J’ai certainement déjà eu l’occasion de l’écrire, mais la boulangerie, c’est un peu de la musique. Chaque jour, un chef et son orchestre jouent une partition faite de recettes, diagrammes, façonnages et temps de fermentation… Ce qui est intéressant, c’est le fait que l’habitude et la répétition peuvent, dans les deux cas, aboutir à une baisse de qualité en terme de résultat. Le quotidien est un ennemi redoutable.

Continuons dans les parallèles en évoquant la difficulté de trouver une « note juste » dans sa façon de jouer, pour exprimer une identité propre tout en satisfaisant les attentes de sa clientèle. Certes, pour beaucoup de boulangers, hors de question de chercher à sortir des sentiers battus, il faut au contraire se conformer de façon précise à ce que peuvent leur indiquer meuniers et autres réseaux boulangers. Je ne dis pas que c’est toujours une mauvaise chose, au contraire, certains artisans excellent ainsi dans la réalisation des baguettes Retrodor, Gana et autres, au plus grand plaisir de leur clientèle… même si ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus. Une affaire de goûts.

Une année a passé du côté de la rue Paul Bert. Souvenez-vous, je vous en parlais alors, la Pâtisserie ‘by’ Cyril Lignac allait ouvrir ses portes. Les débuts ne m’avaient pas franchement convaincu, mais je ne suis pas sectaire et j’ai pris conscience, avec le temps, de la difficulté de s’installer, surtout lorsque la boulangerie n’est pas forcément son métier d’origine. Cela ne m’a pas empêché d’y retourner de temps en temps, pour prendre la température et voir si l’endroit trouvait son ancrage dans le quartier.

Le pari semble plutôt réussi pour les deux compères, Benoît Couvrand et Cyril Lignac, car la clientèle se presse plutôt nombreuse devant les portes de la boutique. Pour le premier, ce doit être d’autant plus appréciable sortant d’une grande maison où il n’était pas forcément aussi libre qu’il peut l’être aujourd’hui.
Depuis la rentrée, les présentoirs de la boulangerie-pâtisserie se sont enrichis de nouvelles créations, autant sucrées que salées.

Bonne surprise du côté des pains, où le choix a été fait de sortir des « grands classiques » pour aller vers des terrains… aromatiques, et notamment du côté des plantes avec un pain au Thym Citron !
On pourrait aisément lui associer le sous-titre « … comme une infusion », même si cette dernière prend texture et corps au travers de sa mie et de sa croûte. Ainsi, les délicates feuilles de la plante constellent ce pain et lui confèrent un caractère très parfumé. Les notes herbacées et citronnées viennent relever la douceur du froment : en effet, le choix a été fait d’utiliser une base de pâte de tradition, ce qui laisse champ libre à l’épice. Cette dernière est plutôt bien réalisée, et nous offre une mie assez alvéolée et une croûte fine, affichant une cuisson bien menée. Cependant, on pourra regretter le fait que ce pain perd rapidement de la fraîcheur et de la consistance, devenant trop humide. Egalement, une dorure légèrement grasse et – à mon sens – superflue est apposée sur le dessus, ce qui n’apporte rien au produit.

Néanmoins, ce pain demeure une expérience fort agréable et surprenante, apportant un peu de soleil à une période où nous en avons bien besoin. De plus, c’est une belle opportunité d’accords mets-pains : le Thym Citron sublime les poissons et viandes blancs, mais il peut tout aussi bien s’inviter au petit-déjeuner, accompagné de confitures douces ou plus acidulées… Cela fait fonctionner l’imagination, et plus de boulangeries devraient tenter l’expérience pour inciter leurs clients à s’y intéresser : les pains spéciaux ne se limitent pas aux fruits secs.
Petit bémol sur le prix, 3 euros pour une pièce de 250g, cela commence à faire et malgré le coût que peuvent générer les feuilles de Thym Citron, j’ai un peu de mal à voir ce qui rend la farine de Tradition si coûteuse, mis à part l’effort de création.

Pain au Thym Citron, La Pâtisserie by Cyril Lignac – Paris 11è, vendu à la pièce, 3 euros les 250g (également disponible en petites pièces, 0,60€ l’unité) 

Je passe sans doute mon temps à le répéter, mais l’humain est un des éléments clés dans le pain, que ce soit dans sa réalisation au quotidien, dans son processus de vente, mais aussi dans toutes les étapes qui aboutissent à la mise en place d’une recette de pain. C’est d’ailleurs là que l’on trouve ce qui va différencier un artisan passionné d’un simple boulanger « exécutant », se contentant de suivre des diagrammes et autres procédés bien souvent édictés sur les sacs de farine eux-mêmes…

Ainsi donc il faudrait donner de l’âme au pain ! et celle-ci se développe au travers des rencontres, des voyages, des expériences. Les produits d’un jeune artisan ne sont sans doute pas les mêmes que ceux créés par un boulanger aguerri. Du temps, toujours du temps… Il en faut pour laisser fermenter les esprits et les pâtes !

Cette idée de partage et de voyage est bien présente chez les Compagnons du Tour de France, dont notre boulanger du jour a d’ailleurs fait partie. En effet, Laurent Bonneau a pu exercer et développer son talent dans de nombreuses régions françaises, et ne semble pas avoir perdu le goût des rencontres que cela peut engendrer. J’avais déjà eu l’occasion de vous parler de son travail autour des farines moulues par Roland Feuillas à Cucugnan, mais ce n’est pas le seul produit – et fort heureusement ! – qui est pétri dans le fournil du 75 rue d’Auteuil.

Le dimanche, on a parfois l’occasion de retrouver un pain « Grand Cru » en boutique. Grand Cru ? On rapproche souvent la filière pain à celle du vin, avec l’existence de notions de terroirs, du soin que portent les vignerons à leurs vignes comme les agriculteurs devraient porter à leurs blés… Les enjeux se rejoignent : il faut entretenir la qualité des sols, revenir à des méthodes plus naturelles. Certains défendent même le fait que le blé devrait être cultivé puis moulu par les mêmes personnes : quel vigneron laisserait quelqu’un d’autre écraser son raisin ?
Les choses sont beaucoup plus simples dans le cas présent, puisque le pain de Laurent Bonneau rapproche pain et vin. En effet, ce produit est né d’une rencontre avec avec M. Gratiot, vigneron de Saint Emilion. Une pré-fermentation au levain liquide de moût de raisin est réalisée, et des grains sont incorporés en fin de pétrissage.

L’intérêt de ces deux éléments se situe sur le plan santé, mais aussi gustatif. Grâce au raisin, le pain est riche en polyphénols, dont les effets antioxydants préviennent le vieillissement cellulaire et par la même occasion limitent les risques de cancer et autres maladies cardiovasculaires. Néanmoins, le plus important reste le plaisir que l’on peut éprouver à la dégustation de ce pain : en effet, on y retrouve une belle douceur sucrée, accompagnée par la mie moelleuse et bien hydratée. Les pépins des raisins du Grand Cru Classé Larcis-Ducasse – dernière récolte, s’il vous plaît ! – craquent sous la dent et rendent la dégustation encore plus surprenante. La qualité de la farine n’est pas oubliée, puisque la pâte est réalisée à partir d’une farine de Meule Bio type 110.
On peut prendre plaisir à déguster ce pain seul, comme une gourmandise, mais il se révèle très agréable dans le cadre d’accords sucré-salé, avec du fromage par exemple.

Laurent Bonneau et son ami vigneron rapprochent donc pain et vin pour un résultat savoureux, un clin d’oeil souriant à découvrir.

Pain Grand Cru, Boulangerie Bonneau – Paris 16è, vendu à la pièce, 3,5€ les 500g.

Malgré la largeur des gammes développées par certaines boulangeries, la plupart d’entre elles ne brillent pas par leur créativité, ou par la saisonnalité de leur produits.
En effet, peu d’artisans indépendants prennent la peine de proposer des pains adaptés aux saisons, les contraintes liées à d’éventuels fruits n’étant pas aussi présentes que chez les pâtissiers, où les gammes doivent se renouveler afin de susciter l’intérêt des gourmands. A l’inverse, la farine est heureusement disponible toute l’année, qu’elle soit de blé, de seigle ou encore de sarrasin… Seules certaines d’entre elles sont plus soumises à ce type de contrainte, comme la farine de châtaigne dont la disponibilité demeure limitée si l’on fait le choix d’utiliser une matière première d’origine contrôlée, comme l’AOC associée à la châtaigne de Corse.

Certains ont cependant bien compris l’intérêt de proposer des produits différents en fonction du temps et des envies des consommateurs : nous n’avons pas les mêmes aspirations en été ou en hiver, et je dois dire que je me verrais mal manger des pains assez «riches», tels que ceux intégrant des ingrédients variés (raisins, noix, entre autres fruits secs…), dès que la température commence à grimper. On s’oriente alors naturellement vers des pains plus «légers» et moelleux, à l’image des spécialités du sud telle que la ciabatta ou encore la foccacia. Ainsi, les grandes marques boulangères ont développé des gammes de pains saisonniers, je vous avais d’ailleurs parlé de la création proposée par Baguépi/Soufflet l’an passé, même s’ils sont loin d’être les seuls à travailler en ce sens : Banette ou même Ronde des Pains / Grands Moulins de Paris vendent à leurs clients des sacs de «prémixes», sur lesquels leurs marges sont encore plus confortables et où les additifs ne manquent pas d’être présents en grand nombre…

Fort heureusement, nos boulangers les plus talentueux et passionnés se creusent aussi les méninges, associant farines et ingrédients supplémentaires. Je n’y avais pas été habitué dans les établissements de Philippe Tailleur, mais je ne peux que m’en réjouir : depuis quelques semaines, un sympathique «Pain d’Automne» a rejoint les pains Puissance 10, de Petit ou Grand Epeautre ou encore de Campagne que l’on retrouve habituellement ici.
Ce dernier associe les farines de châtaigne et de petit épeautre, accompagnées par des noix et des raisins. Une composition qui répond bien au nom, ces ingrédients évoquant bien les ballades dans les bois, les heures passées à ramasser des châtaignes que l’on prendra ensuite plaisir à griller au coin du feu…

Même si cette dernière est moulue, elle nous apporte ses notes douces et sucrées, qui enveloppent et contre-balancent la légère amertume des noix. Le petit épeautre apporte quant à lui un peu de gluten, ce qui permet d’assurer une bonne tenue à la mie et un pain relativement développé, à la bonne conservation. On appréciera ce choix pour toutes les qualités nutritionnelles que présente cette céréale, comme sa forte teneur en vitamines et minéraux. Les boulangers de Bread & Roses associent donc santé et gourmandise, pour notre plus grand plaisir.
Les raisins noirs de Corinthe, parfumés et d’excellente qualité, se placent dans le prolongement du caractère doux et sucré que développe la mie.
Le plaisir se fait également visuel, car nous avons affaire à un pain au façonnage élégant, dont la forme de type Bâtard assez allongée permet de couper de petites tranches, idéales dans le cas d’un pain «gourmand» tel que celui-ci.

Comme les autres produits de la gamme proposée ici, le Pain d’Automne bénéficie d’une certification biologique, ce qui explique en partie son prix : 6 euros 80 la pièce de 400g, soit 17 euros le kilogramme… Nous quittons là, à mon sens, les limites du raisonnable et je ne peux que le regretter : ce pain est donc une gourmandise, presque un gâteau, que l’on peut s’offrir de manière occasionnelle. Dans un sens, sa composition assez riche (car les fruits secs y sont représentés en nombre) le justifie tout autant.

En définitive, voilà donc un beau produit de saison – à l’excellente conservation, d’ailleurs, ce qui est bienvenu en ces temps humides -, nous offrant une petite balade dans les sous-bois, même si cette dernière restera plutôt rare en raison d’un prix très élevé…

Pain d’Automne, Bread & Roses – Paris 7è, pain vendu à la pièce – 6,8€ les 400g.

Trop peu de boulangers savent se remettre en question, et changer leurs habitudes. Pour la plupart, cela consiste en l’utilisation d’additifs, prémixes et autres recettes déjà élaborées par leurs meuniers. Forcément, cela ne nécessite pas beaucoup de réflexion ni même de savoir-faire, mais je ne suis pas certain que les consommateurs suivent éternellement des artisans ne faisant pas beaucoup d’efforts pour les satisfaire. Oui, bien sûr, on pourra toujours mettre de belles couleurs dans les boutiques, chanter tous les engagements que prend la filière pour que le pain doit toujours plus beau, plus fort, plus… il faut que cela se retrouve au quotidien.

Dans le 16è arrondissement, depuis quelques mois, c’est un peu un « miracle boulanger » qui se produit 4 jours par semaine. En effet, Laurent Bonneau propose au sein de sa boutique du pain réalisé à partir des farines des Maîtres de Mon Moulin, à Cucugnan. Moulus à la meule dans un moulin à vent restauré, les grains des blés anciens de Roland Feuillas parviennent à produire des pains parfumés, mais ils ne sont pas dénués d’une certaine exigence : en effet, ces farines ne connaissent pas de « correction » meunière, qui faciliterait leur mise en oeuvre. Autant dire que notre artisan a parcouru du chemin, lui qui proposait encore il y a quelques mois des produits réalisés à partir des mélanges créés par les Grands Moulins de Paris.
Certes, cela n’a pas toujours été parfait, les débuts ont été un peu aléatoires, j’avais un peu rapidement tiré sur l’ambulance, mais cela ne m’a pas empêché de continuer à suivre  l’initiative.

Non content de réaliser ce « pain de Cucugnan », notre boulanger du 16è arrondissement a proposé ce dimanche à sa si charmante clientèle un essai de pain « pur Engrain », c’est à dire ne mettant en oeuvre que de la farine d’Engrain – ou petit Epeautre -, l’une des variétés de blé les plus anciennes. Sa caractéristique la plus frappante est sans doute sa couleur jaune poussin, due à sa forte teneur en caroténoïdes. A teneur très faible en gluten (à peine 7%), cela ne l’empêche pas de représenter un véritable concentré de vitamines et minéraux. La farine utilisée ici a été moulue avec le plus grand soin : pas plus de 20 kilos par heure pour éviter tout risque d’échauffement dû à la pierre, tout cela afin de conserver toutes les qualités du grain.

Concernant le produit final, là encore, le processus de fabrication est spécifique : une pétrie très courte, associée à un taux d’hydratation faible, tout cela accompagné d’un peu de sel (14g par kilo de farine, soit bien moins que la moyenne qui tourne autour des 18, voire 20g) et de levure (4g/kilo de farine).

C’est au terme d’un long temps de pointage (plus de 14h) que la pâte est alors divisée et quasiment non façonnée, avant d’être passée au four. Le résultat d’aujourd’hui n’était pas parfait, et la fournée de dimanche prochain sera sans doute plus aboutie : Rome ne s’est pas faite en un jour. Pour autant, vous seriez sans doute surpris par le parfum que peut dégager ce pain. On y retrouve bien sûr ces blés dorés au soleil, mais également des notes de beurre… qui explosent une fois en bouche, où le pain se ferait presque gâteau ou brioche grâce à une mie très moelleuse, gourmande.
Un gâteau aux nombreux atouts santé, quoi de mieux ?

Rendez-vous est pris pour les amateurs : dimanche prochain, une nouvelle fournée éclairera la rue d’Auteuil de ses teintes jaunes… même si le prix est élevé, l’expérience demeure intéressante pour des painrisiens tels que nous.

Pain pur Engrain, Boulangerie Bonneau – Paris 16è, vendu à la pièce le dimanche – 4,5€ la boule de 400g.

C’est (déjà) le retour des vacances, bientôt la rentrée et surtout… la réouverture de nos artisans préférés. Parmi eux, certains ont choisi de déserter le temps de quelques semaines leurs fournils, et je pense que c’est un choix dont on ne peut que les féliciter : rien de tel que du repos pour faire du bon pain… A l’image de la pâte, qui elle aussi doit reposer longtemps pour développer ses arômes.

Qui dit vacances dit aussi voyages. Au retour, dans les valises, il y a des souvenirs, mais aussi des aliments ou ingrédients que l’on pourrait bien retrouver dans nos pains, si seulement le boulanger est inspiré par ces derniers. Je crois que trop peu d’entre eux se laissent gagner par l’envie de nous faire partager un peu de leur univers, de leurs aspirations. Timidité, peut-être, mais surtout absence totale de prise de risque, toute nouveauté étant une possibilité d’échec, un nouveau produit pouvant peiner à rencontrer sa clientèle.

Le pain Monascus en boutique, accompagné de sa petite fiche explicative

Heureusement, rien de tout cela à la Gambette à Pain, dans le 20è arrondissement. Chez Jean-Paul Mathon, les ingrédients asiatiques passent sans difficulté la porte du fournil, pour notre plus grand plaisir. Peu de boulangers parisiens sont partis apprendre le mandarin comme il l’a fait. Dans le cas présent, c’est sa femme, d’origine asiatique, qui a profité de l’été pour nous ramener un produit qui aurait de quoi nous faire voir… rouge. Le Monascus, ou levure de riz rouge, donne en effet une couleur bien particulière à ce pain. La croûte se pare ainsi de tons violacés qui attirent notre oeil autant que notre curiosité.
Au delà de sa vertu colorante, le Monascus purpureus est un champignon microscopique, cultivé en Chine depuis des siècles. La levure provoque la fermentation du riz sur lequel elle est cultivée. Le produit ainsi obtenu est séché et réduit en poudre. Il est utilisé comme colorant ou comme rehausseur de goût dans diverses préparations alimentaires asiatiques : sauces et mousses de poisson, vin de riz, tofu rouge, légumes marinés, viandes salées, etc.

L’intérêt de tout cela se situe principalement sur le plan de la santé, car on lui attribue des vertus pour la digestion et la circulation sanguine, et par la même sur le taux de cholestérol . C’est pourquoi de nombreux compléments alimentaires l’intégrant sont apparus sur le marché ces dernières années.

En l’intégrant à du pain, Jean-Paul Mathon donne toutes ses lettres de noblesse à cet aliment, que l’on qualifie souvent comme « super-aliment », tant il est riche en qualités à la base. Ces dernières se voient ainsi renforcées, en plus d’un petit apport en terme de goût. On retrouve une légère saveur sucrée et caractéristique du riz, accompagnée des notes acidulées de… la baie de Goji ! L’artisan ne s’est pas arrêté en si bon chemin et a complété le tableau par ces petits fruits riches en Vitamine C.
Au delà de la santé, il y a bien sûr le plaisir, et comme d’habitude le gourmand ne peut qu’apprécier la mie bien alvéolée, fraiche et souple, accompagnée des parfums légèrement fumés qui signent ses pains. Les graines de sésame parsemées en décor achèvent de donner de l’allure à ces produits surprenant, en plus de leur apporter quelques notes grillées et chaleureuses.

Une création bien originale, tout autant qu’éphémère, puisque ce produit n’est pas appelé à se pérenniser au vu du coût de la levure de riz rouge… Néanmoins, tous ces efforts pour prendre soin de nous méritaient bien d’être immortalisés, voilà qui est à présent chose faite.

Pain Monascus, La Gambette à Pain – Paris 20è, vendu à la pièce – 2,70€ les 250g. 

La gastronomie, c’est avant tout une affaire de parti-pris, de sensibilités. Difficile de bien savoir à quoi s’attendre lorsqu’on lit l’intitulé d’un plat ou d’une création, car d’une maison à une autre, le résultat sera bien différent. C’est pourquoi il peut être intéressant d’étudier les hommes avant leurs produits, ce qui nous permettrait ainsi de mieux cerner la volonté créative… et en définitive, le goût, avant même d’avoir dégusté quoi que ce soit.

En effet, il ne suffit pas de manger, il faut aussi comprendre. Comprendre le chemin et l’intégrer à ses sens. En parlant de chemin, celui que parcourent les épices pour arriver jusqu’à nous est bien souvent long et fut, par le passé, assez tortueux. Beaucoup d’explorateurs ont fait rêver nos assiettes, et on ne peut que les en remercier.

Du côté du pain, peu d’artisans cherchent vraiment à les intégrer dans leurs produits, certainement de peur de ne pas parvenir à les vendre par la suite. Pourtant, des acteurs bien connus du monde de la boulangerie les utilisent… dans leurs prémixes ! C’est le cas des Moulins de Chars, qui a intégré dans sa baguette aux céréales « l’Impatiente » des notes de curry et de cumin, pour susciter l’appétit du consommateur. En effet, les notes sucrées de ce mélange rendent la dégustation fort agréable. Le groupe Holder a tenté la même expérience plus récemment, avec sa gamme de « pains aromatiques » : curry-cumin, menthe et carvi… Des mélanges qui ne sont pas sans rappeler ceux de Gontran Cherrier, qui est certainement le plus créatif dans le domaine.

Justement, c’est pour cela que je parlais de parti-pris en introduction : chez cet artisan, les épices sont très présentes, et le pain devient alors plus un « support de saveurs » qu’autre chose. Ses parfums propres (froment, seigle, levain…) passent en arrière plan, un choix que l’on pourrait discuter longuement.
A l’inverse, chez les Pichard, hors de question de produire des pains qui n’en auraient pas le goût, à l’image de leur fameuse baguette et ses notes lactiques ou de leurs boules biologiques à la douce acidité, primées l’an passé. Ainsi, j’ai été plutôt surpris en découvrant dans leur boutique une nouveauté : le pain 4 épices.

Nous sommes bien loin du riche pain d’épices que l’on pourrait imaginer, il s’agit plutôt d’un pavé de tradition, bien classique de prime abord. On appréciera le décor amusant en damier, qui recouvre une croûte bien craquante. Au nez, les épices annoncées seraient difficilement perceptibles. Cannelle, gingembre, clou de girofle et noix de muscade, où êtes-vous ?
A l’intérieur, ou plutôt, au goût. En effet, on découvre au fil des bouchées les délicates notes épicées, qui accompagnent la saveur de froment bien marquée. Le résultat est très subtil, peut-être trop pourrait-on dire… Les épices apportent une belle longueur au bouche à ce produit, elles « montent » au fur et à mesure tout en restant mesurées. Cela s’accompagne d’une réalisation impeccable, comme d’habitude : mie bien alvéolée, fraiche et de couleur légèrement crème. Rien à redire non plus sur la conservation, au contraire : le pain garde bien sa consistance le lendemain, et ses saveurs n’en sont que plus développées.

Voilà donc une agréable surprise, un pain délicat et tout à fait à l’image des autres produits de la maison Pichard : respect de la tradition, qualité et savoir-faire. Cette note de fantaisie apportée par les épices est bien appréciable, et je suis heureux d’assister à de telles initiatives.

Pain 4 épices, Maison Pichard – Paris 15è, vendu à la pièce – 1,70€ les 250g 

Lorsqu’il s’agit de reprendre une affaire, on peut adopter plusieurs stratégies. Certains choisissent de proposer la même gamme que celle proposée jusqu’alors, à l’image de Sylvain Maurice dans l’ex-boulangerie de Stéphane Secco. Cela peut être un choix judicieux quand l’endroit jouit déjà d’une solide réputation : ainsi, pas de perte de clientèle ou très peu… D’autres apportent avec eux des recettes déjà bien éprouvées, c’est notamment le cas pour des artisans possédant déjà une ou plusieurs affaires. Je dois dire que je préfère de loin ce comportement, car au delà d’exprimer une véritable « identité boulangère », il est bien souvent une occasion pour les habitants des environs de découvrir de nouvelles saveurs… et de profiter d’une qualité supérieure.

C’est la démarche adoptée par Rodolphe Landemaine pour chacune de ses reprises, et bien sûr la dernière, à deux pas de la mairie du 18è arrondissement. J’avais déjà eu l’occasion de vous parler un peu de cette boulangerie, précédemment détenue par Guy Letellier, l’artisan derrière les « Délices de l’Etoile », qui ont essaimé dans la capitale et en banlieue. Le changement de propriétaire n’est pas passé inaperçu : en 3 mois, la clientèle a déjà doublé. Comme quoi, la qualité du produit et de l’accueil parviennent à faire la différence.

Dans le fournil de cette boulangerie oeuvrent actuellement les meilleurs éléments de la maison, dont le fameux Mickaël, que l’on a longtemps retrouvé rue des Martyrs. Cela n’est certainement pas étranger à la qualité du résultat : les pains affichent de superbes croûtes dorées et développent des parfums soutenus. J’aurais pu vous parler de la délicieuse baguette de campagne, du pain Summertime avec ses graines de sésame et son mélange de fruits secs, des nombreux petits pains aromatiques… mais c’est la Tourte de Seigle qui me fait venir et revenir ici. Réalisée à partir de farine de Seigle type 130 et d’un peu de levain, ce pain est typique des pays d’Auvergne… même s’il accommode très bien du climat parisien !

Le premier plaisir est visuel : difficile de faire un pain plus beau, dans sa complexe simplicité. Bien craquelé, offrant un contraste marqué entre la blancheur de la farine et la noirceur marquée de la croûte. Cette dernière est presque torréfiée, épaisse et craquante sans pour autant être amère. Au contraire : elle agit comme un concentré d’arômes et renforce le caractère de ce pain. Difficile de passer à côté du puissant parfum de miel qui se dégage de l’ensemble, ce dernier est d’ailleurs vivifié si vous choisissez de toaster légèrement cette tourte, qui développe pleinement ses arômes le lendemain de l’achat.
A la dégustation, on apprécie la bonne hydratation du pain, qui permet d’obtenir un résultat de bonne tenue, dense sans être collant. Pas d’acidité à dénoter, seule une belle douceur persiste en bouche.

Aucun problème de conservation pour un tel produit, il peut être consommé sur plusieurs jours – 3 à 4 sans difficulté – et développe des arômes différents au fil du temps. Cet auvergnat peut être dégusté seul mais il aime aussi être accompagné. Un véritable animal social qui sublimera fruits de mer variés, mais également le foie gras, en apportant une note rustique mais très « chic » en définitive.

On appréciera également le tarif relativement abordable pour un tel produit : la Tourte de Seigle est vendue au poids, pour le prix de 6,30€ le kilogramme. Compte tenu de la qualité et de la durée de conservation – limitant tout risque de perte -, c’est un plaisir accessible… et bien servi : l’accueil dans cette boulangerie Landemaine est vraiment appréciable, malgré l’affluence : à toute heure, une queue se forme rapidement devant les portes de l’endroit… quoi de plus normal, après tout.

Tourte de Seigle, Rodolphe Landemaine – Paris 18è, vendue en quarts, 6,30€ le kilogramme.

Les herbes aromatiques ont le fabuleux « pouvoir » de relever nos plats, de donner aux aliments d’autres dimensions et de nous permettre de créer des expériences de dégustation sans cesse différentes, en fonction de nos humeurs et envies. Cependant, il faut savoir rester prudent quant à leur utilisation, et toujours garder à l’esprit que l’on cherche à sublimer, mais certainement pas à écraser les mets.

Pour le pain, c’est exactement la même chose. Nos artisans boulangers ne manquent pas d’idées pour agrémenter les pâtes d’ingrédients divers et variés, que ce soit des céréales, fruits secs, épices, fleurs, gourmandises variées… Le problème de ces créations, c’est que l’on perd souvent toute notion d’équilibre, et que l’on quitte presque le domaine du pain pour se retrouver dans tout à fait autre chose. Non pas que le fait d’utiliser la mie et les croûtes comme des « supports de goûts » ait quoi que ce soit de choquant ou dérangeant, mais encore faudrait-il que l’ensemble soit harmonieux.

Chez Arnaud Delmontel, à l’image de plusieurs maisons parisiennes, on propose des pains variés selon les mois et les saisons, destinés à accompagner les plats consommés à ces différentes périodes de l’année. Pain Pruneaux-Lardons, Cumin-Mimolette, Focaccia au romarin, … quelques exemples des créations développées les années passées.
En ce moment, la tendance est à la fraicheur avec un pain à la Menthe, succédant à une déclinaison à l’abricot les deux mois passés. L’idée n’est pas mauvaise, d’ailleurs, elle rejoint un peu celle du pain Marocain proposé à la Grande Epicerie. Seulement, dans le cas présent, la menthe est présente de façon « physique » dans le pain, au travers d’éclats de feuilles dispersés dans la mie.
Bien sûr, le goût de la plante se fait beaucoup plus présent… pour l’être beaucoup trop, en définitive. On finit par avoir la nette impression de manger un Malabar menthe, tant le parfum est puissant. Difficile, dès lors, de lui trouver une quelconque association avec des mets ou plats, au risque de les couvrir littéralement par le goût de ce pain. Peut-être trouvera-t-il sa place aux côtés d’une salade tonique, à l’image de la roquette, à la limite. Les possibilités demeurent limitées, et c’est bien là une preuve de l’erreur commise ici : le pain doit savoir rester « à sa place » à table.

Néanmoins, il ne faudrait pas pour autant oublier de se pencher sur la qualité de réalisation de ce produit. En la matière, peu de choses à redire, ce pain est assez bien réalisé. Très moelleux, il fond en bouche, ce qui est plutôt bien vu car cela contraste avec la « force » de la menthe et parvient à procurer une certaine impression de douceur, grâce à sa texture. La croûte est absente à la dégustation, étant donné que cette dernière est très fine et n’apporte aucun craquant. Côté conservation, rien de particulier à dire, ce produit sèche légèrement mais demeure tout à fait agréable le lendemain de son achat, sans pour autant que son goût évolue.

Ce pain à la Menthe est, en définitive, beaucoup trop « frais ». Cela nous contraint presque à le déguster seul, ce qui aurait presque pour effet de nous donner l’impression d’avaler… un chewing-gum mentholé, la texture en moins. L’utilisation d’une infusion de plante aurait certainement produit un résultat beaucoup plus subtil et moins sauvage. L’idée de proposer des pains rafraîchissants est plutôt intéressante, encore faut-il parvenir à l’accompagner d’une réalisation sans faute, ce qui n’est pas le cas ici. On appréciera tout de même sa texture moelleuse et sa conservation de bon niveau, même si son prix aura de quoi faire bondir : 3 euros 10 pour 330g théoriques, au vu de la qualité obtenue… mieux vaut passer son tour.

Pain à la menthe, Arnaud Delmontel – Paris 9è, vendu à la pièce, 3,10€ les 330g, en juin et juillet dans les trois boutiques de la maison Delmontel (rue des Martyrs, rue Damrémont & rue de Lévis)

Chaque jour, nos artisans boulangers produisent dans leurs fournils des pains destinés à leur clientèle « magasin », mais à cela s’ajoute, pour beaucoup d’entre eux, les différentes commandes et livraisons à honorer auprès de professionnels, qu’ils soient traiteurs, restaurateurs ou encore hôteliers. A cela s’ajoutent des événements plus particuliers, en dehors des produits issus de la gamme « traditionnelle » de l’artisan.

Dans la plupart des cas, cela se fait en toute discrétion, le nom du boulanger n’est pas inscrit à la carte, aucune communication particulière n’accompagne ce contrat. Forcément, lorsque l’artisan n’a pas une notoriété forte, l’intérêt demeure limité. A l’inverse, on peut choisir de mettre en avant la collaboration avec un boulanger plutôt qu’un autre.

Ce dimanche avait lieu le Prix de Diane Longines à l’hippodrome de Chantilly, dans l’Oise. Cet événement est bien plus qu’une course hippique. En effet, il ne fait pas courir uniquement des chevaux, mais également la gente féminine, qui est invitée à se présenter à l’événement parée de son plus beau chapeau. Au programme, de nombreuses animations, dont un concert d’ouverture ainsi qu’un pique-nique.

Justement, c’est ce fameux repas sur le pouce qui nous intéresse aujourd’hui, puisque là encore la tradition veut que ce qui pourrait être un simple casse-croûte participe à la « grandeur » de la journée. En effet, dans ce monde où les apparences sont si importantes, le déjeuner s’habille d’une… boite à chapeaux. Ce dernier voit son usage détourné pour accueillir des gourmandises variées, de quoi satisfaire l’appétit de ces dames avec élégance.
Cette année, c’est notre ami Gontran Cherrier qui avait été appelé pour concocter quelques surprises à déguster sur l’herbe. Un choix tout à fait judicieux, quand on connaît le talent de ce dernier en la matière.
Cela aurait pu satisfaire un « happy-few », puisqu’il fallait s’acquitter du prix de l’entrée (8€) ou bien venir retirer une invitation dans l’une des deux boulangeries de l’artisan. Pour ma part, je manquais de temps et surtout… d’un chapeau. Vous comprendrez bien que je ne pouvais pas me présenter à Chantilly sans la crème des couvre-chef, j’ai donc préféré rester dans mes terrains de conquête habituels. Grand bien m’en a pris, car le boulanger avait choisi de faire profiter de ses créations aux clients du 22 rue Caulaincourt.

Boulanger, boulanger, en réalité, Gontran Cherrier s’est improvisé maréchal ferrant l’espace de quelques heures pour façonner un pain Fer à Cheval. Rien qui ne puisse vous peser sur l’estomac, d’ailleurs. Au delà du clin d’oeil sur la forme, c’est également les ingrédients mis en oeuvre dans ce pain qui rappellent l’événement. En effet, on retrouve dans la mie des flocons d’avoine grillé, céréale qui constitue une bonne part de l’alimentation des chevaux. Pour nous, elle n’apporte au produit que quelques notes sucrées et un peu de texture, en fondant sur la langue à la dégustation.
Cela s’accompagne d’un peu de poivre de Sichuan, une belle expression de la patte de l’artisan. C’est certainement cette épice qui confère à ce pain tout son caractère, au travers d’une saveur florale et légèrement fruitée, qui n’est pas sans rappeler le coquelicot ou la fraise. Ces notes aromatiques se font plus présentes le lendemain, et sont exaltées si l’on toaste légèrement le pain.

Le goût est prolongé par une mie de bonne tenue, relativement dense tout en restant fraîche. La croûte, quant à elle, n’est que peu présente, du fait d’une cuisson assez courte. Cependant, je dois admettre que c’est dans doute mieux ainsi, car cela laisse plus de champ à la douceur du poivre. De plus, les amateurs de croquant et de caramélisation seront satisfaits par les petits picots qui décorent ce pain. À noter également la très bonne conservation de l’ensemble, qui ne sèche que légèrement sans perdre de consistance.

Sous cet aspect très équin, ce pain Fer à Cheval est en définitive assez féminin, par sa douceur et sa subtilité. Idéal pour les palais délicats de ces dames, et le format permet de découper de petites tranches à garnir de tartinables divers (tapenades, pâtés…) pour un pique-nique gourmand et toujours élégant… Tirons donc notre chapeau à Gontran Cherrier, une fois de plus ! De plus, Gontran et les Fers à cheval, ce serait presque naturel pour ceux qui ont, comme moi, eu leur enfance bercée par les bandes dessinées Disney…

Pain Fer à Cheval, Gontran Cherrier – Paris 17 et 18è, proposé le dimanche 17 et lundi 18 juin ainsi que dans la boîte à chapeaux du déjeuner du prix Diane de Longines, 2,5€ la pièce.

Je suis un peu inquiet pour nos jeunes générations, et plus particulièrement pour le développement de leur sens du goût. En effet, ils sont de plus en plus habitués, dès leur naissance, à consommer des produits industriels sans aucune saveur. Comment pourraient-ils développer des souvenirs d’émotions ressenties en dégustant des mets authentiques, pas forcément particulièrement élaborés, mais remplis de parfums, de textures et d’un savoir-faire que seuls les artisans détiennent ?

Cela m’inquiète d’autant plus que je n’en suis pas si loin que ça, ma génération étant tout aussi concernée par ce fait… Ainsi, il m’arrive parfois d’avoir des références basées sur le goût de produits issus de la grande distribution, ce qui n’est pas franchement fait pour me réjouir. Néanmoins, si c’est cela nos nouveaux souvenirs d’enfance, cela doit faire partie de l’évolution de la société.

Justement, en sentant ce pain « Forêt Noir », créé par Jean-Paul Mathon dans sa fameuse Gambette à Pain, j’ai immédiatement pensé aux « Pim’s », ces génoises recouvertes d’un confit de fruit et d’une coque de chocolat noir. En effet, cette nouvelle création incorpore du chocolat et de la framboise. Les pains au cacao se font de plus en plus fréquents chez nos artisans boulangers, à tel point que les meuniers s’en sont emparés et proposent à leurs clients des recettes faciles à mettre en oeuvre dans leurs fournils. C’est notamment le cas chez les minoteries Viron ou encore chez Foricher. Un produit gourmand et apprécié par la clientèle pour son côté moelleux et beaucoup plus léger qu’une viennoiserie.

Perdu dans la Forêt…

Pour notre artisan du 20è arrondissement, pas question d’utiliser une recette déjà élaborée, non, il était indispensable de mettre au point un pain qui corresponde à son niveau d’exigence – et nous savons combien il est élevé ! Ainsi, depuis quelques semaines, l’artisan travaille à l’élaboration de ce produit au sein de son fournil, et nous ravit certains mercredis avec ses essais. Tout d’abord sur le nom. L’absence du ‘e’ à la couleur de cette fameuse forêt est tout à fait volontaire, le sujet a fait l’objet de nombreux débats. En effet, M. Mathon considère qu’il s’agit d’un pain, et qu’il faut donc conserver le masculin pour le décrire.
Ce n’est pas le plus important. L’essentiel demeure le goût du produit, et en la matière, nous sommes bien servis. L’association du chocolat noir et de la framboise est plutôt fréquente, et pour cause, elle est particulièrement savoureuse. Ici, les brisures de fruit sont disséminées dans la mie et apportent des notes fruitées et acidulées en contraste avec les billes de chocolat, présentes en quantité généreuse. Ces dernières sont peu amères, et s’associent en douceur avec le cacao en poudre incorporé au pétrissage ainsi qu’avec les framboises. Tout cela ne serait pas complet si la texture du pain n’était pas en accord avec cette idée de gourmandise. En l’occurrence, nous n’avons qu’à fondre dans cette mie moelleuse et tendre. La croûte exprime simplement quelques notes de caramélisation mais est quasiment absente à la dégustation, ce qui n’est pas forcément un mal puisque pour ce type de produit, c’est avant tout sur la mie que l’on se concentre, sans s’attendre à un quelconque caractère craquant.

Comme j’ai commencé à vous le dire, ce pain gourmand vous fera immanquablement penser à une sorte de « Pim’s » grand format, tout en étant bien plus intéressant en terme de textures et de possibilités d’accords. En effet, vous pouvez bien sûr choisir de plonger dans cette forêt seul, sans accompagnement, mais ce serait oublier qu’elle peut sublimer des viandes rouges. Promenons-nous dans les bois…

Bien sûr, M. Mathon n’est pas satisfait du résultat, et il sera sans doute amené à retravailler son produit des heures durant avant de le proposer de façon pérenne à sa clientèle. Néanmoins, je ne vous cache pas que j’aimerais que bien plus d’essais manqués aient cette saveur !

Pain « Forêt Noir », La Gambette à Pain – Paris 20è, vendu à la pièce, 2,95€ les 250g – il devrait, si tout va bien, être proposé le mercredi à partir de la rentrée… espérons !