En matière de pains spéciaux, je pense que l’on pourrait aller loin, très loin. La pâte est en effet un excellent support pour la créativité des artisans, car il est possible de lui imprimer de nombreuses saveurs, au travers d’ingrédients ajoutés, tels que des épices, des fruits secs, des arômes, et que sais-je encore… Chaque boulangerie a la possibilité de développer ses spécialités.

A l’occasion des fêtes, il faut surprendre, inventer, pour que le mot « fête » prenne tout son sens : on tente d’illuminer sa table en la parant de mets d’exception, qui rendront les repas inoubliables. Le pain peut également se parer de ces habits festifs, et les boulangers nous proposent des produits spécifiques, prévus pour accompagner les différents plats. Pain de seigle au citron pour les huitres et les poissons, pain de mie pour le foie gras, pain de châtaigne pour les volailles, … Le choix est multiple dans le répertoire classique.

Ce répertoire peut aussi être enrichi par des créations vraiment originales, et c’est notamment le cas chez Dominique Saibron cette année, avec le « pain des 13 desserts ». Ce nom n’a pas été choisi au hasard : il fait référence à la tradition provençale, où Noël est fêté avec ces fameux 13 desserts, constitués de fruits secs et confits. Le boulanger d’Alésia a choisi de tous les réunir en un seul et même pain, une pièce de deux kilos de forme circulaire, assez plat.
Ma question de fond est de savoir si tant de fruits dans un seul pain peut constituer un ensemble pertinent et agréable à la dégustation. A mon sens, le risque est de perdre son palais avec un trop grand nombre de saveurs mélangées, et surtout que le résultat soit assez sucré – malgré l’utilisation de fruits secs, sans sucre ajouté.
J’avoue ne pas avoir été particulièrement séduit quand j’ai goûté ce pain, n’étant pas un adepte des fruits ajoutés à la mie, dans tous les cas.

Ce pain est avant tout un très bel objet de décoration, à poser sur la table festive : il apporte une touche authentique et élégante. Ensuite, il constitue un cadeau original : quoi de mieux que d’arriver avec cette belle miche sous le bras, pour remercier de l’hospitalité offerte par une maison ? On retrouve là encore beaucoup de symboles forts, tels que le partage, autant rattachés au pain qu’à cette période de fêtes.
C’est également un appel à l’imagination et aux expériences pour associer cette création à des mets et plats. En effet, cette note sucrée peut très bien s’accorder avec divers produits : le foie gras, souvent suggéré avec du pain aux figues, est magnifié par cette note sucrée/salée. C’est également le cas pour certains fromages, dont le goût sera souligné. Il est préférable de toaster au préalable ce pain, pour en apprécier l’ensemble des saveurs.

Les 13 fruits en train d'être préparés

Si l’on s’intéresse à la « technique », les fruits secs marinent ensemble pendant plus de 24h avant d’être mis en oeuvre au sein d’une pâte « Alésiane » (c’est à dire similaire à la baguette alésiane, un pain de tradition française) pour sa douceur (un pain plus acide aurait masqué le parfum des fruits). Tout cela est façonné en pain plat de 2kg puis passé au four, spécialement pour les clients ayant commandé ce produit au préalable. En effet, cette création ne sera pas proposée en boutique, du fait de son caractère spécial et de son format plutôt imposant.
La conservation de ce produit est assez bonne, même s’il a tendance a devenir plutôt sec avec le temps, ce qui rend le fait de le toaster plutôt bienvenu.

Malgré tout, je demeure assez perplexe face à cette tendance de pains spéciaux « tout azimut », car ils ne permettent pas de sentir toute la subtilité et les arômes complexes que peut exprimer une baguette, une miche ou un bâtard. Au contraire, ils pourraient même servir à masquer un manque de talent de la part du boulanger l’ayant réalisé, les ingrédients ajoutés parvenant à compenser le manque de parfum du pain « nature ».
Dans le cas présent, l’écueil serait de privilégier le symbole au détriment du goût à proprement parler.

Infos pratiques

Pain des 13 dessertsDominique Saibron, Paris 14è / 19,90 euros la miche de 2kg – 30cm de diamètre / Pour 12 à 15 convives. A commander 48h à l’avance au 01 43 35 01 07.

On peut parfois penser que les pains « spéciaux » finissent par tourner en rond, par offrir des associations de saveurs similaires. En effet, on retrouve bien souvent les classiques pains aux noix, aux céréales, aux raisins, un peu plus rarement des mélanges de ces différents ingrédients. Un peu ennuyeux, vous en conviendrez. Fort heureusement, certains artisans font preuve d’un peu d’imagination et nous proposent des créations réellement originales. Bien sûr, il faut que celles-ci aient du sens, que l’ensemble trouve un certain équilibre et que notre palais en ressorte grandi et satisfait.

C’est le cas avec les pains développés par Kenji Kobayashi chez Du Pain et des Idées. Depuis quelques temps, les dernières créations proposées au sein de cette boulangerie sont en effet l’oeuvre de cet « apprenti » de Christophe Vasseur. Il a notamment signé une brioche à la châtaigne, un pain cacao-canneberges-noix, le pain brulé dont je vous avais parlé précédemment, … Comme vous pouvez le constater, l’homme ne manque pas d’idées et il sait associer des saveurs tout en parvenant à réaliser un ensemble harmonieux.
Ce vendredi, il était parvenu à rassembler dans le fournil un asiatique, un bon gars du Périgord et un Québécois… pour les inviter à votre table. Tout cela est très imagé, il est en réalité question d’un pain Gingembre – Noix – Sirop d’érable. C’est autant une rencontre de cultures que des voyages successifs et vécus en accélérés, une association de saveur au dosage fin et intelligent.

L’expérience commence dès le premier contact, au visuel : ce pain est superbe, il s’offre à nous dans une robe sombre et quasi-torréfiée, cette croûte épaisse et croustillante procure à l’ensemble une excellente conservation ainsi qu’une note d’amertume qui apporte un contraste supplémentaire à la douceur du sirop d’érable. Ce dernier participe à la coloration de la mie et nous procure des saveurs ambrées, tout en restant assez discret pour ne pas sucrer l’ensemble à l’excès. Je ne suis pas un grand adepte des pains aux noix, mais cette note sucrée parvient justement à compenser son amertume et à la relever de façon agréable, ce qui rend la dégustation plus plaisante. Enfin, le gingembre confit achèvent de conférer à ce pain un caractère étonnant et ludique, au travers de notes acidulées et très fraiches.
Cela s’inscrit dans une mie assez dense, d’excellente tenue, bien moelleuse et gourmande. Grâce à ces caractéristiques (croûte épaisse, mie tassée), cette miche se conserve extrêmement bien et conserve un caractère plutôt craquant même le lendemain de l’achat.

Voici donc une belle réussite pour un artisan issu d’une région du monde où le pain n’est pas conçu de cette façon à l’origine. Kenji Kobayashi fait preuve d’un talent tout particulier et d’une belle humilité, qui se remarque immédiatement lorsque l’on a l’occasion de le voir en boutique (en plus de créer, de travailler au fournil, il passe aussi du temps en caisse ! mais quand se repose-t-il ?!). Pour ma part, j’ai hâte de découvrir ses prochaines créations et je souhaitais profiter de ce billet pour lui rendre un hommage tout particulier, car c’est plus souvent de son patron que l’on parle publiquement. Dans chaque boulangerie, les ouvriers oeuvrent jour après jour et font en sorte que ces beaux produits arrivent jusqu’à nous. Merci !

Pain Gingembre-Noix-Sirop d’Erable, Du Pain et des Idées, Paris 10è – proposé pour les fêtes et également vendredi 2 décembre – 4 euros les 450g.

Il est particulièrement intéressant de découvrir les différentes interprétations des pains spéciaux proposés par les artisans boulangers. En effet, sous un même intitulé se cachent autant de sensibilités et de visions différentes du produit, qui aboutissent à des résultats très variés, que ce soit en terme de forme, de texture ou de goût. Je pense d’ailleurs faire un billet dédié au pain à la châtaigne -très en vogue en cette saison-, sur lequel les artisans boulangers apportent des vues divergentes.

Aujourd’hui, allons faire un petit tour dans la boutique-écrin de Claire Damon et David Granger pour découvrir un pain à la couleur jaune poussin bien marquée : le pain au maïs. Ayant souvent traité ici des créations de Mlle Damon, il était anormal que je ne rende pas également hommage au travail de M. Granger. L’association de ces deux artisans parvient à faire de cette adresse la seule « boulangerie-pâtisserie » qui parvienne à réaliser les deux métiers dans le domaine de l’excellence.

La signature des pains proposés chez des Gâteaux et du Pain est le levain naturel, qui procure au pain une très bonne conservation et des arômes développés. Le pain au maïs n’y fait pas exception. Dès l’achat, on découvre sa croûte bien craquante et sa cuisson bien aboutie, ce qui annonce une vie sous de meilleurs hospices pour cette boule au façonnage élégant.
Au delà de ces deux éléments, ce qui attire l’attention, c’est également les « éclats » qui parsèment le pain et apparaissent à divers endroits. Non, ce ne sont pas des noisettes ou un fruit sec, mais des grains de maïs soufflés ! En effet, en plus de la farine de maïs utilisée conjointement au blé pour la réalisation de ce produit, l’artisan a eu l’idée d’inclure un « supplément », qui a deux fonctions : cela renforce le parfum de maïs, mais c’est aussi un apport intéressant en terme de texture, au travers de délicates notes croquantes qui relancent le plaisir à la dégustation.

La mie nous offre des saveurs bien beurrées, elle est assez dense et moelleuse, sa tenue est excellente. Le goût particulier du maïs y est fortement représenté, difficile de passer à côté.
La croûte est assez fine, mais elle demeure longtemps craquante, ce pain se conserve extrêmement bien. La cuisson marquée de cette croûte lui permet d’exprimer des arômes légèrement « grillés », dans le prolongement des grains de maïs soufflés.

Au final, M. Granger parvient à nous offrir un pain associant habilement moelleux, craquant et croquant, tout en proposant des saveurs bien marquées (parfum de beurre très présent, comme si la mie avait été beurrée au préalable, sans pour autant qu’elle soit grasse) et une conservation exceptionnelle.

Pain au maïs, proposé le week-end, des Gâteaux et du Pain – 75015 Paris – 3,70 euros la pièce de 280g.

J’aime les pains éphémères, ces créations qui ne durent que quelques heures, quelques jours, il y a comme un sentiment d’urgence pour les acheter et les déguster. On a alors le sentiment de goûter un produit rare, réalisé en quantités limitées. Un produit éphémère pour un plaisir qui l’est tout autant, même si les souvenirs demeurent.

Aujourd’hui, la boulangerie de Christophe Vasseur – Du Pain et des Idées – était exceptionnellement ouverte et proposait des créations de l’un de ses « élèves », Kenji Kobayashi. Au programme, un croissant au citron, une brioche à la châtaigne, un « Pain Brûlé » et une Ficelle Miel-Beurre-Poivre.
J’avais appelé ce matin pour demander que l’on me mette de côté un quart de Pain Brûlé, ce qui… n’avait pas été fait, M. Vasseur utilisant pour prétexte le fait qu’il en restait d’avance et que cela n’était pas nécessaire. Curieuse façon de considérer sa clientèle, mais soit. Oublions ces considérations pour quelques instants et intéressons nous au produit.

Pain Brûlé ? Non, le pain n’est pas brûlé, il est juste bien cuit. En voyant cette belle miche, on ne peut pas dire qu’il ait usurpé son nom. La cuisson est en effet bien poussée, la croûte très sombre et marquée. Elle est extrêmement craquante, ce qui est bien agréable. La mie de ce pain est assez serrée sans être collante ou pâteuse, elle se tient parfaitement, par ailleurs.
L’ensemble dégage un doux parfum mielleux, lié à l’incorporation d’ingrédients supplémentaires : noix, raisins et jus de raisins sont de la partie. Le tout est très doux, sucré mais pas à l’écoeurement comme on aurait pu le craindre. Les noix et les raisins s’associent parfaitement, entre force et rudesse de l’un, en contraste avec la douceur sucrée de l’autre.           Le jus de raisin incorporé dans la recette renforce le parfum de raisin et explique certainement l’odeur presque entêtante qui se dégage de ce pain. Tout cela se mangerait presque comme une gourmandise…
La croûte contribue aussi à apporter des arômes intéressants, de par sa cuisson, au delà même de son superbe aspect (regardez ces motifs !). Elle dégage une certaine amertume, et est proche de l’état de caramélisation. Etant assez épaisse, elle s’exprime bien en bouche malgré la présence dominante de la mie.

Au final, ce pain est une vraie réussite, il parvient en effet à être gourmand sans pour autant être trop sucré ou écoeurant. De plus, sa mie serrée et sa croûte épaisse lui confèrent une excellente conservation. Dommage que cette création ne soit qu’éphémère, et qu’il n’y en ait déjà plus…

Pain Brûlé (noix, raisins et jus de raisin), Du Pain et des Idées – Paris 10è, 4 euros le quart d’environ 500g. 

Le painrisien n’est-il pas le blog qui vous mène à la baguette ? Il faut bien que je tienne ma promesse, tout de même ! Comme nous sommes vendredi, voici donc une double dose de gourmandise, puisque ce sont deux baguettes que je vous présente aujourd’hui.

Commençons tout d’abord par une baguette assez créative, puisqu’elle a été réalisée à partir de Farine d’Orge, avec des graines de sésame parsemées sur le dessus. Elle nous est proposée par la boulangerie d’Anis Bouabsa, Au Duc de la Chapelle dans le 18è arrondissement.

On note immédiatement son façonnage élégant et fin, ses grignes bien marquées et la cuisson aboutie, la croûte étant bien dorée. Une fois en mains, la demoiselle s’avère très croustillante, et elle nous offre un beau parfum de céréales, renforcé par la présence des graines de sésame.

Une fois rompue, on découvre une mie bien alvéolée, ce qui n’est pas forcément évident au vu de l’utilisation de la farine d’orge, qui ne contient pas de gluten et ne permet donc pas seule d’obtenir un pain bien levé. Une farine de blé est donc utilisée dans un certain rapport, qui est ici bien étudié et permet d’éviter l’écueil d’une baguette trop « lourde » et pâteuse à la dégustation.
Parlons justement du goût et de la sensation en bouche. La mie est très légère, accompagnée par ce croustillant agréable. On trouve de belles notes de céréales torréfiées, renforcées par le sésame. Au final, l’impression est très ‘chaleureuse’.
Sa conservation est très bonne, elle perd de son croustillant bien entendu, cette baguette garde une mie élastique même si on pourrait la trouver légèrement sèche.

Passons des champs et des après-midi d’été à une balade dans les bois. La baguette de tradition de Jean-Paul Mathon – la Gambette, du nom de l’avenue ou se trouve la boulangerie – est réalisée à partir de farine T80 et exprime un caractère fort et surprenant. Regardez donc cette couleur acajou ! Il est rare de voir d’aussi belles cuissons et de telles teintes. Pourtant, c’est le lot commun dans cette boulangerie assez atypique perdue dans le 20è arrondissement. Je parlais des bois car elle exprime un fort parfum de noisette et même de chataigne, on se transforme furtivement en un écureuil prêt à rompre la coque de sa trouvaille.

Ici, on rompt plutôt la croûte, pour découvrir cette mie extrèmement alvéolée, presque grise. Cela est dû au type de farine utilisé, plus riche que dans les baguettes de tradition ‘ordinaires’. Grâce à sa cuisson et à sa fabrication laissant beaucoup de temps au temps, la Gambette est particulièrement craquante, et elle conserve ce caractère bien longtemps, c’est par ailleurs assez impressionnant. Peu de baguettes se conservent aussi bien. Son goût est là encore en dehors des standards que l’on peut attendre d’un pain de tradition, elle offre un mélange de noisette, de châtaigne et de céréales torréfiées assez saisissant. L’association de cette texture – un poil sèche, peut-être, surtout quand elle est vraiment « très » cuite – et de ce goût en font une baguette d’exception, et pour moi parmi les meilleures de Paris. De plus, elle parviendra à séduire un public assez large, car elle ne présente pas d’acidité. Une vraie réussite.

Baguette Farine d’Orge-Sésame, Au Duc de la Chapelle – Paris 18è, 0,90 euros la baguettine de 125g.
« La Gambette », La Gambette à Pain – Paris 20è, 1,30 euros les 230g. 

Il avait été annoncé dans le magazine Grazia, si ça ce n’est pas de l’exposition médiatique ! Depuis, je l’attendais impatiemment, ayant programmé sur mon agenda un rappel hebdomadaire pour relancer Gontran Cherrier à son sujet. Bon, j’exagère… à peine. Hier après-midi, un simple mail dans ma boite : vous pouvez passer pour le pain pignons-romarin.

Je suis passé, oh, ça, oui. Il m’attendait, me tendait presque les bras avec son façonnage non sans rappeler celui des fougasses provençales. C’est un peu le même esprit, d’ailleurs. On y retrouve une mie bien moelleuse et ce doux parfum d’herbes, en l’occurrence du romarin. Cela a pour effet de créer un pain très « frais », nous transportant un peu en provence… Ensuite, on croque dans les pignons de pin grillés et on découvre cette association très judicieuse entre la plante et les graines. Vraiment, on dirait le sud !

Mis à part ça, la croûte n’est pas très présente du fait du caractère très moelleux du pain, mais ce n’est pas ce que l’on recherche ici. Sa conservation est très bonne, il peut être dégusté sans aucun problème le lendemain, en ayant conservé la plupart de ses qualités, dont une bonne élasticité de la mie. Le romarin est justement dosé et ne devient pas entêtant comme cela pourrait être le cas. Les pignons contribuent à créer une balance en terme de goût, ce qui créé un ensemble agréable, accompagnant une salade sans pour autant la noyer.

Bien sûr, je peux toujours être très exigeant et reprocher une cuisson un peu juste. En effet, quand on croque dans les pointes, forcément plus grillées, on prend conscience de l’intérêt que peut avoir ce supplément de cuisson : on y retrouve un goût très agréable, entre romarin et caramel. Egalement, j’ai trouvé que l’ensemble était trop fariné, ce qui n’est définitivement pas utile et ne contribue pas, selon moi, à rendre le pain plus attirant visuellement. Pour ce dernier point, il suffit de tapoter un peu le tout pour retirer l' »excès » de farine.

Voici donc encore une belle réalisation de Gontran Cherrier, qui prolonge un peu l’été avec son pain. Seul regret ? Le prix, qui demeure assez élevé, même s’il y a des justifications, entre le façonnage, les ingrédients ajoutés…

Pain Pignons-Romarin, Boulangerie Gontran Cherrier – Paris 18è, 3,20 euros le pain d’environ 250g.                                                                                                                  

Je ne rate pas une occasion de parler des réussites de l’équipe de M. Delmontel en terme de mise en avant des produits, mais je ne suis pas sectaire pour autant, et je suis client occasionnel de ses boutiques. D’autant plus lorsqu’il est question de découvrir des pains originaux !

Souvenezvous, je vous avais proposé d’inviter un bel irlandais à votre table il y a quelques temps, avec le pain à la Guinness de Rodolphe Landemaine. Décidément, les boulangers duarrondissement aiment bien ces insulaires, puisqu’Arnaud Delmontel propose en ce mois de septembre (mais également en octobre !) un pain dit « Ecossais« .
Son premier attrait est visuel, très sympathique à voir en boutique car il forme un carré de petits pains nature, sésame ou pavot. Pour vous faire une meilleure idée, vous pourrez retrouver la photographie « officielle » en suivant ce lien : http://www.arnaud-delmontel.com/upload/produit/grande/1306507918.jpg

 

 

La question qui suit est de savoir ce que ce pain peut bien avoir de particulier et de si écossais, mis à part sa forme. J’ai donc questionné la sympathique vendeuse, qui m’a répondu… qu’il contenait du saindoux. J’ai eu un mouvement de recul, puis j’ai décidé de faire confiance à M. Delmontel.
En réalité, cet ingrédient n’exprime pas d’arôme particulier, il procure simplement au pain un caractère brioché. Au final, cet écossais est très doux, moelleux et agréable à déguster. C’est effectivement un peu comme un pain brioché, mais en plus léger, moins gras tout en n’étant pas trop sec. On le déguste avec plaisir, la saveur des graines (si l’on prend un morceau qui en est saupoudré, bien sûr) s’exprime bien sur cette douceur et accompagne le tout.
Cela peut constituer une base de choix pour un sandwich tout en douceur.
Sa conservation est bonne, il ne sèche pas de façon déraisonnable et reste moelleux malgré les heures qui passent.

C’est donc là une proposition agréable et éphémère que nous propose Arnaud Delmontel, en nous donnant un petit aperçu de la gastronomie écossaise, puisque ce pain fait effectivement partie de leurs spécialités. L’idée de proposer des pains spéciaux de ce type au fil des mois est agréable, cela créé des « rendez-vous » dans la boulangerie et permet à la clientèle de découvrir de nouvelles saveurs. Seul bémol : le prix, puisque la part de pain écossais est vendue 90 centimes pour un poids d’environ 80 gr. On pourra noter également le manque de délicatesse du service, qui ne prend pas la peine de demander au client s’il souhaite une part avec des graines, et si oui, lesquelles.

Pain écossais, Arnaud Delmontel – Paris 9è, 90 cts la part d’environ 80g. Proposition saisonnière, vendue dans les trois boulangeries Delmontel, de septembre à octobre 2011.

 

 

J’aime beaucoup l’idée d’insérer à sa table un peu d’exotisme grâce au pain. C’est en effet une excellente base pour créer des associations avec les mets dégustés au fil du repas, et je trouve que ce n’est pas assez exploité : les restaurateurs pourraient réellement donner du relief à leurs créations au travers d’accords mets-pains étudiés. Au lieu de ça, ils préfèrent souvent proposer un pain… blanc. Revenons en à notre sujet du jour.

Les pains au Curry, à force, je les connais. Habitué à la baguette Curry-Céréales de Gontran Cherrier, j’avais également apprécié la torsade proposée chez Dominique Saibron. Ici, le résultat est très différent, car le curry est utilisé sous un autre angle. En effet, ce ne sont pas des graines que l’on retrouve dans cette baguette, mais… des fruits confits et des raisins. Pour être tout à fait précis, ce sont des morceaux de mangue et de pomme qui sont insérés dans la mie.

Le résultat est surprenant. La saveur légèrement sucrée du Curry est renforcée par les fruits, et on découvre ce mélange d’épices sous un jour différent. La mangue et le curry s’associent très bien, tout cela est définitivement très exotique. Pour parfaire le tableau, tout cela peut très bien s’associer avec un plat de crevettes cuisinées au lait de coco, achevant d’emmener nos papilles en voyage vers des contrées lointaines…
Gardons les pieds sur terre et restons encore un peu à Paris. La mie de cette baguette est assez dense, sans pour autant rendre la mâche désagréable. Sa croûte demeure assez fine, et elle n’exprime pas d’arômes particuliers au vu de la présence du curry et des fruits, qui occupent pleinement la dégustation. Bien entendu, le parfum ne manque pas de surprendre dès l’achat, car on retrouve autant les épices que les fruits.

On pourrait presque choisir d’entamer cette baguette au goûter, du fait de son caractère sucré, mais je ne suis pas certain que tout le monde puisse apprécier cette idée. Elle devient par contre tout à fait intéressante et pertinente au cours d’un repas, apportant une note sucrée-salée tout à fait originale et agréable. Dans tous les cas, l’expérience vaut le coup d’être tentée, et on peut remercier M. Bouabsa pour cette sympathique découverte.

Baguette au Curry, Raisins et Fruits Confits, Au Duc de la Chapelle – Paris 18è, 1,20 euros les 250g.

J’aime beaucoup les pains vendus au poids. Cela permet de n’acheter que de petites quantités et de découvrir ainsi de nouvelles saveurs, d’avoir plusieurs pains à table. Le seul inconvénient serait pour les amateurs de croûte – et j’en suis -, car ils sont souvent assez massifs, condition indispensable pour pouvoir être découpés proprement.

Chez Raoul Maeder, on peut faire son choix parmi trois grosses tourtes, assez impressionnantes d’ailleurs. Parmi elles, celle que j’ai choisi de vous faire à partager, car assez inhabituelle et surprenant, c’est la Tourte aux Graines de Courge. En réalité, quand on regarde sa mie, on se demande si l’intitulé inverse n’aurait pas été plus adapté, car elle est particulièrement chargée en graines.

Une fois passé le temps à regarder ce pain original, il faut bien passer à la dégustation et c’est là que l’effet est le plus intéressant. La mie, de bonne tenue grâce à sa densité, créé une balance avec le croquant des graines de courge. Bien entendu, la saveur dominante est celle de ces fameuses graines, qui constituent une grande part du pain. Le reste est assez secondaire, en réalité, il ne sert qu’à maintenir le tout ensemble. Au delà de son goût, cet ingrédient supplémentaire est riche en atouts santé. Cette graine est très nourrissante car riche en protéines, et contient de nombreux sels minéraux (magnésium, fer, phosphore, zinc, cuivre, potassium, calcium), des vitamines (A, B1, B2) et des acides gras insaturés. La graine de courge aide à soigner les infections urinaires et à lutter contre les parasites intestinaux. Tout un programme.
Ce qui nous intéresse dans le cas présent, ce serait plutôt son goût. Difficile de le comparer à un autre car il demeure assez singulier, certains le rapprochent de celui de la cacahuète ou de la pistache.

L’arôme est assez puissant et il n’est pas recommandable de déguster ce pain avec des mets peu marqués en goût. En définitive, il pourrait être presque plus agréable de le manger seul, ou avec une salade, ce qui permettra de relever son goût. Attention toutefois à ne pas en abuser, de petites quantités suffisent, autant pour le côté dense et roboratif de ce pain que pour éviter tout désordre intestinal lié à la consommation des graines de courge.

Tourte aux Graines de Courge, Raoul Maeder – Paris 17è, vendue au poids, 7 euros le kilo.

Il y a des endroits avec lesquels j’entretiens une relation un peu particulière, je dois l’admettre. Bread & Roses en fait partie. Cycliquement je m’en lasse, pour diverses raisons, puis j’y reviens assez régulièrement. Dernièrement, c’est ce fameux pain au maïs torréfié qui m’a fait revenir.

« Doré comme un épi de maïs », il est vrai que ce pain ne manque pas de charme avec sa couleur jaune, assez inhabituelle. En réalité, on peut aussi le retrouver avec une teinte… rougeâtre. L’explication ? L’incorporation de piment d’espelette dans la pâte. Cette déclinaison est assez surprenante et permet de créer des accords mets-pains originaux. Théoriquement, c’est d’ailleurs la seule proposée pendant l’été, mais un de leurs clients leur ayant passé une commande, il leur restait une version « nature », que je vous présente ici.

J’ai pu goûter d’autres pains au maïs, mais je dois dire qu’aucun ne ressemblait à celui-là. Sa texture est en effet très particulière : on y retrouve comme de petits grains, et la mie est très dense. Sa tenue n’est pas forcément excellente, mais ce n’est pas ce qu’on lui demande : il suffit de couper quelques tranches d’une épaisseur raisonnable et de se laisser aller à la gourmandise. Ce pain est très agréable au petit déjeuner, avec un peu de confiture, mais également avec des plats salés.
La saveur du maïs est bien identifiable, et le parfum dégagé par la boule est également bien caractéristique. La torréfaction amplifie les arômes et apporte une note de « grillé » inhabituelle mais très agréable.

A noter également, sa conservation est excellente, notamment grâce à sa mie serrée et son caractère assez « sec ». C’est assez difficile à décrire, car on ne retrouve pas la sensation habituelle que l’on peut avoir lorsque l’on déguste un pain. Le petit côté croquant de la mie rend l’ensemble très gourmand et terriblement addictif. Un pain à essayer sans hésiter !

Pain au maïs torréfié, Bread & Roses – Paris 6è et 8è, 3,5 euros les 400g.