Billets d'humeur

25
Mai

2012

Dans mes yeux d’enfant

J’ose croire que le monde serait meilleur si les adultes gardaient leurs yeux d’enfant, s’ils laissaient un peu de côté le renoncement qui nous rend vieux petit à petit. L’important, c’est de toujours garder cette lumière au fond du regard, de s’étonner de choses simples et aussi de remettre du rêve dans le quotidien…

Ainsi, quand je pars de chez moi pour aller courir pains et gourmandises à travers Paris, c’est un peu comme si j’allais à la rencontre d’un univers rempli de fées ou de sorcières (le personnel de vente n’est pas toujours très égal), de magiciens ou d’apprentis sorciers oeuvrant dans des fournils et laboratoires, comme autant de fabriques comparables à la fameuse chocolaterie de Willy Wonka. Je me sens un peu comme Charlie, voyez-vous, d’ailleurs où suis-je ?

Perdu, perdu, dans cette grande et à la fois si petite ville qui prend parfois des allures de monstre, rugissante et violente, j’aimerais trouver un peu de douceur, je me réfugie alors dans une échoppe aux douces effluves sucrées avant de repartir à l’aventure. Ces vitrines, ces gourmandises me rappellent la douceur insouciante avec laquelle je pouvais regarder le monde étant petit. Du rêve, juste du rêve, toujours plus de rêve. Le problème, c’est que l’on comprend vite que tout cela n’est parfois qu’apparence, dorures et paillettes. L’enfant se perd alors en désillusions et déconvenues. Un certain renard avait enseigné à un Petit Prince bien connu qu’on ne voyait bien qu’avec le coeur, l’essentiel étant invisible pour les yeux.

L'enfant se perd dans cet univers de douceurs...

Je me sens un peu comme ce Petit Prince. J’ai essayé d’apprivoiser ce renard, d’entretenir cette rose si coquette. Seulement voilà, la vie est ainsi faite, et les choses finissent par vous échapper, inévitablement. Alors on court après, sans relâche, sans bien savoir pourquoi on le fait. L’objet de notre quête, si matériel de prime abord, ne serait-il pas plus profond ? L’enfant que je suis a choisi le pain, oui, mais le pain dans cette ville – cela ne pouvait pas être anodin.
Au fil des mois, la dame sur laquelle je me promène m’a amené des rencontres. J’ai pu faire entrer d’autres enfants dans ma cour de récréation, partager avec eux quelques billes de sucre ou de sel. Ensemble nous avons partagé, et nous continuons à le faire, un univers de rêves et de sourires.

La boulangerie sonne parfois comme le lieu de salut et de chaleur pour l'enfant perdu...

Les sourires. Le plaisir. C’est certainement ce qui marque le plus, ce que l’on recherche. Quel enfant n’aspirerait-il pas à être heureux ? Seulement, il ne faut pas voir cela comme un accomplissement, non, bien au contraire, c’est une lutte quotidienne, un objectif autant qu’une bataille qui pourrait être perdue d’avance… Elle le serait si nous en avions une vision purement individualiste, comme c’est parfois le cas. L’enfant doit apprendre à s’insérer dans le monde, à comprendre que l’autre présente de l’importance et de l’intérêt, que sans lui, il n’existerait peut-être même pas. Si je garde espoir, si je parviens à rester un enfant et à conserver ce regard, c’est parce que justement je vois tous les jours des gens prêts à donner, à partager. C’est ça, le pain, du moins c’est ce que cela devrait être. Une communauté de gens passionnés, amoureux.

Au détour des rues, nos yeux d'enfant rencontrent des détails qui nous rappellent que dans le fond, la cité est une immense cour de récréation où nous évoluons entre jeux et bacs à sable

De l’amour, de la tendresse… On en revient toujours à ça. Rien ne remplace celui apporté par une mère, de par son caractère exclusif et inconditionnel. On se contente juste de chercher des dérivatifs, des moyens de compenser l’absence, le manque. Nos yeux cherchent dans ces mies tendres et généreuses quelques instants d’oubli, de plénitude, de simplicité. L’artisan les pétrit, les façonne, y met un peu d’amour… et on vient juste le cueillir, comme les enfants cueillent les pâquerettes à l’arrivée du printemps.
Les saisons passent, les heures aussi. L’enfant voit la fleur se refermer, puis se faner. Paris se vide, s’éteint. Restent alors les lumières, les quais vides, un peu de tristesse. Malgré la pénombre, l’esprit et l’espoir demeurent. Demain sera un jour nouveau… et mes yeux seront neufs comme ceux d’un nourrisson. Un Petit Prince, je vous disais…

La nuit tombe sur Dame Paris

Une plume et des mots peuvent représenter des armes redoutables, dont on mesure parfois mal la force et la capacité à toucher les individus. En réalité, il n’est possible d’en prendre conscience qu’en faisant, en se trompant parfois, et en confrontant son propre ressenti avec le ou les intéressés.
J’ai déjà pu l’écrire ici, au risque de me répéter, je ne prétends pas être parfait et j’avance chaque jour. Ensuite, il restera toujours des questions d’appréciation et de goûts personnels. D’ailleurs, on dit souvent qu’ils sont dans la… Nature.

Dans la Nature, de Pain celle-là, j’y suis retourné pour échanger avec Loïc Bret, le gérant de la boulangerie parisienne, implantée rue de Lévis, dans le 17è arrondissement. En effet, suite à mon billet au sujet de sa boutique, ce dernier m’avait contacté afin de m’exprimer son mécontentement et apporter des précisions vis à vis des erreurs que contenaient mes écrits.
Je dois le reconnaître, mes jugements et conjectures étaient certainement trop hâtifs. Revenons sur cet article qui ne figurera certainement pas au Panthéon du painrisien…

La gamme de pains - on y préférera la torsade et son agréable saveur sucrée de sarrasin, reprise dans le pain aux céréales

A commencer par le volet humain, et plus particulièrement sur la personne de Loïc Bret. Présenté, de façon très lapidaire comme étant un « ancien chef pâtissier d’Amiens », cela fait l’impasse sur le parcours de cet artisan dont l’engagement rejoint la passion. Pâtissier certes, mais c’est bel et bien par la boulangerie qu’il a commencé, avant de bifurquer vers le sucré, et plus particulièrement dans le chocolat, jusqu’à en arriver à la finale du concours de Meilleur Ouvrier de France. Au delà de briller sur ce plan, M. Bret a également beaucoup voyagé et oeuvré dans des missions de conseil à l’étranger pendant plus de 7 ans. C’est suite à ce parcours qu’il a souhaité revenir à ses fondamentaux et à développer sa propre affaire sur Paris.

Les pâtisseries : du classique (tartes, éclairs, ...) et quelques créations, comme un entremets riz au lait-champagne

En effet, Nature de Pain « Paris » reste avant tout une entité indépendante, l’association avec l’enseigne ayant principalement permis à M. Bret de s’installer et d’obtenir un tel emplacement, chose qu’il aurait été difficile de réaliser sinon. Les produits sont différents de ceux proposés à Amiens, nous sommes loin de la « chaine » telle qu’on aurait pu l’imaginer. L’objectif affiché par l’artisan est de placer cette boutique parmi les 5 meilleures boulangeries parisiennes. A mon sens, il reste avant toute chose à trancher et à évoluer sur la question des cuissons et de la réalisation des pains. En effet, au delà du volume important réalisé ici (plus de 1000 clients journaliers, en plus de la fourniture de nombreux restaurants et hôtels aux alentours) qui a forcément un impact sur la qualité, le pain ne peut exprimer toute sa saveur qu’avec des croûtes plus dorées, de même qu’il développera alors son caractère craquant, si agréable.

Quelques baguettes... qui mériteraient toujours plus de cuisson, malheureusement

Pourtant, cela ne semble pas être ce que recherche la clientèle locale, et si la situation est telle aujourd’hui, ce n’est pas sans raison. Lors de l’ouverture, en 2010, Loïc Bret et son équipe avaient l’intention de proposer des produits conformes à leurs goûts et aspirations. Malheureusement, c’est la réalité économique parisienne qui les a rapidement rattrapés. De 400 à 500 baguettes par jour, Nature de Pain parvient aujourd’hui à en écouler plus de 900, en ayant « adapté » les cuissons. Egalement, l’accent a été mis sur l’offre de restauration rapide, au détriment de la pâtisserie. Un exemple parmi d’autres : les canelés, proposés initialement, ont été abandonnés car la clientèle les réclamait peu cuits… Or, c’est la caramélisation qui leur procure toute leur saveur.
Malgré cela, le travail sur levain liquide (au travers d’un fermentolevain installé au sein du fournil) permet d’assurer une meilleure conservation au pain et lui apporter une certaine richesse aromatique. Cela se retrouve bien sur le pain de campagne, plus cuit, dépourvu d’acidité et offrant de belles saveurs, sans ajout de malt. On peut également citer quelques bonnes idées, comme le fait d’utiliser une base de pâte au sarrasin pour le pain aux céréales, ce qui apporte des notes sucrées et rustiques.

Pains gourmands & pain de campagne. Ce dernier, vendu au poids à un tarif très compétitif (4,15 euros le kg), est certainement un des points forts de la gamme.

Quant à l’aspect « vide » du magasin que j’ai pu reprocher initialement, celui-ci était lié au fait que mes visites étaient réalisées l’après-midi. En effet, à l’heure du déjeuner, près de 400 clients passent par ici et mettent inévitablement à mal les vitrines de la boutique. Rien de bien choquant là dedans, d’autant que cela permet de garantir l’extrême fraicheur des produits, tout en limitant les pertes (les invendus n’étant pas repassés d’un jour à l’autre – ils sont en effet donnés à des oeuvres ou jetés). Cela ne m’avait toutefois pas permis de partager avec vous l’ensemble de la gamme, et notamment des créations qui donnent de la saveur au lieu…

Citons notamment le large choix de sandwiches et de paninis, dont les recettes ont été réfléchies et élaborées, à l’image du petit dernier de la gamme : une proposition végétarienne, incluant un mélange de légumes, lié du pesto et une sauce au fromage blanc mentholée. Des pains gourmands et moelleux, telle qu’une fougasse aux olives, tomates confites et herbes, un pain tomate/basilic ou encore noix/raisins complètent la gamme « déjeuner », avec des saveurs bien marquées puisque les ingrédients macèrent près de 24h dans la pâte avant cuisson.
Les gourmandises sucrées ne sont pas en reste, avec notamment une sympathique gamme de briochettes, dont la plus intéressante est sans doute celle parfumée à la vanille et à la rose. Au fil du temps, ce produit est devenu une des spécialités de la boutique, à juste titre puisqu’elles associent accessibilité (1,15 euros la pièce), moelleux et saveur.

Viennoiseries et gourmandises : amusantes déclinaisons de briochettes (tiramisu, vanille-rose, nutella-noisette, pralines...) ainsi que des panettone maison et des sablés variés

Pour le reste, cela tient plus de détails techniques et organisationnels (quantité de personnel, macarons présentés dans leurs alvéoles pour conserver leur humidité et éviter le déséchement – ce qui n’a pas empêché la boulangerie d’en écouler 1 tonne l’an passé, …). Bien sûr, tout n’est pas parfait, mais l’engagement développé par cet artisan en faveur de produits de qualité et d’un certain respect de sa clientèle est appréciable. Tout comme le respect de ses salariés, lesquels bénéficient d’un environnement de travail agréable, avec un laboratoire spacieux et lumineux – chose parfois peu évidente à Paris, vu le prix des surfaces. D’ailleurs, tous les mercredis, Nature de Pain accueille des groupes de touristes qui peuvent ainsi découvrir par eux-même la boulangerie.

Nature de Pain est présent dans de nombreux guides, japonais notamment

Ce constat de la « force », que l’on pourrait presque qualifier de nuisance, imposée par la recherche d’un pain peu cuit m’inquiète autant qu’elle m’attriste. Cela signifierait donc que pour survivre, financer leurs investissements et rembourser leurs crédits (comme c’est le cas pour Loïc Bret), nos artisans devraient céder à ce travers ? Face à ce monde étrange, perdu et torturé, j’aimerais bien aller faire un tour dans… la Nature, tiens.

Je n’ai jamais vraiment eu l’occasion d’en parler, mais je pense que nos boulangers devraient développer leur capacité à communiquer par eux-mêmes, en dehors des campagnes que peuvent développer certains des groupements et meuniers auxquels ils sont parfois rattachés. Nous vivons aujourd’hui dans une société de l’information, des médias, où il est parfois indispensable de parler et de faire parler pour exister un tant soit peu et parvenir à faire perdurer son entreprise. Parmi les moyens les plus simples et les plus accessibles à mettre en oeuvre pour nos artisans, on peut citer l’immanquable Facebook… En effet, cela ne coûte rien, juste un peu de temps, et il est possible de fédérer rapidement une véritable communauté autour de son commerce.

Plusieurs s’y sont déjà mis, parmi eux, on pourra citer la maison Landemaine tout récemment, Dominique Saibron, Anthony Bosson et sa boulangerie l’Essentiel, des Gâteaux et du Pain, la Pâtisserie Pain de Sucre… Certaines boulangeries moins connues, de petites adresses de quartier, commencent elles aussi à s’y mettre, à l’image de Diva et Chocolats, installée depuis la fin de l’année dernière au 100 rue des Dames, dans le 17è arrondissement.

Sur le fameux réseau social américain, la boulangerie publie en effet son actualité (nouvelles pâtisseries, chocolats pour Pâques…) en plus de faire un peu d’animation. Une bonne façon de créer un contact plus « durable » avec sa clientèle, de développer un véritable lien affectif. C’est en tout cas ce qui semble être voulu au sein de la boutique de Jérôme Ballart.

Au delà de cette capacité à communiquer, il est important de proposer des produits de qualité. En la matière, l’ensemble est malheureusement plutôt disparate. Côté pains, la baguette de tradition manque de tenue, de par une conservation très moyenne et une saveur peu marquée. Les cuissons sont correctes. D’autres déclinaisons de ce type de pain sont proposées, et correspondent aux différents mélanges proposés par les Moulins Dumée, le meunier sélectionné par cet artisan. Rien de bien intéressant de ce côté là, même si on se laissera plus aisément tenter par la baguette à base de farine de sarrasin, plus riche en goût.
Pour le reste, on passera notre tour sur les viennoiseries pour s’intéresser à la sympathique gamme de pâtisseries, qui a le bon goût d’être courte et soignée. Eclair à la violette, religieuses élégantes, macaron « Trianon » aux framboises, tartes variées (aux fruits rouges, au citron meringuée, …) ou encore « Gâteau des Dames », le tout est proposé à des prix très raisonnables et offre des saveurs agréables.
Quelques sandwiches, quiches et pizzas sont également proposés, avec des bases de baguettes ou de pains spéciaux. Le tout est assez honnête, simple et frais.

A l’image de l’ambiance développée sur la page Facebook, l’accueil est sincère et souriant, les habitués reconnus et salués avec un mot agréable. On se sent bien dans cette petite boutique, qui assume bien son caractère de boulangerie « de quartier », où se presseront autant les enfants à la sortie de l’école que les travailleurs du secteur ainsi que les habitants de la zone, venant chercher quelques pains ou gourmandises.

Infos pratiques

100 rue des Dames – 75017 Paris (métro Rome ou Villiers, ligne 2) / tél : 01 43 87 25 37

Avis résumé

Pain ? Malheureusement, les pains ont tendance à manquer de tenue, à l’image de la baguette de tradition, trop douce en arômes et à la conservation moyenne. Le reste de la gamme, bien que bénéficiant de cuissons correctes, décline les mélanges des Moulins Dumée, dont l’intérêt n’est pas particulièrement marqué. On saluera cependant l’effort fait sur les cuissons et les façonnages. Néanmoins, il ne faut pas oublier que l’installation est relativement récente, et qu’il n’est pas toujours facile d’arriver à d’excellents résultats peu de temps après son implantation (adaptation au four, à la farine, au personnel parfois déjà en place…).
Accueil ? Sincère et souriant, on se sent bien dans ce genre de lieu, qui a vocation à être une « boulangerie de quartier », où les habitués sont reconnus et avec lesquels une relation s’installe dans la durée. Cela est particulièrement renforcé au travers de Facebook, où le lien est encore plus établi.
Le reste ? Dans le secteur sucré, même si les viennoiseries ne présentent pas d’intérêt particulier, on se tournera plus vers les pâtisseries, plutôt soignées et au saveurs agréables. La gamme est assez courte, une bonne chose pour assurer la fraicheur des produits. Parmi les spécialités de la maison, l’éclair à la violette est sans doute le plus original. Côté traiteur, là encore, une offre réduite (quelques sandwiches, dont certains sur base de pain moelleux, des pizzas et quiches…) et accessible.

Faut-il y aller ? La boulangerie Diva et Chocolats manque encore d’aboutissement dans la réalisation de ses pains, ce qui est regrettable pour un tel lieu. On sent tout de même une réelle volonté de bien faire et de proposer des produits honnêtes, à l’image des pâtisseries. Cette volonté de communiquer et de partager plus que quelques mots avec sa clientèle est également agréable, et je trouve que c’est un engagement à valoriser.

Avec le soleil (même si plutôt voilé ces derniers jours), de nouvelles pousses éclosent… et certaines plantes en profitent pour grandir. Ah, les joies de la « belle saison ». Terrasses, lunettes de soleil, parasols… et toujours gourmandise, même si l’on a tendance à faire en sorte qu’elle soit plus légère.

A cela, le Café Pouchkine, installé au Rez-de-Chaussée du Printemps de la Mode, sur le boulevard Haussmann, a dors et déjà trouvé sa réponse : ainsi, depuis mardi dernier, une terrasse a été ouverte côté rue de Caumartin. Cette dernière propose, en plus des douceurs développées par leur chef pâtissier Emmanuel Ryon, des salades et en-cas adaptés à nos envies de saison, tout en apportant cette fameuse touche « à la russe » qui caractérise l’endroit.

Même si le quartier n’est pas particulièrement bucolique, cela représente toujours une opportunité de halte lors d’un parcours shopping… et laisse inévitablement présager des ambitions de la marque d’Andrei Dellos qui, après New-York depuis quelques semaines, compte certainement conquérir la capitale française en dehors des « carcans » d’un grand magasin tel que le Printemps… Affaire à suivre.

Je me suis souvent demandé si certaines boutiques n’avaient pas subi un mauvais sort à leur construction, si elles n’étaient pas bâties sur un ancien cimetière indien qui aurait encore aujourd’hui des incidences sur la bonne marche du lieu… Non, soyons sérieux, cela tient surtout à la capacité ou non d’un commerce à trouver son public, grâce à un bon rapport entre emplacement, produits et prix. Le hasard fait parfois que plusieurs entreprises à la suite n’y parviennent pas, ce qui aboutit inévitablement à… une fermeture.

Au 12 rue de Buci, les échoppes se succèdent et leur destin se ressemble. Certains se souviennent encore de la fameuse Bonbonnière de Buci, qui faisait le bonheur des gourmands de passage ou du quartier. Cette pâtisserie-salon de thé excellait dans la réalisation de douceurs classiques et plus particulièrement d’une large gamme de millefeuilles, interprétées par Pierre Marandon (puis par Frédéric Comyn, qui avait repris l’affaire). Le chef est depuis passé par les magiques équipes du Boulanger de Monge, avant de reprendre cette année un restaurant avec son épouse… au Sénégal !
Après une longue fermeture, c’est la papeterie-salon de thé (un concept original dont je n’ai jamais compris le sens) « Les Eclaireurs » qui avait pris possession des lieux, sans jamais rencontrer un grand succès. Nouvelle période blanche pour la boutique, bien que placée sur un axe passant…

Depuis samedi 12 mai, les portes sont de nouveau ouvertes. La devanture a changé, et affiche désormais un nom aux notes anglophones bien marquées : The Smiths Bakery. Ainsi donc les anglais auraient débarqué en plein coeur de Saint-Germain-des-Prés… renseignement pris, ce n’est qu’un « clin d’oeil », l’entreprise étant tout ce qu’il y a de plus française. D’ailleurs, la plupart des produits qu’elle propose le sont tout autant, à l’image des glaces et sorbets de la maison Berthillon. Ceux-ci sont proposés dans un élégant chariot, en vente à emporter, à partir de 3 euros pour une boule. Ainsi, plus besoin de rejoindre l’Ile Saint-Louis pour se régaler d’un cornet de fraicheur, ou même de céder aux charmes de l’enseigne Amorino à quelques pas. La marque n’était pas représentée dans le quartier, c’est à présent chose faite.

Au delà des glaces, The Smiths Bakery propose une courte gamme de pâtisseries, dont des éclairs, millefeuilles et autres tartes tatins. Ne vous attendez pas à être surpris, même si la réalisation est honnête. Côté prix, la pièce se négocie à partir de 4,6 euros, ce qui demeure assez élevé, mais rien d’étonnant pour le secteur. On passera sur les viennoiseries, pour le moins quelconques.
Une offre de restauration rapide est également proposées, au travers de salades et sandwiches divers (club, …).

Dans tous les cas, un bel effort a été réalisé sur l’aménagement de la boutique, où des matériaux nobles sont utilisés. Un bois clair et lumineux tapisse le sol et une partie des murs, ce qui confère à l’ensemble un certain charme, avec une ambiance très « british ». Le service est plutôt jeune et agréable, on sent bien évidemment que tout cela est en rodage, mais rien de désagréable là dedans.
Même si les beaux jours se font encore attendre dans notre capitale, l’ouverture tombe à point pour être pleinement opérationnel à la période estivale.

Infos pratiques

12 rue de Buci – 75006 Paris (métro Odéon, ligne 4)

Si vous lisez ces lignes fréquemment, vous aurez remarqué que je parle souvent de caractère (et malheureusement de manque, dans beaucoup de cas) pour les pains. En effet, certaines créations (ou même les produits « traditionnels ») développées par les artisans parviennent à exprimer des saveurs, des textures, qui les font parler d’une certaine façon à table, apportant de nouveaux reliefs aux différents mets qu’ils accompagnent. Farines, levains, modes de fabrication variés, chacun a sa signature, c’est un peu le propre d’un caractère. Certains artisans, à la créativité généreuse, travaillent aussi sur des associations de saveurs, faisant ainsi du pain un véritable support de goûts et lui donnant une force d’évocation toute particulière.

Ainsi, parfois, j’en suis amené à dépasser la simple notion d’accord mets-pains, les mies et croûtes s’inscrivant dans un contexte plus global, dans une ambiance et une saison. Le pain quitte la table pour créer des instants bien particuliers, à vivre autant seul qu’à plusieurs.
Même si j’aime parler des produits qui me font voyager loin, dans des contrées plus ou moins reculées, ce sont ceux qui m’amènent à une certaine émotion, à un « calme » qui me touchent le plus. Certains des pains élaborés au fournil de chez Du Pain et des Idées y parviennent tout particulièrement.

Mettre de la charcuterie dans le pain, je dois avouer que l’idée ne m’a jamais beaucoup attiré. Pourtant, c’est quelque chose d’assez fréquent, et les lardons s’invitent dans les mies de nombreux pains qui deviennent alors plutôt des en-cas. Dans le cas présent, j’ai exprimé la même réticence dès lors que l’on m’a annoncé la composition : un pain au levain, incluant du whisky, des lardons et des noix. J’ai toutefois décidé de faire confiance, de dépasser mes préjugés. Grand bien m’en a pris.
En définitive, les lardons apportent uniquement un beau parfum de fumé, ils ne sont pas perceptibles en tant que tels lors de la dégustation. Ils proviennent bien entendu des Viandes du Châteauneuf, représentées tous les vendredis devant la boulangerie par Pierre Bouchez lui-même, et proposant des produits de grande qualité. Cela explique cette saveur aussi naturelle que marquée.
Le whisky, quant à lui, apporte quelques notes maltées, ambrées et confère à la mie cette couleur sombre, assez intrigante de prime abord. Sa présence contribue à donner au pain son caractère « vigoureux » et puissant, renforcé par les noix que l’on prend plaisir à croquer au fil de la dégustation. Ces cerneaux, en provenance directe du Périgord, apportent une touche d’amertume, en contraste avec les très légères notes d’acidité développées du fait du travail sur levain.
La mie offre une belle densité, ainsi qu’une excellente tenue. Elle parvient cependant à éviter l’écueil d’un caractère lassant et « bourratif » grâce à une hydratation bien réalisée. De plus, la croûte épaisse et presque croquante qui habille l’ensemble assure une bonne conservation pour ce pain, au delà des arômes boisés et légèrement caramélisés qu’elle exprime.

L’association de ces différents éléments a pour effet de créer un produit surprenant, appelant à la réflexion : ne sentant pas les lardons, on peut se demander d’où proviennent ces notes fumées. Puis on se laisse porter, on s’installe au coin du feu, là haut, tout là haut, dans une cabane de berger, en plein milieu des alpages. On profite alors du calme qui se fait, et on déguste ce pain seul, accompagné d’une salade bien vive telle que de la roquette, ou même d’un fromage au goût marqué. On regarde alors le temps passer, tout simplement, en compagnie de ce nouvel ami au caractère bien trempé, comme durci par la vie et les épreuves… celle du four, notamment. Il est possible de le laisser vieillir un peu, pour profiter encore plus de ses notes fumées, le whisky ayant tendance à se faire moins présent au fil du rassissement.

Encore une fois, cette création ne manque pas de dépoussiérer la discipline des pains spéciaux, en proposant des saveurs et des accords très inhabituels. Rien à voir avec le pain créé pour le whisky Nikka, mais dans les deux cas le résultat est très savoureux. Proposé en ce mercredi, fête de la Saint-Honoré, c’était une belle façon de mettre à l’honneur le pain, et tout ce qu’il peut apporter de touchant et fort.

Pain whisky-lardons-noix, Du Pain et des Idées – Paris 10è, vendu en quart, 4 euros les 450g – proposé le mercredi 16 mai – et j’espère à nouveau dans le futur !

Paris, comme toutes les villes du monde, a ses zones où les commerces deviennent des « attrape-touriste ». Inévitable, humain, nous en avons déjà parlé ici même, et il faut certainement s’y faire. Malgré tout, au détour des rues et des découvertes, on se dit que tout n’est pas perdu, que malgré tout certains tentent de bien faire et de proposer des produits qui ne donneraient pas une image trop négative de notre pays.

Ile de la Cité, 4è arrondissement. Le quartier a sa petite réputation, et elle n’est certainement pas usurpée. Prix excessifs, boutiques parfois douteuses, produits et aliments à l’aspect (et au goût, malheureusement) peu attirant… Tout cela n’est pas à l’honneur de Paris et de sa gastronomie.
Peu de boulangeries dans le secteur, d’ailleurs. Sur la rue d’Arcole, la boulangerie « Junior » était presque un passage incontournable avant d’accéder à Notre-Dame, car cette voie mène tout droit à l’édifice. Rien de bien attirant dans cet établissement, au contraire. Cela tenait d’ailleurs plus du snack que de la boulangerie à proprement parler, avec des mange-debout installés sur la rue, et sa carte d’en-cas affichée sur le devanture. Google Maps s’en souvient encore

J’ai déjà pu le souligner par le passé, je le fais à nouveau ici : la « multiplication » de certaines enseignes ou artisans n’est pas toujours négative. Certes, cela peut faire perdre un peu de l’identité d’un quartier (le problème est notamment présent à Montmartre, de plus en plus colonisé par les grandes marques), mais dans certains cas c’est avant tout une opportunité d’apporter des standards de qualité plus élevés qu’ils n’étaient jusqu’alors. C’est bien le cas ici, puisque le boulanger Huré a remplacé l’artisan qui se trouvait là jusqu’alors. Ainsi, ce « créateur de plaisir » comme il se définit lui-même propose ses gammes de produits, bien connues des parisiens grâce à ses boutiques de la Place d’Italie et de la rue Rambuteau.

Un comptoir ouvert sur la rue pour un service rapide et fluide

A l’image de ces deux dernières, dont le succès ne peut être démenti, la clientèle se presse dans ce lieu auquel le boulanger a su donner une nouvelle dimension. Exit le mélange jaune-bleu un peu criard qui ornait la boutique jusqu’alors, on retrouve ici des lignes sobres et claires, avec des éclairages bien pensés. En définitive, une boulangerie propre et agréable, où l’on se sent bien. Cette impression est favorisée par un service jeune et plutôt sympathique, assez efficace. Son organisation a été bien pensée, car un comptoir dédié à la vente d’en-cas, sandwiches et autres gourmandises destinées à être consommées de façon immédiate a été installé côté rue, tandis que les pains continuent à être proposés au fond.

D’ailleurs, on peut saluer le bel effort fait par la famille Huré (Benoît et Quentin – ce dernier ayant obtenu le titre de Meilleur Apprenti de France en 2011) pour proposer une gamme de pains assez large, à l’image de ce qu’il pratique dans ses autres adresses. Pains à la coupe (au maïs, pain « Acajou » à la mie foncée et riche en fruits secs, …), baguettes variées aux belles cuissons et aux façonnages soignés, divers pains spéciaux (châtaigne/figues, noix/noisettes…) ou encore les baguettes au miel très parfumées, spécialité de la maison. Côté prix, le tout demeure étonnamment accessible, comme quoi tout le monde ne semble pas touché par cette folie parisienne…

Ici, on est fiers de son patronyme !

Les passants en recherche de sucre trouveront ici des pâtisseries au visuel un peu tapageur, avec une fâcheuse tendance à utiliser des colorants qui n’auraient pas à se trouver là, cependant le tout demeure assez soigné, relativement fin, au taux de sucre modéré. Les gourmandises ne manquent pas, entre sablés divers, madeleines, … les viennoiseries n’ont rien d’exceptionnel, cependant, même si certaines créations offrent des saveurs intéressantes, à l’image des pains suisses chocolat/caramel ou framboise/chocolat blanc.
On retrouve bien entendu la spécialité de la maison, ces fameux petits pains garnis d’ingrédients sucrés ou salés. Ils complètent la large gamme d’en-cas (sandwiches, quiches, salades…) et remportent toujours un franc succès. Des formules sont proposées, et même si les tarifs s’envolent sur ces produits, la justification se trouve sans doute du prix des loyers à assumer.

Voilà donc une adresse bien tenue, qui rafraîchit l’offre boulangère du secteur et apporte du sérieux là on avait tendance à en manquer. Des produits frais, une boutique propre, de quoi donner une image positive de « l’accueil à la française ». Les Huré ont décidément le sens du commerce et de l’emplacement : leurs trois boulangeries se situent dans des lieux très passants, ce qui leur assure à chaque fois un succès quasi-immédiat. Une famille à suivre…

Infos pratiques

1 rue d’Arcole – 75004 Paris (métro Cité, ligne 4)
fermé le dimanche.

Je vous l’ai déjà dit, je me répète, mais j’ai beau être parfois critique, je n’en suis pas pour autant sectaire, car c’est de cette façon que l’on se prive d’expériences potentiellement savoureuses. Au contraire, il faut rester ouvert à la découverte… et au plaisir de se tromper, parfois.
Dans le cas présent, ce ne sont pas les produits qui me posaient problème, mais ce qui allait autour. En effet, la Fête du Pain sur le parvis de Notre-Dame n’est certainement pas exempte de défauts, mais son premier mérite est d’exister, et de mettre à l’honneur cette année une culture du pain différente de la nôtre.

Les boulangers réunionnais nous démontrent jusqu’à lundi l’importance de leur savoir-faire en animant la halle principale par leur présence et leur travail au sein du fournil géant. Ils ne font pas que cela : ils nous apportent également du goût, des saveurs, et donnent au pain des couleurs méconnues dans nos contrées.

Certes, les pains ne sont pas donnés, mais le voyage qu’ils nous font faire aura au moins pour mérite de dépayser un peu les parisiens n’ayant pas eu la chance de profiter de ce week-end prolongé. Du côté de l’espace de vente, on trouve des pains surprenants. En effet, les insulaires semblent apprécier ce côté un peu sucré et doux que peuvent développer des produits briochés ou incluant un peu d’huile, rendant ainsi la mie plus moelleuse, mais relevés par diverses épices et ingrédients qui leur confèrent un vrai caractère.

Immédiatement, les noms nous transportent sur les plages ensoleillées de la Réunion. Pain Frotté, Massalé ou encore Combawa-Piment-Curcuma… L’exotisme commence avant la dégustation, puis s’y prolonge.
Découvrons donc ensemble ces trois pains, à commencer par le Pain Frotté (2 euros les 125g).

Ce produit se situe en définitive du côté de la gourmandise et des brioches, du fait de sa mie très moelleuse et filante. Cette texture est accompagnée par des notes beurrées persistantes et un agréable parfum de vanille. En effet, cette dernière est utilisée pour aromatiser ce pain, ce qui en fait un partenaire idéal de matins gourmands. On le déguste nature ou avec un peu de confiture, à laquelle il apporte une note subtile et peut la sublimer, comme par exemple avec de la Fraise ou du Cassis. L’ensemble est légèrement sucré, c’est un peu la douleur des îles qui s’offre à nous…

Pain Massalé

Vient ensuite le pain Massalé (2 euros les 125g), du nom du mélange d’épices utilisé pour sa fabrication. Ce dernier, spécialité de la Réunion, se décline en de multiples versions, propres à chaque famille. Le massalé réunionnais est à comparer au garam massala indien, voire au colombo antillais. Le mot lui-même vient du tamoul « masâlèï ». Il se compose le plus souvent de coriandre, de cumin, de fénugrec, de graines de moutarde, de clous de girofle et de curcuma.
Tout ceci est accompagné par un pain moelleux et plat, comparable à une ciabatta que l’on aurait épicée. D’ailleurs, comme cette dernière, le Pain Massalé représente un compagnon idéal pour les plats en sauce, de légumes ou encore de poissons.

Les îles sont réputées pour leur calme, leur douceur de vivre, mais parfois les volcans se réveillent… s’en suivent alors des périodes perturbées, agitées. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le pain Combawa-Piment-Curcuma (3 euros les 125g) secoue nos papilles. De prime abord, on pourrait s’attendre à un pain réellement piquant, mais ce n’est pas le cas. En effet, c’est la douceur ‘poudrée’ et chaude du curcuma qui domine, accompagnée par la pâte viennoise à partir de laquelle ce produit est réalisé. D’ailleurs, les habitués des boulangeries Kayser retrouveront ici une des saveurs de la maison, puisqu’elle propose un pain Curcuma-Noix-Noisettes, sur base viennoise également. La différence, c’est ici l’apport du Combawa et du Piment. Leur dosage a été bien mesuré, et ils apportent quelques notes acidulées et piquantes. Une pointe d’assaisonnement et de surprise, en définitive. Ainsi, il accompagnera plats exotiques ou fromages frais, à tartiner tout simplement.

On peut continuer le voyage exotique avec les petits macatias (1 euro pièce) fourrés de pépites de chocolat à l’heure du goûter, ainsi qu’avec le pain au boucané (du porc que l’on « boucane », que l’on fume – cela donne une sorte de lard réunionnais, en définitive) que l’on peut déguster comme en-cas au déjeuner ou même au diner. Seuls les prix nous font rester ici, sur notre sol français, tandis que notre esprit et nos papilles sont ailleurs… le temps de quelques bouchées.

Il ne faut pas se voiler la face, certaines zones de Paris sont bien moins accueillantes que d’autres. Façades grisâtres, bruit présent et presque entêtant, grandes artères qui ne semblent plus en finir… Difficile de s’y sentir à l’aise, et d’avoir envie d’y passer un long moment. Pour autant, des personnes y vivent et y travaillent. Parmi elles, je dois dire que je placerais le secteur de la Gare du Nord parmi les plus sombres et bruyants. Boulevard Magenta, rue Lafayette, rue de Maubeuge… Ces noms nous incitent à chercher un peu de calme et de chaleur au détour des rues. Pour cela, rien de tel qu’une boulangerie.

Si en plus cette boulangerie porte un nom nous évoquant une quelconque égérie féminine, cela ne peut être que mieux. En l’occurrence, c’est le cas, puisqu’au détour de la rue Rochechouart on rencontre Léa… ou plutôt son fournil. Le Fournil de Léa ne fait pas partie de ces boutiques particulièrement avenantes, modernes, voire tapageuses, bien au contraire. L’endroit est très sobre, avec une décoration plutôt sommaire. Néanmoins, on se laisse aisément tenter par l’évocation des pains présentés sur la devanture : Le Pavé de Léa, la Tradi, …

Justement, si nous sommes ici, ce sont avant tout pour eux. Avant tout, une première question se pose, quant à la farine utilisée. En effet, l’extérieur nous parle de Rétrodor (minoterie Viron), mais en définitive, les produits sont réalisés avec une farine des Moulins de Chars. Un mélange des genres et des meuniers qui a tendance à être plutôt fréquent, nos artisans étant amenés à changer de fournisseurs au gré des opportunités tarifaires, la concurrence entre  acteurs étant plutôt rude dans le milieu.
Ainsi, c’est une « Tradi » qui nous est remise dans son élégant étui décoré d’une charmante jeune femme, vous voyez, nous restons dans un univers très féminin. La fameuse demoiselle nous offre une baguette particulièrement accessible – seulement 1 euro les 250g – aux douces notes de froment. N’y recherchez pas un caractère spécial ou marqué, c’est avant tout un bon pain de table, qui s’accommodera avec facilité de vos différents repas. Sa croûte fine nous dévoile à la dégustation une mie manquant malheureusement un peu d’alvéolage, ce qui a tend à conférer un caractère plutôt pâteux à l’ensemble : la mâche manque de fraicheur, c’est un peu regrettable.
Le reste de la gamme demeure de bonne tenue, avec la spécialité maison, le fameux pavé de Léa, ainsi que diverses déclinaisons autour des céréales ou du levain. Acidité maîtrisée pour ce dernier, cuissons dans la moyenne bien qu’un peu courtes à mon goût, façonnages corrects et tarifs abordables, Léa nous propose une offre boulangère plutôt cohérente. Petit bémol sur la conservation, simplement acceptable.

A l’entrée, ce sont les pâtisseries qui nous accueillent et occupent une grande partie des vitrines. En effet, on trouve ici une grande déclinaison de douceurs traditionnelles, entre tartes, religieuses, millefeuilles et fraisiers… Le tout manque toutefois de finesse et on préférera se limiter aux tartes aux fruits vendues à la part, bien plus honorables. Les viennoiseries se situent dans une bonne moyenne, tout particulièrement pour le croissant et le pain au chocolat, bien qu’un peu secs.
Côté traiteur, pas de miracle, quelques sandwiches, dont certains à base de pains spéciaux (au levain, notamment, avec de belles tranches et une acidité qui relève agréablement la garniture) ainsi que des en-cas divers, destinés à êtres consommés chauds. Dans l’ensemble, le tout manque tout de même de soin, même si on apprécie le caractère particulièrement abordable des produits.

L’acceuil est efficace, pas toujours très chaleureux, mais la clientèle est bien considérée. Cela ne parvient pas à donner un caractère particulièrement chaleureux à l’endroit, pris dans ses tons un peu gris, très « 1990’s ».

Infos pratiques

34 rue Rochechouart – 75009 Paris (métro Poissonnière ou Cadet, ligne 7) / tél : 01 48 78 50 72
ouvert du mardi au samedi de 6h30 à 20h30.

Avis résumé

Pain ? L’ensemble est réalisé avec un certain soin et une bonne dose de sérieux. Façonnages plutôt appliqués, cuissons correctes bien qu’un peu courtes à mon goût, levain à l’acidité assez maîtrisée et tarifs raisonnables. Cependant, la conservation des produits n’est pas exceptionnelle, et la baguette de Tradition souffre d’un léger manque d’alvéolage et d’une mâche un peu pâteuse. Néanmoins, sa saveur de froment est bien présente et on appréciera sa croûte fine et craquante. Pour seulement 1 euro, cela demeure un bon produit. Les tarifs sont, d’ailleurs, très raisonnables, y compris sur les « spécialités » de la maison, tel que le fameux pavé de Léa.
Accueil ? Plutôt professionnel, pas forcément très chaleureux, mais cela a au moins le mérite de l’efficacité. Cela ne parvient pas à donner un caractère sympathique à cette boulangerie, aux lignes plutôt austères.
Le reste ? Les pâtisseries déclinent les grands classiques du répertoire sucré (tartes, religieuses, fraisiers, babas…) sans grande finesse. On leur préférera des gourmandises plus simples, telles que les tartes aux fruits à la part, même si elles ne sont pas plus exceptionnelles. Les viennoiseries, quant à elles, se situent dans une moyenne honorable, bien qu’un peu sèches. Parmi elles, ce sont sans doute les croissants qui sortent du lot. Côté traiteur, la gamme a le bon goût d’être courte, mais là encore, pas de relief particulier. Sandwiches, en-cas chauds, rien ne manque vraiment sans pour autant attirer particulièrement.

Faut-il y aller ? Le Fournil de Léa est une maison bien tenue, même si ses produits ont tendance à manquer de finesse. La baguette de Tradition, vendue 1 euro les 250g, est honorable, à l’image des viennoiseries et des gourmandises les plus simples de la maison (tartes aux fruits, notamment). Ce qui demeure le plus appréciable, c’est sans doute la politique tarifaire appliquée ici : les produits sont proposés à des prix mesurés, ce qui fait de cette boulangerie une halte accessible au plus grand nombre.

Les noms que l’on utilise pour décrire des éléments de notre « patrimoine gastronomique » y sont parfois arrivés de façon bien curieuse, un peu détournée, et peuvent aisément surprendre si l’on s’y intéresse de plus près. En effet, à peu près tous les éléments de la vie finissent par s’imbriquer pour donner des résultats plutôt curieux. Il ne faudrait pour autant pas essayer de toucher à ces traditions, puisqu’elles ont un caractère presque naturel à présent.

Prenez l’exemple des mendiants, vous savez, ces petites spécialités chocolatées que l’on retrouve chez la plupart des artisans. Constituées d’une base (un palet, en quelque sorte) en chocolat noir, au lait ou même blanc, elles sont incrustées d’un mélange de fruits secs variés (raisins secs, amandes, écorces d’orange confite, noisettes… les recettes varient parfois) et proposent aux gourmands une friandise alternant entre le croquant, le moelleux, l’amer, le doux, l’acide… Une expérience très divertissante. Pour autant, on pourrait se dire que ces fameux mendiants sont bien riches, car ces ingrédients ne sont pas particulièrement bon marché. En réalité, ce nom provient des ordres mendiants, une organisation chrétienne dont les membres passaient leur temps à prêcher l’évangile et à servir les pauvres. Dessert initialement nommé « fruits de carême » et composé de figues de Provence, raisins de Malaga, amandes et avelines, le choix de cette nouvelle dénomination serait lié à un prêche du père André Le Boullanger, qui aurait soutenu que ces fruits étaient nommés ainsi parce qu’ils avaient pour patrons les quatre ordres mendiants, savoir : les Franciscains capucinaux qui représentaient les raisins secs, les Récollets qui étaient comme des figues sèches, les Minimes qui semblaient des amandes avariées, et les Moines-déchaux qui n’étaient que des noisettes vides.

Trêve de considérations religieuses, puisqu’il s’agit aujourd’hui d’un produit bien savoureux, qui ne manque pas d’inspirer certains de nos artisans. En effet, Gontran Cherrier a souhaité redonner à cette gourmandise sa dimension de dessert en la déclinant sous la forme d’une tarte.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que son aspect ne mendie pas grand chose, mis à part la curiosité. En effet, elle peut surprendre par son caractère très sobre, constituant au final un simple disque de couleur marron foncé. Rien qui puisse laisser présager son contenu riche et savoureux, si l’on ne consulte pas l’étiquette présentant le produit.

Dès lors que l’on se décide à rompre cette élégante simplicité, on prend bien conscience de toute la dimension gourmande que peut avoir cette « tarte façon mendiants ». Dès la première bouchée, c’est la ganache qui nous offre une belle richesse et densité, sans pour autant tomber dans l’écueil d’un quelconque caractère collant ou amer. On profite ainsi d’un parfum de cacao d’une belle pureté, avec un côté presque moelleux. Vient ensuite le fond de pâte, bien croquant, foncé et beurré. Il apporte une note de douceur en contraste avec l’intensité du chocolat, même si l’on pourrait regretter le fait qu’il soit un peu épais. Un peu plus de finesse aurait peut être rendu la dégustation plus aisée et serait parvenu à un meilleur équilibre.
Enfin, on découvre les fruits secs, nichés, presque cachés, entre ces deux éléments. C’est à ce moment là que l’expérience prend tout son sens. Légèrement parfumés au miel, ce qui contribue à donner quelques notes sucrées et douces, ces fruits croquent et fondent, que ce soit tantôt de la noix, de la noisette, des écorces d’orange… Un peu d’amer, d’acidulé, qui viennent relever le chocolat noir et compenser sa puissance, en prolongement du fond de tarte. Le tout est très ludique, puisque l’on peut s’adonner au loisir d’associer ou de dissocier les saveurs. Ce mendiant-là a autant à nous offrir que l’on aimerait lui donner.

En définitive, Gontran Cherrier nous propose ici une gourmandise peu sucrée, à la fois simple et riche en sensations. Une pâtisserie un peu plus que boulangère, même si elle a parfaitement sa place dans les vitrines d’une telle boutique. De plus, cela reste un produit assez accessible, ce qui permettra à chacun de s’offrir un peu de plaisir.

Tarte au chocolat façon mendiants, Gontran Cherrier – Paris 17 et 18è, vendue en portion individuelle au prix de 4,20 euros.