Si vous lisez ces lignes fréquemment, vous aurez remarqué que je parle souvent de caractère (et malheureusement de manque, dans beaucoup de cas) pour les pains. En effet, certaines créations (ou même les produits « traditionnels ») développées par les artisans parviennent à exprimer des saveurs, des textures, qui les font parler d’une certaine façon à table, apportant de nouveaux reliefs aux différents mets qu’ils accompagnent. Farines, levains, modes de fabrication variés, chacun a sa signature, c’est un peu le propre d’un caractère. Certains artisans, à la créativité généreuse, travaillent aussi sur des associations de saveurs, faisant ainsi du pain un véritable support de goûts et lui donnant une force d’évocation toute particulière.

Ainsi, parfois, j’en suis amené à dépasser la simple notion d’accord mets-pains, les mies et croûtes s’inscrivant dans un contexte plus global, dans une ambiance et une saison. Le pain quitte la table pour créer des instants bien particuliers, à vivre autant seul qu’à plusieurs.
Même si j’aime parler des produits qui me font voyager loin, dans des contrées plus ou moins reculées, ce sont ceux qui m’amènent à une certaine émotion, à un « calme » qui me touchent le plus. Certains des pains élaborés au fournil de chez Du Pain et des Idées y parviennent tout particulièrement.

Mettre de la charcuterie dans le pain, je dois avouer que l’idée ne m’a jamais beaucoup attiré. Pourtant, c’est quelque chose d’assez fréquent, et les lardons s’invitent dans les mies de nombreux pains qui deviennent alors plutôt des en-cas. Dans le cas présent, j’ai exprimé la même réticence dès lors que l’on m’a annoncé la composition : un pain au levain, incluant du whisky, des lardons et des noix. J’ai toutefois décidé de faire confiance, de dépasser mes préjugés. Grand bien m’en a pris.
En définitive, les lardons apportent uniquement un beau parfum de fumé, ils ne sont pas perceptibles en tant que tels lors de la dégustation. Ils proviennent bien entendu des Viandes du Châteauneuf, représentées tous les vendredis devant la boulangerie par Pierre Bouchez lui-même, et proposant des produits de grande qualité. Cela explique cette saveur aussi naturelle que marquée.
Le whisky, quant à lui, apporte quelques notes maltées, ambrées et confère à la mie cette couleur sombre, assez intrigante de prime abord. Sa présence contribue à donner au pain son caractère « vigoureux » et puissant, renforcé par les noix que l’on prend plaisir à croquer au fil de la dégustation. Ces cerneaux, en provenance directe du Périgord, apportent une touche d’amertume, en contraste avec les très légères notes d’acidité développées du fait du travail sur levain.
La mie offre une belle densité, ainsi qu’une excellente tenue. Elle parvient cependant à éviter l’écueil d’un caractère lassant et « bourratif » grâce à une hydratation bien réalisée. De plus, la croûte épaisse et presque croquante qui habille l’ensemble assure une bonne conservation pour ce pain, au delà des arômes boisés et légèrement caramélisés qu’elle exprime.

L’association de ces différents éléments a pour effet de créer un produit surprenant, appelant à la réflexion : ne sentant pas les lardons, on peut se demander d’où proviennent ces notes fumées. Puis on se laisse porter, on s’installe au coin du feu, là haut, tout là haut, dans une cabane de berger, en plein milieu des alpages. On profite alors du calme qui se fait, et on déguste ce pain seul, accompagné d’une salade bien vive telle que de la roquette, ou même d’un fromage au goût marqué. On regarde alors le temps passer, tout simplement, en compagnie de ce nouvel ami au caractère bien trempé, comme durci par la vie et les épreuves… celle du four, notamment. Il est possible de le laisser vieillir un peu, pour profiter encore plus de ses notes fumées, le whisky ayant tendance à se faire moins présent au fil du rassissement.

Encore une fois, cette création ne manque pas de dépoussiérer la discipline des pains spéciaux, en proposant des saveurs et des accords très inhabituels. Rien à voir avec le pain créé pour le whisky Nikka, mais dans les deux cas le résultat est très savoureux. Proposé en ce mercredi, fête de la Saint-Honoré, c’était une belle façon de mettre à l’honneur le pain, et tout ce qu’il peut apporter de touchant et fort.

Pain whisky-lardons-noix, Du Pain et des Idées – Paris 10è, vendu en quart, 4 euros les 450g – proposé le mercredi 16 mai – et j’espère à nouveau dans le futur !

Une réflexion au sujet de « Pain du jour : Pain whisky-lardons-noix, Du Pain et des Idées (Paris 10è) »

  1. Bonjour Rémi,
    A priori, d’après ce qu’on m’a dit en boutique aujourd’hui, ce pain sera disponible toutes les 3 ou 4 semaines, le vendredi. De plus, je crois que c’est Christophe Vasseur qui s’est occupé de la réalisation de ce pain. Prochain pain spécial réalisé par Kenji, celui à la moutarde que j’aime tout particulièrement.

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