L’an passé, à la même époque, j’apprenais à faire des baguettes et j’avais eu l’occasion d’en juger un certain nombre dans le cadre du Concours de la Meilleure Baguette de la Ville de Paris. J’ai pu retirer de nombreux enseignements de ces deux expériences, et si l’une d’entre elles m’a apporté un diplôme, l’autre n’a fait que confirmer des doutes que j’entretenais de longue date. Vous savez, il y a parfois des choses qui se produisent et que vous ne comprenez pas, un peu comme les magiciens à la petite semaine jouent avec des balles et des timbales. A ce jeu là, on finit toujours perdant. Quand bien même on pense avoir suivi l’objet des yeux de bout en bout, il nous échappe et le prestidigitateur empoche la mise. Nos boulangers et certains de leurs amis ont aussi de jolies baguettes magiques.

Souvenir des baguettes rejetées de 2015

Souvenir des baguettes rejetées de 2015

En 2016, je suis redevenu simple spectateur de la compétition. J’avoue que la position est plutôt confortable : je n’ai pas de responsabilité dans le résultat. Voici donc le classement :

1 – La Parisienne – Florian Charles – 48 rue Madame – 75006 Paris
2 – Boulangerie de Lourmel – Alexandre Fraysse – 121 avenue Felix Faure – 75015 Paris
3 – Le Grenier à Pain – M. Kourougkli – 33 bis rue Saint Amand – 75015 Paris
4 – Boulangerie Alexine – Alexandre Planchais – 40 rue Lepic – 75018 Paris
5 – Boulangerie L’Essentiel Blanqui – Anthony Bosson – 73 boulevard Auguste Blanqui – 75013 Paris
6 – Douceurs et Traditions – Nelly Julien – 85 rue Saint Dominique – 75007 Paris
7 – La Flûte Enchantée – M. Hamada – 104 rue du Faubourg Saint Antoine – 75012 Paris
8 – Boulangerie Brun – Sami Bouattour – 193 rue de Tolbiac – 75013 Paris
9 – Le Grenier à Pain – Vincent Joly – 52 avenue d’Italie – 75013 Paris
10 – L’Académie du Pain – M. Simoes & Vabret – 30 rue d’Alésia – 75014 Paris

La Rive Gauche est particulièrement bien représentée, avec 8 boulangers sur 10 primés. Le 18è arrondissement, qui a connu son heure de gloire par le passé, reste présent avec Alexandre Planchais. On notera également que le Grenier à Pain affirme sa présence, puisque son nom apparaît deux fois dans le classement, et ce malgré l’absence imposée de son champion Djibril Bodian.
A titre personnel, je suis toujours heureux de lire les noms de certains de mes boulangers préférés, vous savez, ces amis de longue date qui brillent à la façon des étoiles filantes, seulement quelques minutes dans la nuit infinie que représente le quotidien des fournils.

Gilbert Pytel m’avait interrogé il y a quelques jours pour Télérama Sortir, au sujet de ce concours et de son mode de fonctionnement. Son article, au titre évocateur, résume bien ma pensée et la nécessité toujours plus pressante de remettre de l’ordre et du sens dans ces compétitions. Les titres et récompenses ne valent rien si elles ne sont pas mises au service quotidien de la clientèle. J’ai aujourd’hui pleinement conscience que le changement ne viendra pas « du haut », de nos grandes instances et têtes pensantes. C’est à nous, panophiles de tous horizons, de reprendre la main. Comptez sur moi pour le faire dans les mois à venir.

Nos vies s’apparentent parfois à de grandes entreprises de génie civil. Il faut savoir construire des ponts, tracer des routes, creuser des sillons, relier des canaux… pour faire avancer les choses, se rapprocher des autres et de nos aspirations profondes. Si le chantier peut se trouver au point mort, une rencontre, une idée, peuvent aussi le relancer, lui amener tous les matériaux nécessaires, faire s’imbriquer selon une géométrie parfaite les éléments… vient alors le temps de l’accomplissement personnel, le moment de profiter de l’édifice et d’enfin y vivre en paix.

A l'angle des rues Violet et Fondary, la Maison Meignan - sous-titrée "Le pain des fins palais".

A l’angle des rues Violet et Fondary, la Maison Meignan – sous-titrée « Le pain des fins palais ».

L’avenir nous dira si François-Xavier Meignan est parvenu à bâtir un pont solide entre ses expériences passées et son nouveau statut d’artisan boulanger. Dans tous les cas, le fil conducteur de ses deux vies reste le pain : ex-acheteur auprès de boulangeries industrielles (il négociait des milliers de petits pains comme d’autres font du trading de bourse), sa reconversion fut décidée suite à une annonce surprenante. Un matin, sa femme lui glisse quelques mots au sujet de ses rêves de baguettes. Il était alors grand temps d’écouter son subconscient, de redonner du sens à ses convictions et de les placer au centre d’un nouveau projet. Un CAP de boulanger plus tard, le voici chez lui, dans sa « maison ».

Viennoiseries, Maison Meignan, Paris 15è

Le changement est radical, d’autant plus quand on a baigné dans un univers gangrené par les produits additivés et l’absence totale de sincérité sur le goût et la qualité comme il a pu le faire. Peut-être faut-il parfaitement connaître son ennemi pour le combattre, c’est en tout cas ainsi que l’on pourrait voir les choses.
C’est au 35 rue Violet, dans le 15è arrondissement parisien, que l’entrepreneur a choisi de concrétiser son pari. Un mot qui prend ici tout son sens, car cette boulangerie d’angle aux décors sous verre était fermée de longue date, après avoir un temps abrité une succursale du fameux Moulin de la Vierge. Il aura fallu plusieurs semaines de travaux et une bonne quantité d’huile de coude pour parvenir à redonner vie à ces lieux. Du fait de moyens limités, c’est François-Xavier Meignan qui a pris en charge une partie des travaux… ce qui traduit un certain sens de l’engagement et du sacrifice.

Les prix s'affichent sur des tableaux noirs... et pas de quoi envoyer la Maison Meignan au coin, car les tarifs sont très mesurés : c'est une des volontés de François-Xavier Meignan, qui tient à rester accessible.

Les prix s’affichent sur des tableaux noirs… et pas de quoi envoyer la Maison Meignan au coin, car les tarifs sont très mesurés : c’est une des volontés de François-Xavier Meignan, qui tient à rester accessible.

Vous savez peut-être, si vous me lisez régulièrement, que j’ai quelques à-prioris sur les reconversions professionnelles. De nombreux porteurs de projet arrivent avec de belles idées, pensant révolutionner le secteur de la boulangerie artisanale. Ils n’écoutent rien et finissent par heurter des murs sans même avoir pris conscience de la vitesse à laquelle ils s’y étaient précipités. A l’inverse, notre « jeune » boulanger a abordé la chose avec beaucoup d’humilité et d’ouverture d’esprit. On le retrouve en vente, en production et en gestion : si tous les fronts restent difficiles à mener, il est nécessaire d’en acquérir une bonne maîtrise. Plutôt que de privilégier une stratégie visant à développer rapidement son chiffre d’affaires en proposant une large gamme de produits, ou de céder à la facilité des propositions industrielles, il a choisi de se différencier par des principes forts : on pourrait ainsi résumer son positionnement en trois mots, simple, bon et accessible.

Les pâtisseries : éclairs, tartes, ... uniquement des propositions boulangères. Petit bémol pour les tartes aux fruits rouges, c'est encore un peu tôt !

Les pâtisseries : éclairs, tartes, … uniquement des propositions boulangères. Petit bémol pour les tartes aux fruits rouges, c’est encore un peu tôt !

Simple car nous sommes ici dans une vraie boulangerie : du pain, des viennoiseries, quelques pâtisseries boulangères (tartes, éclairs, financiers et autres moelleux…), sandwiches… les gammes sont courtes et réalisées à partir de produits de qualité. Farine de chez Foricher les Moulins, crémerie Beillevaire, charcuterie livrée par un artisan des alentours, … le sourcing a été travaillé, même si quelques exceptions sont faites au respect des saisons.
Le cadre est à l’avenant : l’histoire de la boutique a été respectée, on y retrouve du bois, des pierres et briques apparentes, ce qui contribue à l’atmosphère chaleureuse de la Maison Meignan. Le service y participe également, avec une équipe jeune et souriante. A l’image de leur employeur, ils sont issus d’horizons variés : la mode, le droit, …

Au fond de la boutique, des tables hautes ont été installées et permettent de consommer sur place. Cela apporte de la vie et participe à créer de la convivialité.

Au fond de la boutique, des tables hautes ont été installées et permettent de consommer sur place. Cela apporte de la vie et participe à créer de la convivialité.

La fraicheur de la reconversion pourrait aussi faire craindre pour la maitrise du savoir-faire, et de ce fait la qualité des produits finis. Pour autant, après seulement un mois d’ouverture, le résultat s’avère tout à fait convaincant. Même si la baguette de Tradition manque de cuisson -une demande de la clientèle, semble-t-il-, elle demeure bien réalisée, avec un levain doux. Les pains spéciaux, dont la plupart sont vendus à la coupe (tourte de Meule, pain des Gaults -seigle et froment- et ses déclinaisons gourmandes renouvelées chaque semaine, pain de Seigle, …), sont très sagement tarifés pour des produits savoureux et offrant d’excellentes qualités de conservation.
La viennoiserie se défend honorablement, avec un feuilletage bien réalisé. Le nombre restreint de références aide à la maitrise du résultat : l’artisan connaît ses limites et ne cherche pas à en faire trop, au risque de faire mal.
Bien sûr, il reste des ajustements à faire, et le matériel ancien, toujours utilisé au laboratoire avec notamment un four datant de plus de 20 ans, n’y est pas étranger. L’accueil de la clientèle semble plutôt positif, cette dernière étant sensible aux choix de François-Xavier Meignan : à Paris, les boulangeries ne ressemblant pas à des épiceries ne sont pas légion… pourtant, c’est une excellente façon de se différencier, et d’apporter aux consommateurs ce qu’ils recherchent : des produits frais, bons et sains.

La boutique a été rafraichie et sa façade arbore à présent des teintes bleutées qui correspondent à l'identité voulue par François-Xavier Meignan.

La boutique a été rafraichie et sa façade arbore à présent des teintes bleutées qui correspondent à l’identité voulue par François-Xavier Meignan.

Je suis heureux de voir que certains osent encore dans cette profession : combien prendraient le risque de ré-ouvrir une affaire fermée, d’autant plus quand l’emplacement n’est pas des plus passants ? C’est aussi un signal encourageant du côté des reconversions professionnelles : après avoir longtemps ouvert la voie à des individus peu concernés par la qualité et sans vision de long terme, je pense que les profils sont en train d’évoluer et que cela pourrait donner lieu à de belles surprises à l’avenir. A suivre, autant ici, dans le 15è arrondissement, qu’ailleurs.

Infos pratiques

35 rue Violet – 75015 Paris (métro Avenue Emile Zola, ligne 10) / tél : 0665588909
ouvert de 7h à 20h, 19h le dimanche.
site internet : http://maisonmeignan.com / Facebook : https://www.facebook.com/Maison-Meignan-557002821131103

Au fil du temps, notre sens des priorités a évolué. Si l’on a longtemps pris en compte les facteurs humains et sociaux, le profit s’est imposé comme une véritable religion, avec toutes les conséquences que cela implique. Nous devons revenir à une certaine forme de bon sens, et agir de façon responsable. Etre responsable, c’est respecter nos ressources, notre planète, et plus globalement l’ensemble des êtres vivants qui nous entourent. Etre responsable, c’est bâtir des projets durables et porteurs d’une notion de progrès.

Il faut livrer, et vite, tant qu'à faire. Dès lors, se garer en double file n'est pas un problème...

Il faut livrer, et vite, tant qu’à faire. Dès lors, se garer en double file n’est pas un problème…

Peut-être avez vous déjà vu ces camions noirs roder dans les rues de la capitale. Ils portent pour seul signe distinctif un carré aux trois lettres évocatrices : LPB, La Parisienne de Baguette. Cette entreprise, implantée à Aubervilliers (93), livre du pain frais fabriqué au sein de leur ligne de production ultra-moderne.

Des baguettes LPB dans une supérette parisienne.

Des baguettes LPB dans une supérette parisienne.

Elle se vante ainsi de pouvoir approvisionner plusieurs fois par jour tous types de commerces et entreprises grâce à une flotte de camions chauffés et géolocalisés. C’est à partir de là que je commence à être gêné : j’ose à peine imaginer les centaines de kilomètres parcourus chaque jour, et l’impact écologique qui s’en suit. Est-ce vraiment responsable ? Bien sûr, la question se pose également pour tous les approvisionnements de produits industriels, à cela près que leurs modes de conservation permettent souvent de les utiliser plusieurs semaines, voire mois. Dès lors, les livraisons sont moins fréquentes… Cette danse continuelle est un non-sens écologique, et donne lieu à des scènes peu reluisantes : camions stationnés en double file, …

LPB ne manque pas de formules pour vanter la qualité de son produit, comme en atteste l'emballage des baguettes "façon Tradition" : "patiemment pétrie" (oui les machines sont patientes, promis), "saveur authentique"...

LPB ne manque pas de formules pour vanter la qualité de son produit, comme en atteste l’emballage des baguettes « façon Tradition » : « patiemment pétrie » (oui les machines sont patientes, promis), « saveur authentique »…

L’entreprise sait en mettre plein la vue avec des chiffres impressionnants : fabrication 7j/7, 24h/24, une capacité de production de 30 tonnes de pâte par jour, soit 230000 baguettes, 1000000 de petits pains, … seulement voilà : pour obtenir de tels résultats, le processus est forcément intensif. LPB exploite une chaine Mecatherm Mecaflow, qui compte parmi les plus modernes du genre. L’ensemble des opérations sont automatisées, du pétrissage à la scarification à l’eau. Une des particularités de l’outil est de pouvoir traiter des pâtes assez hydratées, aux alentours de 70% d’hydratation, alors que beaucoup de chaines du même type sont limitées à des taux plus faibles. On peut voir cela comme un atout pour la qualité du produit… ou un élément positif pour le compte de résultat, l’eau coûtant moins cher que la farine.

On voit déjà que la cuisson est assez courte.

On voit déjà que la cuisson est assez courte.

La qualité est justement la grande prétention de la marque, qui prétend arriver à fournir un pain similaire à celui fabriqué par les artisans boulangers. Soyons réalistes : avec toute la technologie possible aujourd’hui et demain, il restera toujours des variables sur lesquelles une intervention allant dans le sens de la productivité aura toujours des effets regrettables. Au premier plan, le temps. A Aubervilliers, on parvient à fabriquer des baguettes en seulement 3h (40 minutes de pointage, 1h30 de pousse, 20 minutes de cuisson)… Cela laisse songeur.

C'est bien pétri ma petite dame : mie blanche et cotonneuse, je vous laisse imaginer le goût.

C’est bien pétri ma petite dame : mie blanche et cotonneuse, je vous laisse imaginer le goût.

Sur le salon Europain, LPB et son équipe étaient présents au sein d’un large stand, preuve de leurs ambitions. Au delà du pain frais, l’entreprise veut aussi inonder le marché du surgelé. Il faudra faire face aux acteurs déjà bien implantés sur ce segment… d’autant que malgré les prétentions et le discours bien rodé, le produit ne se distingue pas réellement de l’offre existante.
J’ai pu juger sur pièce en achetant du pain dans une supérette approvisionnée par LPB. Premier constat, malgré un temps sec et des livraisons très fréquentes, le pain était invariablement mou. Le mode de cuisson, qui est prétendument identique à celui employé en boulangerie artisanale, fait en réalité appel à des moules et à un four « à effet de sole ». On pourrait longtemps jouer sur les mots, mais cela n’a rien à voir. La sole de la baguette n’est pas saisie et ne présente aucune coloration particulière.

La sole d'une baguette LPB

La sole d’une baguette LPB

Reste le goût. Ou plutôt son absence. C’était plutôt prévisible en voyant cette mie cotonneuse et blanche. Il ne suffit pas d’utiliser de la farine de Tradition -je serais d’ailleurs bien curieux de savoir qui livre la farine !- pour obtenir un résultat savoureux.

Le Stand LPB sur Europain 2016.

Le Stand LPB sur Europain 2016.

Bref, c’est tout de même assez triste de voir que l’on consomme autant de ressources pour aboutir à un tel produit, qui n’est pas respectueux du consommateur : au delà du goût, de tels procédés aboutissent forcément à des pains peu digestes. Il n’y a donc aucune prise de conscience de la responsabilité portée par chacun des acteurs du secteur pour faire en sorte que le pain reste un plaisir et puisse être un vrai produit santé. Plutôt que d’accélérer, il est vraiment temps de ralentir.

Le développement de la boulangerie à l’international est une belle preuve que notre savoir-faire rayonne et peut encore faire rêver de nombreuses personnes, amateurs ou professionnels. Seulement, il ne faudrait pas que nos boulangers les plus talentueux soient tous aspirés par une envie d’ailleurs, car nous serions bien en peine de continuer à renouveler la profession. Pour parvenir à garder des talents, c’est un engagement à tous les niveaux que nous devons porter : de la formation à l’accompagnement pour l’installation en passant par un écosystème favorable à l’épanouissement de la créativité de chacun, les responsabilités sont partagées entre meuniers, banquiers, marchands de fonds… mais aussi clients. Ne l’oublions pas : s’il n’y a personne pour s’intéresser aux produits de nos artisans, leur activité se trouve mise en péril.

Anthony et Pascal

Anthony et Pascal

Pascal Hérault et Anthony Raingeval ont ouvert hier leur boulangerie-pâtisserie au 32 rue de Dantzig, dans le 15è arrondissement parisien. L’un est boulanger, l’autre pâtissier, et ils ont souhaité combiner leurs talents pour offrir à leur clientèle une gamme de douceurs aboutie et cohérente. Si je parlais d’international en introduction, c’est parce que leur parcours est intimement lié à l’export : ils se sont rencontrés chez Gontran Cherrier, et le fameux artisan médiatique a fait le choix de se tourner fortement vers les pays asiatiques pour y développer sa marque. Ainsi, Pascal a réalisé pour son compte 6 ouvertures à Paris et en Asie, et a oeuvré plusieurs années à Singapour. Ce fut également l’occasion de visiter l’Australie, et plus largement de trouver de nombreuses sources d’inspirations pour compléter sa vision du métier. Dès lors, les opportunités ne manquaient pas.

Pascal & Anthony, Paris 15è

Les deux amis sont habités par un sens des responsabilités et du partage qui devrait en inspirer beaucoup : ils ont voulu revenir à Paris pour faire profiter de leur expérience, pour montrer que la boulangerie artisanale pouvait aussi être dynamique dans notre pays, souvent trop englué dans ses traditions.

La boutique est un melting-pot de périodes et d'activités : son carrelage en atteste avec plusieurs zones. Les deux associés n'ont pas cherché à masquer cette histoire mais au contraire à la respecter en apportant leur touche personne et du propre.

La boutique est un melting-pot de périodes et d’activités : son carrelage en atteste avec plusieurs zones. Les deux associés n’ont pas cherché à masquer cette histoire mais au contraire à la respecter en apportant leur touche personne et du propre.

Le résultat ne pouvait qu’être atypique, et il fallait sans doute un lieu tout aussi « hors cadre ». Cette large boutique d’angle était toute trouvée : si elle abritait dernièrement une pizzeria, son histoire a débuté dans le secteur de la boucherie, puisque le bâtiment tout entier accueillait un abattoir. Les années ont passé, les activités parisiennes ont changé, mais les matériaux gardent des souvenirs. Du carrelage ancien, des murs bruts, la boulangerie-pâtisserie-café Pascal & Anthony assume son style très « brut », en respectant le passé tout en proposant une offre très contemporaine.

Côté traiteur : une gamme claire et efficace. Quiches, sandwiches, fougasses, buns... Pour la présentation, le bois est bien présent et renforce le message d'authenticité.

Côté traiteur : une gamme claire et efficace. Quiches, sandwiches, fougasses, buns… Pour la présentation, le bois est bien présent et renforce le message d’authenticité.

Contemporaine par la dimension « lieu de vie » qui a été prise en compte dès le départ, avec de nombreuses tables pour déguster sur place ainsi qu’une sélection de boissons très qualitative. Que ce soit pour le thé -directement ramené de Singapour- ou le café -réalisé à partir de grains fraîchement torréfiés et moulus-, les amateurs seront satisfaits.
La présentation des produits est tout aussi moderne : les vitrines sont sobres, avec un éventail de choix volontairement resserré pour garantir la fraicheur et le goût de chaque proposition. Un véritable travail de sourcing a été mené en amont de l’ouverture, chose qui manque encore trop souvent à nos artisans.

La boutique est naturellement baignée par la lumière, grâce à son emplacement d'angle et ses larges baies vitrées. Ainsi, les pains et viennoiseries se trouvent teintés d'or...

La boutique est naturellement baignée par la lumière, grâce à son emplacement d’angle et ses larges baies vitrées. Ainsi, les pains et viennoiseries se trouvent teintés d’or…

J’ai eu beaucoup de plaisir à retrouver la qualité et la signature qui caractérisaient la gamme développée chez Gontran Cherrier lors de son ouverture dans le 18è arrondissement. Que ce soit en viennoiserie -avec un feuilletage très croustillant, très boulanger, et des brioches très gourmandes (ne pas rater la Vendéenne !)-, en pains -la baguette de Tradition exprime un vif parfum de froment, le Rustique fait honneur à son nom-, en pâtisserie -avec des tartes et pâtes à choux très soignés- ou en traiteur -belle gamme de sandwiches et buns garnis-, les produits sont riches en saveurs et expriment une réelle identité.

Les thés Gryphon, très parfumés.

Les thés Gryphon, très parfumés.

C’est une excellente chose de voir les choses bouger dans ce secteur du 15è arrondissement : jusqu’à présent, peu d’artisans relevaient le niveau, alors que le caractère résidentiel de la zone est particulièrement adaptée pour proposer une offre boulangère. La proximité d’un vaste parc fera sans nul doute de la boulangerie Pascal & Anthony un lieu d’arrêt idéal pour les familles le dimanche. Ajoutez à cela un accueil charmant et sincère, même si -forcément- en rodage, et vous obtenez une affaire qui a déjà toutes les cartes en main pour réussir.

Le secteur d'Anthony avec les propositions sucrées.

Le secteur d’Anthony avec les propositions sucrées.

Infos pratiques

32 rue de Dantzig – 75015 Paris (métro Convention, ligne 12) / tél : 01 43 31 20 03
ouvert du mardi au samedi de 7h30 à 20h, le dimanche de 8h à 19h.

Les bonnes idées, les bons sentiments, n’échappent pas aux règles de la relativité : ce qui peut paraître bien pour soi ne l’est pas forcément pour l’autre, et la notion même de bien est tout à fait détournée chez certains individus. On en arrive ainsi à des situations surprenantes, où le discours tenu pourrait laisser paraître que tout va bien, que la communauté avance avec vertu et bon sens… alors que la réalité est tout autre. Il paraît que cela a même un nom, du marketing. Oups!

La fameuse devanture Banette, avec une affiche pour l'opération Barbagalette. A mon sens, le concept est aujourd'hui tout à fait dépassé : la marque prend complètement le pas sur l'artisan et ne lui laisse pas de possibilité de s'exprimer. Dès lors, sa clientèle ne l'identifie pas clairement comme un artisan indépendant. Le message est trouble. On pourra me dire que la rénovation d'une boutique avec ce concept fait progresser le chiffre d'affaires, tant mieux, mais ne serait-ce pas le cas sans ce marketing intrusif ?

La fameuse devanture Banette, avec une affiche pour l’opération Barbagalette. A mon sens, le concept est aujourd’hui tout à fait dépassé : la marque prend complètement le pas sur l’artisan et ne lui laisse pas de possibilité de s’exprimer. Dès lors, sa clientèle ne l’identifie pas clairement comme un artisan indépendant. Le message est trouble. On pourra me dire que la rénovation d’une boutique avec ce concept fait progresser le chiffre d’affaires, tant mieux, mais ne serait-ce pas le cas sans ce marketing intrusif ?

Je ne voudrais pas dresser un tableau trop sombre, vous savez bien que ce n’est pas dans mes habitudes. En 1979, les meuniers qui se sont regroupés au sein d’Unimie avaient là une bien belle idée : mettre en commun les efforts d’analyse des blés pour parvenir à améliorer la qualité de la matière première… et par la même occasion du pain. C’est ensuite qu’est apparue la marque Banette, un étendard sous lequel ces mêmes entreprises réunies ont développé une démarche plusieurs fois étendue au fil des années : il y a bien sûr eu la fameuse baguette aux bouts pointus, mais aussi la Filière Qualité Banette, le Comptoir Meunier, un marketing toujours plus prolixe, …

Dans l'entrepôt sont disposés de nombreux outils mis à disposition des artisans.

Dans l’entrepôt sont disposés de nombreux outils mis à disposition des artisans.

Aujourd’hui, la PME emploie une quarantaine de personnes, toujours à Briare. Ses activités principales se concentrent au niveau du Comptoir Meunier – où sont élaborés les fantastiques pré-mixes – et de la centrale d’achats, qui met à disposition des artisans une très large gamme d’outils pour animer leur point de vente.
Le groupement n’a plus grand chose à voir avec ce qu’il était au départ, même si ses couleurs et son apparence extérieure demeurent : la concentration progressive du secteur faisant, on trouve des acteurs de très grande taille (Axiane, Nicot) face à des entreprises beaucoup plus modestes. Dès lors, on peut se demander dans quelle mesure Banette peut encore parvenir à emmener la meute dans la même direction, et si l’ensemble des membres du groupement s’y retrouvent…

Comment reconnaître une bonne Banette ?

Comment reconnaître une bonne Banette ? La spécificité du produit est d’être réalisée à partir de pâte fermentée, à l’inverse de nombreux pré-mixes qui incorporent des levains déshydratés-désactivés pour donner du goût. C’est une position entretenue de longue date par le groupement, qui souhaitait ainsi promouvoir le fait que l’artisan apportait du savoir-faire et du goût par la fermentation. Seulement voilà, compte tenu du manque d’application d’un grand nombre de « banetiers » qui générait des pâtes fermentées… très fermentées, Banette a mis en place la « Banette Chef », une préparation qui consiste ni plus ni moins à élaborer cette fameuse base de fermentation sans nécessiter de compétences particulières.

Si j’ai été invité à Briare, c’est sans doute parce que j’avais critiqué assez sévèrement l’opération organisée autour de la Banette au Carambar. Philippe Cavagna, Directeur Général de Maison Banette depuis plusieurs années (issu d’une formation marketing, il a notamment évolué au sein du groupe Soufflet), souhaitait m’expliquer sa vision et le positionnement de son entreprise. J’ai écouté religieusement, j’ai visité. Si on ne m’a pas montré le Comptoir Meunier, j’ai eu droit par contre à la grande fierté locale, l’Ecole Banette.

Ecole Banette, Banette, Briare (45)

Cette école accueille depuis 1993 des personnes en reconversion professionnelle, souhaitant entreprendre dans le secteur de la boulangerie artisanale. Elle délivre un diplôme reconnu par l’Etat, d’un niveau équivalent au brevet de maîtrise. La formation s’étend sur 6 mois, et comprend 4 mois complet à l’école, et 2 mois en stage. Ces derniers sont d’ailleurs obligatoires pour valider le diplôme, comme l’ensemble des modules. En effet, la production n’est pas le seul élément à maîtriser : la gestion et les techniques commerciales sont également au programme.
Après 133 sessions et des taux d’installation plus qu’honorables -Banette annonce que 82% des élèves formés possèdent aujourd’hui leur boulangerie-, la formule a, semble-t-il, fait ses preuves. On ne pourrait regretter que l’engagement qu’elle implique auprès de la marque et l’obligation d’ouvrir une boutique avec le concept associé.

Ils sont venus, ils ont vu... Sur un large mur, on peut dérouler l'historique des sessions de l'école Banette avec des photos de famille.

Ils sont venus, ils ont vu… Sur un large mur, on peut dérouler l’historique des sessions de l’école Banette avec des photos de famille.

Je pense que l’on touche d’ailleurs au véritable point sensible : Banette ne s’est pas renouvelée et est restée figée sur son approche centrée autour d’un nom et d’un marketing global. Si l’on reprend l’histoire de la boulangerie française, cela a permis à une époque de donner de la force à une démarche qualitative, et ainsi relever le niveau en créant une émulation positive. Je ne cherche pas à remettre en question cet impact positif, mais plutôt ce qui a suivi. Cette phase n’aurait du être que transitoire et le modèle aurait du évoluer pour laisser plus de place à l’identité singulière de chaque artisan. Cela n’a pas été le cas et le groupement persiste encore aujourd’hui à s’imposer… au risque de perdre ses membres et les consommateurs.

Des essais de panification sont réalisés quotidiennement au sein du fournil d'essai de Banette, à Briare. Les meuniers membres du groupement sont tenus d'envoyer leurs farines pour analyse afin de vérifier qu'elles correspondent au cahier des charges de la Filière Qualité Banette.

Des essais de panification sont réalisés quotidiennement au sein du fournil d’essai de Banette, à Briare. Les meuniers membres du groupement sont tenus d’envoyer leurs farines pour analyse afin de vérifier qu’elles correspondent au cahier des charges de la Filière Qualité Banette. C’est d’ailleurs le seul label qualité reconnu par le groupement, qui souhaite visiblement -comme pour le reste- faire bande à part. Si l’entreprise avait rejoint le Label Rouge en 1989, elle l’a quitté depuis bien longtemps.

En interne, on essaie de faire le ménage. Certains banetiers ont perdu leur sacro-saint certificat qualité Banette à la suite de visites mystères non concluantes, les critères de qualité se sont durcis, l’équipe d’inspecteurs a été renforcée. La démarche est intéressante car elle dénote d’une volonté initiale de porter des engagements sur le produit et la satisfaction client. Seulement, il ne suffit pas de faire des constats, il faut pouvoir apporter des réponses durables, et cela passe inévitablement par de la formation et du service humain. Or, quand les principaux outils se résument à des préparations prêtes à l’emploi ou des éléments marketing, la situation n’avance pas… et pire encore, finir par pourrir. Je ne prendrai pas de détour pour le dire : nous y sommes aujourd’hui, et des entreprises comme Banette devront assumer leurs responsabilités dans le sombre avenir qui attend de nombreux artisans, et plus globalement la filière de la boulangerie artisanale.

De véritables pièces de musée : les pétrins d'essai Artofex. A eux seuls, je trouve qu'ils sont assez parlants sur l'entreprise : forte d'une histoire, mais cela ne suffit pas. Il faut aujourd'hui apporter de véritables éléments différenciants en terme d'humain et de savoir-faire.

De véritables pièces de musée : les pétrins d’essai Artofex. A eux seuls, je trouve qu’ils sont assez parlants sur l’entreprise : forte d’une histoire, mais cela ne suffit pas. Il faut aujourd’hui apporter de véritables éléments différenciants en terme d’humain et de savoir-faire.

Il faut dire que quand l’on pratique le mélange des genres et que l’on développe une culture des positionnements illisibles, on doit bien s’attendre à avoir quelques retours de bâton. Je n’ai pas fait que visiter Briare, j’ai aussi pris mon bâton de pèlerin pour aller -cette fois en solitaire, sans invitation- découvrir l’Atelier Banette installé à Chartres. Le voyage fut instructif : entre 3+1 à foison, viennoiseries industrielles -surprenant quand on sait que Banette a défendu la viennoiserie maison dès 2008 avec sa démarche « Banette Premium » et bien sûr le charmant mélange allant avec-, lieu hybride entre cafétéria sans âme et boulangerie sans vigueur ni identité, je me suis posé de sérieuses questions sur la vision du marché que pouvaient avoir les têtes pensantes de l’entreprise. Ou plutôt non : j’ai tout simplement eu confirmation du fait qu’elles cherchaient à suivre des tendances pour survivre, sans plus avoir aucune prise sur leur propre destin. Ca serait sans importance si leurs actions n’avaient pas d’impact. Or, de nombreux artisans continuent de les suivre.

L'Atelier Banette à Chartres. Installé en périphérie de la ville, ce lieu n'a rien de bucolique. Son voisin ? Un centre Carglass.

L’Atelier Banette à Chartres. Installé en périphérie de la ville, ce lieu n’a rien de bucolique. Son voisin ? Un centre Carglass.

Ils les suivent sur le tour de France, dans des opérations de co-branding. Carambar l’année dernière, les Barbapapa dans les galettes pour l’épiphanie 2016, Grégory Cuilleron pour des gammes de sandwiches… Banette trouve ses cautions bien en dehors des terrains habituels de l’artisan boulanger. A tort, à raison ? Ma position sur le sujet n’a pas changé, malgré l’argumentaire bien huilé déroulé par Philippe Cavagna. On créé de l’animation, on utilise des marques connues et appréciées des consommateurs, … mais où est la lisibilité, la cohérence, les convictions ? C’est pourtant ce sur quoi de tels acteurs devraient s’appuyer pour agir. Je sais que je parle d’un monde parfait, qui tournerait rond. Nous en sommes bien loin.

Un des fournils de l'école Banette. Les locaux sont bien équipés et permettent aux élèves de se former dans de bonnes conditions.

Un des fournils de l’école Banette. Les locaux sont bien équipés et permettent aux élèves de se former dans de bonnes conditions.

La terre ne s’arrêtera pas de tourner. Progressivement les meuniers se défont de Banette, la relèguent en marque de second rang dans leur portefeuille. Axiane a son « Pain Boulanger », Maurey se démarque toujours plus de l’emprise du groupement dans ses moulins de Chars, Chérisy ou Paul Dupuis… Que restera-t-il à cette marque, à part de beaux souvenirs de grandeur ? C’est un peu l’histoire de la vie qui se rejoue devant nos yeux : à chaque fois, les espèces ont fini par être chassées par des prédateurs plus puissants. Cette fois, le meilleur ennemi de Banette est sans doute elle-même et son inertie. Il n’y a qu’à voir son incapacité à prendre le virage du digital : pas de communication fréquente sur les réseaux sociaux, une page Facebook en friche, un site internet sans actualité… Bienvenue en 2016.

Bref, vous l’aurez compris, à force de s’appuyer sur son histoire, Banette pourrait bien finir par en faire partie… au rang des oubliés.

Savoir transformer ses faiblesses en force, capitaliser sur sa sensibilité singulière pour construire des projets et une vision différents, … autant de façons d’utiliser les cartes que l’on reçoit dès notre plus tendre enfance. Dame de coeur, roi, valet, as de pique, il nous appartient ensuite de placer nos atouts intelligemment et de jouer une partie qui puisse être aussi gagnante que possible… à la fois pour soi et pour les autres. N’oublions jamais que le jeu de la vie reste collectif. La règle est immuable.

Les Belles Envies, Paris 5è

Alixe Bornon a ainsi décidé de faire de son diabète, déclaré à seulement 13 ans, une opportunité pour offrir aux autres l’univers gourmand qu’elle aurait elle-même souhaité découvrir. Cela a donné lieu cette semaine à la naissance de la pâtisserie « Les Belles Envies », au 3 rue Monge, Paris 5è. Peut-être vous en souvenez-vous, il y a quelques mois encore on pouvait y trouver la pâtisserie Ciel… qui est définitivement partie dans les nuages.

Sur chacune des étiquettes, le client est informé de l'Index Glycémique du gâteau. L'IG maximal est ici de 25, ce qui place ces pâtisseries dans la fourchette des IG "faibles", à l'inverse de celles proposées dans les boutiques traditionnelles qui ont tendance à être hyperglycémiantes.

Sur chacune des étiquettes, le client est informé de l’Index Glycémique du gâteau. L’IG maximal est ici de 25, ce qui place ces pâtisseries dans la fourchette des IG « faibles », à l’inverse de celles proposées dans les boutiques traditionnelles qui ont tendance à être hyperglycémiantes. Certaines propositions sont sans gluten.

Le parcours de cette jeune entrepreneuse combine ambition et engagement. Diplômée d’un Master RH, elle a bifurqué vers la pâtisserie et s’est formée à la discipline sucrée pour mieux en appréhender les contours. Pour parvenir à développer son concept et mettre au point les produits, il aura fallu plus de 2 ans de Recherche & Développement et de sourcing : la gamme a été pensée autour de l' »IGC » – Index Glycémique Contrôlé -, ce qui implique de nombreux essais pour établir de façon certaine l’index glycémique de chaque recette. Cuissons, associations de produits, sucres non raffinés, farines de Meule , de Lupin (en collaboration avec le Moulin des Moines), etc… les éléments sont nombreux pour parvenir à des douceurs ne faisant pas grimper de façon excessive le taux de sucre dans le sang, sans pour autant recourir à des solutions discutables, riches en additifs et autres substituts douteux.

Vue d'ensemble, Les Belles Envies, Paris 5è

La santé n’était pas la seule préoccupation dans le processus : il fallait que les pâtisseries et chocolat soient beaux et bons. Avec un positionnement haut de gamme, Les Belles Envies a pour vocation de s’imposer comme une marque forte sur son segment. Dès lors, pas question de laisser le moindre détail au hasard : Alixe Bornon s’est donné les moyens de ses ambitions en levant des fonds et en s’associant avec des cautions techniques et scientifiques. Un diabétologue pour la partie médicale, un chef pâtissier formé chez les Compagnons du Devoir – Louis Taine – au labo, une bonne dose de réseau pour le bruit médiatique… autant d’ingrédients additionnés pour un développement rapide, avec d’ores et déjà l’ambition d’ouvrir rapidement de nouvelles boutiques.

Ambition ne veut pas toujours dire absence de valeurs et de sens. Même si le marketing a été habilement orienté autour de l’IG – sans mention de calories, très souvent culpabilisantes – et du plaisir déculpabilisé ainsi créé, cela trouve un écho dans une nécessité réelle de revenir à une alimentation plus saine. Il faut simplement parvenir à trouver le juste équilibre.
Dans tous les cas, les gourmands ne pourront qu’apprécier les pâtisseries et chocolats proposés ici : elles conjuguent visuel abouti et associations de saveurs audacieuses, où les épices, alcools et infusions jouent le rôle d’exhausteur de goût habituellement tenu par le sucre. Jasmin, verveine, gingembre, cognac, … subliment ainsi le chocolat, la noisette et autres ingrédients issus de la pâtisserie traditionnelle. On retrouve également quelques classiques de la pâtisserie française, comme l’éclair au chocolat ou le Paris-Brest, revus et corrigés pour correspondre au concept du lieu. Les saveurs sont bien marquées et les textures agréables (y compris pour la pâte à choux ou les fonds de tartes, réalisés à partir de farines spécifiques). Côté tarifs, le positionnement « luxe » est pleinement assumé : entre 5 et 6 euros la pâtisserie individuelle, cela reste un budget, même s’il faut prendre en compte le coût matière plus élevé que pour des créations traditionnelles.

Un vrai travail a été mené sur le visuel : les pâtisseries sont très soignées visuellement.

Un vrai travail a été mené sur le visuel : les pâtisseries sont très soignées.

Saluons enfin le travail réalisé au sein de la boutique : l’espace de vente est fluide et casse les codes habituels de la relation client-vendeur par une absence de comptoir. Chacun navigue ainsi librement au sein des deux univers -pâtisseries et chocolats- pour une expérience client agréable et personnalisée. Le laboratoire est visible au fond, ce qui rassure sur la fabrication artisanale des produits.

Le laboratoire, visible derrière une vitre. Au sous-sol, un espace équivalent à celui de la boutique est dédié à la chocolaterie.

Le laboratoire, visible derrière une vitre. Au sous-sol, un espace équivalent à celui de la boutique est dédié à la chocolaterie.

Infos pratiques

3 rue Monge – 75005 Paris (métro Maubert – Mutualité, ligne 10) / tél : 01 42 38 01 41
ouvert tous les jours sauf le lundi de 10h à 20h.
site internet : http://lesbellesenvies.com

On devrait tous faire notre retour à la terre, retrouver nos racines pour devenir des arbres plus forts, plus vertueux. En ce qui concerne la boulangerie, je suis de plus en plus convaincu que cela passe par une meilleure connaissance de la réalité des champs, du blé. Combien d’artisans sont sensibilisés à la sélection variétale réalisée par les coopératives ? Combien mesurent les enjeux que cela représente pour leur produit, et pour leurs clients ? Très peu, en définitive. Cette situation arrange sans doute de nombreux acteurs du métier, car l’ignorance permet de mieux manipuler les foules.

Pains, Le Bricheton, Paris 20è

Maxime Bussy a été à contre-courant de cette masse difforme, dès le début et aujourd’hui encore dans son nouveau projet. Son histoire avec le pain a commencé il y a 7 ans, au sein de l’école Ferrandi. Le jeune artisan s’est formé afin d’ouvrir, à l’époque, une boulangerie à Mexico. Les aléas de la vie faisant, c’est finalement en France qu’il a continué d’écrire son histoire, dans le milieu de la restauration. De table en table, il finit par rencontrer un patron souhaitant réaliser son propre pain. S’en suit alors un véritable « road trip » à travers champs pour aller à la rencontre de producteurs passionnés.
Maxime est parti avec la culture du produit, si chère à la cuisine, il est revenu avec un véritable savoir-faire boulanger. La découverte des paysans-boulangers et l’apprentissage auprès d’eux ont forgé ses convictions, et sa vision d’un pain vertueux, réalisé à base de levain naturel et de blés anciens.
De retour à Paris, sa précieuse expérience fera le bonheur des clients du restaurant Au Passage… jusqu’au moment où s’est posée la question d’ouvrir un lieu dédié à ces fameux pains. Il aurait été difficile de parvenir à faire fonctionner une boulangerie traditionnelle uniquement avec des farines issues de tels circuits, de par leur faible disponibilité et des impératifs de productivité qu’implique la tenue d’une boutique avec une certaine masse salariale. Dès lors, fidèle à ses convictions et souhaitant continuer à travailler de la même façon, le boulanger est parti tracer sa propre route.

La façade discrète du Bricheton

La discrète façade du Bricheton

Initialement, Maxime Bussy envisageait de livrer des restaurateurs depuis un atelier de fabrication, sans avoir pignon sur rue. La disponibilité d’un local au 50 rue de la Réunion, dans le 20è arrondissement, l’a incité à changer ses plans et à s’orienter vers la vente aux particuliers.

On entre directement dans le fournil : pas de boutique, c'est le boulanger qui assure le service... et partage sa passion.

On entre directement dans le fournil : pas de boutique, c’est le boulanger qui assure le service… et partage sa passion.

Le lieu n’est pas encore tout à fait aménagé, mais l’esprit est là, Le Bricheton est né : un four, un meuble et quelques tables pour accueillir les pains, … ici, le produit est roi et il est présenté sans artifice. L’ensemble de la production est réalisée en direct, pétrie à la main – un pétrin manuel en bois est en cours d’assemblage – à base d’un levain naturel de blés anciens. On retrouve sa douce signature acidulée dans les différents pains de la gamme : khorasan, sarrasin, intégral, mélange de blés de population du Sud de la France… autant de propositions qui seront amenées à varier selon les arrivages.
Même si l’activité est encore en rodage, on peut d’ores et déjà apprécier les croûtes bien marquées, les mies souples, douces et les arômes subtils de ces produits atypiques. Toutes les farines utilisées sont issues de l’agriculture biologique.

Le pétrin en bois en cours d'assemblage. Jusqu'à présent, au vu des quantités produites, Maxime pouvait pétrir dans des contenants plus petits.

Le pétrin en bois en cours d’assemblage. Jusqu’à présent, au vu des quantités produites, Maxime pouvait pétrir dans des contenants plus petits.

Le fournil est ouvert 3 jours par semaine, 3 heures à chaque fois. Ces horaires restreints appuient la différence de ce projet, tout en s’inscrivant dans une tendance naissance, cela n’étant pas sans rappeler le fonctionnement du Fournil Ephémère de Montreuil. Pour entretenir des boulangers et des pains heureux, faut-il en faire moins ? La question est toute posée.

Pains, Le Bricheton, Paris 20è

Infos pratiques

50 rue de la Réunion – 75020 Paris (métro Buzenval, ligne 9)
ouvert les mardis, mercredis, vendredis et samedis de 17h à 20h et le dimanche de 11h à 14h.

Les mots peuvent transformer des faits navrants en expériences exceptionnelles. Il faut savoir jouer, manier, retourner, transformer… pour obtenir le résultat souhaité. Bien sûr, cela s’apparente à de la pure malhonnêteté intellectuelle, mais peut-on encore s’en étonner et s’en outrer dans un monde où les valeurs semblent faites pour être piétinées ? On peut aussi voir ça comme une façon de réenchanter des scènes peu engageantes. Nos communicants deviennent alors de grands faiseurs de joie, et armés de leurs stylos -baguettes magiques, devrais-je dire-, ils bâtissent un monde meilleur. La fin du cynisme sera pour un autre jour.

Le stand Banette... ah non, de l'espace inoccupé dans le Hall 5.

Le stand Banette… ah non, de l’espace inoccupé dans le Hall 5.

Ainsi, il paraît qu’Europain est « le plus grand fournil d’Europe ». J’aurais bien dit qu’il s’agissait également du plus grand débit de champagne à bas prix, de la plus grande piste de clowns en costume-cravate… mais on va encore me dire que je suis aigri, à 26 ans, ce serait triste. Voyons les choses autrement.
Je connais ce salon depuis 2012. A l’époque, je découvrais l’univers de la boulangerie, qu’elle soit artisanale ou non. Quand je relis le billet que j’avais écrit, je me dis que les choses n’ont pas beaucoup évolué, à cela près que les problématiques frappent toujours plus fort à nos portes et que le besoin de changement se fait plus pressant.

Le Lab du Boulanger, une nouveauté sur Europain 2016. Pendant 5 jours, des ateliers et démonstrations ont été organisés pour traiter des actualités et tendances de la boulangerie : viennoiseries créatives, digital, levain, pain bio, ...

Le Lab du Boulanger, une nouveauté sur Europain 2016. Pendant 5 jours, des ateliers et démonstrations ont été organisés pour traiter des actualités et tendances de la boulangerie : viennoiseries créatives, digital, levain, pain bio, …

Si l’on doit se limiter à des considérations portées sur le salon en lui-même, il est impossible de passer à côté de son volume toujours plus réduit. De nombreux acteurs de la profession ont fait le choix de ne plus exposer, pour des raisons variées. Banette, Dumée, Vandemoortele, Backeurop, Ireks, Bongard… qu’on les apprécie ou non, l’espace laissé vacant par leur départ n’est pas compensé par de nouveaux entrants. GL Events continue dans la même logique tarifaire, avec des prestations particulièrement onéreuses (que ce soit en terme d’espace, d’emplacement, de services…) qui génèrent forcément leur lot de mécontents.
Cette année, l’organisateur a fait un choix original : traditionnellement, le salon se tenait du samedi au mercredi, ce qui permettait de balayer la plupart des jours de fermeture des artisans – le lundi étant l’un des principaux, le mercredi également. Ce changement de positionnement traduit sans doute une volonté de se tourner plus fortement vers les visiteurs étrangers… Un pari risqué si l’on tient compte des éléments avancés précédemment : Europain manque d’attractivité, et des salons plus petits, à portée plus régionale ou couvrant un champ de métiers plus large (SIAL, SIRHA, Equip’Hotel, …) finissent par lui faire de l’ombre. Est-ce forcément un mal ? L’image qu’il véhicule de la profession n’est pas franchement glorieuse. Faisons un petit tour d’horizon des scènes les plus marquantes…

Un champ de girouettes

Si leur parcours dans la boulangerie devait s’arrêter net, je pense qu’une reconversion dans le domaine de la météo, et plus particulièrement celui du vent, serait toute trouvée pour de nombreuses marques agissant en boulangerie-pâtisserie. Pour comprendre leur positionnement, il suffit de suivre les tendances. Les consommateurs ne veulent plus manger de gluten ? On fait sans, avec une jolie liste d’additifs. Les gens veulent des produits « santé » ? On leur envoie de la poudre aux yeux en ajoutant de petites graines. Ne parlons pas de convictions ou de réalité produit, il n’y en a tout simplement pas. C’est bien là le problème : leur façon d’agir n’est pas orientée au bénéfice des hommes, mais uniquement de leur profit.

Le mélange des genres

Le champ d’activité de certaines entreprises est particulièrement large, et couvre ainsi plusieurs marchés : de la fourniture de farine pour des artisans à la fabrication de viennoiseries et pâtisseries surgelées, il n’y a qu’un pas. Le mélange des genres se retrouve bien sur leurs stands, et il est aujourd’hui complètement assumé. Soufflet affiche sa « Collection Gourmande », les Grands Moulins de Paris servent les « Recettes de mon Moulin », … Dès lors, quel est leur intérêt de travailler à développer le savoir-faire artisanal, plutôt que d’entretenir la dépendance envers leurs « solutions » ? Arrêtez-moi si je me trompe, mais il est inexistant. Le conflit entretenu en permanence est un danger imminent pour la profession.

Un marketing forcené

Quand on n’a pas grand chose à dire de nouveau -l’innovation est en berne !-, il faut trouver de nouvelles couleurs, de nouvelles façons de présenter l’offre. Pour les artisans, cela peut passer par des boutiques toujours plus sophistiquées, des vitrines tape à l’oeil, des outils de communication et de commande modernes… Quant à leurs fournisseurs, les équipes marketing doivent se concentrer sur de nouveaux noms, des slogans dynamiques, des photos bien mises en scène… Tant que le fond ne changera pas, les artisans ne trouveront pas de nouveau dynamisme. La communication n’est pas une solution à nos problématiques : elle doit accompagner un travail de fond sur les valeurs que portent les artisans boulangers et les meuniers-céréaliers-transformateurs variés… mais certainement pas servir à occulter le fait que nous faisons du sur place, et tardons ainsi à répondre concrètement aux attentes des consommateurs.

L’humain et la force de production en retrait

Quand on regarde l’aménagement des stands de certaines entreprises placées au service des artisans (groupements de meuniers, meuniers, …) on constate que leurs équipes de démonstrateurs sont quasi invisibles, cantonnées dans des espaces contraints, comme si ce n’était pas l’essentiel. C’est assez symptomatique du peu d’intérêt qu’elles portent à ce qui est pourtant l’essentiel dans le métier : sans mains expertes ni savoir-faire, pas de bons produits… quoique, tout dépend de ce que l’on considère « bon ». Les pré-mixes sont très bons… pour le compte de résultats de celui qui les vend.

Des boulangeries toujours plus orientées vers la restauration

Au sein du « Restaurant du Boulanger » ou du « Café des conférences », les intervenants se sont succédés pour montrer que l’avenir de la boulangerie passait par la restauration. Ce discours n’a plus grand chose de nouveau, mais ils sont toujours plus nombreux à s’engouffrer dans la brèche et à distiller leurs si précieux conseils : consultants divers et variés, grands entrepreneurs… Leurs présentations sont remplies de statistiques et de tendances qui doivent nous aider à comprendre les attentes des consommateurs. Seulement, à vouloir faire tout sauf de la boulangerie, on finit par oublier qui on est… et par faire n’importe quoi, à commencer par faire entrer dans sa boutique des produits industriels. Le jour où il faudra revenir aux fondamentaux et redevenir artisan boulanger, l’atterrissage sera difficile, et cela se finira dans doute en crash. C’est justement ce qui est en train de se produire : les fermetures se multiplient, les redressements et liquidations également. On peut choisir de se voiler la face et mettre cela sur le compte d’une concurrence féroce. Je l’analyse plutôt dans le sens que le positionnement engagé par la profession n’était pas le bon.

Les équipes de Marie Blachère s'activaient sur le stand de l'agenceur italien Costa. Un drôle de choix pour cette entreprise qui se positionne plutôt sur un segment haut de gamme, et qui donnait lieu à un bien triste spectacle : des produits médiocres, dont la plupart d'origine industrielle, étaient proposés à la dégustation et bénéficiaient ainsi d'une mise en avant indue.

Les équipes de Marie Blachère s’activaient sur le stand de l’agenceur italien Costa. Un drôle de choix pour cette entreprise qui se positionne plutôt sur un segment haut de gamme, et qui donnait lieu à un bien triste spectacle : des produits médiocres, dont la plupart d’origine industrielle, étaient proposés à la dégustation et bénéficiaient ainsi d’une mise en avant indue.

… de l’espoir ?

Il en reste, malgré tout. Tant qu’il y a de la vie…
Les concours et la ferveur qu’ils génèrent nous prouvent que la boulangerie peut encore faire rêver, mais pour cela il faut y remettre du sens. Cela passe par une remise à plat de nos process, il faut tout simplement… ralentir, à tous les niveaux : revenir à des modes de culture moins intensifs, cesser de toujours renforcer la mainmise de certains acteurs sur la filière (notamment des coopératives céréalières), utiliser des variétés de blé à plus faible valeur technologique mais mieux assimilables, travailler sur la fermentations, les levains… C’est ainsi que la boulangerie pourra commencer à répondre vraiment aux attentes de ses consommateurs : aujourd’hui, il est question de produits sains. En effet, la santé est une préoccupation majeure de notre société, et on se rend bien compte que nos pratiques déraisonnables ne vont pas dans ce sens.

Il n’y a pas une seule vision de la boulangerie, c’est un peu comme la vérité en philosophie, nous devons adopter une vision plurielle. Europain correspond majoritairement à une approche, mais je suis à présent convaincu qu’elle finira par disparaître. A court terme chez les artisans, puisque ceux qui persisteront à y souscrire se feront tout simplement laminer, à moyen voire long terme chez les industriels qui devront faire face à d’inévitables scandales alimentaires et à la défiance de l’opinion.

Rendez-vous dans deux ans pour faire le point.

Notre sens du goût est défini culturellement : c’est un élément acquis et non pas inné. Dès lors, il n’y a pas de contrainte physique qui pourrait nous empêcher d’apprécier l’ensemble des saveurs et produits mis à notre disposition. Bâtir sa liberté culinaire, c’est abattre les frontières du « j’aime » et « je n’aime pas », remettre en question nos idées pré-conçues et toujours chercher à découvrir. J’ai été beaucoup inspiré par le travail de Philippe Conticini sur cette voie : le célèbre chef pâtissier a cherché a remettre à plat son goût pour mieux se connaître et être en mesure de se définir pleinement, pour savoir ce qu’il voulait offrir aux autres. Une telle démarche met bien en valeur l’importance que l’on devrait donner à l’éducation sensorielle, et aux apprentissages qui devraient être réalisés dès le plus jeune âge autour de l’alimentation. L’enjeu est de taille : il faut parvenir à transmettre aux générations futures des valeurs, le goût du bon… en sachant aussi ce qui l’est moins.

Les traditions sont d’ailleurs un élément clé de notre culture culinaire. Selon qu’on soit né en France, en Amérique, en Asie, en Afrique… nos habitudes en terme de repas seront différentes. Cela s’explique par la disponibilité de certains produits localement, par un mode de vie particulier, par un climat… ou par des contraintes politiques établies à un moment donné.
En Toscane, le sel était particulièrement cher, ce qui a poussé les habitants à s’en passer le plus possible… et notamment dans le pain. Ainsi est né leur tradition d’un pain sans sel, qui s’est révélé idéal pour accompagner charcuteries et fromages, largement consommés dans ce territoire.

Mur à pains avec la Toscana, Foricher les Moulins

Aujourd’hui, dans notre vision du pain français, il nous paraîtrait bien difficile de se passer de sel : son taux avait par ailleurs explosé en même temps que les boulangers adoptaient des processus intensifiés. Pour « corriger » le caractère fade du produit et réguler la fermentation, on y allait par poignées dans les pétrins… souvent sans même le peser. Tout cela n’est pas bon pour la santé : le corps médical nous a alerté sur les méfaits d’une consommation excessive de sel, notamment pour la tension artérielle. Le pain fait partie de l’alimentation courante, et il doit participer à l’effort de réduction de la consommation. Le Plan National Nutrition Santé -PNNS- visait un objectif à 18g de sel par kilo de farine pour fin 2014… je pense que nous en sommes encore loin dans certaines boulangeries.

La Toscana nature et sa déclinaison aux noix de pécan

La Toscana nature et sa déclinaison aux noix de pécan

Patrick Cognard et Yvon Foricher ont découvert le pain Toscane lors d’un déplacement en Italie pour participer à la mise en place d’un partenariat avec un distributeur local. Si l’idée les a interpelés, ils ont aussi trouvé le produit fort décevant dans bien des cas. Piqué au vif, le fameux boulanger démonstrateur a multiplié les essais et les recherches de retour en France. C’est un travail de plusieurs années qui s’achève avec la présentation au salon Europain de la farine et du pain Toscane par Foricher les Moulins.
Nous sommes bien loin de l’idée que l’on se fait habituellement d’un pain sans sel : généralement, c’est un produit très pâle, sans saveur. En voyant ces belles tourtes à la croûte dorée, difficile d’imaginer leur secret.

Une fiche produit complète a été élaborée pour présenter la Toscana.

Une fiche produit complète a été élaborée pour présenter la Toscana.

Leur secret n’en est pas tout à fait un : pour parvenir à un tel résultat, il faut mener un travail sur le levain et la fermentation. C’est de cette façon que l’on développe les arômes, la croûte, … en bref, que l’on aboutit à un produit de qualité. Patrick Cognard et son équipe ont fait le choix d’utiliser une farine T80, moulue à partir de blés CRC.
Bien sûr, une fois en bouche, les sensations sont surprenantes : le sel stimule les papilles, il nous fait saliver et relance l’envie. Ici, rien de tout ça. On ressent des notes torréfiées, un goût de céréales pur et sans biais. La déclinaison aux noix de pécan n’est pas sans intérêt : le croquant des fruits secs apporte de la texture et leur saveur particulière. Comme en Italie, le pain Toscane est le compagnon idéal des plateaux de charcuterie et des fromages. Personnellement, je l’ai aussi beaucoup apprécié seul, ou avec un peu de beurre.
En laissant vieillir ce produit, son goût s’affirme, notre palais s’habitue au changement… après tout, pourquoi pas ? Il ne s’agira sans doute pas d’un produit de masse -j’en ai vu plus d’un rebuté par son caractère atypique !-, mais l’expérience a du sens si l’on prend un peu de recul.

Plutôt que de chercher à toujours ajouter des éléments extérieurs, des exhausteurs de goût, on revient aux fondamentaux, au savoir-faire du boulanger : la maîtrise de la fermentation et des levains. L’importance de la qualité de la matière première est aussi mise en avant : sans bonne farine, pas de saveur. Les écrits de Parmentier défendaient le fait que le levain devait être l’assaisonnement du pain. Nous sommes pleinement dans cet esprit, et sans aller jusqu’à 0g de sel, on peut tout à fait imaginer une réduction moins drastique du taux sans rogner sur le plaisir de dégustation. Aujourd’hui 18g, demain 10g ? Soyons réalistes, exigeons l’impossible !

Pain la Toscana, Foricher les Moulins, présenté en avant-première au salon Europain 2016. Prochainement disponible chez des artisans boulangers clients de ce meunier.

Rien n’est acquis de façon certaine et définitive. L’argent, les biens matériels, le regard de l’être aimé… chaque jour, chaque heure qui passe peut tout remettre en question. Il faut alors savoir rester alerte, continuer à avancer, sentir où va le vent et décider de le suivre ou bien de prendre une autre direction… de tracer sa route.
Beaucoup d’artisans n’ont pas intégré le fait que leur « supériorité naturelle » sur le reste de l’offre boulangère ne serait pas éternelle. Pire encore, elle est à présent sérieusement remise en question. Même constat pour de nombreuses « institutions » aux marques reconnues, qui sont à présent complètement dépassées.

Ere de Pain, Saint-Cyr-sur-Loire (37)

Heureusement certains ont bien compris que plutôt que d’avoir à sortir les rames dans un avenir plus ou moins lointain, il valait mieux continuer à investir dans son moteur. C’est précisément le cas chez Hardouin boulanger, qui a ouvert courant janvier une nouvelle adresse à Saint-Cyr-sur-Loire (37), appelée Ere de Pain. Si le nom de l’artisan n’est certainement pas inconnu aux tourangeaux, c’est qu’il a développé au fil du temps une clientèle fidèle grâce à des produits de qualité… et une impressionnante gamme de pains. Qu’ils soient réalisés à partir de farines variées (petit épeautre, sarrasin, Kamut, …) ou aromatisés (ingrédients salés ou sucrés, graines, …), ils ont en commun d’être réalisés à partir de levain naturel et d’offrir d’excellentes qualités de conservation. Sous les Halles ou en boutique, j’avais été surpris par cette diversité, même si je pense que ce n’est pas toujours idéal pour garantir la fraicheur de l’ensemble des produits.

Pâtisseries, Ere de Pain, Saint-Cyr-sur-Loire (37)

La nouvelle boulangerie se situe dans un bâtiment neuf, au bord d’une route passante et à proximité d’un quartier résidentiel. Les artisans s’activent sur près de 300m2 et peuvent pleinement exprimer leur savoir-faire grâce à des locaux aménagés en fonction de leurs besoins, et équipés d’un matériel performant. Froid BCR, four Tagliavini, … le tout pour transformer des matières premières de qualité, à l’image des farines Label Rouge et Biologique de la Minoterie Bourseau.

Four Tagliavini

Four Tagliavini

La boutique met bien en valeur les produits grâce à un assemblage élégant de bois et de pierres, un éclairage délicat et une circulation optimisée dans l’espace. Je ne suis pas forcément un grand adepte des gâteaux sous cloche, mais qu’importe puisque des linéaires « classiques » restent en place.

Pains, Ere de Pain, Saint-Cyr-sur-Loire (37)

Willy Hardouin a cédé les rennes de son entreprise courant 2014. Quand on sait combien ce genre de transmission peut aboutir à des situations regrettables, il y a de quoi se dire que le choix réalisé pour la reprise était le bon : la maison continue de vivre, et mieux encore, de grandir.

Les petits gâteaux de voyage aux saveurs variées.

Les petits gâteaux de voyage aux saveurs variées.

Infos pratiques

55 Quai des Maisons Blanches – 37540 Saint-Cyr-sur-Loire / tél : 02 47 51 53 31
ouvert du mardi au samedi de 6h30 à 19h30, le dimanche de 7h à 13h.