Une plume et des mots peuvent représenter des armes redoutables, dont on mesure parfois mal la force et la capacité à toucher les individus. En réalité, il n’est possible d’en prendre conscience qu’en faisant, en se trompant parfois, et en confrontant son propre ressenti avec le ou les intéressés.
J’ai déjà pu l’écrire ici, au risque de me répéter, je ne prétends pas être parfait et j’avance chaque jour. Ensuite, il restera toujours des questions d’appréciation et de goûts personnels. D’ailleurs, on dit souvent qu’ils sont dans la… Nature.

Dans la Nature, de Pain celle-là, j’y suis retourné pour échanger avec Loïc Bret, le gérant de la boulangerie parisienne, implantée rue de Lévis, dans le 17è arrondissement. En effet, suite à mon billet au sujet de sa boutique, ce dernier m’avait contacté afin de m’exprimer son mécontentement et apporter des précisions vis à vis des erreurs que contenaient mes écrits.
Je dois le reconnaître, mes jugements et conjectures étaient certainement trop hâtifs. Revenons sur cet article qui ne figurera certainement pas au Panthéon du painrisien…

La gamme de pains - on y préférera la torsade et son agréable saveur sucrée de sarrasin, reprise dans le pain aux céréales

A commencer par le volet humain, et plus particulièrement sur la personne de Loïc Bret. Présenté, de façon très lapidaire comme étant un « ancien chef pâtissier d’Amiens », cela fait l’impasse sur le parcours de cet artisan dont l’engagement rejoint la passion. Pâtissier certes, mais c’est bel et bien par la boulangerie qu’il a commencé, avant de bifurquer vers le sucré, et plus particulièrement dans le chocolat, jusqu’à en arriver à la finale du concours de Meilleur Ouvrier de France. Au delà de briller sur ce plan, M. Bret a également beaucoup voyagé et oeuvré dans des missions de conseil à l’étranger pendant plus de 7 ans. C’est suite à ce parcours qu’il a souhaité revenir à ses fondamentaux et à développer sa propre affaire sur Paris.

Les pâtisseries : du classique (tartes, éclairs, ...) et quelques créations, comme un entremets riz au lait-champagne

En effet, Nature de Pain « Paris » reste avant tout une entité indépendante, l’association avec l’enseigne ayant principalement permis à M. Bret de s’installer et d’obtenir un tel emplacement, chose qu’il aurait été difficile de réaliser sinon. Les produits sont différents de ceux proposés à Amiens, nous sommes loin de la « chaine » telle qu’on aurait pu l’imaginer. L’objectif affiché par l’artisan est de placer cette boutique parmi les 5 meilleures boulangeries parisiennes. A mon sens, il reste avant toute chose à trancher et à évoluer sur la question des cuissons et de la réalisation des pains. En effet, au delà du volume important réalisé ici (plus de 1000 clients journaliers, en plus de la fourniture de nombreux restaurants et hôtels aux alentours) qui a forcément un impact sur la qualité, le pain ne peut exprimer toute sa saveur qu’avec des croûtes plus dorées, de même qu’il développera alors son caractère craquant, si agréable.

Quelques baguettes... qui mériteraient toujours plus de cuisson, malheureusement

Pourtant, cela ne semble pas être ce que recherche la clientèle locale, et si la situation est telle aujourd’hui, ce n’est pas sans raison. Lors de l’ouverture, en 2010, Loïc Bret et son équipe avaient l’intention de proposer des produits conformes à leurs goûts et aspirations. Malheureusement, c’est la réalité économique parisienne qui les a rapidement rattrapés. De 400 à 500 baguettes par jour, Nature de Pain parvient aujourd’hui à en écouler plus de 900, en ayant « adapté » les cuissons. Egalement, l’accent a été mis sur l’offre de restauration rapide, au détriment de la pâtisserie. Un exemple parmi d’autres : les canelés, proposés initialement, ont été abandonnés car la clientèle les réclamait peu cuits… Or, c’est la caramélisation qui leur procure toute leur saveur.
Malgré cela, le travail sur levain liquide (au travers d’un fermentolevain installé au sein du fournil) permet d’assurer une meilleure conservation au pain et lui apporter une certaine richesse aromatique. Cela se retrouve bien sur le pain de campagne, plus cuit, dépourvu d’acidité et offrant de belles saveurs, sans ajout de malt. On peut également citer quelques bonnes idées, comme le fait d’utiliser une base de pâte au sarrasin pour le pain aux céréales, ce qui apporte des notes sucrées et rustiques.

Pains gourmands & pain de campagne. Ce dernier, vendu au poids à un tarif très compétitif (4,15 euros le kg), est certainement un des points forts de la gamme.

Quant à l’aspect « vide » du magasin que j’ai pu reprocher initialement, celui-ci était lié au fait que mes visites étaient réalisées l’après-midi. En effet, à l’heure du déjeuner, près de 400 clients passent par ici et mettent inévitablement à mal les vitrines de la boutique. Rien de bien choquant là dedans, d’autant que cela permet de garantir l’extrême fraicheur des produits, tout en limitant les pertes (les invendus n’étant pas repassés d’un jour à l’autre – ils sont en effet donnés à des oeuvres ou jetés). Cela ne m’avait toutefois pas permis de partager avec vous l’ensemble de la gamme, et notamment des créations qui donnent de la saveur au lieu…

Citons notamment le large choix de sandwiches et de paninis, dont les recettes ont été réfléchies et élaborées, à l’image du petit dernier de la gamme : une proposition végétarienne, incluant un mélange de légumes, lié du pesto et une sauce au fromage blanc mentholée. Des pains gourmands et moelleux, telle qu’une fougasse aux olives, tomates confites et herbes, un pain tomate/basilic ou encore noix/raisins complètent la gamme « déjeuner », avec des saveurs bien marquées puisque les ingrédients macèrent près de 24h dans la pâte avant cuisson.
Les gourmandises sucrées ne sont pas en reste, avec notamment une sympathique gamme de briochettes, dont la plus intéressante est sans doute celle parfumée à la vanille et à la rose. Au fil du temps, ce produit est devenu une des spécialités de la boutique, à juste titre puisqu’elles associent accessibilité (1,15 euros la pièce), moelleux et saveur.

Viennoiseries et gourmandises : amusantes déclinaisons de briochettes (tiramisu, vanille-rose, nutella-noisette, pralines...) ainsi que des panettone maison et des sablés variés

Pour le reste, cela tient plus de détails techniques et organisationnels (quantité de personnel, macarons présentés dans leurs alvéoles pour conserver leur humidité et éviter le déséchement – ce qui n’a pas empêché la boulangerie d’en écouler 1 tonne l’an passé, …). Bien sûr, tout n’est pas parfait, mais l’engagement développé par cet artisan en faveur de produits de qualité et d’un certain respect de sa clientèle est appréciable. Tout comme le respect de ses salariés, lesquels bénéficient d’un environnement de travail agréable, avec un laboratoire spacieux et lumineux – chose parfois peu évidente à Paris, vu le prix des surfaces. D’ailleurs, tous les mercredis, Nature de Pain accueille des groupes de touristes qui peuvent ainsi découvrir par eux-même la boulangerie.

Nature de Pain est présent dans de nombreux guides, japonais notamment

Ce constat de la « force », que l’on pourrait presque qualifier de nuisance, imposée par la recherche d’un pain peu cuit m’inquiète autant qu’elle m’attriste. Cela signifierait donc que pour survivre, financer leurs investissements et rembourser leurs crédits (comme c’est le cas pour Loïc Bret), nos artisans devraient céder à ce travers ? Face à ce monde étrange, perdu et torturé, j’aimerais bien aller faire un tour dans… la Nature, tiens.

2 réflexions au sujet de « Une escapade dans la Nature… de Pain »

  1. Bonjour

    Je dois dire que je suis plutôt mitigée quant à votre blog. J’apprécie votre plume, agréable à lire, mais sur les 5 premières pages que j’ai lues, c’est déjà le 2ème démenti que vous publiez (le premier étant celui pour Hugo et Victor). Dans les 2 cas vous admettez avoir émis des jugements hâtifs et non fondés. La base de la critique étant un certain jugement, cela ne me choque pas. Par contre, ce qui m’ennuie, c’est que vous ne preniez pas toujours le temps de vérifier vos allégations ou de contre visiter un endroit avant de publier une bombe. Adam, du site parispatisseries.com, goûte toujours au minimum 2 fois, si ce n’est plus, quand il n’a pas été conquis. Mon association étant actuellement en procédure de diffamation avec une personne peu scrupuleuse ayant publié des allégations infondées, je dois dire que je comprends ce qu’on peut ressentir dans ce genre de situation, et les torts qui peuvent être causés dépassent souvent le simple préjudice financier pour aller dans l’ordre moral.

    Vous évoquez le fait de ne pas être parfait, et cela, personne ne saurait vous le reprocher, l’amélioration est un processus constant, donc dans cette optique je ne saurai que suggérer un peu plus de retenue et de mesure dans vos propos, ainsi que quand c’est possible des vérifications et des contres visites avant de publier.

    Je pense qu’ainsi votre blog n’en sera que plus agréable à lire.

    Cordialement,
    Alice

    • Bonjour Alice,

      Merci pour votre commentaire.
      Sachez que j’avais fait plusieurs essais chez Nature de Pain avant de publier mon billet. Vous mettez ce cas en parallèle avec celui d’Hugo et Victor, or il s’agit ici avant tout d’une question de goût, à l’inverse du second cas où il était question des processus de fabrication.
      Même si je n’ai pas vocation à publier ici à nouveau, j’avais bien intégré ces erreurs et vous noterez que mes derniers billets – en dehors de celui traitant de la fameuse pâtisserie parisienne – étaient plus mesurés.

      Belle journée,

      Rémi

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