Billets d'humeur

16
Juin

2011

Les viennoiseries de la honte

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Il y a des secrets qui feraient mieux d’être gardés, tant ils illustrent les dérives de notre société moderne. L’un d’entre eux ? Celui qui entoure nombre de viennoiseries vendues en boulangerie. On imagine toujours le travail passionné de l’artisan en train de découper des triangles de pâte feuilletée pour façonner ses croissants, après avoir préparé amoureusement ses détrempes… La réalité est tout autre aujourd’hui, dans nombre de fournils.
Il suffit d’ouvrir le congélateur, de prélever quelques viennoiseries, de les passer au four… et l’affaire est dans le sac. Pré-cuit surgelé, voilà comment cela s’appelle. En fait, nous pourrions tous le faire, cela revient un peu à acheter ce type de produit dans les circuits de distribution classiques puis les faire cuire. Le coût est au final plus faible, de plus le résultat est plus « frais ».

Je trouve que tout cela est honteux. C’est un mensonge, une tromperie : les clients pensent acheter des produits de qualité supérieure en se rendant chez leur artisan, ils pensent encourager une certaine démarche à contre-courant de l’industrialisation croissante de l’alimentaire et y mettent le prix, car les viennoiseries ont un coût non négligeable. Au final, on se moque d’eux. Drôle de façon de remercier sa clientèle !

Cela pourrait être une pratique isolée, mais en réalité, c’est le cas dans plus de 80% des boulangeries. Employer un ouvrier compétent pour le tourage présente un coût non négligeable, ce sont des compétences assez rares. En effet, il n’existe plus de formation spécifique pour ce métier. Le savoir-faire se perd… De plus, la réalisation de la pâte feuilletée prend plus de 12 heures au total, du fait des temps de repos à respecter entre les différents tours. Forcément, il est plus simple d’ouvrir un congélateur. Entre simplicité et moralité, beaucoup semblent avoir fait leur choix. Je ne vais pas les condamner, c’est un peu compréhensible, ils veulent faire perdurer leur affaire. Je ne sais pas si je pourrais agir ainsi, tout de même.

Bien sûr, il reste des passionnés, des gens chez qui vous trouverez des douceurs réalisées dans les règles de l’art. Au final, elles seront peut être à peine plus chères que ces produits surgelés. Tant qu’à faire, il faut bien s’octroyer des marges confortables. Sur Paris, ces adresses sont peut être moins introuvables qu’ailleurs, même si au vu du nombre de boulangeries le pourcentage doit être très faible. On pourra notamment citer Des Gâteaux et du Pain dont les viennoiseries sont superbes, le feuilletage très fin et les cuissons bien marquées, ainsi que Du Pain et des Idées pour sa gamme d’escargots, Dominique Saibron et ses nombreuses spécialités, Gontran Cherrier, … J’en oublie sûrement, mais cela fait déjà une bonne entrée en matière !

Réflexions

07
Juin

2011

De l’autre côté du comptoir

Aller acheter son pain, c’est aussi s’insérer dans la société. Pendant quelques instants on partage des mots, un sourire, c’est simple mais c’est la vie. Pour des personnes un peu « à la marge », cela représente quelque chose d’important.
Aujourd’hui je voudrais me placer de l’autre côté du comptoir, à la place de tous ces vendeurs et vendeuses qui font notre expérience de client jour après jour. Je connais un peu tout cela puisque j’ai moi même été de ceux-ci, certes au sein d’une pâtisserie, mais on retrouve beaucoup de points communs.

Composer, accepter, sourire, faire preuve de compréhension… Ce n’est pas toujours facile, d’autant qu’il faut faire abstraction de ses propres états d’humeurs, pour laisser s’exprimer ceux des clients. Le métier est parfois ingrat, notamment lorsque l’on se retrouve face à des personnes complètement indifférentes voire irrespectueuses. Les salaires ne sont pas bien élevés, les conditions de travail parfois difficiles. Pour autant, je pense qu’il y a des choses à en apprendre, des leçons à en retirer. De tolérance, de savoir-vivre, avant tout. Se mettre à la disposition des autres de cette façon n’est pas donné à tout le monde !

J’essaie d’être le plus tolérant possible, en tant que client. Je ne sais pas si cela se ressent dans ce que j’écris au sujet du personnel des boutiques que je visite, mais je cherche toujours à mettre en avant leur travail, même si tout n’est pas parfait. Avoir un mot gentil, chercher l’appoint spontanément… Des gestes simples, qui ne coûtent pas grand chose, mais apportent un peu de chaleur dans cette relation dont la base est purement marchande. Le pain est une histoire de partage, et cela se vit aussi au sein de la boutique.

On peut critiquer le sens du service à la française mais je trouve que dans l’ensemble nos boulangeries parisiennes ne sont pas si mauvaises que cela de ce point de vue. Globalement, j’ai l’habitude d’être bien accueilli, au moins de façon professionnelle. Je voulais simplement rendre un petit hommage à ces hommes et à ces femmes qui « partagent » nos envies de pains, pâtisseries, viennoiseries ou autres produits vendus en boulangerie. Passer de l’autre côté du comptoir, c’est une expérience – parfois belle, parfois douloureuse. C’est en tout cas une aventure humaine, et personnellement je ne regrette en aucune façon de l’avoir vécue. J’y reviendrai peut être un jour prochain, car même si l’on considère souvent que c’est un métier nécessitant peu de réflexion et d’esprit d’initiative, je trouve enrichissante la possibilité de partager avec des clients l’amour des produits que l’on propose.

Alors merci à tous, vendeurs, vendeuses, boulangers, pâtissiers… Faites nous rêver ! et à demain, tiens, on aura sûrement quelques mots à se dire.

Réflexions

04
Juin

2011

Roulés dans la farine

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Le blé, toujours le blé. Pardon, je parle bien de celui que l’on trouve dans les champs, quoique… Au vu de l’envolée des cours de ces derniers mois, tout cela finit par se confondre !
Quand on achète du pain, comment savoir d’où provient la farine ? De quelle qualité est-elle ? C’est pourtant l’ingrédient de base !

Sur le marché co-existent plusieurs dizaines d’acteurs, de tailles diverses. Parmi les plus imposants, Nutrixo/Grands Moulins de Paris, détenteur de nombreuses marques bien connues du grand public (Francine, Ronde des Pains, …). On pourra citer également les groupements Banette, Festival des Pains, les moulins Bourgeois, Baguépi/Moulins Soufflet…
Ils possèdent chacun leurs gammes de farines et de préparations destinées à faciliter le travail des artisans boulangers. Campaillette, Fantine, Baguépi, Banette, des noms qui nous sont presque familiers mais derrière lesquels se cache une réalité assez douteuse.

Des additifs, des additifs, il faut que ce soit facile pour le boulanger et attirant pour le client : des baguettes bien craquantes, de jolies couleurs… pendant une ou deux heures. Au delà, l’effet passe. Seulement, l’acte d’achat est passé, la mission est remplie. En plus de cet aspect conservation se pose la question du recul que l’on peut avoir sur l’utilisation de tels ingrédients. Je ne suis pas certain que nous en ayons assez pour affirmer que tout cela est sans risque pour la santé humaine. Facilité, toujours facilité. Ces mélanges sont une aubaine pour les boulangers peu créatifs, peu passionnés, peu… boulangers, en définitive.
Je suis curieux, j’ai été consulter le site des moulins Dumée, propriétaire de la marque « blonde de pain »… une farine « renforcée en protéines », ça me donne envie, en tant que consommateur. Que cherche-t-on à me faire manger ?

Roulé dans la farine, voilà. C’est bien l’expression consacrée, et je trouve qu’elle prend vraiment tout son sens. Parlons-en de cette farine, en dehors de ce qu’on lui rajoute. Il faut faire moins cher, alors pourquoi ne pas faire venir les blés de plus loin ? Les moulins entretiennent une certaine opacité autour de la provenance des blés utilisés dans les farines les moins coûteuses. Pourquoi se priver d’importer du blé de l’Europe de l’Est, où la main d’oeuvre est moins coûteuse ? Nos terroirs français ont si peu d’intérêt devant les intérêts économiques. On retrouve cette même logique… dans l’agriculture biologique ! Regardez les farines proposées dans les rayons de vos supermarchés. Certifiées, toutes vertes et fantastiques, oui, mais françaises ? Pas toujours.
Question d’origine et aussi question de type. T45, T55, T65, T80… Cela peut paraître un peu barbare pour les « simples mortels » que nous sommes. En réalité, ce sont des farines plus ou moins blanches, celles aux indices les plus élevés contiendront le plus de son, et inversement pour les plus faibles. Cela réside dans le fait que l’on retire plus ou moins l’enveloppe du blé. Côté nutrition, il faut éviter les farines très blanches, présentant un index glycémique élevé. Pourtant, ce sont celles qui seront les plus appréciées par cette « boulangerie fénéante » et productiviste : plus faciles à mettre en oeuvre, moins chères… tout ce qu’il faut pour leur plaire !

Au final ? On nous vend un produit à un prix assez élevé pour une qualité plus que médiocre. Seul le vrai travail artisanal, avec des farines de tradition ou de meule, voire complètes, sur levain ou avec très peu de levure, beaucoup de repos -d’amour aussi- donne un résultat qui ait du sens. On retrouve ce type de pain chez de vrais boulangers, amoureux de leur métiers, des terroirs. J’en ai déjà cité quelques uns ici, je continuerai à la faire. Pour que nous ne nous fassions plus rouler dans la farine.

Billets d'humeur

31
Mai

2011

Régimes et pains

Alors que les « grands pontes » du régimes tentent de s’entre-tuer pour récupérer des parts du gâteau, je me demandais comment il était possible de croire en ces méthodes pseudo-miracle. En réalité, elles se basent sur un profond déséquilibre de l’alimentation et vont imposer au corps des conditions extrêmes… alors que la seule façon de perdre du poids, dès lors que c’est nécessaire, bien sûr, se base sur un meilleur équilibre alimentaire et sur de l’activité physique.

Dans ce cadre, le pain n’est pas à proscrire, au contraire, il apporte des féculents et sucres lents qui éviteront les fringales entre les repas et donc les tendances au grignotage intempestif. J’aurais bien du mal à suivre un régime tel que celui de Dukan où les glucides sont proscrits pendant certaines phases ! Je passerai bien sûr sur toutes ces galettes et autres préparations à base de son d’avoine… Cela me donne un peu froid dans le dos.

Tout est une question de bon sens… aucun aliment n’est à proscrire, seuls les excès doivent l’être. En réalité, cela doit être lié au culte voué à la facilité et à la rapidité. On veut obtenir les choses immédiatement sans avoir à faire d’efforts. Ces méthodes ont des résultats visibles et quasi-immédiats, oui. Ce n’est pas forcément durable, au final.
Un peu de pain avec une salade, un poisson ou une viande, un léger assaisonnement… Quoi de plus léger et sein ? Pas besoin de régime ! L’important, au final, c’est aussi le plaisir.

Chez Du Pain et des Idées, on aime bien faire dans le disruptif, visiblement. En effet, Christophe Vasseur a récemment annoncé son intention d’arrêter de vendre des baguettes pour se consacrer à la « star » de sa boutique, le médiatique Pain des Amis. Je suis assez perplexe et en désaccord avec ce choix.

Le pain est quelque chose de simple, d’accessible. Il doit le rester. Par le passé, les augmentations de son prix ont provoqué des révoltes. Aujourd’hui, la situation est certainement moins tendue mais il n’en demeure pas moins qu’une partie de la population n’a pas les moyens – ou ne souhaite pas les mettre, c’est un autre débat – de payer une baguette de tradition et préfère le pain « ordinaire », très blanc et… peu savoureux. C’est dommage, autant pour les artisans que pour les consommateurs qui n’ont pas sur leurs tables des produits de qualité. Néanmoins, la baguette de tradition reste le produit le plus accessible des pains « premium », respectant des méthodes de fabrication raisonnées.

Chez Christophe Vasseur, le pain n’est pas particulièrement bon marché. Aujourd’hui, la baguette parisienne marque l' »entrée de gamme », pour 1 euros 15 les 250gr. Vient ensuite la flûte à l’ancienne pour 1 euros 35 les 200gr. Le Pain des Amis et le Pagnol sont proposés à 2 euros 10 les 250gr. 8,4 euros le kilogramme, ce n’est pas rien. Certes, c’est certainement justifié par l’emploi de matières premières de qualité, d’une productivité relativement faible du fait de la (très) longue fermentation de la pâte… mais c’est un tarif élevé, que beaucoup ne souhaitent pas mettre – et c’est tout à fait justifié, chacun met ses priorités là où il l’entend !

En supprimant la baguette, je pense que l’on aboutit à une boulangerie élitiste, dédiée à des privilégiés, ou bien à des personnes particulièrement sensibles au pain qu’elles achètent. Je peux dire que j’en fais partie, j’aime beaucoup le Pain des Amis et le Pagnol, mais je suis attaché aux valeurs de partage et d’universalité qui sont celles du pain. Je refuse qu’on les perde. Alors, que faire ? Pour ma part, je crois que ce sera simple : je cesserai d’être client, bien que je continue à apprécier les produits. Façon de signifier mon désaccord…

Je sais que je ne suis pas le seul à être contre, j’espère simplement que M. Vasseur prendra le temps de peser l’impact de sa décision.

Hier soir, quai du RER D… Un couple, baguettes au pavot achetées au point chaud Bonne Journée juste au dessus. Un peu de tristesse pour moi. Oh, oui, c’est pratique, surtout quand on rentre du travail et que l’on est fatigués. Pour autant, ce n’est pas de la boulangerie, ce n’est pas vraiment du pain. Juste des assemblages de farine, d’eau, de levure, de sel et d’additifs étranges. Pas de vie, pas d’âme là dedans. Pour le goût, on repassera aussi.

Ces dernières années, les « points chauds » se sont développés sur notre territoire, pourtant patrie du bon pain. Leur avantage ? Etre en mesure de fournir du pain chaud à toute heure de la journée, et s’installer à proximité des lieux de passage des urbains actifs. La Brioche Dorée, la Mie Câline ou encore Paul (même si dans ce dernier cas certains points de vente continuent à produire le pain sur place), ces enseignes font partie du paysage et même du quotidien de beaucoup d’entre nous. J’ai du mal à m’y faire, à m’y résoudre, et pourtant.

Ce pain n’est pas bon, que ce soit à la dégustation ou sur le plan santé : farines très blanches, de mauvaise qualité, utilisation d’additifs… mais pourquoi l’achète-t-on ? Sûrement parce qu’il est chaud, cela sent bon, vive le spectacle. De plus, ce n’est pas trop cuit, bien blanc, bien mou. Facile. Je crois que nous sommes en train de devenir une génération d’hommes et de femmes habitués au « manger mou », un peu tout le temps, partout. Ce pain correspond bien à ces habitudes alimentaires déréglées.

Je dois être trop sensible, trop amoureux des belles et bonnes choses, car cela me touche. Nous sommes tout simplement en train de perdre le goût de ce savoir faire artisanal, de ce qui s’est construit lentement, au fil des siècles et de l’expérience. Une idée intolérable.

J’ai pris un peu de temps pour visionner et réfléchir au sujet de ce reportage.
Le message est en ligne avec l’air du temps et ce que je cherche à défendre ici : le « bon » pain doit se développer et prendre le pas sur ces masses blanches et difformes que l’on vendait sous la même dénomination.

Tout d’abord, une belle publicité est faite au couple Landemaine, bien qu’ils n’en aient pas vraiment besoin ! (boulanger de l’année pour le guide Pudlo, s’il vous plaît)
L’histoire de la jeune boulangère en reconversion professionnelle est un peu cousue de fil blanc mais cela traduit une certaine attirance envers ces métiers artisanaux. On peut toujours citer l’exemple de reconversions particulièrement réussies comme celle de Christophe Vasseur. De métier pas franchement glamour, avec des horaires et des conditions de travail difficiles, boulanger serait-il en train de devenir à la mode ? N’exagérons rien, mais cette « poussée » de vocations ne peut qu’être bénéfique pour la qualité du produit : ce seront toujours les artisans passionnés qui seront le plus à même de mettre de l’amour dans leur pain… et c’est un ingrédient bien nécessaire !

L’accent mis sur l’importance de la qualité des matières premières est tout à fait justifié. Il sera difficile de faire du bon pain avec de mauvaises farines. De plus, des farines telles que la T55 sont à déconseiller fortement, car elles présentent un indice glycémique élevé tout en n’offrant quasiment plus aucune source de fibres. Bien sûr, c’est joli, cela lève facilement, c’est plus facile à mettre en oeuvre… à bas la facilité au détriment du consommateur !
Pour autant, et c’est là que mon avis diverge avec celui de plusieurs intervenants de ce reportage, il ne faut pas tomber dans une forme d’intégrisme qui imposerait l’utilisation de levain et de farines bises (T80) ou complètes (T150). Ce n’est pas forcément un pain qui correspond aux goûts des consommateurs à l’heure actuelle, je ne peux pas dire que je sois par exemple un grand adepte du pain complet qui demeure assez dense et « bourratif ». Egalement, l’acidité caractéristique des pains au levain n’est pas appréciée par tout le monde… Il existe d’excellents pains de tradition française, tels que le Pain des Amis ou les pains de la gamme Alésiane de chez Dominique Saibron. Leur conservation, certes plus limitée que celle des pains au levain, reste excellente.

La quête du bon Pain n’est pas forcément de tout repos – surtout sur Paris où l’offre est diversifiée, mais cela est peut être pire encore en province où la plupart des artisans ont maintenant rejoint les grands « réseaux » proposés par les meuniers. C’est bientôt la Saint Honoré, patron des boulangers. On pourrait peut être lui demander un miracle… en attendant, faisons avec ce que nous avons. Utilisons nos meilleures matières premières (pas forcément bio, mais du moins cultivées dans le respect de nos terres), mettons de bons artisans dans les fournils. Nous avons aussi un rôle à jouer : en acceptant de mettre quelques centimes de plus pour acheter un bon pain, nous encourageons le maintien – et le développement – de filières plus qualitatives. Pour quelques centimes, cela n’en vaut-il pas la peine ? Le changement s’écrit au quotidien…

Le pain a repris ces dernières années un peu de place sur nos tables, avec une attention plus importante portée à celui-ci par les consommateurs (même si le pain industriel a encore de beaux jours devant lui !). Longtemps considéré comme un aliment ayant tendance à faire prendre du poids, ses vertus nutritionnelles lui ont été rendues… s’il n’est pas consommé en excès (comme le reste, en fait). Personnellement, je ne conçois pas de repas sans un bon morceau de pain, il m’accompagne avec la viande, le poisson ou les légumes.

Seulement voilà. Encore faut-il qu’il soit bon. Malheureusement, c’est quelque chose de souvent négligé – parfois volontairement – par les restaurateurs. Qui n’a jamais eu l’immense plaisir de déguster une baguette bien blanche avec son repas ? C’est monnaie courante, particulièrement dans les grandes enseignes de restauration. Réduction des coûts, voire même politique perverse : le pain n’étant pas bon, le client en mangera moins et aura tendance à consommer plus.

Avant de voir du pain à table, j’aimerais déjà que la question de l’équilibre alimentaire soit posée : il n’est pas nécessaire d’en manger alors que le plat contient déjà une importante ration de féculents. C’est notamment le cas dans les pizzerias, ou bien lorsque des frites sont proposées. Pourtant, je vois tellement souvent des corbeilles de pain sur les tables… Soyons raisonnables !
L’absence de pain pourrait également être l’expression d’un choix du restaurateur : en effet, c’est un modérateur de goût. Certains font ainsi le choix de ne pas fournir de pain à leurs clients pour qu’ils dégustent pleinement les mets. C’est une position qui se défend… pour une cuisine d’exception. Cela reste une pratique un peu « militaire » : n’est-il pas mieux de laisser à chacun la possibilité de faire ses propres choix ?

Dans le sens inverse, certains ont fait le choix de donner au pain une place capitale dans le repas de leurs clients. Ce sera notamment le cas dans des bars à tartines, tel que celui ouvert par Eric Kayser au sein de son adresse de la rue du Bac. On peut également citer l’initiative de Benjamin Turquier, créateur du « BarAPain », installé au 27 boulevard du Temple dans le 3è arrondissement. En effet, en plus de sa boulangerie « 134 RdT » juste derrière, il a aménagé un lieu où sont proposées 20 sortes de pain qui accompagneront tapenades, charcuteries, fromages, plats maisons…
Je pense que les accords mets-pains devraient être plus travaillés en restauration, il serait possible de créer des menus vraiment intéressants : du pain seigle-raisins avec des fromages, un pain au carvi avec des poissons blancs, du pain de seigle avec des fruits de mer, … Un menu autour du pain et pas des plats, pourquoi pas ?

J’aimerais aussi citer le cas des petits déjeuners dans grand nombre d’hôtels. Pain surgelé, bien blanc et insipide, la journée commence mal. Pourquoi laisser une si mauvaise dernière impression à ses clients ? C’est un mystère pour moi. Certes, le petit déjeuner peut être servi très tôt, avant même qu’il soit possible d’obtenir du pain frais en provenance d’une boulangerie… mais cela reste des cas marginaux. Là encore, tout est une question de coûts. D’un côté, c’est un bon indicateur pour savoir si l’hôtelier aime réellement son travail ou non !

A Paris, ces derniers mois, le « bon pain » a été mis en avant sur les grandes tables. Alain Ducasse au Plaza Athénée ou encore Inaki Aizpitarte au Dauphin ont fait le choix de proposer du Pain des Amis de Christophe Vasseur à leurs clients. Cela peut paraître anecdotique mais c’est une démarche qui devrait se développer : le partenariat est vertueux, car il contribue à pérenniser l’activité d’un artisan tout en valorisant le travail du restaurateur, à travers un choix méticuleux des produits. Allons plus loin, pourquoi ne pas proposer des pains différents chaque jour de la semaine ? Plat du jour, pain du jour… Je vais un peu loin, il y a du chemin à parcourir avant de pouvoir ne serait-ce que l’envisager.

Réflexions

03
Mai

2011

Essayer de nouvelles saveurs

De la farine, de l’eau, du sel, de la levure ou du levain… A priori, les possibilités de variantes sont limitées, mais en fait c’est plus qu’une palette de couleurs qui s’offre à nous.

Tout commence avec le seul diagramme de fabrication du pain : temps de fermentation, cuisson… Un pain ayant connu une longue fermentation développera plus d’arômes, c’est également le cas lorsqu’il sera « bien cuit ». Il y a d’ailleurs ici notion de « bonne » cuisson : elle doit être maîtrisée, sans aboutir à un simple morceau de charbon. Le four doit ainsi être à bonne température lors de l’enfournement, pour « surprendre » la pâte… et permettre une levée harmonieuse, qui aura notamment pour effet de former les « oreilles » des baguettes.
On peut très facilement faire la différence entre une baguette ordinaire, généralement réalisée en à peine 2 heures, et une tradition qui aura patienté plus longtemps avant d’entrer au four. La première sera bien souvent insipide, avec une croûte laissant en bouche un simple goût de… farine. On peut espérer que la tradition exprime bien des notes de froment, de noisette… Même si ce n’est pas toujours le cas, malheureusement.

Par ailleurs, la farine tient un rôle important dans tout cela. Elle est souvent différente entre la baguette « blanche » et la baguette tradition. Cette pratique revient tout simplement à faire le choix d’utiliser une matière première de moins bonne qualité, ce qui est… triste. Heureusement, certains artisans ont fait le choix de ne pas faire de distinction sur l’utilisation de la farine, mais uniquement sur le rendement (temps de levée, …).
La farine, ce n’est pas que du blé, d’ailleurs ! C’est probablement un des points trop négligés dans la variété des pains proposés par nos boulangers. Sarrasin, seigle, épeautre, kamut, voire même des choses plus « exotiques » comme la farine de pois chiche ou de quinoa… Autant d’occasions de créer des pains différents, qui marquent réellement une différence avec le pain de tradition ou de campagne. A mon sens, c’est vraiment une direction dans lequel les artisans devraient aller, même si cela leur demande un travail supplémentaire, la mise en oeuvre de ces farines nécessitant pour certaines un savoir faire particulier. La plupart du temps, ce sont les boulangers biologiques qui utilisent le kamut ou l’épeautre.

Bien entendu, on peut rajouter des ingrédients dans le pain… Noix, céréales, raisins et j’en passe, les possibilités sont nombreuses. Cela peut même cacher l’absence totale de saveur du pain en lui même – pratique ! Ce n’est pas ce que je préfère, mais pourquoi pas.

Changeons nos habitudes, sortons de la simple baguette. Le seul problème, c’est que le reste de l’offre consiste généralement en une proposition de mélanges élaborés par les meuniers afin de faciliter le travail des boulangers. De par mes différents essais, je ne peux pas dire que les résultats m’aient convaincu, que ce soit pour les pains des Moulins Bourgeois (Charpentier, Fantine, Galopin…), des Grands Moulins de Paris (Campaillette, Campaillou), des moulins Soufflet (Baguépi) ou du Festival des Pains. On est bien loin du travail par Christophe Vasseur sur son Pain des Amis, par Dominique Saibron sur sa boule bio, par David Granger (Des Gâteaux et du Pain) sur son pain de campagne au levain… Pour autant, ne soyons pas défaitistes, ce qui parviendrait à nous enfermer dans une routine. De l’uniformité naît l’ennui.

Soyons curieux !

Evénement annuel de la vie painrisienne, le Grand Prix de la Meilleure Baguette de la Ville de Paris se déroule généralement en avril-mai. Cette année, ce sera le 3 mai. Un jury constitué par des personnalités de la boulangerie, de la presse et de la gastronomie, ainsi que par 6 internautes, jugera les baguettes sur 5 critères précis : La cuisson, le goût, la mie, l’odeur et l’aspect.

Sur la base, l’idée est intéressante : juger la qualité du travail des artisans sur des points objectifs, et récompenser leur savoir-faire. Seulement, son fonctionnement aurait tendance à créer un biais dans les résultats. En effet, ce sont les boulangers qui viennent amener leur produit afin d’être notés. Une baguette, pas n’importe laquelle, de plus, sur une année. Autant dire qu’elle peut être exceptionnelle.

La vraie question pour moi, c’est en quoi ces 250 à 300 grammes de pain peuvent être représentatifs de la production quotidienne d’une boulangerie. A mon sens, cela ne l’est tout simplement pas. De plus, il est tout à fait possible de faire réaliser cette fameuse baguette par un intervenant extérieur : représentants des meuniers, par exemple – ceux-ci ayant tout intérêt à voir du pain réalisé avec leurs farines mis à l’honneur. C’est un peu dommage, et le prix gagnerait déjà en crédibilité si le produit jugé avait été acheté en boutique, en anonyme.

L’autre problème, c’est le nombre de participants. Moins de 180 pour près de dix fois plus de boulangeries dans la capitale, cela fait peu ! Pourtant, je suis persuadé qu’il existe des dizaines d’artisans doués et passionnés qui font un excellent travail jour après jour. Peut-être qu’au final, le plus important pour eux est la reconnaissance de leurs clients.
C’est bien ça qui compte avant tout : trouver du pain qui convient à nos goûts, quelque chose qui parviendra à nourrir notre corps et notre âme, même si l’expression peut paraître un peu idiote et excessive. Il ne faut pas s’imposer des tendances, surtout pour quelque chose d’aussi vrai et simple que le pain.

Bien sûr, je ne suis pas painrisien pour rien… J’en ai goûté, de ces baguettes primées. Plus par opportunité, me trouvant à proximité, que par recherche, d’ailleurs. La star de l’année 2010, celle vendue par le Grenier à Pain des Abbesses, ne m’a pas convaincu. Agréable lorsque très fraiche, elle devient vite molle et sans grand intérêt. Pourtant, la boutique ne désemplit pas, et il faut souvent s’armer de patience avant de pouvoir déguster « la fameuse ». Je suis peut-être un peu trop critique…
Par contre, l’Alésiane de Dominique Saibron – classée 3è en 2010 – m’a réellement convaincu. Riche en arômes, un parfum presque entêtant et terriblement addictif, une conservation exceptionnelle… Je ne m’en lasse pas. Le problème, c’est que ce n’est pas le seul excellent produit proposé par cette boulangerie – j’y reviendrai dans un prochain billet très vite ! – et que le choix est difficile.

Au final, ce Grand Prix serait-il un concours de beauté à l’intérêt limité ? Oui et non. C’est une incitation pour les artisans à se dépasser afin de gagner une certaine notoriété – particulièrement bienvenue sur Paris où l’offre est pléthorique et la survie difficile. C’est également un « guide » pour les touristes de passage, une vitrine du savoir faire gastronomique français… Ne sommes-nous pas le pays du béret et de la baguette ?
On citera également l’honneur (!) de fournir l’Elysée pendant un an pour l’heureux lauréat du prix.

Je terminerai juste en me répétant encore et toujours : le mieux, c’est d’essayer, de découvrir, de chercher… Un peu comme pour tout, en fait. Dans la vie, il faut savoir rester ouverts et éveillés.