Comment parvenir à faire varier les saveurs sans ajouter d’ingrédients dans un pain ? Tout d’abord, on multiplier les recettes et méthodes de fabrication : levain, levure, fermentation plus ou moins longue… Le façonnage apporte également sa note à l’ensemble : les petits pains et les grosses pièces ne développent pas les mêmes arômes, et ne présentent pas la même quantité de croûte. Il est également possible d’utiliser des farines différentes. En la matière, le choix est bien plus large qu’il pourrait y paraître. En effet, peu d’artisans font le choix d’exploiter le large panel de variétés de blé et de types (T80, T110, T150…) que l’on retrouve sur le marché meunier. Bien entendu, la plupart proposent un pain de seigle, un pain complet, à la rigueur et plus rarement de l’épeautre, mais cela ne va pas plus loin.

A l’inverse, d’autres cultivent la diversité, pour notre plus grand plaisir. C’est le cas de la boulangerie La Badine de Martine, dans le 12è arrondissement, où Patrick Desgranges et son équipe ont développé une large gamme de pains : seigle toujours, petit et grand épeautre, sarrasin, maïs, châtaigne, farines plus ou moins complètes (de la tradition T65 à l’intégral en passant par la bise T80…) mais également, et c’est certainement l’un des plus « rares », le Kamut.

Cette variété de blé compte parmi les plus anciennes, car on en a retrouvé des traces chez les égyptiens. Attention toutefois, car il s’agit d’une marque déposée. En effet, cette céréale est en réalité un cultivar du blé de Khorasan, dont les graines furent trouvées en Égypte en 1949 et qui est cultivé selon les règles de l’agriculture biologique sous contrôle de la société Kamut International. Le premier effet notable est que cela augmente le prix de la farine, ce qui explique en partie sa faible représentation en boulangerie. Généralement, on le trouve en magasin Bio, avec tous les inconvénients en terme de fraicheur mais aussi de qualité que cela comporte (production en masse, ce que la saveur du pain ne supporte qu’assez mal). C’est dommage, car la farine qu’il produit présente de grandes qualités nutritives : son gluten est généralement mieux toléré par l’organisme, elle est riche en protéines (20 à 40% de plus que le blé tendre traditionnel) mais aussi en acides gras non saturés.

Tout cela est bien sympathique, mais ce qui nous importe avant tout, c’est le goût. En la matière, là encore, le Kamut a beaucoup à nous apporter : on lui attribue une petite saveur de noisette bien agréable, toutefois, c’est quelque chose que l’on peut retrouver assez souvent dès lors que le pain est bien réalisé. A la Badine de Martine, cela s’accompagne d’une acidité maîtrisée, qui procure à l’ensemble des notes d’épices, de vanille. Ainsi, il accompagne très bien des plats de viande blanche, mais aussi des fromages de chèvre ou même du foie gras, en apportant un fond subtil et discret, présent mais pas dominant.
La mie – suffisamment alvéolée pour ne pas être dense – est un peu collante le jour de l’achat, ce qui est du à une hydratation assez importante. Cela n’est pas rédhibitoire, avec l’oeuvre du rassissement, le produit est parfait le lendemain. Sa tenue est excellente, ce qui rend la coupe aisée et la confection de larges tartines agréable. Quant à la croûte, son épaisseur demeure assez importante pour assurer la bonne conservation de l’ensemble. Elle sait rester assez craquante malgré les heures et, grâce à une cuisson bien menée, elle exprime une belle note acidulée qui relève la douceur humide de la mie, teintée de cette couleur légèrement jaunâtre caractéristique du Kamut.

En définitive, ce pain est une belle réussite, associant goût, qualité de réalisation générale et intérêt nutritif. Ce qui est intéressant, c’est d’observer son évolution au fil du temps : très humide le jour même, il prend de la consistance le lendemain et son acidité va s’échapper au fil des heures, jusqu’à en faire un pain très doux le surlendemain. A chaque fois, les arômes sont différents, et cette multiplicité d’expériences est particulièrement agréable. On regrettera juste une chose : le fait qu’il soit bien trop fariné. La croûte est en effet recouverte d’une épaisse couche blanche, que je prends soin de retirer après l’achat.
Cerise sur le gâteau, ou plutôt sur le pain, son prix demeure relativement modéré pour un pain de Kamut, qui atteint souvent des sommets.

Pain de Kamut, La Badine de Martine – Paris 12è, vendu à la pièce, 3,40€ la boule de 400g. 

4 réflexions au sujet de « Pain du jour : Pain au Kamut, La Badine de Martine (Paris 12è) »

  1. Olala quelle réactivité, je suis impressionnée ! et je trouve cela extrêmement sympathique ! en plus vous avez l’air d’avoir apprécié, vous connaissiez déjà ?? je ne manquerai pas d’essayer le reste de la gamme lors de ma prochaine visite ; merci à vous !

  2. Bonjour,

    Je viens de découvrir ton blog, je l’aime beaucoup ! Malheureusement on ne dispose pas de blogs similaires pour la Province 🙁 Tu devrais y songer ^^ . Dans le Sud, beaucoup de boulangeries pâtisseries sont rassemblées sur un seul et même site Internet cela dit (du type grande communauté), et mettent leurs produits à disposition de tous; on peut simplement regarder ou même passer commande. Que pense-tu de cette initiative? (le site s’appelle Monboulanger.fr)

    Bonne continuation à toi ! 🙂

    • Bonjour,
      Merci pour votre commentaire.
      Difficile de songer à dédier un blog aux boulangeries de province dès lors que l’on n’y réside pas, même si j’espère pouvoir aller découvrir des artisans un peu partout en France prochainement.
      L’initiative de ce site est intéressante, même si la réalisation me paraît un peu approximative.
      A bientôt,
      Rémi

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