Guess who’s back. Décidément, j’aurais pu faire une série de titres en Anglais, mais non, je ne cède pas à la facilité. Surtout que cela ne ferait pas honneur au sujet de mon billet du jour, qui n’est autre… qu’une boulangerie, et à mon sens, pas n’importe laquelle. Une découverte comme celle-ci me redonne un peu d’espoir et d’envie, car on finit bien souvent par en être dépourvu, à trop regarder le monde et ses noirceurs. Ainsi donc me revoilà. Même lieu, même adresse, mais en réalité les choses sont bien différentes : j’y reviendrai plus tard, ce n’est pas l’objet de cet article.
Difficile de découvrir de nouvelles adresses quand on en a visité autant que j’ai pu le faire. Les options sont alors limitées : soit on se limite aux « meilleures » pour mettre en avant leur travail, soit on se tourne vers d’autres éléments de la filière (meunerie, …)… soit on mélange un peu tout cela en restant à l’écoute du « fond sonore » qui fait toute la complexité de la vie parisienne.
Du bruit, des éclats de voix, il n’en manquait pas lorsque Carole, la pâtissière-fondatrice de la charmante Petite Fabrique du Marché des Enfants Rouges, me parla d’une boulangerie située dans le 18è arrondissement, en plein coeur du quartier de la Goutte d’Or. Je ne vous cache pas que c’est loin d’être le secteur dans lequel j’ai tendance à me perdre, mais le bon pain devrait pouvoir se trouver partout et en tout temps. En tout cas, c’est le cas dans la boulangerie Tembely et on ne peut que s’en réjouir.
C’est dans cette boutique d’angle à l’allure très sobre que Swan et son épouse Khabija se sont installés il y a tout juste un an, en août 2011. Un parcours professionnel atypique pour ce boulanger, issu d’un cursus dans le design et de quelques années dans l’hôtellerie, avant de se reconvertir pour épouser cet univers de sel, d’eau et de farine. Atypiques, le nom et l’histoire de sa boulangerie le sont tout autant. Tembely ? Une référence aux origines maliennes de Khabija. Si le projet et l’envie de s’installer de ce couple ont pu se concrétiser, c’est grâce au concours de la SEMAEST – Société d’Economie Mixe d’Aménagement de l’Est de Paris -, qui proposait un local à louer pour l’ouverture d’une boulangerie au 33 rue Myrha. L’envie et le fait qu’il s’agisse d’un projet « indépendant », non porté par une quelconque chaine ou un industriel, sont parvenus à convaincre l’organisme.
Bien leur en a pris, car le résultat est à la hauteur des espérances. Passé la porte, on pénètre dans ce large espace réunissant aussi bien la vente que la production. Tout est transparent, ce qui permet à la clientèle de s’assurer sans aucun biais du caractère artisanal des produits proposés ici. Dans les présentoirs aux couleurs naïves, on trouve des pains et gourmandises bien éloignés des réalisations plutôt approximatives qui sont fréquentes dans ce quartier. Si une chose frappe immanquablement, ce sont les superbes cuissons : les pains affichent des croûtes bien ambrées, de la baguette de Tradition au pain au levain, en passant par les bâtards. Tout cela n’est pas seulement une question d’aspect… mais aussi de goût ! Les arômes n’en sont que plus présents et développés. Ainsi, cela permet de bien mettre en valeur la farine des Moulins Bourgeois utilisée ici. La Reine des Blés a vraiment tout d’une reine : extrêmement craquante, offrant une mie sauvage et fraiche, aux délicats parfums de froment, voilà une baguette qui se déguste sans difficulté, bien au contraire.
Ce qui est tout aussi appréciable, c’est la qualité de réalisation du reste de la gamme : des pains au levain très doux, d’excellente conservation, une superbe tourte de Seigle, quelques pains garnis (figues-noix, entres autres mélanges de fruits secs)… sans oublier un pain plat aux graines de sésame et de nigelle, conformément aux « coutumes » du secteur. Du choix, de la qualité, des prix raisonnables, la boulangerie Tembely a décidément tout compris. Cela ne laisse pas indifférent les habitants des alentours, qui ont immédiatement repéré la différence avec les autres boulangeries de la Goutte d’Or. Comme quoi, les quartiers populaires savent apprécier les beaux et bons produits, parfois bien mieux que d’autres plus aisés…!
Les plus gourmands ne seront pas en reste, puisque les viennoiseries bénéficient de la même attention, avec notamment un superbe croissant au feuilletage bien croustillant. Côté pâtisseries, cela demeure très simple, on y retrouve quelques réalisations à base de pâte à choux ou des tartes à la part. Rien de bien extraordinaire, mais on ressent bien l’esprit d’honnêteté propre à la maison.
L’offre traiteur mélange les cultures autant que peuvent le faire les alentours : la foccacia aux légumes côtoie les sandwiches ainsi que des préparations plus atypiques. Cet ensemble cosmopolite reprend bien la multiplicité des couleurs du lieu… Une belle cohérence qui nous offre des perspectives de cohabitation et d’échanges apaisés. « Tout le monde vient ici » me disait l’artisan. Effectivement, une boulangerie est un lieu de vie et de partage, qui accueille ses clients sans considération de classe sociale ou de revenus.
En parlant d’accueil, ce dernier est bien à l’image de la boulangerie : sincère, simple et honnête. On sent une réelle implication du personnel, une volonté de bien faire et de toujours partager cette aventure avec la clientèle.
Infos pratiques
33 rue Myrha – 75018 Paris (métro Château Rouge, ligne 4)
ouvert du mardi au dimanche de 6h45 à 20h.
Avis résumé
Pain ? L’offre de la boulangerie Tembely dénote vraiment des « standards » du quartier, autant en terme de diversité que de qualité. Que ce soit la baguette de tradition Reine des Blés (farine Label Rouge des Moulins Bourgeois) – craquante et légère, à la mie fraiche et alvéolée et aux douces notes de froment -, les pains au levain (nature ou aux fruits secs (noisettes, « benoiton ») d’une belle douceur, la tourte de Seigle ou encore les déclinaisons de petits pains, rien ne déçoit et affiche à chaque fois de superbes cuissons, ce qui assure aux produits une excellente conservation. Ajoutez à cela des tarifs très raisonnables (1,10€ pour la baguette de Tradition – 250g, 2,20€ la boule au levain – 410g…), vous obtenez un résultat plus que convaincant.
Accueil ? Un sourire sincère, une vraie volonté de partager avec la clientèle et le quartier, voilà ce qui caractérise l’équipe de vente oeuvrant ici. Certes, ce n’est pas toujours parfait, l’encaissement est parfois un peu approximatif, mais il ne s’agit pas là de l’élément le plus important sur le plan humain.
Le reste ? On ne manquera pas d’apprécier le soin porté aux viennoiseries, avec un superbe croissant au beurre (0,80€ seulement !) ainsi que quelques spécialités dont un charmant pudding. Côté pâtisserie, c’est très simple, quelques déclinaisons autour de la pâte à choux, des tartes et cakes… on n’en demande pas plus. L’offre salée poursuit dans le même esprit, en faisant se côtoyer les cultures : foccacia aux légumes, sandwiches mais aussi plats plus « ethniques ».
Faut-il y aller ? Oui, bien sûr ! De telles entreprises doivent être encouragées afin que le bon pain soit disponible partout : cela ne doit pas être l’apanage de quelques privilégiées, bien au contraire. Le caractère profondément démocratique de ce produit est une source de bonheur potentiel pour tous : quoi de plus agréable qu’une baguette craquante et savoureuse pour commencer la journée ou accompagner un repas ? Si en plus cette dernière est servie avec le sourire, qu’elle s’accompagne de gourmandises sympathiques dans un lieu à la fois sobre et bien vu, on ne pourrait pas demander grand chose de plus… sinon qu’il y ait plus d’artisans tels que celui-ci ! Pour reprendre les mots de Carole, forts jolis et tout à fait à propos au sujet de la boulangerie Tembely, « loin des projecteurs, il y a des petites lumières qui éclairent merveilleusement notre quotidien »… Un peu de lumière et de poésie pour la Goutte d’Or, écrivons le monde en couleurs comme le font Swan, Khabija et leur équipe, autant au travers de leurs produits que de leur devanture colorée.