S’il y a bien une chose à laquelle on ne prête pas forcément beaucoup d’attention, c’est la qualité de la relation entretenue entre une boulangerie et sa clientèle. Son caractère de commerce de proximité créé tout naturellement un lien entre l’artisan et ceux qui, chaque jour, viennent chercher leur pain ou leurs gourmandises. Pourtant, sous cette apparente simplicité se cachent des enjeux bien plus sérieux, car on voit de plus en plus de consommateurs se tourner vers des offres bien moins artisanales, telles que celles proposées par des enseignes de la Moyenne ou Grande Distribution, ainsi que vers divers « points chauds ».

A l’occasion d’Univers Boulangerie 2012, Gérard Baillard, directeur de Mercuri International Business Partners, une entreprise spécialisée dans le conseil en marketing opérationnel et l’efficacité commerciale a tenu une intervention au sujet de cette fameuse Relation Client. Un exposé bien ficelé pour un homme qui se décrit lui-même comme un « vendeur », malgré tous les titres qu’on a pu lui attribuer au cours de sa carrière. Un vendeur brillant et éloquent, néanmoins, malgré ses difficultés… En effet, ce dernier a pu nous parler de l’instance de divorce… commercial qu’il connaît depuis plusieurs années.

Gérard Baillard

Que ce soit en boulangerie ou dans d’autres métiers, les entreprises ont peu à peu perdu le contact, ou plutôt la compréhension, des clients qu’ils avaient en face d’eux. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir été inactifs : ils ont développé nombre de stratégies visant à offrir au consommateur ce qu’il recherchait. Ainsi, en 1980, on écoutait le client afin de s’adapter au maximum, et certainement de façon excessive. Dans les années 90, on a cherché à donner des preuves d’amour, puis à partir de 95 à analyser le processus. Puis vint en 2000 l’âge des cadeaux, pour se mettre au service du client… ce qui a eu pour fâcheuse tendance de mettre en valeur des profils générant de gros volumes tout en étant en définitive peu fidèles.

Cela n’a pas répondu aux attentes du client, car une évolution individuelle était en train de se préparer sans que l’on s’y intéresse. Même si l’avis des pairs a pris une importance considérable (notamment avec les partages d’avis), de véritables « autonomistes » sont apparus et ont contribué à faire perdre à l’entreprise et à ses représentants le caractère reconnu et légitime de leurs discours ou conseils. Plutôt que de tenter de développer de nouvelles stratégies de Relation Client, il devient alors nécessaire de se différencier.

Cette différenciation se joue sur trois pôles : rationnel, relationnel et émotionnel. Pour un boulanger, il faut donc apporter un produit de qualité, mais aussi offrir des facilités telles que des horaires d’ouverture adaptés aux attentes de la clientèle, organiser ses fournées en fonction des « moments forts » de la journée…
Sur le plan relationnel, on doit apprendre à dépasser la supériorité naturelle que l’on reconnaît à l’artisan vis à vis des grandes enseignes. Certes, l’affectif a de l’importance, mais il ne créé pas de mémoire active et de reconnaissance comme savent si bien le faire les outils de Gestion de la Relation Client déployés par de grandes structures. Date de naissance, habitudes de consommation, … tout y passe, et c’est une excellente façon de créer des « occasions », comme offrir un pain ou une sucrerie à l’occasion de l’anniversaire de son client. Ajoutez à cela des dégustations, des fêtes, et vous obtenez un commerce vivant et ouvert sur sa clientèle.

Nos artisans boulangers doivent aussi mettre en avant leur savoir-faire, dépasser les évidences apparentes pour remettre un peu de « complexité » dans le discours : certes, les nouveaux médias et réseaux sociaux savent répondre à beaucoup de questions mais cela ne reste que très superficiel, bien loin de couvrir la palette de cas et de particularités que les pains et leur consommations peuvent présenter. L’expression « ça dépend » catalyse assez bien cette idée de savoir-faire auquel il faut ensuite associer du faire-savoir.

Au fil du temps, en apportant conseil et produits de qualité, le boulanger doit parvenir à se distinguer, à développer une identité et une signature propres. Cela lui permet de reprendre de l’importance dans le parcours d’achat du consommateur, puisqu’il est davantage visible et porte son pain en dehors de l’achat de commodité sur lequel il serait bien plus remplaçable, quasi-interchangeable. Bien sûr, certains clients ne seront pas sensibles à cette démarche et rechercheront avant tout de « l’excellence opérationnelle », tout au plus un sourire, un bonjour et un merci. Néanmoins, pour des occasions particulières, ils seront toujours en recherche d’un conseil et d’une écoute auxquels il faudra savoir répondre.

Justement, c’est là que les nouvelles technologies peuvent être employées de façon pertinente : tout d’abord en développant sa présence sur les différents moteurs de recherche et réseaux sociaux, puis en créant une véritable base de connaissance permettant d’améliorer la qualité du conseil fourni : aussi bien les allergènes, les associations mets-pain voire vins, les ingrédients… peuvent être référencés dans des catalogues virtuels qu’il est ensuite aisé de présenter au client, par internet ou même en boutique avec des outils simples et de plus en plus accessibles (tablettes tactiles, notamment).

C’est une nouvelle idée de la Relation Client qui se profile en boulangerie, l’artisan doit savoir y imposer ses choix et contraintes tout en restant attentif aux besoins de ses clients. Hors de question de fabriquer des tartes aux fraises en hiver « pour faire plaisir » ou bien de produire plus que l’on ne devrait pour assurer une qualité optimale : un échange basé sur la confiance et le respect doit s’instaurer avec le temps.

En plus de l’intervention de Gérard Baillard, différents boulangers ont pu s’exprimer sur la question, et c’est notamment le cas d’Eric Cagnot et Franck Pinaud, boulangers à Caussols dans les Alpes-Maritimes. Ces deux associés, dont le second est issu d’une reconversion professionnelle, ont fait le choix de s’installer à 1200m d’altitude, dans un village de 300 habitants, où les habitants ont apprécié d’avoir en face d’eux de vrais artisans, ce qui les a incités à venir toujours plus nombreux. Une véritable relation de confiance s’est instaurée, même s’il est important de savoir dire « non » et d’imposer des choix, notamment en terme de quantité de production, pour éviter les pertes et le gâchis.
Thierry Auvin, boulanger à Vouillé (Vienne), nous a quant à lui donné un exemple de la différence entre une adresse de Centre Ville et une autre en périphérie. En effet, dans le premier cas, il doit faire face à une importante demande en pain blanc, ce qui est beaucoup moins le cas en périphérie, où il a pu mettre en place un système Paneotrad (avec à la clé une production 100% Tradition, sans baguette de pain courant).

Dans l’ensemble, les conseils donnés me semblent plutôt intéressants pour nos artisans boulangers, qui doivent réellement chercher à se distinguer pour exister et faire face à la concurrence des grandes enseignes. Cependant, est-ce bien compatible avec l’uniformisation toujours plus marquée des gammes et recettes proposées en boutique ? Les « grands réseaux » tels que Baguépi, Ronde des Pains, Banette, Festival… sont appelés à se réinventer pour permettre cette montée en puissance de l’identité de chacun des artisans. Encore faut-il qu’ils y mettent du leur en exprimant une véritable volonté dans ce sens.
Sur le plan des nouvelles technologies et des outils de relation client, il faut parvenir à les rendre accessibles au plus grand nombre, et c’est loin d’être le cas aujourd’hui : là dessus, le painrisien devrait être en mesure d’apporter quelques réponses à l’avenir… à suivre !

C’est la crise ma petite dame. Certes, ce n’est pas faux, mais il ne faudrait pas non plus tirer un bilan catastrophique de la situation. Les cours des matières premières subissent des variations importantes ces derniers mois, mais le fait n’est plus vraiment nouveau : nos artisans ont fini par être habitués à ces augmentations qui touchent aussi bien la farine, le lait, le beurre, les oeufs… tout ce qui est mis en oeuvre dans leurs produits, en bref.

Toutefois, je pense qu’il ne faut pas céder à la « panique » et garder la tête froide. En effet, il convient de prendre le problème avec sérieux et recul, car celui-ci comporte plusieurs aspects.

A commencer par considérer la part que représentent les matières premières dans le prix des produits finis. Pour une baguette de pain, nous étions à près de 20% l’an passé, la main d’oeuvre, les charges salariales… tout ce qui est humain, en bref, restant l’un des postes les plus coûteux – près de la moitié de l’addition. En définitive, la part dévolue à la matière première augmente, certainement plus rapidement que ne le font les salaires. Cela pose donc la question de l’augmentation des prix : qu’ils soient salariés de la filière ou d’une autre, les consommateurs peuvent-ils, ou veulent-ils, encaisser ces fluctuations ? Rien de moins sûr.

Il faut dire que le climat pousse beaucoup d’entre nous à avoir les yeux rivés sur les dépenses quotidiennes, et nous avons souvent tendance à nous serrer la ceinture sur les produits de première nécessité, moins sur les loisirs et ce qui est considéré comme des achats de « plaisir » (même si à mon sens, le pain demeure l’un des plaisirs les plus quotidiens et accessibles !).
La logique agit donc de cette façon :
– Les matières premières augmentent, les artisans boulangers répercutent le phénomène sur les clients ;
– Ces derniers ressentent immédiatement la hausse et vont privilégier des modes d’approvisionnement moins onéreux et souvent plus pratiques (grande distribution, (semi)-industriels…) ;
– La boulangerie artisanale perd donc de la clientèle et ne parvient pas à assumer son équation économique autrement que par les prix…

Le phénomène est donc dangereux à long terme, mais il ne se réalise que si nos artisans ne font pas preuve de clairvoyance et adoptent un autre raisonnement.
En effet, il est aussi possible de choisir d' »encaisser » les variations, pour maintenir un produit de qualité accessible, tout en développant une gamme « plaisir » simple et à la portée du quotidien (sur ces produits, les marges sont bien souvent plus élevés, même si l’on conserve des prix bas !). A mon sens, c’est de cette façon que les boulangeries peuvent se démarquer nettement de leurs concurrents : difficile de trouver des viennoiseries, tartes ou même sandwiches et quiches de qualité en industrie…

Les exemples ne manquent pas, et devraient en inspirer certains : on peut notamment citer la maison Pichard et sa fameuse baguette, toujours maintenue à 1 euro, proposée conjointement à un large assortiment de gourmandises de qualité, tout aussi accessibles. Inutile de chercher d’autres preuves du bien fondé de la démarche que la longue queue qui se déroule devant les lieux chaque week-end. Même idée chez les Rouget à Beaumont-sur-Oise, chez Dominique Saibron dans le 14è arrondissement, … dans tous les cas, on retrouve des artisans passionnés, qui savent sortir de leur fournil pour comprendre leurs clients et s’adapter à leurs attentes. La profession ne doit pas adopter une position de victime, mais bien être force de proposition pour continuer à avancer.

Billets d'humeur

04
Sep

2012

Survivre

9 commentaires

C’était aujourd’hui la rentrée pour quelques millions de têtes blondes, et d’autres un peu plus attaquées par le temps. A la fois un moment triste, puisqu’il marque la fin de cette douce période d’insouciance et de repos que représentent les mois d’été, mais aussi celui où l’on retrouve ses camarades, amis, ennemis – cela fait partie du jeu ! – pour partager une nouvelle année, qui aura comme toutes les autres ses joies, ses peines, ses angoisses, ses espoirs…

Pour moi, cela fait à présent 3 ans qu’il n’y a plus de rentrée. J’ai passé brillamment mon baccalauréat en juin 2009, suite à quoi j’ai fait le choix d’arrêter complètement les études. J’ai travaillé, oh, oui, un peu, certainement moins que je ne l’avais fait par le passé. Jusqu’alors bercé par les nouvelles technologies, ce diplôme avait eu sur moi comme l’effet d’une bombe, perturbant mes certitudes et m’amenant à me demander quel pourrait être mon avenir…

Une bombe. Une explosion. S’en est suivie une dépression, où je n’ai pas seulement perdu un peu de moi, mais aussi beaucoup de poids. Je suis tombé malade. Oui, c’est une maladie. Il faut écrire son nom, l’assumer, la regarder droit dans les yeux pour pouvoir espérer la combattre. Anorexie mentale.

J’aurais pu choisir, peut-être aurais-je du, de me placer entre quatre murs pour l’affronter,  limiter son champ d’action, et le mien par la même occasion. Je l’ai refusé fermement, et c’est encore le cas aujourd’hui.
A la place, j’ai voulu continuer à vivre. Rétrospectivement, je me rends compte que j’ai fait plus que ça, et à la fois beaucoup moins. Survivre, voilà le mot approprié. Une vie libre mais prise au piège de ces contraintes que l’on s’impose, de ces interdits. Au final, ce n’est pas un combat contre les autres, contre le monde, mais bien contre soi même.

Si je suis encore là aujourd’hui, ce n’est sans doute pas par hasard, et c’est ce qui me fait lever à l’aube tous les matins. J’ai pu faire des rencontres, parmi elles, le pain. Peut-être m’a-t-il sauvé, en me donnant matière à réfléchir, à écouter, à comprendre. En définitive, je suis un survivant, un évadé du goût. Le goût du pain, oui, mais de la liberté, du plaisir, pas pour moi mais pour les autres. Se dire que partager cet aliment simple, profondément honnête et porteur de valeurs, pourrait changer le monde – le mien, d’abord, bien sûr. Le rendre plus beau.

Survivre par et pour ces sourires, pour se dire que ces journées bien inutiles en apparence auront au moins eu pour intérêt d’avoir créé un peu de plaisir. Remettre un peu de couleurs dans ce monde gris…

Cela peut paraître idiot de rédiger ici un tel billet, oui, ça l’est sans doute. Je veux simplement passer un message d’espoir et d’envie, tout en partageant un peu de l’homme – non, du petit garçon – qui est derrière toutes ces lignes, ces heures passées à parcourir Paris… même si ce n’est pas toujours facile, même si les forces viennent souvent à manquer. Demain est un autre jour…

Billets d'humeur

21
Août

2012

Le meilleur

Si je devais sélectionner une question parmi toutes celles que l’on me pose, ce serait sans doute celle de savoir qui est le meilleur boulanger parisien que je retiendrais. A cela plusieurs raisons, tout d’abord pour sa fréquence, mais aussi parce que je me sens bien incapable d’y répondre. En réalité, je ne sais pas et je ne veux pas.

Comme tout le monde, j’ai sans doute voulu prendre « le problème » dans ce sens, partir en quête de cet absolu, trouver le meilleur pain, le manger et ressentir un certain sentiment d’accomplissement. Seulement voilà, au fil des mois, des rencontres, des réflexions, on se rend bien compte que le pain ne saurait fonctionner de cette façon, que notre relation avec cet aliment ne répond pas à des critères purement objectifs et techniques. Pour le comprendre et l’apprécier à sa juste valeur, il faut intégrer des sentiments, des morceaux de vie, des souvenirs, des envies… De l’humain, en réalité. Aucun classement ne saurait en rendre compte.

Le « meilleur boulanger » ne se partage pas. C’est une vision et une appréciation purement personnelle. Plutôt que de parler ainsi, il faudrait évoquer une capacité à nous toucher, à nous raconter des histoires, ou à nous en faire revivre. Comment ne pas se laisser aller à la rêverie quand on retrouve des saveurs d’enfance ? Ainsi, on pourra toujours essayer d’établir des classements, organiser des concours et des dégustations, le goût reste le domaine du subjectif et nous ne pourrons pas y faire grand chose.
Dès lors, comment pourrais-je justifier l’intérêt du painrisien ? Je tente simplement de partager mon expérience avec la large palette de produits boulangers que j’ai pu goûter au fil du temps.

En définitive, quand bien même on élirait le meilleur boulanger, la meilleure baguette ou le meilleur être humain, il ne pourrait pas l’être éternellement. De par notre propre nature, ce titre aurait de toute façon tendance à atteindre les qualités qui auraient permis d’y parvenir : l’orgueil est rarement facteur de remise en question… or, pour conserver ses lettres de noblesse, il faut se réinventer chaque jour, sans cesse se poser des question. Le pain est comparable à la vie, tant il est imprégné des hommes qui le façonnent.

Tout cela ne fait qu’exprimer les traits d’une société où la performance est devenue reine, dépassant de loin toutes les autres considérations humaines. Je me demande bien où tout cela peut bien nous conduire, car les choses n’ont du goût que si l’on prend du temps pour les faire, que l’on y met de la sincérité… rien de révolutionnaire, bien au contraire, puisque c’est tout simplement revenir à des valeurs passées. Ce sera peut être de cette façon que nous serons meilleurs… sans chercher à être les meilleurs.

Le pain est souvent consommé au petit-déjeuner, en accompagnement d’un repas… mais il peut aussi servir de support et de « base » pour lier des aliments entre eux. C’est ainsi que naissent les sandwiches, qui représentent le quotidien de millions de personnes à travers le monde. La restauration rapide représente ainsi une grande part du pain consommé quotidiennement, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise chose.

McDonald’s au Carrousel du Louvre. Le géant de la restauration rapide a tenté « son » sandwich à la française, avec le McBaguette, en plus des pains bun utilisés quotidiennement dans ses hamburgers. Une expérience en demi-teinte, puisque le produit, réalisé à partir d’une base fournie par l’entreprise française Panavi, n’a pas suscité l’enthousiasme du public.

Bonne car le nécessité de rapidité et de simplicité ont rendu l’usage du pain, qu’il soit de type baguette, viennois ou bun, quasi-incontournable… ce qui implique que les consommateurs en mangeront, avec tout l’intérêt nutritionnel qu’il peut avoir. Seulement, ces mêmes atouts sont bien souvent remis en cause par la qualité du produit : farines très blanches, de provenance douteuse, issues de blé à fort rendement mais dépourvus d’une grande partie des nutriments que l’on devrait retrouver dans cette céréale…

Ainsi, de plus en plus d’acteurs de ce secteur mettent en avant la cuisson sur place des pains utilisés pour la réalisation de leurs sandwiches. Certes, cela garantit la fraicheur et la croustillance dans le cas d’une base « baguette »… mais justement, le pain est alors très frais, d’ailleurs cela porte un nom, surgelé ?
Fabriqué en industrie, rempli d’additifs et « d’améliorants de panification », voilà un cocktail qui ne manquera pas de pétiller une fois en bouche. Des exemples, je pense que l’on pourrait en citer des dizaines, voire des centaines. Pomme de Pain, Brioche Dorée, Mc Donald’s, Subway, et même des enseignes plus haut de gamme utilisent des bases précuites surgelées. Bien entendu, il faut mettre en balance la rationalisation des process nécessaire pour ce type d’entreprise, mais en définitive, on détourne complètement le pain pour en faire l’objet, un maillon, d’une chaine globalisée.

Face à cela, quelle attitude adopter ? On peut privilégier les propositions salées développées par nos artisans boulangers, toujours plus variées et nombreuses. Ces derniers ont bien compris qu’ils pouvaient s’emparer d’une part du généreux gâteau que constitue la restauration « sur le pouce », parfois un peu trop.
Au delà de ça, certaines enseignes parviennent à un compromis honorable entre quantité et qualité, notamment en faisant appel à des boulangers dont la vocation est de réaliser un certain volume, tout en conservant des recettes et des fabrications relativement artisanaux. On peut citer le bon exemple de Jour – connu pour son concept de bar à salade sur mesure, qui a récemment développé une gamme de buns fournis par la Boulangerie Thierry. Les créateurs de nouveaux concepts de restauration rapide devraient chercher à se différencier par la qualité de leurs matières premières, et donc sur le pain… malheureusement, on le sacrifie souvent sur l’autel des coûts et de la simplicité.

Un autre point important pour les sandwiches : leur fraicheur. Une baguette ayant passé de longues heures dans un réfrigérateur est une baguette… désagréable. Faites l’essai chez vous, vous verrez. A cela, la réponse immédiate pourrait être de réaliser les sandwiches à la demande ou en petits lots, mais cela demande une certaine organisation et des locaux adaptés. Cela fait partie du concept de Pomme de Pain depuis sa création, d’ailleurs, mais le résultat n’en est pas meilleur. A Paris, si vous souhaitez déguster des sandwiches de grande qualité, assemblés « minute », ne manquez pas de faire un tour du côté de cheZ Aline, au 85 rue de la Roquette, dans le 11è arrondissement. Dans ce « temple » du casse-croûte, Delphine Zampetti réunit les meilleurs ingrédients, doucement enveloppés par les baguettes de la boulangerie Landemaine située juste en face. Même constat à l’Epicerie du Verre Volé, dont je vous avais parlé précédemment. Certes, ce sera plus cher qu’un repas pris dans une de ces nombreuses chaines… mais cela redonne des lettres de noblesse au casse-croûte, et au pain consommé ainsi, sur le pouce.

S’il faut bien reconnaître une qualité aux services marketing et autres têtes pensantes tout droit sorties des écoles de commerce les plus prestigieuses, c’est celle de développer une exceptionnelle capacité à s’adapter et ainsi à faire face à de nombreuses situations sans jamais laisser paraître le moindre doute ou la moindre défaillance. Une chance pour eux sans doute, mais en définitive pas vraiment pour le consommateur qui ne sait pas à quelle sauce il va se faire croquer…

Du côté des « chaines » boulangères, des groupements tels que Festival des Pains, Banette, Baguépi, Copaline et autres Ronde des Pains, ces fameux communicants ne doivent pas manquer de travail. En effet, rien de plus difficile aujourd’hui que de se démarquer les uns des autres… Du côté de Banette, on a décidé de s’afficher sur le Tour de France et de distribuer du pain à tours de bras. Est-ce là la meilleure façon de mettre en avant le pain artisanal, ou cela consiste-t-il en une occasion de démontrer la puissance de ce réseau, pourtant en perte de vitesse (membres en désaccord, prise d’indépendance de plus en plus importante chez les petits moulins…) ?
Régulièrement, chacun de ses acteurs nous gratifie d’une nouvelle invention.

Pourtant, cela ne rend qu’assez peu compte de la réalité du terrain. Je ne suis pas certain que les artisans se retrouvent vraiment dans ces actions, coûteuses et pas toujours bien reprises dans les boulangeries (à l’image des pains saisonniers créés par Baguépi/Soufflet, rarement proposés en boutique). Aujourd’hui, cette stratégie de fédération autour d’une marque aurait-elle trouvé ses limites ?
En effet, pour faire face à l’industrie et à la grande distribution, il faut certainement chercher à valoriser le plus petit, et redonner sa place au nom de l’artisan. Cela signifierait donc que ces « chaines » boulangères sont appelées à muter pour survivre. Ainsi, quelques uns ont dors et déjà commencé à développer de nouvelles marques, comme « Le Pain Boulanger » chez Banette.

Tout cela n’en demeure pas moins cosmétique. Le pain ne se limite pas à être une affaire de marketing et d’apparence. La vraie révolution qui devrait être impulsée, c’est celle de la qualité et de l’honnêteté. Plutôt que de promouvoir des prémixes comme ils ont tendance à le faire, ces réseaux devraient au contraire chercher à développer un vrai sens de l’artisanat, en formant les boulangers à des méthodes de fabrication toujours plus respectueuses du temps et de la tradition (pétrissage délicat, longs temps de fermentation…) mais aussi en leur apportant une matière première de qualité. Rien de plus essentiel que la farine dès lors qu’il s’agit de pain. Certains l’ont bien compris et ont décidé de capitaliser autour de cet atout, à l’image du Club le Boulanger (association de 12 meuniers à travers la France, dont Foricher ou Girardeau), qui porte la marque Bagatelle et leur farine Label Rouge et CRC, ainsi que la valorisation de la viennoiserie artisanale. Plutôt que du marketing et de belles images, c’est sur cet essentiel que l’on devrait toujours se concentrer.

Alors, dans quelle direction vont se tourner ces acteurs de la profession ? J’aurais tendance à penser qu’ils iront toujours vers la facilité et la poudre aux yeux, en privilégiant leurs intérêts financiers plutôt que ceux des consommateurs. C’est donc à nous d’influer pour une démarche positive et qualitative, en étant toujours plus attentifs et rigoureux dès lors qu’il s’agit d’acheter notre pain en boulangerie artisanale. Cette démarche n’est pas anodine, tout le monde ne prend pas le temps et les moyens de la mettre en oeuvre, il faut donc qu’elle soit respectée par le secteur de la boulangerie… en espérant qu’il prenne bien conscience des enjeux auquel il a à faire face.

Les jeunes générations ont une tendance certaine à perdre le sens de l’effort et se tournent de plus en plus facilement vers des métiers du secteur tertiaire, forcément moins physiques et mieux valorisés au sein de notre société. Dès lors, difficile d’attirer de la main d’oeuvre vers des filières plus « difficiles », telles que l’artisanat. En réalité, et sans vouloir tenir des propos clivants, cela concerne surtout les jeunes issus des classes moyennes ou aisées, qui ne sont pas en recherche d’un quelconque ascenseur social.

A côté, il y a des personnes qui peinent pour boucler leurs fins de mois, qui doivent se lever très tôt pour faire les tâches que les autres auront refusé… Malheureusement, beaucoup de personnes issues de l’immigration. Le « rêve » français et son modèle intégrationniste dans toute sa splendeur.
On les retrouve dans beaucoup de cuisines parisiennes… mais également dans des fournils, car il ne faudrait pas oublier la boulangerie. Là aussi, même modèle : horaires décalés, pénibilité physique… Ce qui explique la crise de vocations que l’on connaît.

Dans l’édition du Monde datée du 27 juin, la journaliste Elise Vincent revient sur la présence de plus en plus forte de boulangers issus de l’immigration dans la profession. En effet, ils sont autant ouvriers que chefs d’entreprise, et représentent 1 reprise d’affaire sur trois, autant dire que le mouvement n’est pas anecdotique.
On peut y voir une véritable opportunité d’ascension sociale, la boulangerie pouvant être relativement lucrative lorsque l’affaire tourne bien. En la matière, ces entrepreneurs parviennent de mieux en mieux à faire fonctionner leurs affaires. Au départ, la qualité était bien loin d’être au rendez-vous, et la clientèle devait bien souvent faire face à des baguettes désespérément blanches, ainsi qu’à des arômes absents. Avec le temps et les efforts – autant des artisans eux-mêmes que de la meunerie, qui a compris qu’il y avait là une clientèle à soigner et à former -, les pains proposés parviennent à être de plus en plus intéressants.

Au delà de la préoccupation légitime pour la qualité des produits, on peut y voir un symbole qui est attaqué : la boulangerie française deviendrait-elle maghrébine ? Cela n’a rien de gênant, après tout : chacun a le droit d’exercer le métier qu’il souhaite… et je ne vous cache pas qu’au final, je trouve que cet intérêt pour la boulangerie est positif : si le bon pain se développe et se déploie dans les zones plus défavorisées, cela créé du sens.
Egalement, c’est l’occasion de parvenir à des métissages : la baguette de tradition française peut ainsi côtoyer des pains typiques tels que le matlouh tunisien, un pain plat réalisé à partir de semoule. La boulangerie devient le lieu de rencontre des cultures et des individus. Un soupçon d’exotisme dans le quotidien ne fait jamais de mal…

Il faudrait tout de même se poser la question de savoir pourquoi les « français d’origine » perdent le goût de ces traditions et ne sont plus si attachés que cela au pain et à la transmission de ce savoir-faire. Peut-être ne sommes-nous pas assez sensibilisés au goût et à l’importance qu’il peut avoir, nous nous endormons peu à peu sur nos acquis et laissons se développer des industries dont les produits sont parfois réalisés bien, bien loin de chez nous, avec des matières premières de qualité et de provenance douteuses. Alors que l’artisan soit français, marocain, japonais, serbo-croate… seule la sincérité de la démarche compte, et le résultat également.

Dans un monde où les nouveaux médias – Internet en tête – sont de plus en plus présents, les consommateurs se font exigeants et ont tendance à comparer : qualité, prix, tout y passe. Avec un simple téléphone, ils peuvent en effet savoir s’ils peuvent trouver moins cher ou mieux. Egalement, ils aiment être « courtisés », soignés et considérés. C’est de cette façon que les programmes de fidélité se sont multipliés dans la plupart des enseignes de la grande distribution.

Du côté de la boulangerie, les plus actifs demeurent bien entendu les groupements tels que Banette, Festival des Pains ou encore Ronde des Pains, qui communiquent et développent une marque forte et défendue auprès du consommateur. Campagnes de publicité, jeux-concours, tout est fait pour tenter de mettre en place une relation « d’affect » avec l’enseigne et donc générer des retombées pour les artisans qui ont fait le choix de s’y affilier. Ainsi, les consommateurs auront tendance à se tourner vers cette marque, que ce soit près de chez eux ou en vacances… Même si cela occulte les différences qui existent immanquablement entre les artisans, c’est plutôt bien vu.
Côté indépendants, certains tentent de s’y mettre, un peu plus timidement certes. J’ai déjà vu des cartes de fidélité dans des boulangeries, ou des systèmes de « carte tirelire » où un montant est « chargé », évitant ainsi la corvée de monnaie et assurant du même coup un retour du client en boutique.

Dans l’ensemble, il faudrait que plus d’artisans prennent conscience que leur clientèle est de moins en moins captive, et que les progrès faits par les industriels ne sont pas sans conséquence sur la vie de leur commerce. Au delà de l’aspect pratique et financier, leur capacité à communiquer est tout simplement redoutable : dès lors, il faut bien intégrer que l’on doit aller plus loin qu’accueillir son client au quotidien, lui vendre un peu de pain et/ou des gourmandises.
Cela passe notamment par une vraie mise en valeur du savoir-faire artisanal, de la qualité des produits. Même si je ne suis pas un grand adepte de l’homme et des produits, je dois dire que la démarche récemment adoptée au sein de la maison Delmontel est assez intéressante. En effet, une « gazette » saisonnière est distribuée en boutique. Cette dernière traite du travail réalisé par le meunier choisi par la maison, en l’occurrence la minoterie Viron, ainsi que les différentes étapes nécessaires pour produire une baguette de tradition, ou encore des informations sur l’histoire du pain et des boutiques de l’artisan… Certes, cela présente un coût non négligeable, qui est loin d’être à la portée de l’ensemble des boulangers. Le client découvre le fonctionnement de l’entreprise et conserve un support qu’il pourra consulter chez lui ou pendant ses déplacements.

La gazette Delmontel

Moins coûteuses, les nouvelles technologies proposent également de nombreuses d’opportunités d’entretenir des rapports avec sa clientèle en dehors des ventes. Lettre d’information électronique pour informer ses clients des nouveaux produits et « temps forts » (fêtes, animations commerciales…), Facebook reprenant l’actualité de la boulangerie, site internet vitrine… Soyons modernes !
Bien sûr, on pourra toujours objecter à cela que l’essentiel des ventes sont réalisées auprès d’une clientèle de quartier, et que l’intérêt de communiquer est, dès lors, faible ou inexistant. Je pense qu’adopter ce point de vue serait un peu court et limité, car à mon sens l’enjeu est de taille : il s’agit de toujours défendre l’artisanat face à l’industriel. Cette démarche doit également se mettre en oeuvre à d’autres niveaux, que ce soit sur le plan des syndicats (les concours professionnels sont de bonnes occasions, notamment), ou des meuniers.

La prise de conscience est progressive, des actions se mettent en place et vont dans le bon sens. Ce n’est sans doute pas demain que nous verrons l’ensemble de nos artisans chercher à fidéliser leur clientèle au travers d’animations et d’une communication efficace, mais la cause n’est pas perdue pour autant !

Réflexions

18
Juin

2012

La justesse de la critique

2 commentaires

Goûter, écrire, encore goûter, re-écrire… Un cheminement continu qui est pourtant loin de présenter les caractéristiques d’un chemin linéaire, bien au contraire. C’est certainement mieux ainsi, car cela incite à se poser sans cesse des questions, à grandir et avancer.

Depuis Avril 2011, je pense avoir parcouru une certaine distance, et je n’ai certainement plus les mêmes avis et positions que je pouvais avoir lorsque j’ai débuté. Tout d’abord, il y a une question de mesure, d’effort de compréhension, et dans un sens de « renoncement à l’absolu ». J’entends par là que l’on ne peut prétendre à la perfection, ni même à un résultat constant tous les jours de l’année. Partant de ce principe, il faut parvenir à distinguer ce qui relève de la difficulté du quotidien et de problèmes plus profonds. La tâche n’est pas aisée, mais elle en vaut la peine.

L’objectif de la démarche est de parvenir à produire une critique toujours plus juste, qui puisse retranscrire au mieux auprès de son lectorat la réalité des produits et du travail réalisé par les artisans. Cette justesse ne peut s’affiner et s’affirmer que si le critique est également critique vis à vis de son travail. Ainsi, je relis mes articles, écoute les critiques et y réfléchis pour intégrer à mes écrits ces éléments qui pourront les rendre plus pertinents.
La question de la justesse est également liée à celle de la légitimité que l’on peut avoir ou non sur le sujet. On me reproche parfois de n’être personne, d’être un simple spectateur qui ne comprend pas la réalité du métier et ne serait donc pas en mesure d’émettre un quelconque jugement.

J’entends bien tout cela, mais néanmoins, je m’interroge sur la capacité à porter un regard critique sur une discipline dès lors que l’on y est intégré, que l’on en maîtrise l’ensemble des paramètres, qu’ils soient humains ou techniques. Cela induit forcément un biais qui s’ajoute à tous ceux qui peuvent survenir et justement peser sur cette fameuse justesse.
Parlons-en, de ces biais, justement. Parmi les plus difficiles à éviter et à contenir, c’est sans doute notre propre nature humaine. Quelles sont nos intentions pour chacun de nos actes, ne faisons-nous pas intervenir dans notre jugement des états d’humeur extérieurs, des éléments qui n’ont rien à faire là mais qui ont toujours un impact en définitive ? C’est à chaque fois des questions à se poser avant de publier quoi que ce soit, et je dois avouer que j’ai certainement oublié de le faire parfois, pour des résultats pour le moins… discutables.
Bien sûr, parmi les autres « biais », on peut citer nos goûts personnels, et ils sont tout particulièrement présents en matière de gastronomie. Difficile de ne pas les faire ressentir, car le goût est un domaine où la subjectivité s’exprime de façon toute particulière.

Doit-on pour autant renoncer à l’idée même de parvenir à une critique « juste » ? Sans doute, oui, dans un sens, mais il faut mettre des nuances dans la notion de justesse et intégrer le fait que nous aurons tous une lecture différente d’un même texte. Dès lors, il faut savoir composer, écouter, s’ouvrir. J’essaie de le faire au quotidien, et j’espère sincèrement que cela se ressent. Dans tous les cas, j’invite réellement les personnes en désaccord avec ma vue des choses à me le faire savoir, car c’est toujours avec intérêt que je reçois ces retours. Il ne faudrait vraiment pas que tout cela soit à sens unique, et le format de blog est justement le plus adapté pour mettre en place un réel échange, dépassant ainsi le cadre d’une critique ferme et bornée.

Au delà du fait d’acheter des produits, je passe mon temps à observer la vie des boulangeries. Aussi bien derrière que devant le comptoir. Les deux éléments sont particulièrement révélateurs de la vocation d’un lieu, et des habitudes – ou non – que peut avoir la clientèle au sein du commerce. Entre visiteurs de passage et habitants du quartier, il y a un monde et cela fait beaucoup du caractère que peut avoir une boutique. Les zones résidentielles et touristiques sont ainsi très différentes en terme d’ambiances et d’intérêt porté au produit, au delà même du simple achat de nécessité qui représente le quotidien de milliers de personnes.

En effet, certaines boulangeries et parisiennes comptent parmi leurs clients de nombreux touristes, amenés là par quelques guides référençant ce qu’ils décrivent comme les meilleures adresses de la capitale. Ce n’est pas toujours faux, mais j’ai tendance à penser que cela change beaucoup de choses dans le rapport que clientèle peut avoir au produit. Certes, ils font « tourner le commerce » en achetant d’importantes quantité de pains, viennoiseries et autres gourmandises, mais respectent-ils ces produits pour autant ? La plupart du temps, cela se finit par des « séances » de « dégustation » où les produits sont ingurgités les uns à la suite des autres…
Justement, pour moi, il est avant tout question de temps. Pour confectionner le produit qui arrive sur nos tables, dans nos mains, l’artisan prend du temps et met en oeuvre son savoir-faire. Cette implication doit être respectée et appréciée : ainsi, il faut donner à notre tour un peu de temps à ce produit lors de la dégustation, ne pas en faire un mets que l’on oublie en quelques instants… Certes, tout cela revêt un caractère presque luxueux dans cette époque où nous sommes toujours pressés, en train de courir après de quelconques chimères.

Au delà de ça, il y a également la question des fameux classements et concours organisés par des particuliers ou des entités plus ou moins officielles. Le principe de ce type d’événement repose sur la dégustation « enchainée » de lots de produits, si bien qu’en définitive ils finissent par se confondre et se noyer les uns les autres. En définitive, est-ce ainsi que l’on parvient à mettre en valeur le travail des boulangers et pâtissiers les plus doués ? Je n’en suis pas vraiment convaincu. D’autant que cela génère souvent de nombreux restes, qui finiront immanquablement jetés comme de vulgaires ordures. Est-ce ainsi que l’on conçoit le respect dans notre « société moderne » ?

Je ne cherche pas à jeter la pierre à qui que ce soit, mais simplement à relever un fait qui finit par me gêner, car ce sont des habitudes plutôt fréquentes. A mon sens, il s’agit avant tout de réétudier notre rapport à l’alimentation et de ne pas tomber dans des dérives liées à notre monde où tout est question d’apparence et de performance. Pour ressentir un certain « accomplissement », il faudrait donc avoir goûté le meilleur, touché du doigt l’excellence et disposer des preuves nécessaires pour en faire la publicité dans son entourage. Seulement, cela exprime-t-il notre goût propre ou celui de la société, celui communément admis comme étant juste et empli de « bon sens » ?
Face à cela, il serait préférable de chercher à développer ses propres critères pour véritablement apprécier le travail de chacun de nos artisans sans biais, de façon tout à fait honnête.

Vivons la gourmandise de façon libre et respectueuse, de nous même (et donc de nos faims et envies) et du travail nécessaire pour parvenir à créer des produits qui seront à même de la satisfaire. Je pense que c’est de cette façon que nous parviendrons à un « mieux » plutôt qu’à un « plus » (qualité contre quantité, des arbitrages toujours complexes)…