Certains contrastes font parfois sourire. C’est un peu ce qui fait que le monde est intéressant, que les journées peuvent trouver de l’intérêt et du sens. A Paris encore plus qu’ailleurs, on peut rencontrer au fil des heures et des quartiers des situations tout à fait différentes, avec parfois l’impression que l’on n’est plus tout à fait dans la même ville. Ce métissage de cultures, d’aspirations, de façon de construire son quotidien, sont autant d’opportunités à un enrichissement personnel permanent.

Le painrisien est à l’image de la ville : il saisit les contrastes. Mon dernier billet vous parlait de la luxueuse chocolaterie d’Alain Ducasse, aujourd’hui c’est à Montreuil que je vous emmène. Ici, pas de storytelling, pas de paillettes ni de dossiers de presse. A quelques mètres du métro Croix de Chavaux, La Conquête du Pain écrit au quotidien une histoire bien plus authentique mais non moins gourmande. Ici, pas de chocolats à plus de 150 euros le kilogramme, uniquement du pain, des douceurs… et des idéaux. Militants, autogérés et participant à des luttes de société variées, ils n’en demeurent pas moins impliqués dans l’idée de proposer du goût et du plaisir à leur clientèle. Quand les idées rejoignent les idéaux, on ne peut que s’en réjouir.

Il en fallait, justement, de l’idée, pour revisiter le kouglof comme Pierre Pawin – le boulanger à l’origine de l’aventure – et son équipe ont décidé de le faire en ce mois de février. Le classique brioché alsacien impose son style par sa forme… Seulement, bien peu d’artisans prennent des libertés avec les classiques raisins, sucres et amandes qui garnissent l’ensemble. C’est bien dommage, car il y aurait tellement de façons de donner du panache à cette mie fondante.

Justement, le caractère fondant est bien respecté ici, avec une belle densité moelleuse. Ensuite, le gourmand n’a qu’à choisir entre les trois versions proposées : la traditionnelle, caramel au beurre salé, ou bien chocolat.
Rien de bien particulier à dire sur la version classique, nous la connaissons à peu près tous et elle est ici réalisée avec soin, évitant l’écueil de la sécheresse parfois rencontrée sur ce produit. Intéressons nous plutôt au caramel et au chocolat.

Le Kouglof caramel

Le Kouglof caramel

Un nappage aux notes salées, quelques éclats croquants, la version caramel est une belle expérience en terme de textures et de températures. La « chaleur » du caramel vient envelopper la douceur de la mie, parsemée de quelques raisins. Les éclats de noisettes et de caramel croquant surprennent et relancent le plaisir. Même si ce kouglof a tendance à être légèrement collant, il se révèle terriblement gourmand et régressif.

Le Kouglof chocolat et ses éclats de noisette

Le Kouglof chocolat et ses éclats de noisette

On peut aussi choisir de plonger du côté obscur de la brioche, avec la déclinaison cacaotée. Ici, le nappage se fait plus discret et renforce le parfum des éclats de chocolat que l’on retrouve disséminés dans la mie. La noisette est plus présente et s’associe bien avec le cacao. Le caractère peu sucré de l’ensemble est particulièrement agréable, d’autant plus quand on est habitué à déguster des kouglofs plutôt riches en sucre.

Dans les trois cas, l’excellente conservation du produit offre la promesse de multiples petits déjeuners ou goûters gourmands. Là où La Conquête du Pain marque encore sa différence avec de nombreuses maisons parisiennes, c’est au travers du prix auquel sont proposés ces kouglofs : 6€ la pièce d’environ 450g, le rapport qualité/quantité/prix frise la philanthropie… mais y’a-t-il vraiment de quoi être étonné par ce fait ?

Les Kouglofs, La Conquête du Pain – Montreuil (93), vendus à la pièce, 6€ les 450g environ – uniquement en février 2013.

Parfois, j’aimerais bien regarder le monde avec des yeux d’enfants, vous savez, avec cette certaine candeur et une bonne dose de douceur, d’innocence. Seulement voilà, la grisaille soutenue de ce monde d’adultes a progressivement épuisé les couleurs de ma palette, je suis devenu un bien triste peintre… mais je continue inlassablement mon oeuvre, dans l’espoir de finir par y retrouver ces fameuses teintes perdues.

Des peintres, des ouvriers, il en aura certainement fallu pour transformer cet ancien garage Renault de la rue de la Roquette. Au 40 de l’allée tortueuse du 11è arrondissement, les vapeurs d’essence ont été remplacées par d’autres, bien plus agréables. Quand les impressionnantes machines chargées de transformer le cacao en chocolat sont en route, il est en effet difficile de passer à côté des effluves grillées qui se dégagent de l’endroit.

Nicolas Berger devant son torréfacteur, Chocolat Alain Ducasse, Paris 11è

Alain Ducasse n’a pas lésiné sur les moyens pour se lancer dans le chocolat, lui qui a déjà si bien réussi dans la restauration. Toujours ambitieux, il a souhaité maîtriser l’ensemble de la « chaine » qui aboutit à la production de chocolat. Réception des fèves de cacao, tri et nettoyage, torréfaction, conchage… Bien peu en France continuent à être en possession de ce savoir-faire, d’autant plus au niveau artisanal comme c’est le cas ici. Pour relever le challenge, c’est un assemblage de machines d’horizons variés, aux histoires parfois atypiques et éloignées du cacao, qui a été construit ici. Des machines, oui, mais il fallait bien un chef d’orchestre pour les mettre en action. Ce dernier a été tout trouvé en la personne de Nicolas Berger, jusqu’alors chef pâtissier des maisons Ducasse. Artisan passionné, l’homme a toujours baigné dans un univers sucré, que ce soit dans son histoire familiale ou au travers de son parcours professionnel. Difficile de rester indifférent lorsqu’on l’entend parler avec amour et passion du projet qu’il a mené dans ces 320m2, et où oeuvrent aujourd’hui à ses côtés des ouvriers appliqués.

Bonbons de chocolat, Chocolat Alain Ducasse, Paris 11è

Je pourrais m’arrêter là, simplement contempler l’ampleur de la tâche, vous dire que cela aboutit à fabriquer des chocolats plutôt typés (avec une acidité assez présente, comme voulu par Alain Ducasse), des produits pouvant sembler expérimentaux (à l’image des tablettes de chocolat non conchées), un praliné bien maîtrisé et dans l’ensemble un dosage en sucre plutôt raisonnable. Oui, bien sûr. Seulement voilà, même si j’avais eu le plaisir d’être invité à une visite guidée en ce mardi 19 février, je n’ai pas pu manquer de trouver que tout cela faisait… trop. Un peu comme si un grand enfant s’était payé un magnifique jouet, pour asseoir sa présence dans l’univers de la gastronomie. Prouver, en quelque sorte, qu’il pouvait être un « touche à tout » couronné de succès dans l’ensemble de ses activités.

Clin d'oeil amusant : cette machine est de marque Bühler... un constructeur suisse très présent en meunerie !

Clin d’oeil amusant : cette machine est de marque Bühler… un constructeur suisse très présent en meunerie !

Les portes et présentoirs chinés à la Banque de France en jettent, c’est incontestable, mais n’aurait-il pas été possible de faire plus simple, plus accessible ? C’est bien ce qui me gêne ici : le plaisir est comme aseptisé, renfermé dans ces beaux présentoirs en verre et fer forgé, à l’étroit dans ces tablettes de 75g vendues 6 euros l’unité… Les tarifs sont élevés, trop à mon goût, même si cela doit dans un sens « récompenser » l’engagement et les investissements qui auront été nécessaires.
Difficile également de passer outre l’aspect humain, l’absence d’histoire et d’identité marqués : Alain Ducasse a signé des chèques, cassé sa tirelire… certes. Cela lui donne-t-il pour autant le droit d’être cet entrepreneur au caractère « docteur Jekyll et mister Hyde » si marqué, d’un côté tout sourire avec les convives et pour les photos, de l’autre tout à fait antipathique lorsqu’il s’agit de réclamer des plateaux de dégustation « achetés au Japon » (la précision est d’importance, n’est-ce pas) auprès de sa collaboratrice ?

Le praliné attend bien sagement de rejoindre bonbons et autres gourmandises.

Le praliné attend bien sagement de rejoindre bonbons et autres gourmandises.

Je ne sais pas. Toujours est-il que cela ne me fait pas beaucoup rêver, en définitive. Bien sûr, on pourra avoir l’impression que je me « paie » facilement une grande tête et qu’encore une fois je verse dans la critique facile. Sauf qu’en l’espèce, ce ne sont ni les chocolats, ni le travail de Nicolas Berger que je remets en cause – car il n’y a pas lieu de le faire. Non. J’aurais juste aimé être un enfant dans une chocolaterie. Vous savez, Charlie, Willy Wonka et leurs aventures… Qui sait, peut-être que le temps me donnera tort. C’est tout ce que je souhaite.

Des tarifs qui ne manqueront pas de faire tourner les têtes - parmi les plus élevés de la capitale.

Des tarifs qui ne manqueront pas de faire tourner les têtes – parmi les plus élevés de la capitale.

Les fleurs ont besoin de lumière pour éclore. Pas toujours facile d’avoir sa part, d’autant plus à Paris, où l’on a vite fait d’être noyé dans le flot des commerces et autres propositions qui ont tendance à perdre le consommateur… ou plutôt à lui dire où il doit regarder. Dès lors, des zones « d’ombre » se développent et en matière de boulangerie artisanale, bien peu cherchent à leur apporter la visibilité qu’elles mériteraient d’avoir. C’est aussi ça, le painrisien : tenter de faire découvrir au plus grand nombre des artisans qui se donnent du mal pour proposer des produits de qualité à leur clientèle.

L'Osmanthe, Paris 12è

Dans le 12è arrondissement, la rue Tourneux accueille depuis quelques semaines une nouvelle boulangerie-pâtisserie, même si la devanture n’a pas encore changé. En effet, le « Pain du Bonheur » a laissé sa place à l’Osmanthe… Un bel arbuste à floraison printanière, proposant un doux parfum de jasmin. A nous de tenter de lui apporter un peu de lumière pour justement lui permettre de nous faire profiter de ces effluves.

Vitrine et pièce montée, L'Osmanthe, Paris 12è

Formée au sein de la prestigieuse école du Cordon Bleu, et passée notamment dans les cuisines du restaurant Citrus Etoile, la jeune tenancière des lieux – d’origine asiatique – accueille sa clientèle avec un charmant sourire, tout comme peut le faire sa vendeuse. Le métier de base de notre nouvel artisan boulanger-pâtissier se situe dans les arts sucrés, et on ne manque pas de le remarquer : en effet, la boutique nous propose des macarons de très bonne facture, aux parfums agréables : chocolat, framboise, caramel beurre salé, deux citrons, thé vert matcha, sésame, vanille… pour 1,20€ la pièce, bien loin des tarifs souvent prohibitifs pratiqués pour ces petits fours. Les pâtisseries sont fines et soignées, à l’image des petits choux aux saveurs variées (thé vert, vanille, …), des entremets (tiramisu, cheesecake…), ou encore des tartes au citron et autres éclairs au chocolat. Même constat du côté des viennoiseries, réalisées maison comme en atteste la charte développée par les moulins Foricher, fièrement affichée en vitrine.

Quelques pâtisseries soignées et des macarons de bonne facture.

Quelques pâtisseries soignées et des macarons de bonne facture.

On en revient d’ailleurs assez vite à cette nécessité d’éclosion, ou plutôt de développement, car les pains proposés ici en manquent malheureusement. Ainsi, la baguette de Tradition se révèle assez décevante, avec une mie plutôt compacte et avec des arômes plutôt évanescents. Le reste de la gamme reprend les classiques Foricher : le Terron et ses notes de sarrasin, le All Black et sa mie sombre enrichie de céréales variées, un pain de campagne… Malgré des façonnages soignés, la gamme a encore besoin d’être rodée et c’est là que s’exprime toute la difficulté d’oeuvrer dans plusieurs métiers, surtout quand ce n’est pas celui que l’on a appris initialement.

La fameuse charte "viennoiserie maison" développée par le Club le Boulanger et Foricher

La fameuse charte « viennoiserie maison » développée par le Club le Boulanger et Foricher

La boutique ne propose pas encore un nombre important de références, du fait de son ouverture récente. Les gammes se développeront sans nul doute avec le temps, même si l’on peut dores et déjà apprécier la belle implication de l’artisan et sa motivation pour mener à bien ce projet ambitieux.

Viennoiseries, L'Osmanthe, Paris 12è

Infos pratiques

8 rue Tourneux – 75012 Paris (métro Daumesnil, ligne 6) / tél : 06 70 02 44 83
ouvert tous les jours sauf le mardi de 8h à 20h.

Avis résumé

Pain ? Les pains manquent globalement de développement et leurs arômes sont encore assez peu marqués. La gamme doit parvenir à se roder et trouver son rythme de croisière, même si tout cela n’est pas facile compte tenu de la formation initiale de la tenancière des lieux, dans le domaine de la pâtisserie et non de la boulangerie. Néanmoins, avec le soutien d’un meunier dynamique comme celui qu’elle a choisi (en l’occurrence, les moulins Foricher) et de l’application, le résultat ne peut qu’aller en s’améliorant.
Accueil ? Souriant, chaleureux et délicat, comme on peut l’imaginer venant de personnes d’origine asiatique. On sent une véritable volonté de bien faire et de défendre ses produits.
Le reste ? Les douceurs variées proposées par l’Osmanthe sont sans doute le principal centre d’intérêt des lieux à l’heure actuelle : macarons de bonne facture et tout à fait accessibles, pâtisseries soignées et savoureuses, viennoiseries dans la même lignée, peu de choses à redire de ce côté là. La boutique propose encore peu de produits, mais ce n’est pas une mauvaise chose car cela lui permet de roder ses gammes, compte tenu de son ouverture récente.

Faut-il y aller ? Pour une petite douceur, sans doute, mais aussi pour encourager cette jeune pâtissière à porter son projet plus loin, à lui apporter un peu de lumière pour que son Osmanthe grandisse, grandisse… et finisse par laisser éclore ses fleurs au printemps, afin que l’on profite de leur doux parfum de jasmin.

L’avantage de se consacrer à visiter les boulangeries parisiennes, c’est sans doute de pouvoir dénicher quelques curiosités, spécialités, comprendre comment les artisans parviennent à exprimer leur sensibilité et leur singularité sur certains produits, et ainsi finir par comprendre que les dénominations n’ont en définitive que peu de valeur : le meilleur exemple est sans doute celui de la baguette de Tradition qui, malgré la réglementation qui l’entoure, parvient à exprimer des arômes bien spécifiques en fonction de l’artisan qui la travaille. Il ne faut pas non plus négliger l’importance du choix des matières premières : toutes les farines n’ont pas les mêmes propriétés, certaines ont tendance à produire des pains plus ou moins développés, et pour les moins qualitatives d’entre elles, à n’exprimer que peu de saveurs.

Entre nous, le blé, le goût de froment, c’est chouette, mais c’est aussi parfois un peu lassant. On a parfois envie d’autre chose, sans pour autant tomber dans des pains riches en ingrédients. J’avais déjà traité du pain à la châtaigne, notre ami d’automne, passons aujourd’hui au pain au maïs.

Il faut savoir qu’il intègre des traditions culinaires bien différentes, pour des saveurs, textures et sensations très variées. Ainsi, on trouve de notre côté de l’Atlantique le fameux Broa portugais… et aux Etats-Unis le « cornbread », beaucoup plus moelleux et se rapprochant un peu du gâteau. En France, nos boulangers créent de libres interprétations du genre, avec des produits très variés. Au Grand Roux du Pays Basque chez Christophe Vasseur, craquant et enrichi de grains soufflés chez des Gâteaux et du Pain, parfumé au miel en saison chez Jean-Paul Mathon, … Preuve supplémentaire, s’il en fallait, que le pain au maïs est devenu tendance : difficile en effet de résister à son petit goût sucré caractéristique, offrant des perspectives d’accords parfois très gastronomique. Il se déguste très bien avec du foie gras, ainsi qu’avec du saumon ou des poissons grillés, à l’image des sardines. Les meuniers ont également intégré cette référence à leur catalogue, comme c’est le cas chez les Moulins de Chars, pour un résultat moelleux et parsemé d’éclats de maïs extrudé.

Tout jeune et tout jaune... Le dernier né de la gamme de Dominique Saibron est une belle incitation au partage, une valeur rattachée au pain et chère à l'artisan. Moelleux, légèrement sucré et avec un petit goût d'oeuf, il se déguste tout simplement avec une noix de beurre, autour d'un barbecue, avec du foie gras...

Tout jeune et tout jaune… Le dernier né de la gamme de Dominique Saibron est une belle incitation au partage, une valeur rattachée au pain et chère à l’artisan. Moelleux, légèrement sucré et avec un petit goût d’oeuf, il se déguste tout simplement avec une noix de beurre, autour d’un barbecue, avec du foie gras…

Il se rapproche d’ailleurs de la nouveauté lancée cette semaine par Dominique Saibron, à cela près que l’artisan de la place d’Alésia a choisi de lui adjoindre des caractéristiques bien particulières… notamment en terme de façonnage. On néglige bien souvent l’importance que peut avoir la forme d’un pain dans sa façon de le consommer. Des baguettes, des bâtards, de grosses tourtes, quelques petits pains, … Ce sont les formes les plus courantes en boulangerie. Dans le cas du pain « Brochette de Maïs », c’est une incitation au partage qui nous est offerte : des petits pannetons sont assemblés autour d’une brochette en bois. Le gourmand les sépare ainsi à la main, pour en apprécier le moelleux contrastant nettement avec le craquant du maïs extrudé, ainsi qu’avec l’humidité des grains entiers qui parsèment la mie.
La recette intègre un peu d’oeuf et de beurre, ce qui le rapproche directement du cornbread dont je parlais plus haut, le tout exprimant bien un petit goût d’oeuf assez agréable.

Il est breau, non, beau, le Broa ! Sa croûte rappelle la tourte de seigle par ses craquelures, même si l'on est ici dans le domaine de l'extrême croustillance : impossible de le trancher sans obtenir de nombreuses - et savoureuses ! - miettes.

Il est breau, non, beau, le Broa ! Sa croûte rappelle la tourte de seigle par ses craquelures, même si l’on est ici dans le domaine de l’extrême croustillance : impossible de le trancher sans obtenir de nombreuses – et savoureuses ! – miettes.

A l’opposé, le Broa est beaucoup plus rustique et typé. Il faut dire que son histoire ne pouvait que lui adjoindre ces qualificatifs : réalisé par des paysans portugais, il offre une croûte marquée et croustillante, laquelle renferme une mie moelleuse et douce. Parfois « pur maïs » – ce qui a pour conséquence de le rendre très, voire trop, dense -, on préfère généralement le réaliser à partir d’un mélange blé-maïs. Peu de boulangers parisiens ont choisi de le réaliser selon la tradition, mais c’est le cas chez Antonio Dias Gil, dans le 12è arrondissement. Le produit est d’autant plus appréciable qu’il est démocratique : proposé le samedi pour seulement 2 euros la pièce d’environ 500g, on ne peut pas dire que l’artisan fasse monter les enchères.

Une mie dense mais moelleuse, un véritable pain à tartines !

Une mie dense mais moelleuse, un véritable pain à tartines !

Généralement, le pain au maïs se conserve très bien, du fait de la relative densité de la mie qui y est associée – conséquence directe de l’absence de gluten dans cette céréale. Dans le cas du cornbread, la présence d’un peu de matière grasse n’est pas étrangère à ce fait.

Pain à la semoule de maïs chez Gontran Cherrier

Pain à la semoule de maïs chez Gontran Cherrier

Impossible de ne pas craquer pour le pain à la semoule de maïs de chez Gontran Cherrier, avec sa texture granuleuse et gourmande. L’artisan a choisi de le nommer Broa, même si le nom est un peu usurpé. Dans tous les cas, le maïs sait trouver sa place dans nos boulangeries artisanales, et sa couleur jaune apporte un peu de soleil à nos journées grises.

J’ai déjà comparé la boulangerie à de la musique, mais on pourrait faire une analogie similaire avec la mécanique. En définitive, il s’agit d’une grande chaine où chaque maillon compte : de l’agriculteur au boulanger, en passant par le meunier… Le consommateur en fait aussi partie : sans lui, le reste n’existe pas. Une faiblesse à un des niveaux et c’est la machine qui s’emballe. Heureusement, certains sont là pour resserrer les vis et donner l’espoir que la profession s’oriente vers des pratiques plus vertueuses. La mécanique, c’est compliqué. Il faut le savoir et l’accepter… en comptant sur les bons mecanos pour nous guider.

Je vous avais parlé de la boulangerie de l’un d’eux, située à Boulogne-Billancourt. Boulogne, boulonnais, boulonné, insérons là dedans des ressorts… Bref, vous aurez compris mon trait d’humour. Chez Mickael Morieux, la mécanique est bien huilée, preuve en est du succès rencontré par ses deux boutiques.
Cette affluence n’est sans doute pas le fruit du hasard, ni seulement du titre de Meilleur Ouvrier de France, qu’il a obtenu en 2011. Non, les raisons sont plus profondes.

Mickael Morieux devant sa boulangerie, rue d'Aguesseau à Boulogne-Billancourt.

Mickael Morieux devant sa boulangerie, rue d’Aguesseau à Boulogne-Billancourt.

Quand on rencontre cet artisan, on ne peut qu’être frappé par sa simplicité – malgré le col bleu-blanc-rouge -, son franc-parler et son dynamisme. Même si j’ai eu souvent l’occasion de critiquer des boulangers, pâtissiers ou chocolatiers ayant obtenu le titre prestigieux de MOF, Mickael Morieux l’utilise au contraire pour porter haut et fort les couleurs d’un artisanat de qualité, riche en valeurs et en savoir-faire.

Il n’a pas attendu 2011 pour partager et être en recherche permanente du « meilleur » : compagnon du Tour de France, il a longtemps participé à l’activité de l’entité même s’il s’en est aujourd’hui éloigné en raison des querelles qui minent cette organisation. Cela ne l’empêche pas de continuer à donner beaucoup à des jeunes et à leur inculquer des valeurs d’exigence et de droiture. Ainsi, on retrouve dans ses fournils une équipe largement constituée d’apprentis et d’ouvriers fraichement diplômés… ce qui n’empêche pas de retrouver côté boutique des produits de grande qualité.

Pour notre artisan, l’essentiel est de savoir s’entourer et impliquer chacun dans une même démarche. Sa spécialité n’est pas de réaliser des pâtisseries, qu’à cela ne tienne : il a récemment intégré dans son équipe un passionné du sucré pour donner un nouveau souffle à sa gamme de gourmandises. Transmettre et responsabiliser chacun pour aboutir à une entreprise cohérente, et qui puisse surtout donner envie de faire perdurer l’artisanat : les ouvriers d’aujourd’hui sont les patrons potentiels de demain. Ainsi, il n’est pas rare que Mickael Morieux déjeune en toute simplicité avec son équipe, plaisante, et entretienne une belle proximité que j’aimerais tellement retrouver chez plus d’artisans, dont la position est plus souvent de mettre en avant les problèmes de personnel que de tenter d’y apporter des solutions durables…

En parlant de durabilité, là encore, le boulanger ne manque pas d’idées sur la question : il accorde ainsi une importance toute particulière au choix de ses matières premières, à commencer par la farine. Une partie lui est livrée par les Moulins de Chars, une autre par les Moulins de Brasseuil – pour les farines biologiques, mais il ne s’interdit pas de faire appel à d’autres fournisseurs plus atypiques pour réaliser des produits particuliers. Hors de question de devoir se contraindre dans des labels et autres certificats coûteux, le Meilleur Ouvrier de France préfère choisir les ingrédients pour leur goût. Son objectif est en effet de porter la profession vers le haut en défendant l’idée que les boulangers ne sont pas de simples mélangeurs de farines et d’eau, se contentant souvent de suivre des recettes pré-établies ou d’utiliser des pré-mixes. Au contraire, selon lui, chacun devrait chercher à développer son caractère singulier pour susciter l’intérêt de la clientèle… et ainsi assurer la pérennité de la boulangerie artisanale.

A Boulogne, la revente non annoncée de l’affaire Lohézic n’a pas manqué de lui apporter toujours plus de clients, qui ne sont sans doute pas déçus de leur choix : impossible de ne pas apprécier la tourte de seigle (farine Biologique), la tourte de meule au levain, la baguette de Tradition… même si l’ensemble des produits proposés dans ses boutiques ont le bon goût d’être réalisés maison. Preuve, s’il en fallait une supplémentaire, de son engagement : l’artisan se rend à Rungis chaque semaine pour sélectionner ses produits et tenter de mettre en valeur des terroirs. Cette notion compte beaucoup pour lui, mais quoi de plus naturel pour un homme ayant parcouru les régions françaises afin d’en découvrir les richesses et les spécificités ?

Dans tous les cas, il ne fait pas de doute que l’on entendra parler de ce passionné de boulangerie : des projets plein la tête, la vie devant lui – il n’est âgé que de 39 ans -, Mickael Morieux a encore beaucoup à faire… tout en continuant dans la droite ligne de ses valeurs, simplicité, honnêteté et rigueur.

Nous sommes tous différents, et c’est sans doute ce qui fait que la vie est aussi riche est intéressante. Pour autant, il ne faudrait pas oublier que nous venons tous plus ou moins du même endroit et que nos « bases » demeurent sensiblement les mêmes. Certes, nos habitudes et croyances prennent des avatars différents, mais je ne suis pas convaincu qu’il existe plus de points de divergence que de convergence, en définitive. Le plus difficile serait au final de l’admettre, même si cela faciliterait bien souvent la vie en communauté…

Prenez par exemple les fêtes et les moyens que l’on met en oeuvre pour les célébrer. Chaque pays et culture possède ses propres codes, mais on y retrouve bien souvent des points communs assez troublants. En ce début d’année, ce sont les rois mages qui sont traditionnellement célébrés. Selon les régions, on retrouvera ainsi sur les tables des galettes feuilletées, des couronnes… Un éventail de douceurs que l’on retrouve aussi dans les pays voisins.

Bolo Rei, Antonio Dias Gil (Paris 12è)

Aujourd’hui, c’est du côté du Portugal que nous nous envolons puisque le boulanger Antonio Dias Gil propose dans sa boutique du 12è arrondissement une brioche qui ne laisse planer aucun doute sur ses origines. Le « Bolo Rei » – littéralement brioche des rois – s’affiche fièrement dans la vitrine de l’artisan en ce début d’année. On pourrait la rapprocher de notre brioche bordelaise, de par sa forme circulaire et son trou central ainsi que par la présence de nombreux fruits secs, mais ce serait oublier de noter les différences qui font de ce produit une création bien différente.

Les ressemblances ne sont pas le fruit du hasard : Le « Bolo Rei » provient d’une recette française, que l´on trouve encore de nos jours au sud de la Loire sous le nom de gâteau des rois. Il apparaît à Lisbonne en 1870, confectionné par la « Confeitaria Nacional », qui existe toujours sur la place du Rossio. Ce qui fait tout son caractère, ce sont les nombreux fruits secs qui parsèment sa croûte et sa mie : amandes, pignons de pin, raisins… en plus des fruits confits. Pas de sucre en grain, également, mais un peu de sucre en poudre pour parfaire la décoration.

A la dégustation, on découvre une mie assez dense mais légère, où les ingrédients concourent à créer une expérience riche en saveurs et textures. On croque ainsi dans les amandes et pignons torréfiés disposés par notre artisan, avant de laisser fondre les différents fruits confits (avec notamment des morceaux de poire, qui ne sont pas forcément très habituels sur nos brioches) ainsi que les raisins aux effluves de rhum bien marquées. La cuisson bien aboutie caramélise le dessus et exalte la saveur des fruits, en plus de donner un aspect charmant à l’ensemble. Les notes chaudes de torréfaction s’associent à la douceur sucrée des fruits, un jeu de « températures » s’opère et rend le tout surprenant.

Différentes tailles sont proposées, puisque cette brioche est vendue au poids. Cela permet ainsi de n’acheter que la quantité nécessaire au nombre de convives, même si la conservation du Bolo Rei est plutôt bonne de par le caractère assez dense de la mie.
Cette spécialité se fait assez rare dans les boulangeries parisiennes, et on appréciera le fait que cet artisan nous raconte un peu de ses origines au travers des produits de sa boutique : plusieurs douceurs nous y rappellent directement le Portugal, et les expatriés trouveront leur bonheur.

Voilà donc une bonne occasion de débuter l’année autour d’une gourmandise originale… d’autant que les plus chanceux trouveront la fève, et se verront sacrés rois l’espace d’un repas.

Bolo ReiBoulangerie Antonio & Isabelle Dias Gil – Paris 12è, vendu en différentes tailles, prix fixé selon le poids (30 €/kg)

Les semaines se suivent et se ressemblent. En effet, j’ai l’impression que pas une seule ne passe sans que l’on nous incite à fêter un événement : cela a commencé par Noël, puis le premier de l’an, l’épiphanie, la chandeleur, mardi gras, … Les commerçants ne manquent pas d’idées pour faire tourner leurs affaires, même si je pense que les temps de crise que l’on connaît actuellement n’aident pas franchement les consommateurs à être enclins à dépenser autant pour des événements dont le bien fondé demeure souvent fictif.

Cette semaine, c’est la Saint Valentin. Jeudi 14 Février, nous devrons donc célébrer l’amour. Bien curieuse tradition si l’on considère que cela devrait plutôt être le cas au quotidien, sans chercher des occasions pour « raviver la flamme ». Pour autant, profitons-en et ayons un peu plus de coeur – et de coeurs – qu’à l’ordinaire…

En boulangerie, certains artisans ne manqueront pas de façonner quelques pains en forme de coeur, pour marquer l’événement. Les boulangers de la Grande Epicerie de Paris proposeront ainsi une « baguette coeur ». Dommage que cela ne tombe pas un vendredi, car j’aurais bien vu l’une des fameuses fleurs de Jean-Paul Mathon pour agrémenter la fête de façon très craquante et savoureuse. Chez Poilâne, les fameuses « punitions » ont également changé de forme pour l’occasion.
Néanmoins, puisque la Saint Valentin doit être placée sous le signe du partage avec l’autre, je crois que tous les pains pourraient rejoindre la partie : n’est-ce pas là une des valeurs fondamentales que porte cet aliment ?

La marguerite

Bien sûr, on peut aussi choisir de donner à cette date un tournant plus sucré. Chocolatiers et pâtissiers n’ont pas chômé pour développer des créations dédiées aux amoureux. Patrick Roger, la Maison Pierre Hermé, Sébastien Gaudard, Benoît Castel chez Joséphine, Fabien Rouillard chez Fauchon, Philippe Conticini à la Pâtisserie des Rêves… Même si les prix ont tendance à être élevés, c’est une bonne occasion pour découvrir des gâteaux dans un format que l’on connaît rarement : peu de pâtisseries sont proposées pour deux personnes en temps normal.
Christophe Roussel, Paris 18èMention spéciale pour un couple pâtissier de l’Ouest de la France, les sympathiques Julie et Christophe Roussel, qui viendront tout spécialement nous faire profiter de leurs créations enflammées mercredi 13 et jeudi 14 février, dans leur boutique de Montmartre. Quoi de mieux que des amoureux pour en régaler d’autres ?

Puisqu’il est question d’avoir du coeur, j’en profite pour partager un projet collaboratif autour de la boulangerie. En effet, Nadine et Armand souhaitent créer leur propre établissement mais ne disposent pas des moyens suffisants pour le faire. C’est pourquoi ils font appel aux internautes au travers de leur site http://www.creermaboulangerie.com. Chacun donne la somme qu’il souhaite et pourra bénéficier de bons d’achats si le projet se concrétise. Une idée plutôt bien vue à l’heure où le financement participatif est devenu monnaie courante sur Internet.

Dans tous les cas, n’oublions pas les artisans, ouvriers et apprentis qui n’ont pas besoin d’une date ou d’un événement pour mettre du coeur à l’ouvrage jour après jour. Ils nous transmettent un peu d’amour, de passion, au travers des pains et gourmandises que nous prenons plaisir à déguster. Si l’on doit célébrer un amour, c’est sans doute celui-là… Une des raisons qui font que le painrisien existe, en définitive.

Au cours de mes visites painrisiennes, certaines boulangeries me marquent ou m’intriguent plus que d’autres. Je suis ainsi capable de m’y rendre deux, trois, quatre, cinq fois… sans rien même y acheter, avant de me décider à le faire finalement. Les questions sont trop présentes pour que je parvienne à me décider, et j’essaie avant toute chose de m’imprégner de l’atmosphère du lieu pour le comprendre, l’apprivoiser… Avant de faire la même chose avec les produits. Bien sûr, je tente en parallèle de me renseigner sur la vie et la nature de l’entreprise, pour mieux cerner les contours de son activité.

La Boulangerie, Paris 13è

Au 56 rue du Chevaleret, dans le 13è arrondissement, j’avoue avoir été confronté à une situation bien étrange : une boulangerie sans identité particulière, simplement nommée « La Boulangerie ». L’endroit est loin d’être désagréable, il a son caractère propre, dans un style assez moderne et « post-industriel », qui correspond bien à ce quartier neuf qu’est celui de la Bibliothèque François Mitterand. Ici, pas de nom, pas d’artisan à qui attribuer les pains et gourmandises en vente. J’avoue avoir un peu de mal avec ce « concept », car tout cela tient tellement de l’humain qu’il est important de pouvoir en retrouver dans le lieu où sont proposés les produits. C’est ainsi que l’on différencie notamment artisanat et industrie.

Pains, La Boulangerie, Paris 13è

La maison a changé de propriétaire en fin d’année 2012, et a été reprise par un certain Stéphane Green, lequel était précédemment installé en bas de la rue Claude Bernard, dans le 5è arrondissement. La petite boulangerie, « le Boulanger de Paris » aux couleurs du groupement Banette qu’il occupait n’a pas grand chose à voir avec cette nouvelle affaire. Dans les larges espaces de « la Boulangerie », on peut voir oeuvrer le personnel de production. Malgré le changement de direction, le pain continue à être fabriqué selon les méthodes en place jusqu’alors : on reconnaît immédiatement l’utilisation d’une diviseuse de type PanovA/Panéotrad aux façonnages (ou plutôt à leur absence) très rectangulaires et aux baguettes aux extrémités carrées. Cela s’accompagne d’une fermentation sur base de levain liquide, lequel confère une grande douceur au pain.

Viennoiseries, La Boulangerie, Paris 13è

Au final, le résultat est plutôt satisfaisant : la baguette de Tradition offre une mie très fraiche, légère et alvéolée, aux douces notes de levain sans acidité. La croûte fine et craquante garde de sa consistance malgré le temps, et même si les cuissons pourraient parfois être plus appliquées, cela demeure un bon produit. On appréciera également le choix proposé : ciabatta, pain de Campagne, pain au Sarrasin, mélanges de céréales – Tradigraines, baguette des Prés, petits pains variés aux ingrédients (chocolat, mangue-abricot, raisins, …), tout comme les grosses pièces vendues au poids à un tarif particulièrement accessible (5,5€/kg pour la plupart) ainsi que les boules aux Noix ou le pain aux fruits. Le levain fait ici bien son office en apportant saveurs et conservation, avec un caractère très lactique. Le pain de Campagne est ainsi d’excellente tenue, grâce à sa mie dense mais alvéolée et ses notes chaleureuses de seigle. La farine utilisée est aujourd’hui livrée par les Moulins Bourgeois, même si Foricher semble être le fournisseur historique de l’endroit.

Salades & traiteur, La Boulangerie, Paris 13è

On passera par contre très rapidement sur les viennoiseries et pâtisseries proposées ici, car leur qualité est tout juste moyenne. Les petites gourmandises, tels que les financiers variés, constitueront une pause sucrée bien plus simple et appréciable.
Côté traiteur, l’offre est particulièrement développée : forcément, il faut bien occuper l’espace de dégustation. Plat du jour, wraps, pâtes, salades composées, sandwiches variés, quiches… Même si les produits sont frais, cela fait un peu trop pour être certain du caractère tout à fait artisanal de l’ensemble. Néanmoins, la tarification demeure tout à fait raisonnable et c’est un point à retenir.

Traiteur, La Boulangerie, Paris 13è

L’accueil ne fait pas particulièrement preuve d’une grande chaleur humaine, mais il demeure très professionnel et efficace. La séparation du pôle pains-gourmandises et traiteur est particulièrement appréciable en heure de pointe, car cela permet d’assurer la fluidité de l’ensemble, tout en ne pénalisant pas les clients venus chercher un peu de pain.

Infos pratiques

56 rue du Chevaleret – 75013 Paris (métro Bibliothèque François Mitterand, ligne 14) / tél : 01 45 84 92 97
ouvert du lundi au vendredi de 7h30 à 20h30.

Avis résumé

Pain ? C’est sans doute le point fort de « la Boulangerie », et elle mérite ainsi pleinement son appellation. Travaillé sur levain liquide, il exprime des notes lactiques fort appréciables et offre une bonne conservation. La baguette de Tradition séduit par son alvéolage sauvage, sa mie fraiche et sa croûte fine, caractéristique de la réalisation avec une diviseuse de type PanovA/Panéotrad. On appréciera également la gamme de petits pains variés, ainsi que les grosses pièces vendues au poids, même si les cuissons sont parfois un peu aléatoires (trop / pas assez cuit) et les façonnages sans élégance (certes, on ne peut pas trop en demander avec ce type de machine, mais certains font beaucoup mieux !).
Accueil ? Sans grande chaleur, mais efficace et courtois. Il n’illumine pas forcément ce lieu au style bien particulier, décliné entre modernité et « post-industrie », mais le service est assuré avec efficacité, sur les deux pôles – pains & gourmandises et traiteur.
Le reste ? Les viennoiseries et pâtisseries ne présentent que bien peu d’intérêt. On leur préférera des gourmandises simples, tels que les financiers variés et autres en-cas sucrés. L’offre traiteur est abondante, peut-être un peu trop : entre salades, plats du jour, sandwiches, quiches… le choix est là, mais difficile de garantir qu’il en soit de même pour les saveurs.

Faut-il y aller ? Cette boulangerie est surprenante à plusieurs égards : son aménagement intérieur retient l’attention, de par son style post-industriel, auquel nous ne sommes pas forcément habitués. Malgré la transparence sur la production, on ne peut pas en dire autant sur le « fond » de l’affaire : le lieu en serait presque anonyme, puisqu’aucun nom ou véritable enseigne ne sont présents pour que nous puissions réellement identifier ce lieu hybride entre boulangerie et restaurant. Néanmoins, le pain s’avère de bonne tenue, et on appréciera de prendre une pause sur la terrasse attenante lorsque les beaux jours reviendront, la rue étant plutôt calme.

Billets d'humeur

07
Fév

2013

Traité de bêtise humaine

24 commentaires

Si l’on m’avait dit qu’écrire sur le painrisien serait une activité aussi mouvementée et « dangereuse », je ne sais pas bien si j’aurais commencé un jour. Peu importe, après tout, j’assume parfaitement ma liberté de ton et mes prises de position parfois mal acceptées par des professionnels de la boulangerie.

Il y a eu des épisodes désagréables : des mots un peu plus hauts que d’autres, des lettres d’avocat, des coups de fil enflammés. Pour autant, j’osais croire que j’avais en face de moi des personnes sensées, avec lesquelles une discussion adulte et constructive pouvait être menée. Je m’étais visiblement trompé – mais comme à chaque fois, j’apprends de mes erreurs.

Pour ne rien vous cacher, si j’écris aujourd’hui cet article, c’est parce que pour la première fois j’ai été menacé directement et physiquement par le propriétaire d’une des boulangeries que j’ai visité. Mécontent de l’article rédigé à son sujet, il avait jugé bon d’envoyer une lettre par le biais de son avocat, demandant le retrait de l’article en question. Je crois sincèrement en la liberté d’expression et de critique. C’est pour cela que je n’ai pas accédé à cette demande. Les faits en étaient resté là jusqu’alors. Puis il y a eu cette demande de rendez-vous bien étrange, dont j’ai rapidement compris les motivations réelles. Cela ne m’a pas empêché de m’y rendre : je ne suis pas caché derrière mon ordinateur, et je suis donc parfaitement identifiable… Un peu trop, il faut croire, mais qu’importe.

Passons sur les menaces de me « retrouver et de me casser la gueule ». J’ai bien compris que j’avais affaire à des personnes dont les affaires ne devaient visiblement pas être dérangées, et que nous étions bien loin d’une idée vertueuse et positive de la boulangerie comme je la défends. Le constat est en définitive celui d’une grande bêtise humaine, face à laquelle j’aurais bien du mal à combattre. Pour la première, et j’espère la dernière, je plie. Article hors-ligne, la faiblesse de ces arguments aura finalement gagné, malheureusement. Je ne suis pas encore prêt à payer de ma personne à ce point là, même si cela va profondément à l’encontre de mes idéaux et que j’avais une autre idée du monde. Que voulez-vous, difficile d’être un rêveur.

Le painrisien est un peu comme un roseau, en définitive. Il a plié, certes, mais il ne casse pas. Continuons à marcher…

On peut tromper une personne mille fois. On peut tromper mille personne une fois. Mais on ne peut pas tromper mille personnes, mille fois. Ainsi s’exprimait le fameux Emile dans la cultissime Cité de la Peur. Malgré ses nombreuses hésitations, il n’avait pas franchement tort, et malgré le caractère plutôt humoristique du film, on ne devrait pas négliger la portée de certains de ses messages. En tant que consommateur, je crois que l’on ne peut pas trouver plus désagréable que la tromperie et la volonté d’envelopper les choses pour les rendre attrayantes… alors que l’important demeure le goût et la capacité que peuvent avoir les produits à toucher les clients.

En matière de boulangerie, certains se font une spécialité de mentir sur la qualité des produits proposés au sein de leur établissement… et notamment au travers des concours professionnels. Il est facile d’être performant quelques fois dans l’année, mais l’essentiel serait de proposer à ses clients l’équivalent au quotidien. Je suis peut-être un peu « en boucle » sur le sujet, mais j’ai tellement de raisons de l’être en visitant les boutiques de ces bêtes de concours.

Maison Duchesne, Paris 11è

11è arrondissement, une boulangerie discrète sur la rue Jean-Pierre Timbaud. La façade aux tons jaune orangés ne laisse pas paraître que nous avons affaire à l’un des professionnels parisiens de la galettes aux Amandes… et pourtant. 7è cette année, 2è l’an passé, cela devrait suffire pour nous aider à situer le calibre de cet artisan… et pourtant. Une fois la porte franchie, on fait immédiatement face aux pâtisseries médiocres distillées ici. Tartes aux framboises luisantes de gelée, religieuses et éclairs aléatoires, …

Chez un spécialiste du feuilletage, les viennoiseries font pourtant bien triste mine.

Chez un spécialiste du feuilletage, les viennoiseries font pourtant bien triste mine.

Ce n’est qu’une introduction aux quiches, fougasses, paninis ou sandwiches du même ordre. Ces derniers, présents en quantité abondante, emplissent les vitrines et en écraseraient presque ce qui devrait faire la fierté des Duchesne : les viennoiseries. En effet, venant d’un spécialiste « reconnu » de la galette, on pourrait s’attendre à un feuilletage de grande qualité. Il n’en est rien, les croissants, pains au chocolat et autres escargots aux raisins ne brillent que par leur glaçage. On en serait presque à se demander si tous ces produits ne sentiraient pas un peu le carton.

Pain, Maison Duchesne, Paris 11è

On termine par le fond de la boutique, presque l’âme en peine, avec des pains réalisés à partir d’une farine livrée par les moulins Axiane. Les classiques du groupement Banette sont représentés : un Viking sans vigueur, un Briard déraciné, une Bucheron qui peinerait bien à couper quoi que ce soit… et une baguette de Tradition qui n’en a que le nom, tant sa mie est pâteuse, peu alvéolée, dégageant un fort parfum de levure. On se passera de parler des façonnages aléatoires ou même des cuissons manquant cruellement d’aboutissement, inutile d’enfoncer le clou, n’est-ce pas.

Pâtisseries, Maison Duchesne, Paris 11è

L’humain reste encore ce qui peut sauver l’ensemble quand la boulangerie a quitté les murs… et heureusement, c’est le cas ici, avec un service aimable et efficace. La simplicité qui s’en dégage est fort appréciable, mais dans un sens, heureusement qu’il en est ainsi et pas autrement, le décalage avec les produits en serait trop important.

Chez un spécialiste du feuilletage, les viennoiseries font pourtant bien triste mine.

Chez un spécialiste du feuilletage, les viennoiseries font pourtant bien triste mine.

Infos pratiques

38 Rue Jean-Pierre Timbaud – 75011 Paris (métro ) / tél : 01 48 07 80 91
ouvert du lundi au vendredi de 7h15 à 20h30.

Pâtisseries, Maison Duchesne, Paris 11è

Avis résumé

Pain ? Entre une baguette de Tradition que l’on pourrait confondre avec une baguette de pain courant tant sa mie est blanche, peu alvéolée et pâteuse, des spéciaux gonflés à la levure et fabriqués à partir de pré-mixes Banette, ou encore des façonnages et cuissons juste moyens, rien ne nous donne envie d’acheter du pain… pourtant, nous sommes bien dans une boulangerie.
Accueil ? C’est sans doute le point le plus appréciable ici. Simple, agréable, aimable et efficace, le service parvient à rendre l’endroit agréable même si cela donnerait bien difficilement de la saveur aux produits.
Le reste ? Chez un spécialiste de la galette, on pourrait s’attendre à des viennoiseries de haute volée… il n’en est rien. Croissants, pains au chocolat, chaussons aux pommes, le feuilletage est médiocre, les produits peu soignés. Même constat du côté de la pâtisserie où la gelée semble être utilisée pour donner un tant soit peu de goût à des fruits de piètre qualité, dont certains sont hors saison comme les framboises. Rien pour relever le tableau du côté de l’abondante offre traiteur, où paninis, quiches, sandwiches et autres fougasses sont empilés sans classe ni attrait.

Faut-il y aller ? Ecoutons un peu notre ami Emile et ne nous laissons pas tromper. Malgré la coupe, le petit article de journal, les prestations de la maison Duchesne sont bien loin de correspondre avec les classements « prestigieux » obtenus à l’occasion du concours de la Meilleure Galette aux Amandes. Le 11è arrondissement compte bien des adresses plus savoureuses que celle-ci, fort heureusement.

Il est beau, mon coton...

Il est beau, mon coton…