L’avantage de se consacrer à visiter les boulangeries parisiennes, c’est sans doute de pouvoir dénicher quelques curiosités, spécialités, comprendre comment les artisans parviennent à exprimer leur sensibilité et leur singularité sur certains produits, et ainsi finir par comprendre que les dénominations n’ont en définitive que peu de valeur : le meilleur exemple est sans doute celui de la baguette de Tradition qui, malgré la réglementation qui l’entoure, parvient à exprimer des arômes bien spécifiques en fonction de l’artisan qui la travaille. Il ne faut pas non plus négliger l’importance du choix des matières premières : toutes les farines n’ont pas les mêmes propriétés, certaines ont tendance à produire des pains plus ou moins développés, et pour les moins qualitatives d’entre elles, à n’exprimer que peu de saveurs.
Entre nous, le blé, le goût de froment, c’est chouette, mais c’est aussi parfois un peu lassant. On a parfois envie d’autre chose, sans pour autant tomber dans des pains riches en ingrédients. J’avais déjà traité du pain à la châtaigne, notre ami d’automne, passons aujourd’hui au pain au maïs.
Il faut savoir qu’il intègre des traditions culinaires bien différentes, pour des saveurs, textures et sensations très variées. Ainsi, on trouve de notre côté de l’Atlantique le fameux Broa portugais… et aux Etats-Unis le « cornbread », beaucoup plus moelleux et se rapprochant un peu du gâteau. En France, nos boulangers créent de libres interprétations du genre, avec des produits très variés. Au Grand Roux du Pays Basque chez Christophe Vasseur, craquant et enrichi de grains soufflés chez des Gâteaux et du Pain, parfumé au miel en saison chez Jean-Paul Mathon, … Preuve supplémentaire, s’il en fallait, que le pain au maïs est devenu tendance : difficile en effet de résister à son petit goût sucré caractéristique, offrant des perspectives d’accords parfois très gastronomique. Il se déguste très bien avec du foie gras, ainsi qu’avec du saumon ou des poissons grillés, à l’image des sardines. Les meuniers ont également intégré cette référence à leur catalogue, comme c’est le cas chez les Moulins de Chars, pour un résultat moelleux et parsemé d’éclats de maïs extrudé.
Il se rapproche d’ailleurs de la nouveauté lancée cette semaine par Dominique Saibron, à cela près que l’artisan de la place d’Alésia a choisi de lui adjoindre des caractéristiques bien particulières… notamment en terme de façonnage. On néglige bien souvent l’importance que peut avoir la forme d’un pain dans sa façon de le consommer. Des baguettes, des bâtards, de grosses tourtes, quelques petits pains, … Ce sont les formes les plus courantes en boulangerie. Dans le cas du pain « Brochette de Maïs », c’est une incitation au partage qui nous est offerte : des petits pannetons sont assemblés autour d’une brochette en bois. Le gourmand les sépare ainsi à la main, pour en apprécier le moelleux contrastant nettement avec le craquant du maïs extrudé, ainsi qu’avec l’humidité des grains entiers qui parsèment la mie.
La recette intègre un peu d’oeuf et de beurre, ce qui le rapproche directement du cornbread dont je parlais plus haut, le tout exprimant bien un petit goût d’oeuf assez agréable.
A l’opposé, le Broa est beaucoup plus rustique et typé. Il faut dire que son histoire ne pouvait que lui adjoindre ces qualificatifs : réalisé par des paysans portugais, il offre une croûte marquée et croustillante, laquelle renferme une mie moelleuse et douce. Parfois « pur maïs » – ce qui a pour conséquence de le rendre très, voire trop, dense -, on préfère généralement le réaliser à partir d’un mélange blé-maïs. Peu de boulangers parisiens ont choisi de le réaliser selon la tradition, mais c’est le cas chez Antonio Dias Gil, dans le 12è arrondissement. Le produit est d’autant plus appréciable qu’il est démocratique : proposé le samedi pour seulement 2 euros la pièce d’environ 500g, on ne peut pas dire que l’artisan fasse monter les enchères.
Généralement, le pain au maïs se conserve très bien, du fait de la relative densité de la mie qui y est associée – conséquence directe de l’absence de gluten dans cette céréale. Dans le cas du cornbread, la présence d’un peu de matière grasse n’est pas étrangère à ce fait.
Impossible de ne pas craquer pour le pain à la semoule de maïs de chez Gontran Cherrier, avec sa texture granuleuse et gourmande. L’artisan a choisi de le nommer Broa, même si le nom est un peu usurpé. Dans tous les cas, le maïs sait trouver sa place dans nos boulangeries artisanales, et sa couleur jaune apporte un peu de soleil à nos journées grises.
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