Les goûts et les envies varient selon les régions du monde. C’est de cette façon que les produits alimentaires disponibles varient entre pays et même entre localités. J’ai toujours trouvé cela assez amusant à observer, car les hommes sont tous identiques en réalité, seule la culture peut les différencier. Bien sûr, il faut également tenir compte des climats, des matières premières accessibles en quantité, mais c’est de toute façon ce qui aboutit à l’élaboration de ces ‘coutumes’.

Les consommateurs français ont des habitudes bien marquées, que j’aurais tendance à qualifier de lassantes. Chocolat, praliné, fruits rouges (en toute saison, la fameuse tarte aux fraises en est une bonne preuve)… Peu d’envie de découvertes, ou alors il faut les baliser, que quelques influenceurs aient décrété que c’était le bon goût du moment. C’est tout particulièrement vrai dans le domaine du sucré, où seules quelques modes sont apparues, comme l’utilisation parfois surabondante du thé vert matcha, du yuzu et autres ingrédients japonisants, ou bien d’ingrédients d’ordinaire réservés au ‘salé’ (vinaigre balsamique, légumes…).

Pour ne rien vous cacher, je pense que tout cela est un peu surfait, et qu’on peut très bien se contenter de choses beaucoup plus simples pour distraire nos palais au travers de saveurs un peu originales, en dehors des codes établis. En l’occurrence, Quentin Bailly – le chef pâtissier d’Un Dimanche à Paris – a choisi d’associer la poire et la cacahuète dans ce Saint-Honoré très élégant.
Patron des boulangers, le voilà livré en pâture à notre gourmandise, en plus d’avoir été grandement détourné de son orientation caramélisée originelle. De plus, il a quitté nos beaux territoires français pour atterrir directement… aux Etats-Unis, puisque les américains sont de grands amateurs de cacahuète, à l’inverse de nous, qui nous contentons généralement de la consommer à l’apéritif et enrobées de chocolat au travers de sucreries naïves répondant au doux nom de M&M’s. Il faut un peu d’audace et d’imagination pour l’introduire dans la pâtisserie parisienne, et c’est à cela que l’on reconnaît la patte et la détermination qui peuvent faire d’un homme un chef. Au delà de ses saveurs, ce gâteau exprime donc la capacité du jeune et séduisant M. Bailly (à peine 27 ans !) à mener des hommes là où il le souhaite… dans notre cas, ce sera sur le terrain du goût, rien de plus agréable que cela.

Notre ami sanctifié fait jouer nos papilles au travers d’un aller-retour sucré-salé, entre la douceur vanillée de la poire et la rondeur de la cacahuète. Au programme, de bas en haut, un fond de pâte feuilletée caramélisée, des petits choux au grué de cacao garnis d’un confit de poire et de crème à la cacahuète, un coeur de la même crème, ainsi que quelques morceaux de poire dispersés dans ce ‘nuage’, accompagnés d’éclats de cacahuète. Du craquant, de l’onctueux, du moelleux… Voilà de quoi amuser notre palais.
La crème à la cacahuète se révèle relativement dense, ce qui est tout à fait pertinent : le fruit sec s’accommoderait mal d’une texture trop légère, d’un caractère vaporeux. Je suis en effet persuadé que nous associons des textures aux goûts, et il est important de les manier avec précision. Ainsi, une crème trop épaisse et sucrée, parfumée à la fleur d’oranger perdrait tout l’effet de fraicheur que l’on attend de ce parfum délicat.
Le confit de poire est peu sucré, bien parfumé, il garnit agréablement les choux qui se révèlent légèrement craquants sur le dessus, grâce à l’utilisation du grué du cacao, qui leur confère un parfum bien particulier. On retrouve d’ailleurs cette ‘signature’ sur d’autres pâtisseries proposées chez Un Dimanche à Paris, qui réaffirme ainsi son orientation ‘tout cacao’. Le parfum du fruit d’automne est également représenté par des petits morceaux qui fondent en bouche et cassent la rondeur de la cacahuète par leur fraicheur. Les éclats de fruit sec relancent le plaisir et l’envie par leurs notes salées et croquantes. L’ensemble affiche un bel équilibre, peut-on pourra-t-on simplement regretter le fait que la pâte feuilletée s’exprime un peu trop, et ait ainsi tendance à couvrir le goût délicat de la crème.

Le plus amusant avec cette pâtisserie, c’est certainement le fait qu’elle ait été demandée de façon plutôt répétée par les habitués de la maison, ce qui a conduit à son retour cette année. Comme quoi, si l’on parvient à proposer des créations savoureuses sans être alambiquées, les gourmands peuvent se laisser séduire et sortir de leurs habitudes. Il faut juste avoir un petit goût pour la prise de risque… mais la vie est tellement plus agréable ainsi, n’est-ce pas ?

Saint-Honoré Poire-Cacahuète, Un Dimanche à Paris – Paris 6è, pâtisserie proposée le week-end pour le prix de 6€ en portion individuelle, également disponible pour plusieurs convives. 

3 réflexions au sujet de « Pâtisserie du jour : Saint-Honoré Poire-Cacahuète, Un Dimanche à Paris (Paris 6è) »

  1. Ce n’est pourtant pas le jour où je peux tellement apprécier un article parlant de nourriture… En dépit de ça, merci pour toutes les sensations, les mots fondants et croustillants, et les 😉
    C’est un des articles les plus « sensationnels » que tu aies écrit, à mes sens…

  2. Mouais, je n’ai pas été convaincue…
    Les choux n’étaient pas de toute fraîcheur, et surtout la crème à la cacahuète n’était vraiment pas fine! D’accord pour une texture adaptée à l’ingrédient, mais là c’était trop lourd, sans que cela ne soit compensé par la saveur de la cacahuète (la crème était fade par endroits, le gout de la cacahuète était perdu, il ne restait que cette lourdeur un peu trop riche…).
    Mais tout n’est pas à jeter dans ce Saint-Honoré: chaque petit choux pris individuellement présente un très bel équilibre poire-crème cacahuète, et est donc bien meilleur que le « corps » du gâteau. Il manque à mon avis du confit de poire (excellent) au cœur de ce Saint-Honoré. Et avec un peu plus de finesse et de saveur pour la crème, ce serait très bien! J’ai également goûté le cheesecake passion citron vert: très bon (quoiqu’un peu trop sucré). Par contre ce n’est pas un cheesecake!! « Crémeux passion et mousse citron vert », même sur une base de biscuit, n’ont jamais fait un cheesecake, ni en goût ni en texture!
    Peut-être ai-je mal choisi, je leur laisse le bénéfice du doute jusqu’à une seconde visite.

    • Merci Claire pour ton commentaire. C’est intéressant de partager ses impressions sur une même pâtisserie.
      J’avoue avoir été plus séduit par les différentes textures que par le goût en lui-même. Il est vrai que l’ensemble gagnerait à être garni de plus de confit de poire.
      Pour le cheesecake, effectivement, il est bon mais ne mérite pas son nom 🙂

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