Axiane Meunerie, mais cela s’est fait dans un contexte bien différent de celui que l’on connaît aujourd’hui : en effet, à l’époque, la marque au rouge tonitruant était porteuse d’une volonté qualitative qui a fini par se perdre.

L’engagement ne s’est pas arrêté aux portes du 42 rue Jacob, puisque l’on y retrouve des produits de premier choix, à commencer par le snacking : charcuterie Bellota et comté 18 mois d’affinage pour les sandwiches, peu d’adresses peuvent se vanter d’offrir à leurs clients des matières premières aussi sélectionnées. Cela se poursuit avec une farine de qualité, livrée par les Moulins Bourgeois.
J’avais regretté le manque de choix et le caractère un peu « reclus » du pain, disposé en fond de boutique à l’époque. Mes remarques ont été entendues, puisque les produits sont à présent mis en valeur au plus près de la caisse. La gamme s’est également vue élargie, avec le « Baltique », un pain aux céréales développé par le meunier, une création au Muesli, ainsi qu’un superbe « pain du Coin ». Du coin, vous dites ? Le nom n’a pas été choisi au hasard, car il fait directement référence au levain utilisé pour sa fabrication : ce dernier a en effet été mis au point à partir de… coing ! Cela ne manque pas de donner du caractère à ce pain vendu au poids. Un « pain de Ménage », intégrant du seigle et du sarrasin, vient le rejoindre le week-end. Dans les deux cas, on peut apprécier leur caractère rustique et leur excellente conservation.

Rusticité… et simplicité. Hors de question de proposer des produits complexes, qui ne seraient pas bien maîtrisés. Des gammes courtes, une fraicheur optimale, voilà les maîtres mots de la démarche de Benoît Castel. Il l’applique tout particulièrement à la pâtisserie, qui demeure son secteur de prédilection. Les clients ne s’y sont pas trompés, puisque certains produits, comme le Far Breton et son véritable « lit » de pruneaux, ou la meringue en forme de Cupcake, sont d’ores et déjà devenus des classiques de la maison. Les douceurs devraient d’ailleurs bientôt évoluer, l’artisan souhaitant toujours proposer des produits de saison.

Bien sûr, difficile de prétendre être parfaitement « calé » tout en étant arrivé dans les lieux depuis la rentrée – ce n’est d’ailleurs pas la prétention de l’équipe de la « Joséphine Bakery ». Le laboratoire a été refait à neuf, et l’organisation se met en place de façon progressive. Sans doute faudra-t-il encore près de 6 mois pour être parfaitement au point, mais l’essentiel demeure de proposer des produits honnêtes et de qualité, comme c’est déjà le cas ici. Les progrès sur le pain ont déjà été notables, il faut laisser du temps au temps.

Dans tous les cas, on ne manquera pas de suivre les évolutions de cette charmante « demoiselle boulangère » qu’est Joséphine, car les deux hommes qui la soutiennent semblent vouloir lui donner de bien belles lettres de noblesse.

Certains acronymes sonnent presque comme des noms de mission, vous savez, un peu comme si nous vivions dans un immense film d’agents secrets, sans forcément courir le risque de se faire abattre à chaque coin de rue. Dans un sens, la réalité rejoint la fiction au quotidien, nous jouons des rôles plus ou moins assumés et le film s’achève la nuit tombée, pour mieux recommencer le lendemain… Pendant la journée, nous aurons ainsi parlé de feu l’ANPE, de la FIFA, et terminé brillamment cette démonstration de notre savoir par un CQFD quasi implacable.

Pourquoi est-ce que je vous parle de tout cela, d’ailleurs ? Tout simplement pour annoncer l’ouverture de la nouvelle boulangerie d’un artisan qui aime décidément les acronymes. En effet, Benjamin Turquier inaugure ces jours-ci sa seconde adresse au 59 rue de Saintonge, tout près de sa boutique historique de la rue de Turenne. Là bas, c’était le 134 RdT, ici, ce sera donc le 59 RdS… du moins d’un point de vue administratif, puisque c’est ainsi que l’adresse est enregistrée au registre du commerce. Sur la façade, rien ne l’indique, puisque les travaux d’extérieur attendent encore une autorisation de la Mairie de Paris.

Intéressons-nous plutôt à l’intérieur, puisque c’est bien là que nous retrouverons les produits de la boulangerie. Il aura fallu plusieurs mois de gestation avant de parvenir au résultat proposé aujourd’hui, mais je dois dire que l’attente n’aura pas été vaine. Au programme, on retrouve ainsi des pierres apparentes, du bois et un vrai caractère authentique, servi par un éclairage moderne et élégant. Un style singulier, en nette rupture avec les standards d’aménagement très froid que savent nous proposer des sociétés comme CMC.

Pour être raccord avec cette ambiance beaucoup moins « plastique » et moderne que celle du 134 RdT, Benjamin Turquier réfléchit avec son équipe à l’offre qui sera déployée ici : des essais sont donc réalisés autour de grosses pièces vendues au poids, mais aussi de pains spéciaux telle qu’une baguette de Tradition délicatement parfumée au Sarrasin, un pain sur levain de cidre ou encore un pavé de Lodève et sa pâte très hydratée, pour une mie très alvéolée et une croûte bien craquante. Le temps et la clientèle participeront sans doute à cette mise en place, car il est toujours difficile de bien mesurer les attentes du secteur sans aucun recul. Pour autant, on retrouve dès à présent des produits qui ont fait le succès de cet artisan, dont une excellente baguette de Tradition, des petits pains gourmands tels que le Vannetais (au chocolat blanc), une tourte de Seigle et des viennoiseries au feuilletage bien développé. On pourra également noter l’effort qui semble être fait du côté des pâtisseries, avec des gourmandises simples et mieux finies que celles proposées alors par ce boulanger.

En haut de l’image, des gotchials, une spécialité briochée de la presqu’île de Rhuys. L’initiative de proposer des créations régionales, sortant un peu de l’ordinaire, est tout à fait appréciable et j’espère qu’elle trouvera écho dans la durée.

En toile de fond, les ouvriers façonnent et cuisent les produits proposés en boutique : ici, le laboratoire est de plein pied, un fait particulièrement appréciable pour le personnel, autant en vente qu’en production. Cela apporte de plus une transparence fort appréciable pour la clientèle, bien souvent malmenée par les soupçons de produits industriels qui se développent ces derniers mois.

Je vous ai parlé de seconde adresse, c’est en réalité inexact puisque Benjamin Turquier avait développé sur le boulevard du Temple son concept de BarAPain, en droite ligne avec sa volonté de développer la consommation de pain. Brunch le dimanche, soirées dégustation le jeudi soir, privatisations et démonstrations, le lieu avait même ouvert au déjeuner pendant quelques temps. Sans doute victime de la réalité économique, l’entrepreneur a cédé l’emplacement fin octobre. Fait plutôt amusant, celui-ci n’a pas tout à fait terminé sa relation avec la farine, puisqu’il propose à présent… des galettes de sarrasin, une crêperie ayant pris possession des lieux.

Dans tous les cas, voici une nouvelle adresse prometteuse par la qualité des produits déjà proposés, dans un Haut-Marais où les boulangeries de qualité ne sont malheureusement pas légion… A suivre, d’autant que l’ouverture « officielle » n’a pas encore réellement eu lieu, même si vous pouvez dès à présent vous y rendre !

Infos pratiques

59 rue de Saintonge – 75003 Paris (métro Filles du Calvaire, ligne 8 ou République, lignes 3, 5, 8, 9 et 11)
ouvert du mercredi au dimanche.

Dans leur vie d’artisan, nos boulangers ont parfois à faire des choix courageux, qui les impliquent tout autant que leur équipe. Difficile en effet de marquer des ruptures avec des habitudes, des codes presque « traditionnels » pour imposer sa singularité et se réaliser dans ce que l’on sait faire le mieux. Beaucoup trop y renoncent et s’engagent malgré eux dans un processus qui finira certainement par les broyer avec le temps, la lassitude et la routine se faisant…

Du côté de la rue Berthollet, ce n’est en tout cas pas ce qu’à souhaité Alexis Anton. Souvenez-vous, je vous avais parlé il y a quelques mois de sa boulangerie aux couleurs rouges écarlates, assez dépassées. La « Boulangerie Berthollet » aura vécu et l’héritage de cette boutique anciennement rattachée au groupement Banette également. Depuis la fin de l’été, on retrouve à la place les « Pains d’Alexis ».

Un lieu simple et sobre, aux éclairages délicats, où les pains développés par ce boulanger sont bien mis en valeur. La plupart d’entre eux sont proposés au poids : la clientèle peut ainsi choisir entre une élégante tourte de Meule, un pain de campagne, un autre de seigle et ses notes chantantes de miel, ou encore des créations autour des céréales ou autres fruits secs, à l’image du pain de Bavière. Les cuissons sont globalement bien menées, mais on pourra tout de même regretter le fait que la baguette de Tradition ne soit pas au niveau du reste des produits.

Si je parlais de singularité, c’est parce que notre artisan a fait le choix de ne pas proposer de pâtisserie au sein de sa boutique. En effet, vous y retrouverez des viennoiseries, sandwiches et autres gourmandises, mais rien de plus : un choix courageux qui devrait inspirer d’autres boulangers parisiens. Cela permet de se concentrer sur son métier de base et de lui apporter toute l’attention nécessaire : le pain n’est pas une mince affaire, et se disperser représente le risque de le délaisser à long terme.

Les gourmands apprécieront d’ailleurs des viennoiseries tout à fait honorables, ainsi que des sandwiches dans le même esprit. Le service sait se montrer tout aussi agréable et on se sent bien dans cet espace où la pierre et le bois se rencontrent pour créer une belle harmonie. Rien à voir avec l’apparence que pouvait avoir le lieu auparavant, et c’est tant mieux puisque cela met en valeur le travail réalisé par l’artisan.

Voilà un travail de rénovation qui était bien nécessaire, et que l’on sent réfléchi : Alexis Anton, ancien du Moulin de la Vierge et détenteur du titre de Maître Artisan Boulanger, ne s’est pas laissé porter par une tendance à vouloir donner dans le tapageur, mais a préféré retourner vers l’essentiel en supprimant des produits pâtissiers sans grand intérêt, en plus de s’éloigner de son coeur de métier, tout en élargissant sa gamme de pains.

Certaines villes font vivre leur passé au quotidien, de par un fort héritage historique. Cela se retrouve alors sur les façades et produits de leurs commerces, qui s’inscrivent dans une tradition parfois dépassée.
A Versailles, le château et l’ombre de Louis XIV pèsent encore fortement sur la cité royale, mais quelques artisans parviennent à renouveler le paysage, pour le plus grand plaisir de leur clientèle.

A Versailles, le marché est une véritable institution avec ses halles et ses « carrés », complétés par des stands extérieurs. C’est dans cet environnement que se tient la boulangerie Darras.

Un marché, des halles couvertes, une grande animation commerciale… et une boulangerie. En effet, c’est juste à côté de cette très vivante zone commerciale que se sont installés Cyril et Nathalie Darras, il y a maintenant 7 ans. Au 16 rue du Maréchal Foch, pas de dorures inutiles comme l’avait souhaité leur prédécesseur, M. Bigot, mais un atelier gourmand destiné à nourrir le peuple. Pour ce faire, l’artisan boulanger et son épouse ont réalisé d’importants travaux de rénovation au cours de leur fermeture estivale, et c’est au terme d’un mois de transformations que les clients ont pu à nouveau profiter des lieux.

Le résultat ne manque pas de charme, offrant un caractère moderne et sobre en associant les tons marron et vert. Cette couleur est en effet une des « signatures » de la famille, au point que la teinte choisie a été surnommée « Vert Darras ». Une expression de l’identité développée par ce boulanger et son équipe, qui a peiné pour se faire reconnaître par la population versaillaise : cette dernière est longtemps restée attachée au nom de Bigot et ne parvenait pas à identifier clairement le repreneur.

Pourtant, M. Darras n’a pas ménagé ses efforts pour se différencier et offrir des produits de qualité à sa clientèle. Cela a commencé par le choix de son meunier : ici, la farine provient du Moulin des Gaults, de la famille Foricher. L’artisan avait été séduit par l’implication de ses derniers dans leur démarche, cherchant à partager avec les boulangers bien plus que de la farine. C’est ainsi tout naturellement que l’on retrouve dans sa boutique le fameux pain des Gaults, vendu au poids, mais aussi une superbe Tourte de Seigle en plus d’une gamme de spéciaux assez variée (seigle aux noix, pain Forestier, …). La baguette de Tradition n’en est pas oubliée pour autant, avec de sympathiques notes acidulées en fond, qui lui confèrent un caractère appréciable, même si sa consoeur dite de « pain courant » demeure tout à fait honorable.

L’affluence, liée en partie à l’excellent emplacement de la boulangerie, a poussé M. Darras à chercher des solutions pour maximiser l’efficacité de son espace de vente : passe-pain façon « vide-ordures », vitrines à 90cm de hauteur pour une meilleure visibilité auprès de la clientèle, comptoir modulable (on peut en effet y retrouver des entremets, macarons et chocolats, avec un espace de conseil)… Des aménagements qui complètent des investissements réalisés depuis 7 ans afin d’améliorer le fonctionnement du laboratoire où sont produits pains et gourmandises.

Des gourmandises, d’ailleurs, il y en a et elles nous accueillent dès notre entrée en boutique. Simples et savoureuses pâtisseries (éclairs aux saveurs et couleurs multiples, entremets, tartes aux fruits, au chocolat ou encore à la vanille…), accompagnées par une belle déclinaison de sandwiches, quiches, salades ou encore boissons chaudes à emporter… On se laisse ensuite entrainer vers les spécialités feuilletées, croissants, pains au chocolat à la réalisation soignée. Voilà de quoi faire une pause gourmande sur la terrasse malicieusement disposée sur le côté de la boutique : avec le renfort des machines à café et boissons chaudes arrivées depuis la rénovation, la clientèle n’a plus à quitter les lieux et dispose d’une offre complète.

Au delà du caractère commercial des lieux, l’esprit qui y est développé mérite que l’on s’y intéresse. Je vous parlais d’une dimension d’atelier gourmand, et c’est quelque chose d’essentiel pour Cyril et Nathalie Darras. Dans leur boutique, on retrouve de nombreux détails qui s’y rapportent directement : tubes de peinture et couleurs pour présenter les formules déjeuner, pains présentés dans une cage en fer forgé-vieilli… ainsi qu’une porte séparant l’espace de vente des parties administratives et du laboratoire : cet élément a son histoire, en effet, elle est issue d’une forge dans laquelle un des ancêtres de Nathalie Darras a travaillé.

Il faut dire que notre artisan est un homme sensible aux objets et au travail des matériaux, ce qui l’amène à chiner au fil de ses rencontres. D’ailleurs, si l’on s’intéresse plus attentivement aux enseignes présentes sur les côtés de la boutique, on remarque la présence de petits bonhommes agrippés aux extrémités. Ils sont l’oeuvre d’un artiste sculpteur, Bernard Saint-Maxent. Ce dernier deviendra progressivement un véritable partenaire de la boulangerie Darras, puisque ses créations s’y inviteront dans les mois à venir, sur les poulies, dans les vitrines… Une belle idée pour créer de l’événement et de l’animation, instaurer des moments forts.

Cela n’a rien de nouveau au 16 rue du Maréchal Foch, où les fêtes ont toujours été dûment célébrées. Les habitués se souviendront sans doute du sable installé dans la boutique à l’occasion d’un voyage improvisé dans les Tropiques, de l’usine à Confiserie qui avait pris ses quartiers dans les lieux, ou encore de la reconstitution d’un véritable Chalet de Père Noël. Autant de choses qui sont parvenues à marquer les esprits et développer une véritable relation avec la clientèle versaillaise… même si de nombreux touristes passent la porte au détour de leur visite.

La belle lumière qui emplit les lieux se complète par un service jeune et charmant, mené d’une main de maître par Nathalie Darras. Je regretterai, à titre personnel, la présence de deux caisses « automatiques », même si l’on m’a assuré qu’elles permettaient d’entretenir une relation de vente plus personnalisée et orientée sur le conseil, déchargeant le personnel des opérations d’encaissement.

Infos pratiques

16 rue du Maréchal Foch – 78000 Versailles (Transilien Ligne L, Gare de Versailles Rive-Droite ou RER C, Gare de Versailles Rive-Gauche) / tél : 01 39 50 07 88
ouvert mardi au samedi de 7h à 19h30 ; le dimanche de 7h à 19h.

Avis résumé

Pain ? Des pains soignés, une baguette de Tradition aux belles oreilles, voilà qui met bien à l’honneur les farines Foricher, sélectionnées par cet artisan. On retrouve notamment une délicieuse Tourte de Seigle, avec des notes de miel entêtantes, ainsi qu’un pain des Gaults vendu au poids (5,9€ le kilogramme) d’excellente facture, avec une croûte bien présente et une mie sauvage.
Accueil ? Efficace et très professionnel, le service sait ici reconnaître ses habitués et dépasser la relation commerciale qui lie un boulanger à sa clientèle. Une attention particulière est portée au conseil et à la formation, afin de proposer une information fiable et pertinente sur les produits proposés. D’ailleurs, l’artisan réfléchit à un projet d’espace conseil, avec utilisation de tablettes tactiles présentant un catalogue interactif des créations : une idée bien vue pour améliorer l’information et même dynamiser les ventes, surtout en période de fêtes.
Le reste ? Les pâtisseries proposées ici ont le bon goût de rester simples, avec une note de fantaisie, avec notamment une collection d’éclairs aux parfums variés. Entremets, tartes aux fruits, au chocolat ou encore à la vanille… Rien ne manque. Même constat côté traiteur, avec une belle gamme de sandwiches, quiches et autres salades. Le plaisir peut d’ailleurs se consommer sur place, grâce à la terrasse qui borde l’établissement.

Faut-il y aller ? La boulangerie Darras, non contente d’offrir des produits de qualité à des tarifs abordables, développe un véritable état d’esprit qu’elle met au service de sa clientèle. Au travers de cet « atelier gourmand », on retrouve une belle authenticité qui tranche nettement avec le caractère souvent faux et rempli d’apparats inutiles des commerces présents dans de telles cités.

Les anglicismes ont une fâcheuse tendance à s’inviter partout, et ce y compris à des endroits où ils n’auraient vraiment rien à faire. Je ne suis sans doute pas le dernier à en utiliser, surtout quand je considère que cela rend l’expression moins lourde et plus claire, mais il ne faudrait pas pour autant oublier de défendre notre chère langue française… surtout que nous parlons ici de pain, d’artisanat, de tout ce qui fait notre richesse culturelle !

Sur la rue Saint-Honoré, Yannick Martin est loin d’être un nouvel arrivant. Cela fait en effet plus de 13 ans qu’il oeuvre ici, dans cette petite boutique entourée d’échoppes de mode, hôtels et autres endroits huppés. Son commerce trouve toutefois naturellement sa place dans cet environnement, car il y aura toujours des employés à nourrir, et malgré le caractère plutôt luxueux de leurs employeurs, on ne peut pas dire que leurs salaires le soient tout autant… On pourrait même regretter le fait que si peu de boulangers soient installés dans la rue portant le nom de leur saint patron, mais ne nous arrêtons pas à des considérations spirituelles.

Si j’ai commencé par parler d’anglicismes, c’est parce que l’artisan a choisi d’en ajouter un pour seconder son patronyme. En effet, depuis cet été et des travaux de rénovation, la devanture affiche fièrement « Yannick Martin, gustative corner ». Est-ce une démarche visant à attirer les nombreux touristes en vadrouille dans le secteur, ou à mettre en avant les quelques chocolats que l’on retrouve en entrant ? La question reste entière, mais ce qui demeure le plus intéressant dans ce changement de décor, au delà du caractère plus moderne et élégant qu’offre à présent l’endroit, est sans doute la petite enseigne « boulanger Bio, farines de Verdelot ».

Peu de boulangers ont déjà adopté cette signalétique, développée récemment par les moulins Bourgeois. Elle met en avant le savoir-faire – autant meunier que boulanger – développé autour de cette filière biologique, visant à aboutir à un produit plus « naturel ». L’effort est ici d’autant plus appréciable que la restauration rapide représente sans aucun doute une grande part de l’activité de l’entreprise, au vu de sa localisation.
J’ai souvent eu l’occasion de le dire, et même de le constater (notamment lors du concours du pain Bio organisé récemment), Biologique ne signifie pas forcément meilleur pour autant. Cependant, chez Yannick Martin, le pain est de très bonne facture. A commencer par la baguette de Tradition, avec son façonnage soigné – où la mie joue en majeur – et ses extrémités pointues, sa mie fraiche et bien alvéolée ainsi qu’une croûte fine et craquante. Attention toutefois, des notes de levain plutôt persistantes s’y développent, et même si l’acidité sait rester contenue, cela pourra dérouter les amateurs de pains plus « lactiques ».
On retrouve les mêmes qualités du côté du Pavé Saint-Honoré, vendu au poids (7,5€ le kilogramme), ou encore des « Cordes ».

Bien sûr, on ne saurait rater la large gamme de sandwiches et en-cas proposés ici. Du jambon-beurre – proposé à 3€ – au dinde-curry (4,3€), en passant par les quiches variées, baguettes garnies à réchauffer, salades… l’ensemble est de bonne facture, pour des tarifs très acceptables. La qualité du pain sert d’ailleurs cette gamme traiteur.
Les plus gourmands ne manqueront pas d’accompagner leur repas d’une douceur, avec des pâtisseries traditionnelles (tartes, pâtes à choux, entremets chocolatés) et plutôt soignées, dans la moyenne. Petit bémol sur les tartes aux fraises vendues hors-saison, et du côté des viennoiseries, juste passables.

Tout cela ne serait rien sans l’humain, et en la matière, le personnel de vente sait y faire : les vendeuses et leur habit de travail reprenant fièrement la dimension de « gustative corner » développée par les lieux nous offrent un service efficace et chaleureux. Un point particulièrement appréciable dans un quartier où les files d’attente ont tendance à s’allonger au déjeuner, et qui explique sans difficulté le succès rencontré par l’affaire de M. Martin.

Infos pratiques

300 rue Saint-Honoré – 75001 Paris (métro Tuileries, ligne 1 ou Pyramides, lignes 7 et 14) / tél : 01.42.60.58.61
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? La gamme développée par Yannick Martin autour des farines Biologiques des Moulins Bourgeois ne manque pas de qualités. Cet effort autour de la certification, mis en avant depuis ses travaux de rénovation estivaux, se retrouve dans des pains aux notes acidulées, aux mies fraîches et aux croûtes craquantes. Certes, on pourra regretter le tarif relativement élevé de sa baguette de Tradition (1,30€ les 250g), cependant sa bonne conservation, ses cuissons généralement bien menées et ses arômes en font une valeur sûre dans un secteur plutôt sinistré en terme de bon pain. On notera également la présence d’un pain proposé à la coupe, le Pavé Saint-Honoré (7,5€ le kilogramme) ainsi que de quelques créations gourmandes, comme un petit pain au cacao ou d’une ficelle noix-fromage, en plus des pains complets ou de campagne traditionnels.
Accueil ? Efficace, et il le faut, tout en sachant rester sympathique et avenant. L’organisation déployée au sein de la boutique permet de gérer l’affluence sans trop de difficultés au déjeuner, et c’est bien appréciable dans un quartier où le temps est souvent compté au déjeuner.
Le reste ? Les sandwiches, quiches, salades et autres produits traiteur sont proposés à des tarifs tout à fait abordables, en plus d’offrir une qualité de réalisation tout à fait honorable. Pour les becs sucrés, les pâtisseries sont classiques et dans la moyenne, elles complètent un repas pris sur le pouce, il ne faut pas en demander plus. On passera par contre sur les viennoiseries, plutôt passables.

Faut-il y aller ? Rares sont les boulangeries de qualité dans ce secteur, et Yannick Martin parvient à faire honneur à son titre d’artisan boulanger en proposant des produits de bonne facture, en plus d’être certifiés biologique. On prend ainsi plaisir à venir y chercher son pain, et pas uniquement un casse-croûte. Un endroit où, malgré un bien curieux anglicisme, le goût n’a pas filé à l’anglaise.

Peu de boulangers peuvent prétendre faire le tour de la planète pour revenir à Paris, à plus forte raison de façon fréquente. Quelques uns de nos artisans les plus talentueux et en vue sont parvenus à s’exporter, notamment dans les pays asiatiques, où notre savoir-faire est tout particulièrement rayonnant. Rayonnant, certes, avec toutefois quelques adaptations nécessaires : les boulangeries deviennent systématiquement des salons de thé, et les pains ont une fâcheuse tendance à se faire petits et moelleux… Question d’habitude et de culture.

Gontran Cherrier fait partie de ces entrepreneurs de la boulangerie. On peut lui reprocher, comme beaucoup ne manquent pas de le faire dans la profession, de chercher à s’étendre trop rapidement, à développer son image plutôt que la qualité de ses produits… Même si, comme chez l’ensemble des artisans, il y a des jours avec et des jours sans, on ne peut mettre en doute l’engagement profond de l’entreprise dans la sélection de ses matières premières, ainsi que dans le développement d’une véritable démarche axée autour du goût. Un exemple ? Un déplacement en Bretagne en fin de semaine dernière, afin de chercher une farine de sarrasin plus parfumée que celle utilisée jusqu’alors. Certes, peu de boulangers peuvent se permettre ce genre de démarche, mais cela dénote d’un certain niveau d’engagement.

Le tableau noir annonce les dernières nouveautés… et notamment l’étonnant Méteil aux Graines de Coriandre !

Au cours de notre entretien, ce qui est sans doute le plus frappant, c’est que nous n’avons que peu parlé de boulangerie, mais plutôt de goût : c’est bien là le coeur de sa démarche. Cette fameuse farine de sarrasin demi-complète pourra peut-être servir à élaborer une brioche façon Fouace, avec de la crème fraîche… Une idée parmi tant d’autres dans l’esprit de ce créatif bouillonnant.
Au 22 rue Caulaincourt comme rue Juliette Lamber, le pain intègre réellement le repas ou se déguste comme une gourmandise. Pas question de proposer des produits aux olives dans des formats trop conséquents, par exemple. Il faut en effet garder une certaine cohérence, et c’est précisément ce que recherche Gontran Cherrier. Cohérence également avec les saisons : les pains aux épices Zaatar ou aux pignons de pin et romarin ont laissé leur place à de la semoule de maïs, ainsi qu’à un savoureux Méteil (mélange de farines de froment et de seigle à 50-50) aux graines de Coriandre.

Pain Méteil au Graines de Coriandre – un façonnage peu courant pour un pain chez Gontran Cherrier, puisque ce dernier est moulé.

L’élaboration des produits passe surtout par des souvenirs, que l’artisan partage avec sa clientèle. Dans le cas de cette dernière création, ce sont des références à des voyages en Russie, où ce type de pain est fréquemment dégusté. On y retrouve des saveurs marquées, le seigle jouant en sourdine sur la Coriandre, pour une expérience assez rare dans notre capitale. C’est précisément pour cela que l’on vient ici, et que cette boulangerie peut se permettre certaines libertés – notamment tarifaires, car certains pains sont loin d’être accessibles à tous.

Les pains à la semoule de maïs ont fait leur retour pour les mois froids à venir. On appréciera toujours autant cette texture granuleuse et ce parfum particulier… que l’artisan souhaiterait plus prononcé. Il réfléchit en effet à l’utilisation de farine de maïs pour toujours plus s’approcher du Broa portuguais qu’il apprécie tant. Le fait qu’ils soient à présent proposés en boules et non plus en grosses pièces à la coupe est bien vu.

Les mois passent et l' »aventure » grandit. Singapour, Tokyo, … Gontran Cherrier aura passé de nombreuses semaines à l’étranger ces derniers temps, mais il a bien fini par poser un peu ses valises en France pour cette fin d’année. Cela ne s’est pas fait sans raison, d’ailleurs, puisque nous assisterons début décembre à l’ouverture de sa troisième boutique dans l’hexagone… à Saint-Germain-en-Laye. Un nouveau challenge et une grande surface (plus de 200m2) pour dynamiser l’offre boulangère de cette cité, où certaines institutions sont déjà bien installées, comme j’avais pu le constater il y a quelques temps.
En parallèle, les adresses parisiennes ne seront pas oubliées, avec des nouveautés et produits hivernaux (retour des Saucissons Lyonnais briochés, de feuilletés variés, …).

Les plus gourmands auront remarqué le retour de la tarte pomme-raisins-fleur d’oranger

L’histoire s’écrit aussi hors boulangerie, puisque c’est sur TGV Est que les fameux buns multicolores développés par Gontran Cherrier embarqueront dès demain. En effet, dans le cadre d’un partenariat avec Newrest Wagons Lits, la boulangerie Thierry (en charge de la production) et notre créatif, des sandwiches ronds et moelleux intègrent la carte proposée aux voyageurs, ainsi que nous le décrit le site de la compagnie. Une initiative intéressante, aussi bien en terme de visibilité pour l’artisan, que pour les clients de TGV Est : nous n’avons que trop souvent l’occasion de critiquer l’offre de restauration proposée à bord des trains, et ce type de projet pourrait bien parvenir à la dynamiser. Espérons que Cremonini Restauration – en charge de l’approvisionnement des autres trains à grande vitesse de la SNCF – s’en inspire dans le futur.

Voici donc quelques nouvelles, mais je ne doute pas que les mois à venir nous donneront encore l’occasion d’en écrire d’autres…

 

Je suis admiratif de l’engagement profond qu’entretiennent certains artisans : non seulement ils ont à coeur de proposer à leurs clients des produits de qualité, mais ils essaient de valoriser leur savoir-faire au travers des concours professionnels, tout en le partageant par des formations dispensées à des apprentis ou autres boulangers. Ces « têtes » de l’artisanat portent haut et fort les couleurs et le goût du bon pain.

C’est notamment le cas du très dynamique Meilleur Ouvrier de France Mickaël Morieux. Ce titre, obtenu en mai 2011, n’est que l’aboutissement d’un engagement de longue date pour l’artisan boulonnais : engagé dans le Compagnonnage dès son plus jeune âge, après avoir fait ses premières armes dans la boulangerie de son village natal, il a parcouru la France avant de trouver son port d’attache dans les Hauts-de-Seine et établir un palmarès impressionnant : médaille d’argent au championnat du monde de Boulangerie en 1999, médaille d’or au championnat de France en 2005, 1er prix du 92 pour le dynamisme et la gestion d’entreprises au concours des Arts et métiers en juin 2007, 1er prix au concours du meilleur artisan boulanger-pâtissier des Hauts-de-Seine, catégorie des employeurs…
De quoi faire tourner les têtes, mais définitivement pas la sienne, car le personnage sait rester accessible – une qualité appréciée par les boulonnais – et réalise des prestations de conseil et de formation en France, mais aussi à l’étranger et notamment au Japon.

Pour autant, il ne faudrait pas laisser de côté la discrète boutique de la rue d’Aguesseau, où Florence et Mickaël Morieux sont installés depuis 2002. C’est loin d’être le cas, et les habitants du secteur ne s’y trompent pas : le week-end, il faut souvent s’armer de patience avant de pouvoir croquer dans la fameuse baguette de Tradition vendue ici. Fameuse, elle a toutes les raisons de l’être. Travaillée sur levain, elle exprime une très légère note d’acidité en fin de bouche, mais c’est bien la douceur qui domine. On la retrouve notamment au travers de sa mie très fraiche, légèrement cotonneuse et bien alvéolée. Rien à redire non plus quant au soin porté au façonnage, les baguettes sont toutes élégantes et nous offrent un rapport mie/croûte bien étudié, offrant aux gourmands le loisir de profiter du craquant de cette tradition. Pour 1,20€ les 250g, voilà une Tradition de caractère, à l’excellente conservation et aux notes de noisette bien agréables. Fait à noter également, la baguette ordinaire n’est pas délaissée et bénéficie d’un certain soin également, M. Morieux tenant à proposer un pain accessible mais non moins savoureux.
Si seulement notre MOF se contentait d’exceller sur la baguette, notre choix serait vite fait, mais c’est bien loin d’être le cas : entre la tourte de seigle auvergnate biologique, les pains de campagne, le Baton aux Céréales, les miches au levain naturel et je fais volontairement l’impasse sur les déclinaisons aux fruits secs… Dans chacun des cas, on retrouve la même signature : un travail sur levain d’une grande douceur et subtilité, des cuissons bien menées et des façonnages minutieux. La farine des Moulins de Chars, choisie par l’artisan, est ici mise à l’honneur.

Les viennoiseries ne sont pas en reste, avec de superbes et généreux croissants, ainsi que des chaussons aux pommes de haute volée. On pourra également se laisser tenter par les brioches bien dodues qui surplombent cet étal de gourmandises. Nous sommes bien là dans le coeur de métier de l’artisan, et on voit assez rapidement que la pâtisserie n’est pas son domaine de prédilection. Quelques grands classiques nous sont proposés, en toute simplicité. Parmi eux, les points forts sont sans conteste les tartes feuilletées aux pommes ou aux abricots, ainsi que le gâteau basque vendu à la part – région d’origine oblige !
La maison n’oublie pas de régaler les travailleurs avec des sandwiches honorables, ainsi qu’un choix de quiches à la part aux recettes bien senties (lorraine bien sûr, mais aussi des propositions dont l’énoncé réchauffe le coeur, à l’image de la « poulet-provençale »). Quelques salades accompagnent le tout.

Un dernier mot sur l’accueil, souriant et chaleureux, même si parfois un peu débordé au vu du succès rencontré par l’adresse. D’ailleurs, ce n’est pas la seule où les boulonnais peuvent se régaler, puisque Mickaël Morieux est également présent avenue Jean-Baptiste-Clément. Une relation de confiance est entretenue avec les habitués, toujours avec cet esprit de partage qui semble être la marque de fabrique de la maison.
Les horaires d’ouverture – jusqu’à 21h une partie de la semaine ! – complètent bien ce tableau qui nous prouve que la banlieue n’est pas dépourvue d’adresses de grande qualité.

Infos pratiques

35 Rue Aguesseau – 92100 Boulogne-Billancourt (métro Boulogne – Jean Jaurès, ligne 10) / tél : 01 41 10 94 36
ouvert tous les jours sauf jeudi, de 7h à 21h – 20h les samedis et dimanches.

Avis résumé

Pain ? C’est là la grande force de la maison, et ce n’est sans doute pas par hasard si Mickaël Morieux a décroché le fameux titre de Meilleur Ouvrier de France. Chez cet ancien compagnon, la baguette de Tradition nous offre un caractère légèrement acidulé, même si on se laisse tenter sans peine par les pains de campagne au levain ou autres tourtes de Seigle. Façonnages appliqués, cuissons abouties et conservations de bon niveau, rien ne manque.
Accueil ? Sympathique et efficace, et il faut l’être car la queue est parfois bien longue devant cette petite boutique. On ressent un bel esprit de partage, cher à cet artisan qui ne cesse d’enchainer formations et autres animations.
Le reste ? On appréciera la qualité des viennoiseries, avec un croissant généreux et développé, ainsi que la simplicité bien vue de la gamme sucrée. Parmi les spécialités, le gâteau basque fait honneur aux origines de M. Morieux. Le traiteur reste dans cette ligne, sans relief particulier, mais réalisant son office.

Faut-il y aller ? Une adresse discrète, une boutique étroite, mais un beau talent pour ce boulanger passionné. Voilà qui justifie pleinement un arrêt ici, voire un petit détour par Boulogne, qui n’est qu’à deux pas de Paris !