Prendre son envol, quitter l’emprise d’une influence, qu’elle soit familiale, religieuse, professionnelle… ou même boulangère. Voilà une décision courageuse, et souvent difficile à prendre au vu des implications qu’elle peut présenter. Certains n’y parviendront pas et resteront accrochés à leurs attaches, ce qui les empêchera inévitablement de prendre de la hauteur et de se réaliser tout à fait.
Je parle d’influence boulangère car c’est bien souvent ce qu’imposent les grands «réseaux boulangers» aux artisans qui les rejoignent. Certes, ils prennent la décision en leur âme et conscience, mais j’ose espérer qu’ils n’en mesurent pas tous les enjeux à l’instant où ils le font.

Même si certains continuent à alimenter de telles entreprises, nombre de boulangers font aujourd’hui le choix de privilégier des meuniers leur laissant plus de liberté quant à leur identité et à leurs produits. Une excellente chose quand on constate le manque de diversité dans l’offre boulangère que l’on connaît encore aujourd’hui.
Dans le 12è arrondissement, au sein de cette large artère qu’est le Cours de Vincennes, le pain m’a pris de cours… de court, pardon. En effet, Guillaume Cailleaud a entrepris cet été des travaux de rénovation dans sa petite boutique, mais ne s’est pas limité à ce changement cosmétique : il a quitté le groupement Banette pour faire appel aux Moulins Bourgeois.

Cela explique pourquoi nous pouvons aujourd’hui faire la cour à une Reine… des Blés. La baguette de Tradition, réalisée à partir d’une farine Label Rouge, se révèle charmante, avec son parfum de froment bien prononcé et sa croûte craquante. On y retrouve bien les «standards» de cette baguette typique du meunier de Verdelot.
Pour le reste, la gamme manque encore de vigueur, à peine y retrouve-t-on des pains dits «de Campagne», de mie ou encore différents mélanges développés par les Moulins Bourgeois, incluant notamment diverses céréales. On appréciera tout de même les cuissons très correctes, ainsi que des façonnages généralement appliqués.

Les gourmands pourront se satisfaire de pâtisseries boulangères, à l’image des déclinaisons de tartes gourmandes (chocolat, citron) ou au fruit. La tarte aux pommes de la maison s’est d’ailleurs récemment distinguée, se classant XXè au Concours de la Meilleure Tarte aux Pommes d’Île-de-France. Les viennoiseries ne présentent pas d’intérêt particulier, tout comme les sandwiches, visiblement réalisés à partir de baguette de pain courant, ayant pour effet immédiat de leur retirer tout intérêt en terme de saveur et de croustillance. Une formule, proposée à 7€, permet de constituer un repas avec une part de Tarte au choix, ainsi qu’une boisson en bouteille.

Une boutique neuve, certes, mais une histoire débutée de longue date : la Maison Cailleaud est installée ici depuis 1973, une longévité bien rare dans notre capitale, à plus forte raison sur un axe aussi nébuleux et passant que celui-ci. Le style élégant et les carreaux biseautés façon station de métro s’accompagnent d’un service honnête et sans fioritures, ce qui correspond bien à l’ambiance du quartier.

Infos pratiques

104 Cours De Vincennes – 75012 Paris (métro Porte de Vincennes, ligne 1) / tél : 01 43 40 30 07
ouvert du lundi au vendredi de 6h30 à 20h15, le samedi de 7h30 à 14h.

Avis résumé

Pain ? On ne peut que remarquer le changement opéré ici depuis cet été : exit la gamme Banette, Guillaume Cailleaud a fait le choix des farines Bourgeois et c’est à saluer. Le résultat ? Une Reine dans le cours, proposée à sa cour… et cette dernière ne manque pas d’attrait, avec un parfum de froment bien présent, une mie assez fraiche et bien alvéolée ainsi qu’une croûte fine et craquante. La gamme est assez courte en dehors de cette proposition de qualité, avec les traditionnels pains de Campagne, complets et autres mélanges aux Céréales. Cuissons très correctes et façonnages appliqués sont cependant au programme, ce qui contribue à donner une certaine valeur aux pains de l’artisan.
Accueil ? Simple, honnête et efficace. Rien de plus à ajouter, et c’est tant mieux, car on n’attend pas autre chose de cette petite boulangerie de quartier… si l’on peut parler de quartier, car le Cours de Vincennes s’apparenterait plutôt à un large couloir urbain.
Le reste ? Des gammes courtes et sans plus de cérémonie, avec des pâtisseries boulangères où les tartes sont à l’honneur, accompagnées de quelques éclairs et autres gourmandises (palmiers, sablés…). Rien d’exceptionnel, même si la Tarte aux Pommes a été récemment primée. Même constat côté viennoiseries, et malheureusement le secteur salé traine un peu plus des pieds, avec des sandwiches très moyens.

Faut-il y aller ? Pour encourager le changement boulanger, sans aucun doute. Sortir d’un réseau boulanger n’est pas un acte que font tous nos artisans, et c’est bien le signe d’une certaine volonté à développer son identité en dehors de toute marque. A mon sens, c’est par là que passera le salut de la boulangerie artisanale, en plus d’un pain de qualité, ce qui va de soi. En la matière, Guillaume Cailleaud nous propose une Reine des Blés tout à fait honorable, voilà donc une affaire qui suit son… cours.

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