Selon les saisons, les habitudes alimentaires varient et notre corps exprime des envies différentes. Tandis que l’on aspirera à des repas plus légers en été, nous serons amenés à consommer des aliments plus riches en hiver ou en automne. La nature est ainsi faite, et dans un sens, c’est bien mieux comme ça : on ne trouve pas les mêmes fruits ou légumes selon les mois. Il ne faut pas chercher à aller à l’encontre des rythmes biologiques en réalisant une course effrénée vers le « hors-saison ».

Fruit d’automne par excellence, la châtaigne annonce des temps moins cléments mais elle réchauffe un peu nos coeurs… D’autant qu’elle peut très bien se transformer en farine pour fabriquer des pains savoureux, à la belle croûte brune et à la mie bien grise. Je dis bien des pains, car derrière l’appellation de « pain à la châtaigne » se cachent en fait de nombreuses interprétations, dépendantes de la sensibilité de chacun des artisans. En effet, ici, pas de règle comme pour une baguette de tradition, les ingrédients sont soumis au libre choix du boulanger.

Ainsi, il est possible de rencontrer des versions très différentes, plus ou moins savoureuses. Dans tous les cas, cela reste un pain assez coûteux, car la farine de châtaigne est onéreuse, du fait de sa relative rareté : la production en est beaucoup moins abondante que celle du blé, ce qui est assez logique. Parmi les meilleures, la farine issue de châtaignes de Corse est soumise à une AOC qui évite les pâles imitations. Les artisans les plus impliqués en utilisent pour réaliser leur pain, et le mettent généralement en avant, à juste titre.
Dans tous les cas, le pain à la châtaigne accompagnera idéalement gibiers et volailles, ainsi que certains fromages (de chèvre, notamment). Il est également délicieux au petit déjeuner, accompagné d’un peu de beurre ou de miel.

On parle de pain à la châtaigne, mais en réalité, de la farine de blé est généralement ajoutée au mélange dans une proportion variable afin de faire en sorte que le pain ait une certaine tenue et lève un minimum. En effet, la farine de châtaigne est dépourvue de gluten, ce qui signifie que si elle est seule, le résultat sera assez compact et aura une fâcheuse tendance à s’effriter lors de la découpe, ce qui n’est pas très agréable. C’est d’ailleurs là que l’on peut constater le talent – ou son absence – de l’artisan boulanger : il doit parvenir à créer un pain bien équilibré entre parfum de châtaigne et consistance correcte. Tout un art.

Autant vous dire qu’avant de rédiger ce billet, une certaine quantité de farine de châtaigne est passée sur ma table, étant un grand amateur de sa saveur si caractéristique. Certains pains m’ont déçu, d’autres surpris. Au final, j’ai inévitablement mes préférences…
Chez Gontran Cherrier, le pain à la châtaigne est très gourmand, moelleux et on le dégusterait presque comme une brioche, sans faim ni fin, d’ailleurs. Façonné en petite boule, il est assez élégant. Sa croûte n’est pas très marquée, mais l’arôme est puissant et on retrouverait presque le parfum d’un cake type Savane Brossard. Tout cela est très régressif ! Malheureusement, la boulangerie de Montmartre est en rupture de farine depuis quelques semaines, il faudra donc attendre pour en déguster de nouveau…
Pour continuer dans le domaine du moelleux, Dominique Saibron nous propose à nouveau son interprétation, avec un pain très artistique puisqu’il est parsemé de petites « pointes », qui ne sont pas sans rappeler la fameuse bogue dans laquelle sont lovées les fruits. Tout cela est très joli, et pour ne rien gâcher, là encore le pain est très savoureux – et, cerise sur le gâteau, ou plutôt le pain, il est certifié Biologique.
Franck Debieu, au sein de ses boulangerie L’Etoile du Berger, nous propose un pain enrichi en éclats de marrons, ce qui a pour effet de souligner le goût tout en renforçant la note sucrée caractéristique de la châtaigne. Autre point à noter, la croûte du Châtaignier, puisque c’est son nom, est très croustillante et le reste longtemps, puisqu’il se conserve exceptionnellement bien. A l’inverse des deux premiers, l’ensemble est moins moelleux, plus proche de la texture d’un pain, comparable à celle d’une tourte de seigle de par son caractère serré et dense.
La version de Jean-Paul Mathon à la Gambette à Pain est, quant à elle, un modèle de subtilité et de complexité. Nous sommes en présence d’un pain à la mie relativement alvéolée, ce qui est peu fréquent. On y retrouve une pointe d’acidité, qui s’exprime en premier lieu, pour ensuite laisser place à la saveur sucrée et douce de la châtaigne. Tout cela est très intéressant, et la légèreté de sa mie rend ce pain très agréable à déguster, la densité de leur mie pouvant être reprochée à la plupart des autres créations.
David Granger chez des Gâteaux et du Pain propose également le week-end une version très réussie, avec un façonnage élégant et un parfum bien marqué, en plus d’une mie d’excellente tenue.

Il existe également des pains mettant en oeuvre de la farine de châtaigne en association avec d’autres composants, tels que des noix. C’est notamment le cas chez Bread & Roses, qui propose un superbe pain châtaigne-noix, au grignage très artistique et à la saveur bien marquée. La douceur de la châtaigne s’associe parfaitement avec l’amertume de la noix pour créer un pain… de Berger Corse, comme aime le rappeler la boulangerie.
Chez Rodolphe Landemaine, la châtaigne est accompagnée de miel, noisettes et raisins. Malheureusement, j’ai trouvé que le résultat était trop doucereux et sucré, on finit par perdre le parfum de base, d’autant plus quand on croque dans l’une des noisettes, incorporées entières dans la pâte.

J’ai parfois été déçu par le manque de parfum de châtaigne, comme chez L’Autre Boulange, où la saveur est trop peu présente, ce qui est certainement la résultante d’une recette mal équilibrée entre cette farine et les autres, ajoutées pour la texture.
Dans tous les cas, n’hésitez pas à goûter ce pain dès lors que votre artisan boulanger en propose ! Je ne doute pas que, tout comme moi, vous deviendrez rapidement des inconditionnels. D’autant qu’il faut en profiter, c’est un pain « de saison », qui n’est généralement pas proposé à l’année (on en trouve assez facilement jusqu’en mars).

6 réflexions au sujet de « Le pain à la châtaigne, compagnon d’automne »

  1. J’ai justement goûté celui de Landemaine ce week end, et j’ai été très déçue… Je gouterai celui de Gontran Cherrier ce week end, en tous cas! Et peut etre que le fait de « l’édition limitée » me fera enfin traverser Paris pour aller goûter le pain de Saibron..!

  2. Recette de notre pain d’automne : pain à base de farine de châtaignes, levain, miel de châtaignier, graines de courge et pignons de pin torréfiés.

    Vous pouvez toujours venir goûter.

  3. Ping : Une histoire de pains au maïs | painrisien

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