La communication est un art difficile. En boulangerie, dès lors qu’elle est orchestrée par des gens qui ne maîtrisent pas le métier, elle prend souvent des traits grotesque, quasi-chevaleresques : on vous parle de ces artisans héroïques qui partent en quête du bon pain, des vertus exceptionnelles d’une baguette, de la beauté unique des gestes de ces femmes et hommes qui oeuvrent très tôt dans leurs fournils… Je ne remets pas en question la véracité du propos sur le fond, mais n’en faisons pas trop.

Le Ruban Rouge, Provins (77)

J’avais été séduit par les photographies et vidéos présentées sur la page Facebook de la boulangerie Le Ruban Rouge, située à Provins. Un peu de mise en scène, de la vérité sur le métier, de l’humour parfois, des visuels soignés, bref une jolie vitrine du savoir-faire développé dans ces lieux. J’ai donc été tout naturellement découvrir l’univers de ce couple d’artisans à Provins, l’occasion d’une ballade ensoleillée au coeur de la cité médiévale.

Emilie et Fabien dans leur boutique.

Emilie et Fabien dans leur boutique.

Installés depuis près de 2 ans au coeur du centre ville de cette localité classée au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, Emilie et Fabien ont entrepris ici de redynamiser une affaire sur le déclin, ce qui leur a permis de l’acquérir à un coût limité malgré un emplacement passant. Il s’agit de la concrétisation d’un projet de longue haleine, car rien ne les prédestinait à prendre la tête d’une boulangerie. De la recherche et développement dans l’automobile pour lui et du métier d’hôtesse de l’air pour elle -deux secteur en crise il y a 5 ans, au moment de leur réorientation- ils sont passés aux fourneaux après des formations accélérées à l’Ecole de Boulangerie et de Pâtisserie de Paris.

Le fournil a été réaménagé pendant ces deux dernières années et de nombreux investissements y ont été réalisés.

Le fournil a été réaménagé pendant ces deux dernières années et de nombreux investissements y ont été réalisés.

Leur parcours n’aura pas été de tout repos et ils ont pu vite mesurer l’écart entre leurs idées initiales et la réalité du terrain. C’est grâce à des boulangers entretenant toujours le goût de la transmission qu’ils ont pu acquérir du savoir-faire, ces derniers ayant accepté de les embaucher malgré leur absence d’expérience. S’ils pensaient être prêts au bout de six mois, il leur aura fallu près de 3 ans pour atteindre leur objectif.

Farine sélectionnée, viennoiserie maison, autant d'engagements à valoriser.

Farine sélectionnée, viennoiserie maison, autant d’engagements à valoriser.

Le plus remarquable dans leur projet est sans doute d’avoir cherché à appréhender précisément les points clé d’une affaire de boulangerie-pâtisserie aujourd’hui et d’y répondre de façon pertinente et différenciante.
Cela passe bien sûr par la rentabilité : chacun des produit est proposé à un tarif qui permet d’assurer une marge brute confortable, malgré l’usage de matières premières de qualité. En effet, pas de question de transiger sur ces fondamentaux : le goût distingue bien mieux l’offre d’un artisan que le prix. Farine Label Rouge Bagatelle (livrée par les Moulins Foricher), beurre AOP, Vanille Gousse de Madagascar dans les viennoiseries, les pâtisseries ou même le flan, absence totale d’additifs… une sélection rigoureuse pour des produits savoureux.

Pain d'autrefois, complet cranberries, boule au lin et son, campagne, épeautre...

Pain d’autrefois, complet cranberries, boule au lin et son, campagne, épeautre…

L’orientation des gammes de pains, viennoiseries et pâtisseries a été étudiée pour ne proposer que des références maîtrisées, en déclinant les grands classiques tout en apportant une touche de créativité. Les tartes aux fruits de saison côtoient les éclairs et religieuses, tandis que les pains se parent d’atours gourmands, avec un complet aux cranberries très bien vu (idéal pour faire manger du complet aux réfractaires tout en apportant des antioxydants !), un miel-amandes-noisettes très parfumé le week-end, …

Des pâtisseries simples et savoureuses, réalisées avec des ingrédients de qualité.

Des pâtisseries simples et savoureuses, réalisées avec des ingrédients de qualité.

Le plus remarquable est sans doute les engagements forts pris auprès de la clientèle : ici, pas de baguette de pain courant à proprement parler, puisque seul le façonnage (tous les pains font façonnés à la main, un fait suffisamment rare pour le signaler) distingue la « baguette » de la Tradition. La pâte est identique, avec un pétrissage doux et une longue fermentation (sur 24h) afin de développer les arômes. Pour seulement 85 centimes, les clients peuvent s’offrir un produit de grande qualité… et ils ne s’y trompent pas.

Les viennoiseries sont recentrées sur l'essentiel pour rationaliser la production.

Les viennoiseries sont recentrées sur l’essentiel pour rationaliser la production.

En viennoiserie, on ne retrouve que du beurre AOP, dont la saveur a notamment permis au couple de se distinguer lors d’une dégustation de niflettes (une spécialité locale de pâte feuilletée recouverte de crème pâtissière à la fleur d’oranger) organisée par un journal local. Une reconnaissance qui avait contribué à la notoriété de leur boutique, peu de temps après leur ouverture.
Enfin, la pâtisserie ne voit jamais « repasser » des produits d’un jour à l’autre : les quantités produites sont pensées au plus juste pour limiter les invendus.

Des pâtisseries simples et savoureuses, réalisées avec des ingrédients de qualité.

Des pâtisseries simples et savoureuses, réalisées avec des ingrédients de qualité.

En associant ces gages de qualité à un effort particulier au service et à l’information en boutique (Emilie consacre à présent une grande partie de son temps à la vente), nos artisans ont réalisé une belle progression, qui leur permet de continuer à financer leurs investissements. Le four a déjà été remplacé ainsi qu’une bonne partie des équipements du laboratoire, et l’étage supérieur, jusqu’alors inutilisé, sera remis en état pendant les congés annuels pour continuer à suivre la croissance dans de bonnes conditions.

L'apprenti pâtissier est en train de passer la crème citron-basilic de la dernière création pâtissière proposée en boutique. Une association fraiche et agréable, parfaite pour un goûter d'été.

L’apprenti pâtissier est en train de passer la crème citron-basilic de la dernière création pâtissière proposée en boutique. Une association fraiche et agréable, parfaite pour un goûter d’été.

Les exemples de reconversions réussies en boulangerie-pâtisserie ne sont pas vraiment légion, et ce couple doit son succès à sa capacité à intégrer les codes du métier tout en se positionnant sur de bonnes pratiques et un discours clair. A Provins, malgré une offre boulangère déjà bien développée, Le Ruban Rouge se distingue clairement par des gammes resserrées et une boutique bien tenue (réhabilitée pour seulement 3000 euros). Cela a attiré une clientèle fidèle, disposant d’un pouvoir d’achat assez élevé et réceptive aux idées des artisans, ce qui leur permet de voir l’avenir sereinement et de développer des projets.
Voilà donc un ruban que l’on a bien envie de suivre… sans jamais le couper, un peu comme un fil… rouge !

Les baguettes au four, un MIWE très flexible et à la très bonne tenue de charge.

Les baguettes au four, un MIWE très flexible et à la très bonne tenue de charge.

Infos pratiques

21 rue Hugues Le Grand – 77160 Provins (Transilien ligne P, gare de Provins) / tél : 0164018116
ouvert tous les jours sauf le mardi de 7h à 13h30 et de 15h30 à 19h30, le dimanche de 7h30 à 13h30.
Facebook : https://www.facebook.com/pages/Le-ruban-rouge/297431600396106

La fameuse Tour César veille en haut de la cité sur l'aventure de nos deux artisans.

La fameuse Tour César veille en haut de la cité sur l’aventure de nos deux artisans.

Quand je vois les sommes astronomiques dépensées par certains entrepreneurs pour développer des concepts de boulangeries qui en mettent plein la vue, je suis partagé entre le désespoir et le dégoût. Ils ont tout simplement oublié que l’essentiel était le contenu et pas le contenant, le fond et pas la forme. Ils se contentent de faire illusion et n’apportent rien sur le long terme. Des écrans de fumée… et en la matière, nous avons tendance à évoluer dans des sphères bien brumeuses à Paris, puisque cette façon de faire serait presque devenue la norme.

Devanture, Boulangerie Frères & Artisans, Senlis (60)

A Senlis, sur la place de la Halle, Yvan et Gérard Cardon régalent les gourmands depuis déjà deux ans. Leur boutique ne ment pas, la devanture annonce « Au Bon Pain », et c’est bien ce qu’on y trouve. A l’intérieur, l’essentiel de la superficie est dédié à l’espace de vente, et le laboratoire situé dans le prolongement n’est pas bien grand. Cela a mené ces deux frères… et artisans – c’est le nom de leur boutique – à se poser des questions pour réaliser une production de qualité, maîtrisée de bout en bout. S’en sont suivis des choix forts et différenciants, qui ont forgé leur identité auprès de la clientèle locale.

Gérard et Yvan Cardon

Gérard et Yvan Cardon

Ces deux artisans – l’un pâtissier, l’autre boulanger – ne sont pas arrivés là par hasard. L’histoire a commencé il y a plusieurs années, alors qu’ils étaient encore salariés. C’est en découvrant les méthodes de fabrication de certains patrons de son frère qu’Yvan, le boulanger du duo, piqué au vif, a pris le parti de se former au travail sur levain, à développer des produits riches en arômes et en savoir-faire. La rencontre avec leur futur meunier, Yvon Foricher, n’a fait que les encourager dans cette voie : la qualité sera leur marque de fabrique. Ils auront à coeur de porter cet engagement pendant 5 ans dans leur affaire de Gien, dans le Loiret, tout près du fameux Moulin des Gaults. Au delà de la qualité de la matière première, le service et l’accompagnement ont contribué à bâtir une relation de confiance avec leur fournisseur, dont la compétence des équipes n’est plus à prouver.

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Leur projet d’installation à Senlis s’est construit très logiquement, de par leurs origines dans la Somme -département voisin de l’Oise- et l’envie de pouvoir s’exprimer plus librement auprès d’une clientèle ouverte et réceptive. Ils n’ont pas été déçus sur ce point : les consommateurs sont ici particulièrement sensibles à des produits « typés ».

Le laboratoire est visible derrière le mur à pains, dans le prolongement de la boutique.

Le laboratoire est visible derrière le mur à pains, dans le prolongement de la boutique.

La gamme de pains intègre en totalité du levain dur, y compris la baguette de Tradition. Un choix atypique quand on connaît la tendance naturelle de nombreux artisans à céder à l’uniformisation du goût en proposant des gammes très « neutres » et peu différenciantes. On retrouve ainsi des notes acidulées (avec une belle maîtrise, puisque ces dernières savent rester mesurés), des croûtes généreuses et de belles mies charnues. Ici, pas de baguette de pain courant, mais une Tradition à 1 euro, réalisée en non-façonné (méthode PanovA). La production est ainsi rationalisée et la masse salariale maîtrisée : le fournil ne compte ainsi que deux personnes pour la production boulangère, incluant l’un des deux associés et un apprenti. Même constat en pâtisserie, avec également un binôme pour réaliser la gamme sucrée et la viennoiserie.

Avant la coupure de 14h à 15h, les viennoiseries ne sont plus nombreuses ! Les suivantes sont déjà en pousse pour la réouverture.

Avant la coupure de 14h à 15h, les viennoiseries ne sont plus nombreuses ! Les suivantes sont déjà en pousse pour la réouverture.

Comme je l’indiquais précédemment, ce qui aurait pu être considéré comme des contraintes a été considéré avec beaucoup d’intelligence par les frères Cardon, qui ont saisi l’opportunité de réaliser des gammes courtes et recentrées autour de leur savoir-faire d’artisan.

Les pâtisseries

Les pâtisseries

Le mur à pains présente quelques belles pièces : des tourtes de Meule, le fameux Pain des Gaults (mélange de froment et de seigle), … accompagnés de quelques déclinaisons gourmandes (pain au cacao & cranberries, figues-noisettes, ciabatta…) et des classiques aux graines. Le sucré met à l’honneur la tarterie et la pâte à choux, ainsi qu’un bel assortiment de viennoiseries créatives : roulés aux multiples saveurs (citron-cranberries, par exemple) et brioches parfumées (pralines roses, agrumes et noisettes, feuilletées…). L’idée n’est pas d’en faire trop, mais de proposer régulièrement des nouveautés, de créer de la vie en boutique.

Bien en vue à côté de la caisse, il est difficile de ne pas fondre pour les brioches feuilletées, aux agrumes et noisettes ou aux pralines !

Bien en vue à côté de la caisse, il est difficile de ne pas fondre pour les brioches feuilletées, aux agrumes et noisettes ou aux pralines !

Ne nous en cachons pas : le pouvoir d’achat n’est pas négligeable à Senlis et cela a participé au choix d’implantation. Pour autant, les tarifs demeurent très mesurés (Tradition à 1 euro, pains à la coupe à 6€/kg, croissant à 1 euro, …) et c’est sans doute ce qui contribue à fidéliser la clientèle. Preuve en est que l’installation en début d’année d’une succursale de l’enseigne Louise à proximité n’a pas réellement affecté l’activité de la boulangerie Frères & Artisans : bien sûr, les ventes de pain ont légèrement diminué pendant quelques semaines… avant de repartir de plus belle. Une véritable rencontre entre des artisans et une clientèle s’est opérée ici, et c’est pour moi un élément essentiel de la réussite d’une affaire sur la durée.
L’offre salée sait rester à sa place, avec quelques sandwiches, tartines et fougasses. Elle répond efficacement à une demande liée à la proximité immédiate de lycées, collèges… sans compter sur les travailleurs qui participent à la vie de ce sympathique centre ville pavé.

L'offre salée, très boulangère.

L’offre salée, très boulangère.

Ce couple bien rodé a prouvé sa capacité à faire des choix mesurés et pertinents, toujours réfléchis. Leur maîtrise du métier leur permet ainsi de voir plus loin, portés par une réelle vision de l’artisanat… et donc de se développer. A la rentrée, il faudra compter sur eux à Chantilly. En se portant acquéreurs de la Boulangerie du Château (au 24 rue du Connétable), les frères Cardon vont pouvoir faire profiter de leur savoir-faire à une clientèle toujours plus nombreuse et dynamiser l’offre locale. La proximité géographique et les similitudes dans la typologie de chalandise ont fait de cette opportunité une quasi-évidence pour ce duo talentueux. Yvan Cardon prendra donc la tête de cette nouvelle affaire, tandis que Gérard continuera de gérer celle de Senlis. Les deux unités trouveront rapidement des synergies et mettront à profit le nouvel espace de production, ce dernier étant bien plus vaste que le premier.
On suivra donc avec intérêt ce dossier, même si je ne doute pas de la réussite de ce projet, qui devrait donner un coup de fouet à Chantilly… idéal pour faire monter la crème !

Une belle gamme de fours secs a été développée : diamants, langues de chats, carrés nougatine, meringues, ... la clientèle locale est particulièrement friande de ces produits, car ils accompagnent bien le thé et les goûter d'après-midi.

Une belle gamme de fours secs a été développée : diamants, langues de chats, carrés nougatine, meringues, … la clientèle locale est particulièrement friande de ces produits, car ils accompagnent bien le thé et les goûter d’après-midi.

Infos pratiques

22 place de la Halle – 60300 Senlis / tél : 03 44 53 00 43
ouvert tous les jours sauf le jeudi de 6h30 à 14h et de 15h à 19h30, uniquement le matin le dimanche.

C’est toujours amusant de donner tort à une expression populaire, de montrer combien la pensée commune peut parfois être dépassée et que son caractère si pratique et facile n’apporte pas grand chose en définitive. On peut ainsi entendre dire « rien de nouveau sous le soleil », comme si le beau temps et les températures élevées pouvaient endormir nos envies de changement et d’entreprise. Fort heureusement, c’est loin d’être le cas.

Chaque été, la tradition se répète : les sociétés d’agencement sont sur le qui-vive afin de donner un nouveau souffle aux boutiques en un minimum de temps, avec très peu de possibilités de dépassement du délai imparti : il faut bien reprendre l’activité pour ne pas risquer de perdre du chiffre d’affaires. C’est aussi l’occasion pour certains de passer la main, ce qui implique parfois quelques surprises pour la clientèle à la rentrée. Espérons qu’elles soient heureuses.

Maison Landemaine passe les frontières de la capitale

Si on connaissait surtout Rodolphe Landemaine pour son développement à Paris intra-muros et ses percées sur le territoire japonais, il semblerait qu’il faille à présent compter sur lui sur des terrains plus vastes. Les travaux ont commencé hier à côté de la gare d’Asnières-sur-Seine, et les équipes de CMC Agencement n’ont pas ménagé leurs efforts pour faire table rase d’une affaire qui avait laissé le temps passer sans savoir se réinventer… alors que son emplacement passant aurait pu être mis à profit. La concurrence qualitative n’est pas très développée à proximité, et ce sera au groupe Holder que les équipes du boulanger-entrepreneur auront à faire face, puisque l’on trouve un Paul à proximité immédiate.
J’ai hâte de voir le résultat : la surface est importante et la rencontre de cet agenceur avec l’identité de l’artisan peut être intéressante. Rendez-vous en septembre !

Le couple Morange fait bouger la rue Mouffetard

En bas de la rue Mouffetard, au 123, Carole et Emmanuel Morange représentent l’archétype du couple d’artisans talentueux et discrets. Au fil des années, ils ont su fidéliser une clientèle toujours plus nombreuse en proposant des produits de qualité et en développant un esprit « village », propre au commerce de proximité que représente une boulangerie.
Ils ont acquis l’an passé la boulangerie la plus proche, située au 113 rue Mouffetard. Ce choix peut paraître surprenant car le boulanger finit par se faire concurrence à lui-même. Pour tenter de limiter cet effet, il a développé une gamme de pains entièrement biologique dans la nouvelle boutique. Cet été, c’est au tour des murs et de la façade de revêtir de nouvelles couleurs. Le chantier a été confié à Mosaïc Agencement.
Le pari réalisé ici me semble risqué : ce boulanger, même si ses qualités professionnelles sont indéniables, parviendra-t-il à faire progresser cette affaire à la hauteur des investissements réalisés ? A suivre.

Chantier Morange rue Mouffetard

Arnaud Cimmati est sur les bancs d’Assas

L’entrepreneur Arnaud Cimmati s’est mis à la boulangerie en reprenant l’affaire du 31 rue d’Assas. Cette dernière avait besoin d’un coup de jeune, et c’est précisément ce qu’elle est en train de recevoir. Le résultat sera à observer car il s’agira de l’expression de la vision d’un homme plus porté sur la vision entrepreneuriale que sur le produit.
A noter qu’en plus d’être sur les bancs d’Assas, il est en train d’acquérir une seconde boulangerie, au 28 rue Geoffrey Saint Hilaire, dans le 5è arrondissement. Voilà donc un nom sur lequel il faudra compter à l’avenir…

La petite boulangerie d'Arnaud Cimmati rue d'Assas, en pleins travaux.

La petite boulangerie d’Arnaud Cimmati rue d’Assas, en pleins travaux.

La Maison Kayser continue à investir (à) Paris

Pour des acteurs déjà bien implantés comme la Maison Kayser, il y a à présent deux axes à tenir pour continuer leur développement : améliorer la performance des unités existantes et ouvrir de nouveaux points de vente… les deux éléments étant au moins aussi importants, car les boutiques vieillissent inexorablement, d’autant plus si elles accueillent une forte fréquentation.
Cet été, c’est au tour du 14 rue Monge de se voir remodelé. L’espace de vente était assez dépassé, et pour cause : il s’agit de la seconde boutique « historique » de l’enseigne. CMC Agencement est à la manoeuvre pour lui redonner un nouveau souffle.

Le 14 rue Monge en chantier

Le 14 rue Monge en chantier

A la rentrée, ce sera du côté de la Gare de Lyon qu’il faudra regarder, puisque le couple Quévreux a cédé son affaire du 13 boulevard Diderot au fameux boulanger globe-trotter. La fermeture estivale, qui ne devrait plus tarder, sera l’occasion de réaliser quelques travaux.

La future boulangerie Kayser du boulevard Diderot

La future boulangerie Kayser du boulevard Diderot

Rue de Charenton, on va être très… honoré(s)

Honoré Paris 12èLa pâtisserie Honoré (237 rue de Charenton, Paris 12è) a été cédée au début du mois de juillet. Les travaux ont bien avancé dans la boutique, qui devrait réouvrir mardi 4 août. La principale nouveauté, au delà de l’arrivée du couple Oursel (que l’on connaissait précédemment à Clichy, au sein d’une affaire revendue à Arnaud Sevin), sera le développement de l’offre boulangère : les stores le laissent clairement entendre. Même si ce choix peut se comprendre par la difficulté que connaissent les pâtissiers « purs » à faire vivre leur entreprise, la forte intensité concurrentielle déjà présente dans ce secteur risque de compliquer la venue d’un nouvel acteur.

 

Manon revisite la Bretagne

L’ancienne « Fougasse » du 25 rue de Bretagne arborait depuis déjà plusieurs années le nom de « Chez Manon ». La boutique n’était pas particulièrement réussie et se révélait aussi sombre que peu pratique pour la circulation des clients. Guy Crouin et ses équipes ont engagé des travaux depuis plusieurs mois afin de remédier à ce fait. La fermeture a été prolongée en raison de modifications à mener au sein du laboratoire, agrandi (notamment par la découverte de caves !) et modernisé.
La réouverture aura lieu ce vendredi 31 juillet au matin.

Une devanture sobre et élégante, voilà qui devrait faire mouche dans ce quartier assez bourgeois.

Une devanture sobre et élégante, voilà qui devrait faire mouche dans ce quartier assez bourgeois.

Du pain pour les Lombards

A la quasi-intersection de la rue des Lombards et du boulevard de Sébastopol, la boulangerie a été tenue pendant un temps par la famille Hakkam… avant d’être délaissée et fermée une longue période. Le nouvel occupant avait bâti un intérieur aux couleurs criardes, faisant preuve d’un goût douteux. Cela n’était pas parvenu à attirer l’attention de la clientèle, et la boutique est actuellement en travaux. Espérons que le résultat soit plus élégant.

Une devanture sobre et élégante, voilà qui devrait faire mouche dans ce quartier assez bourgeois.

Une devanture sobre et élégante, voilà qui devrait faire mouche dans ce quartier assez bourgeois.

Rue du Pas de la Mule, les Mulot s’en sont allés… par un trou de souris

Tout près de la place des Vosges (6 rue du Pas de la Mule), la boutique de Marie-Claude Mulot, exploitée sous le nom de son ex-mari Gérard, était sur le déclin depuis déjà bien longtemps. La situation a pris fin avec la cession du fonds de commerce au couple Gauthier, que l’on connaissait précédemment boulevard Saint-Marcel, dans le 13è arrondissement. Les travaux sont terminés depuis quelques semaines, pour un résultat… douteux. En pénétrant dans la boutique, on se demande où l’on est : l’espace de vente est occupé par des présentoirs de libre-service où l’on trouve un peu de tout… et même des sushis. Boulangerie ou épicerie ? Si le pain était de qualité, la question se poserait moins. Malheureusement, c’est loin d’être le cas. La baguette de Tradition (une Campaillette Grand Siècle) est aussi sèche qu’insipide. On passera sur le reste, et notamment sur la viennoiserie massacrée.

Du mouvement rue de Lévis

Dans le 17è arrondissement, la rue de Lévis brille autant par son nombre important de boulangeries par leur réputation médiocre. L’offre est en train de se renouveler avec des mutations de fonds. Au 6, l’ancienne boutique du Moulin de la Vierge a été reprise par Carlos Marques, déjà installé à Asnières-sur-Seine. Même si ce dernier exprime mieux son art en pâtisserie, il devrait sans nul doute faire mieux que ses prédécesseurs.

Marques rue de Lévis L’ancienne affaire Maison Privat (au 21) est en travaux depuis plusieurs semaines, ce qui laisse entendre une réouverture prochaine. Le nom du repreneur reste encore mystérieux.
Les mouvements dans la zone devraient se poursuivre dans les mois à venir.

Bientôt du pain de qualité pour les Olympiades

Le quartier des Olympiades n’est pas riche en boulangeries recommandables. La donne pourrait bien changer avec l’arrivée à l’automne d’Anthony Bosson et ses équipes, qui s’installeront au 89B rue de Tolbiac, en lieu et place d’une boulangerie Banette.

Si vous avez connaissance d’autres mouvements, n’hésitez pas à me le faire savoir !

Beaucoup de boulangers se contentent de faire leur métier au jour le jour, sans bien avoir de vision sur l’avenir. Oh, oui, bien sûr, ils pensent à demain dès lors qu’il s’agit de lentes fermentations, de pousses contrôlées, de pâtes à pétrir pour plus tard… mais cela ne va pas vraiment plus loin. Combien d’artisans partagent des histoires, des envies, une réelle identité avec leurs clients ? Plus le temps passe et plus je vois naître des concepts qui n’apportent pas de fond, dressent de véritables écrans de fumée et endorment un public avide d’adresses « tendance »…

Du Pain pour Demain, Dijon (21)

Originaires de Bourgogne, Aude et Louis Tortochot sont revenus sur leurs terres il y a 5 ans pour penser à demain… en créant leur boulangerie Du Pain pour Demain, installée dans un quartier résidentiel de Dijon. Ici, rien n’a été laissé au hasard, mais répond au contraire à une réflexion profonde sur la façon d’exercer le métier d’artisan boulanger.
Pendant plusieurs années, le couple a enrichi ses compétences et son environnement professionnel par la formation (notamment chez les Compagnons du Devoir) mais aussi par le voyage, en exerçant aussi bien au Canada qu’en Belgique ainsi que dans de multiples régions françaises. C’est en étant confrontés à l’usage intensif d’améliorants et d’additifs, modifiant le goût et la texture des produits, qu’ils ont forgé leur volonté de ne recourir qu’à des matières premières naturelles et de haute qualité. Les farines sont livrées par les Moulins Foricher – pour la Tradition et les farines CRC – et par la ferme La Gauloise, située à Sacquenay (à environ 30km de la boulangerie) – pour le bio.

Chez Du Pain pour Demain, pas de baguette de pain courant, mais uniquement une Tradition savoureuse et colorée.

Chez Du Pain pour Demain, pas de baguette de pain courant, mais uniquement une Tradition savoureuse et colorée.

Ce dernier choix n’a rien d’anodin : en effet, les farines livrées par cet agriculteur ne sont pas corrigées ni même testées en sortie de mouture, ce qui implique de s’adapter à chaque nouveau lot. Sur 200 hectares, il cultive aujourd’hui 30 variétés de céréales et remet à l’honneur des variétés anciennes comme l’Emmer Noir ou l’Engrain. Après le nettoyage, grâce à un trieur optique particulièrement performant, et la mouture sur meule en deux passages, la farine obtenue est de qualité exceptionnelle, autant sur le plan nutritionnel que gustatif. Malgré la difficulté que peut représenter la mise en oeuvre d’une telle matière première, les artisans boulangers représentent aujourd’hui la majeure partie des débouchés pour les farines. Cela valide pleinement le choix fait ici de maitriser l’ensemble de la chaine, du champ à la mouture, aboutissant ainsi à une meilleure valorisation du travail.

Les baguettes sont réalisées en non-façonné.

Les baguettes sont réalisées en non-façonné.

Le CRC, et le choix de Foricher (qui écrase d’ailleurs des céréales bourguignonnes, par le biais de son fournisseur, la coopérative Capserval), s’est imposé comme une évidence pour l’artisan : les valeurs véhiculées par le meunier et le mode d’agriculture respectueux de l’environnement font bien écho à ses convictions. C’est ainsi que les farines de Tradition et de Gruau sont livrées depuis le moulin Dormoy, situé à Fougerolles.

Le pain est présenté "à plat", à la hauteur du client.

Le pain est présenté « à plat », à la hauteur du client.

Revenons à Dijon, rue de Bruges. La boutique ne saurait laisser le client indifférent : avec son aménagement sobre, laissant pleine vue sur le four et la cuisson des produits, elle prolonge bien l’esprit de simplicité voulu par les artisans. Dans les vitrines, principalement du pain : par sa disposition au plus près du client, à plat, il se place ainsi en rupture des codes habituels de la boulangerie-pâtisserie où on le retrouve perché sur un mur. Les pâtisseries sont très boulangères, avec une prédominance de tartes, même si Aude Tortochot a suivi une formation dans cette discipline. L’entreprise est ainsi libérée de la complexité que peut représenter une gamme plus élaborée… ce qui permet de se concentrer sur des viennoiseries gourmandes et créatives. Bien sûr, le tout est complété par une offre salée où se côtoient sandwiches et quiches.

Quiches, Du Pain pour Demain, Dijon (21) Du Pain pour Demain est ainsi une halte idéale pour les nombreuses voitures et passants du secteur : on retrouve à proximité un lycée européen et un centre commercial, qui assurent un flux de véhicules soutenu, auxquels s’additionnent les clients de la zone résidentielle autour de la boulangerie. Cela souligne bien la pertinence d’un emplacement hors du centre-ville, où les loyers sont devenus très élevés pour des paniers relativement limités. Le raisonnement n’est pas seulement économique : de cette façon, la clientèle dispose d’une boulangerie de qualité à proximité immédiate de son lieu d’habitation, mais aussi sur le trajet vers son lieu de travail, de loisirs ou d’enseignement. Louis Tortochot défend avec conviction sa vision, selon laquelle de plus en plus de boulangeries dynamiques s’installeront en périphérie des grandes villes, ou bien en secteur pavillonnaire, et feront bouger durablement les lignes du métier.

Pains, Du Pain pour Demain, Dijon (21)

Bouger les lignes, cela commence avant tout par le goût, car c’est l’élément le plus ressenti par le consommateur. La gamme de pains développée par l’équipe du fournil exprime une forte identité, respecte les fermentations, sublime le produit par des façonnages délicats et soignés.

Des torsades salées aux olives ou lardons et fromage

Des torsades salées aux olives ou lardons et fromage

Le levain sait se faire discret pour porter les arômes sans les écraser. De la baguette de Tradition (0,90€ les 250g !) au pain de petit épeautre et son riche bouquet aromatique (avec de vives notes épicées) en passant par des déclinaisons gourmandes (miel-noisettes-raisins, oranges confites, …), les boules Biologiques, … le choix ne manque pas et les tentations également. Cela se retrouve du côté des viennoiseries, où les croissants colorés font leur effet : chocolat blanc-vanille, caramel au beurre salé, amandes, … la créativité de l’artisan semble sans fin, et c’est sans doute ce qui participe à la fidélité de sa clientèle.

Les croissants en voient de toutes les couleurs, avec toujours un feuilletage très croustillant.

Les croissants en voient de toutes les couleurs, avec toujours un feuilletage très croustillant.

Le propre de ces boulangers talentueux et porteurs d’une véritable vision sur leur métier est sans doute de toujours chercher à aller plus loin, à développer des idées d’avance. Les Tortochot nous fournissent du Pain pour aujourd’hui et pour Demain… mais ils ambitionnent de continuer à le faire après-demain, sous d’autres formes, en mettant toujours plus l’accent sur leur identité singulière et leur volonté de proposer des produits de qualité exceptionnelle. Voilà donc un projet à suivre… de quoi nous faire attendre demain avec impatience.

Quelques tables sont disposées à l'extérieur pour déguster les produits.

Quelques tables sont disposées à l’extérieur pour déguster les produits.

Infos pratiques

31 rue de Bruges – 21000 Dijon / tél : 03 80 72 03 06
ouvert du lundi au vendredi de 6h30 à 19h, le dimanche de 7h à 12h30.
Site internet : http://www.dupainpourdemain.fr

Je regrette souvent le manque de discernement dont les artisans boulangers peuvent faire preuve quand il s’agit de sélectionner les matières premières destinées à la fabrication de leurs pâtisseries, sandwiches ou autres préparations faisant appel à d’autres ingrédients que de la farine ou du beurre. Entre chocolat bas de gamme, jambon premier prix, compote réalisée à partir de purée de pomme concentrée, … il n’y a pas beaucoup à chercher pour savoir pourquoi les produits que l’on consomme ont un goût bien étrange, désagréable voire proche de celui diffusé par l’industrie. Les fournisseurs très implantés dans le secteur (BackEurop, Transgourmet, Délice & Création…) ne font rien pour arranger les choses, et pour cause : ils s’assurent ainsi des marges confortables.

Les raisons à une telle situation sont multiples, mais cela tient surtout à un manque de culture et de volonté : plutôt que de chercher des producteurs, on va à la facilité.
Heureusement, quelques acteurs changent la donne et entreprennent un véritable travail de sourcing. C’est le cas des trois associés à l’origine du projet Dupain.
Si vous vous intéressez au paysage de la restauration parisienne, les noms de Julien Fouin et Ludovic Dardenay ne vous sont peut-être pas inconnus. En effet, ces deux entrepreneurs ont multiplié les ouvertures au cours de ces dernières années : Jaja, Glou, Beaucoup, ou plus récemment Grand Coeur et Bon Vivant… Leur réussite est aujourd’hui incontestable.

Boulangerie Dupain, boulevard des Filles du Calvaire, Paris 3è

Derrière la palissade les travaux vont bon train pour aménager la boutique au 20 boulevard des Filles du Calvaire.

Rien ne semble parti pour les arrêter, puisqu’on les retrouvera prochainement dans le secteur de la boulangerie-pâtisserie. C’est avec Tanguy Lahaye qu’ils ouvriront à la fin du mois leur première boutique au 20 boulevard des Filles du Calvaire, dans le 3è arrondissement.
Le parcours de cet homme est aussi riche qu’atypique : parti d’une formation de restaurateur, il a évolué au sein de multiples entreprises reconnues dans la boulangerie-pâtisserie parisienne. Gérard Mulot, Midoré, … jusqu’à participer, avec ses deux futurs associés, à l’ouverture du concept de restauration rapide Aux 2 Vaches, boulevard Haussmann. L’idée d’en revenir au pain est venue très simplement, au cours d’un repas. Ce dernier représente un budget conséquent pour une entreprise de leur taille, dès lors la mise en place d’un outil de production dédié paraissait pertinente.

Pour parvenir à gérer efficacement ses équipes, Tanguy Lahaye aura donné de sa personne et pris le temps d’apprendre le métier : entre le CAP de Boulanger qu’il vient de passer et de nombreuses expériences dans des fournils d’artisans français passionnés, il a pu acquérir des compétences qui lui permettent d’être légitime et productif.
Si j’ai commencé en parlant de choix des matières premières, c’est qu’il a ici fait l’objet d’un processus particulièrement rigoureux. La farine, entièrement issue de l’Agriculture Biologique, est livrée par deux meuniers : Suire et Gilles Matignon. Ce dernier exploite un moulin artisanal en Seine-et-Marne, à Château-Landon. Travailler avec cette matière première représente une difficulté supplémentaire, car il faut s’adapter à chaque livraison, se poser des questions. Un choix qui dénote d’une véritable volonté de travailler avec des acteurs locaux et engagés.

Le pain au levain, future signature du lieu. Réalisé à partir de farine de Meule, d'une pointe de seigle et de levain naturel, il exprime une agréable note acidulée en fin de bouche.

Le pain au levain, future signature du lieu. Réalisé à partir de farine de Meule, d’une pointe de seigle et de levain naturel, il exprime une agréable note acidulée en fin de bouche.

Si la boutique verra le jour sur le boulevard, c’est en dessous que tout se passe. En effet, le fournil est visible au 111 rue Amelot. Dans les anciennes cuisines d’un restaurant asiatique, l’investissement réalisé est de grande ampleur : matériel neuf (four Bongard, façonneuse Merand, …), aménagement réalisé dans les règles de l’art, les créations de ce type ne sont pas légion.
Le personnel pourra ainsi réaliser les produits dans des conditions idéales. Bien sûr, les restaurants du « groupe » seront les premiers clients, et commencent déjà à être livrés (avec notamment près de 600 buns par jour pour Ground Control, bar éphémère installé dans le 18è arrondissement), mais les passants pourront profiter de la démarche au travers de gammes courtes et très soignées.

Les essais sont encore en cours sur la baguette, pour parvenir à un aspect et un alvéolage satisfaisants. Le parti-pris est de la proposer à un prix accessible - 1,10€ - pour montrer que l'on peut fabriquer une baguette biologique et de qualité abordable.

Les essais sont encore en cours sur la baguette, pour parvenir à un aspect et un alvéolage satisfaisants. Le parti-pris est de la proposer à un prix accessible – 1,10€ – pour montrer que l’on peut fabriquer une baguette biologique et de qualité abordable.

A l’ouverture, l’accent sera mis sur des pains de caractère, réalisés à base de levain naturel. Entre une généreuse miche sur base de farine de Meule et une baguette mélangeant astucieusement froment, seigle et petit épeautre, les amateurs seront satisfaits. Même choix en viennoiserie (sur base de beurre de Montaigu), où les croissants, pains au chocolat et chaussons aux pommes (fraiches et caramélisées) seront à l’honneur. La pâtisserie alignera moins de dix références (faisant la part belle aux fruits de saison), simples mais très travaillées en amont, tout comme l’offre traiteur. Tanguy Lahaye tient à ne proposer que des produits aboutis, goûtés, re-goûtés, et approuvés par ses associés.

Voilà donc un projet à suivre de près, car il apporte une vision intéressante de la boulangerie-pâtisserie tout en intégrant un engagement dans le savoir-faire métier. L’offre locale, aujourd’hui assez peu qualitative, devrait s’en trouver considérablement bousculée.

Infos pratiques

Boulangerie Dupain – 20 boulevard des Filles du Calvaire – 75003 Paris (métro Filles du Calvaire, ligne 8)
ouverture prévue fin juillet 2015.

J’entends souvent des esprits chagrins qui me disent qu’il faut avant tout penser à la qualité de son emplacement, à optimiser son coefficient, à développer une offre la plus consensuelle possible et « adaptée » à notre époque, c’est à dire orientée avant tout sur le traiteur, en délaissant volontairement les fondamentaux que sont le pain ou la viennoiserie. Est-ce vraiment ça, la boulangerie artisanale, une simple histoire de chiffres ? Parfois, je me dis que pour juger notre façon d’agir, nous devrions demander à l’enfant que nous étions de parler de l’adulte que nous sommes devenu. Mettre le doigt sur notre renoncement, sur la grisaille qui a teinté nos idéaux, sur les poches sous nos yeux qui ne servent pas à grand chose sinon à prouver, à nous prouver, que nous sommes de grands travailleurs. De grands marathoniens à contre-sens, surtout.

Devanture, Citron Meringué, Issy-les-Moulineaux (92)

Heureusement je connais de véritables contre-exemples, qui ont justement écouté ces petits garçons et ces petites filles qu’ils avaient su rester au fond d’eux, en ayant à coeur de réaliser leurs rêves. Quelle plus belle façon d’être adulte ? En tout cas, c’est celle qui me plaît et me donne espoir.
C’est précisément le cas de Bruno Lepoix. Souvenez-vous, je vous avais parlé de ce reconverti à la boulangerie-pâtisserie et de sa boutique de Châtillon, astucieusement nommée Citron Meringué. Depuis, l’artisan n’a pas dévié de sa ligne directrice et est resté fidèle à ses valeurs : proposer des produits savoureux et accessibles, en restant sur des gammes courtes.

La sacherie rose vif ne passe pas inaperçu et participe à l'univers singulier de cet artisan.

La sacherie rose vif ne passe pas inaperçu et participe à l’univers singulier de cet artisan.

L’ouverture de sa première affaire avait été une aventure : prenez un emplacement loin d’être N°1, ajoutez-y les difficultés d’une création, vous devez alors vous constituer une clientèle en vous différenciant nettement du reste de l’offre… c’est précisément le parti-pris ici, et l’élément clé qui est parvenu à fidéliser et fédérer une véritable communauté autour de l' »esprit » Citron Meringué.
Au point d’arriver à une situation où le laboratoire pâtisserie était devenu trop petit, ne permettant pas de produire dans de bonnes conditions. Si l’idée d’un espace extérieur dédié à cette activité avait été envisagée, Bruno Lepoix a finalement opté pour un projet beaucoup plus ambitieux.

Le cadre est particulièrement sympathique devant la boutique.

Le cadre est particulièrement sympathique devant la boutique.

A Issy-les-Moulineaux, le quartier du Fort a été entièrement réaménagé pour y accueillir une zone résidentielle et des commerces. Au hasard d’une promenade, l’entrepreneur a découvert le projet et, séduit par le contexte, s’est rapproché de l’organisme en charge de l’opération.

Les cookies et le pain de Petit Epeautre, dernier né de la gamme.

Les cookies et le pain de Petit Epeautre, dernier né de la gamme.

C’est ainsi que Citron Meringué a pris le Fort il y a un peu moins d’un an, en ouvrant sa seconde boutique – une nouvelle création, avec l’investissement d’ampleur que cela entend. Le lieu est particulièrement sympathique : idéalement disposée face à une étendue d’eau artificielle, elle incite tout naturellement le client à prendre quelques minutes pour s’arrêter sur une des quelques tables disposées en terrasse (aux beaux jours !) ou à l’intérieur.

Le mur ne manque pas d'humour !

Le mur ne manque pas d’humour !

Les débuts n’ont pas été de tout repos : les choix marqués de l’artisan n’ont pas fait l’unanimité, et il a fallu de la pédagogie et du temps pour que ses qualités soient reconnues. Pas de baguette de pain courant, des pâtisseries plus chères que la moyenne locale (matières premières et main d’oeuvre qualifiée oblige), … autant de barrières potentielles, mais aussi de points d’affirmation de l’identité singulière de l’entreprise.

Pâtisseries, Citron Meringué, Issy-les-Moulineaux (92)

Avec une baguette de Tradition aux notes de crème, tarifée 1 euro seulement, des tourtes de Meule généreuses, des viennoiseries bien feuilletées et des créations pâtissières abouties, Bruno Lepoix a fini par séduire et, même s’il accuse un peu le coup de ces 5 années de labeur intenses, est aujourd’hui heureux du chemin parcouru.
Il s’agit en tout cas d’un bel exemple de reconversion réussie, cette dernière étant portée par une véritable passion du métier et l’acquisition d’un savoir-faire au travers d’une formation initiale, mais aussi de nombreux stages chez des professionnels aguerris.

Infos pratiques

71 esplanade du Belvédère – 92130 Issy les Moulineaux (métro Mairie d’Issy, ligne 12) / tél : 01 41 08 18 95
ouvert du mardi au samedi de 7h à 20h, jusqu’à 17h le dimanche.

J’ai parfois l’impression que nous sommes pris dans une vaste partie d’échecs, avec le simple statut de pion. A tout moment, un prédateur peut nous attaquer et nous extraire du plateau… Qui du fou, du cavalier, du roi ou de la reine, nous attaqueront ? Peu importe, car en définitive, on risque rien de terminer en échec, sans possibilité de se retourner. Rien de brillant, on pourrait même dire que c’est… mat.

Enseigne, Paris Baguette, rue Gaillon, Paris 1er

La boulangerie artisanale serait-elle prise dans une telle situation ? Entre les assauts répétés de l’industrie, des chaines aux offres commerciales agressives et la difficulté de plus en plus grande de s’installer, on pourrait bien le penser. Seulement, d’autres périls pourraient bien s’ajouter à la liste.
A commencer par l’arrivée d’acteurs étrangers de très grande taille, aux moyens financiers quasi-illimités. C’est précisément le cas du groupe coréen SPC-Paris Baguette. Avec plus de 3000 points de vente dans le monde (en Asie, mais aussi aux Etats-Unis), l’entreprise compte parmi les leaders mondiaux du secteur.

Paris Baguette, artisan boulanger, la signature aurait de quoi faire sourire quand on connaît l'identité du groupe !

Paris Baguette, artisan boulanger, la signature aurait de quoi faire sourire quand on connaît l’identité du groupe !

Malgré son nom faisant directement référence à notre capitale, cet empire ne s’était pas implanté sur nos terres. La donne a changé l’an passé, avec la reprise d’une boulangerie dans le centre de Paris, rue Jean-Lantier. La nouvelle n’était pas passée inaperçue, avec de nombreux articles dans la presse nationale. Je pense cependant que la question de fond n’avait pas été suffisamment traitée : quelles sont les ambitions de ce nouvel arrivant dans notre paysage boulanger ?

Devanture, Paris Baguette, rue Gaillon, Paris 1er

A l’image de la première acquisition, la reprise de l’affaire du 15 rue Gaillon, à proximité de l’Opéra Garnier, s’est faite sans bruit, dans le courant de l’automne 2014. Pendant plusieurs mois, la boutique a été exploitée sans grand changement visible… puis vint le temps des travaux, de la transformation. Le processus s’est achevé aujourd’hui, avec la réouverture de la boutique.

Pains, Paris Baguette, rue Gaillon, Paris 1er Le style est sobre et se fond bien dans le décor. Pas de faute de goût ni de volonté de se démarquer nettement de l’environnement concurrentiel. Cela avait même surpris : l’absence de spécialités asiatiques avait sans doute fait plus de bruit que le reste. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, puisque l’on retrouve dans ce nouveau point de vente des produits très typés : entre le chiffon-cake à la vanille ou garni de chantilly, les brioches aux haricots rouges ou encore les petits pains moelleux recouverts de crumble façon « melon pan », les amateurs seront comblés. L’offre salée n’y échappe d’ailleurs pas, avec des sandwiches incorporant des ingrédients tels que le saté. C’est d’ailleurs plutôt cohérent : la rue Sainte-Anne et ses nombreux restaurants asiatiques ne sont pas loin… on peut donc y voir un certain prolongement.

L'intérieur, Paris Baguette, rue Gaillon, Paris 1er

Sauf qu’à mon sens, c’est tout autre chose. Que ce soit ici ou près des Halles, les emplacements semblent avoir été choisis volontairement « en retrait », comme pour installer des laboratoires permettant de prendre le pouls du marché avant de lancer une offensive de plus grande ampleur. Doucement mais sûrement, l’enseigne acquiert du savoir-faire et pourra à terme rivaliser avec les acteurs les plus en vue sur notre marché.

Brioche red bean, petit pain crumble façon melon pan... les spécialités asiatiques sont finalement arrivées chez Paris Baguette France.

Brioche red bean, petit pain crumble façon melon pan… les spécialités asiatiques sont finalement arrivées chez Paris Baguette France.

Cela passe notamment par les hommes, avec le recrutement d’hommes et de femmes de métier. En boulangerie, le Chef est notamment passé chez Eric Kayser et Mickaël Morieux, mais aussi dans la maison Paris Croissant à Séoul. Ce dernier a mis en place ces derniers mois une gamme complète et plutôt qualitative, avec une baguette de Tradition aux vives notes de froment et des pains au levain naturel, réalisés à partir de farines issues de l’Agriculture Biologique.
En parallèle, les recrutements ont continué, comme en témoigne une annonce publiée récemment sur le site internet de l’école Ferrandi. Le descriptif est clair : l’entreprise recherche des professionnels accomplis et ne rechigne pas à y mettre les moyens.

Des pâtisseries fines, bien finies.

Des pâtisseries fines, bien finies.

S’il y a bien sûr des marges d’amélioration, le résultat se révélait plutôt probant pour une journée d’ouverture. Du costume soigné porté par les vendeuses aux gammes produit déjà bien développées, le groupe prend vite de l’assurance. Doit-on s’en inquiéter ? Sans doute. Comme je l’évoquais précédemment, c’est avant tout la question du savoir-faire qu’ils parviennent à acquérir qui me semble centrale. Leur puissance de frappe incite naturellement les différentes entreprises de la filière à les suivre : meuniers, agenceurs, fournisseurs de matières premières… jusqu’au jour où ils auront atteint une certaine maturité, ce qui leur permettra d’imposer leurs conditions. Le rapport de force sera alors bien inégal, les structures financières étant fort différentes.

La caisse nous annonce la vocation du groupe Paris Baguette "We make people happy"... Cela laisse songeur !

La caisse nous annonce la vocation du groupe Paris Baguette « We make people happy »… Cela laisse songeur !

Voilà donc un sujet à suivre de près, et je ne doute pas que plusieurs acteurs de la profession ont déjà commencé à le faire avec intérêt… à commencer par leurs concurrents, à l’image du groupe Holder ou de la Maison Kayser. En attendant, découvrons ce nouvel Opéra, qui se joue en face de cette si charmante fontaine Gaillon.

Infos pratiques

15 rue Gaillon – 75001 Paris (métro Quatre-Septembre, ligne 3 ou Opéra, RER A & lignes 3, 7, 8 et 9) / tél :
ouvert du lundi au samedi.

Les meilleurs boulangers, ceux qui arrivent à faire vivre et grandir leur affaire, sont avant tout… d’excellents mathématiciens. Ils ont compris que tout tenait à la réalisation d’une équation entre un emplacement, une clientèle, des prix et des produits. En intégrant ces différents paramètres, leur offre s’adapte parfaitement à l’environnement dans lequel ils évoluent et leur affaire ne peut qu’être florissante. Trop peu d’artisans possèdent aujourd’hui cette culture – car c’est bien de cela qu’il s’agit. Au lieu d’en prendre conscience, de faire amende honorable et de s’entourer habilement, ils préfèrent souvent persister dans l’erreur… au prix de conséquences regrettables. Ainsi va la vie.

Devanture, Boulangerie Méline, Compiègne (60)

Carlos de Oliveira a peut-être raté sa vocation dans les chiffres et les calculs, si l’on s’intéresse au fonctionnement de sa boulangerie. Peut-être – et sûrement – pas si l’on regarde ses produits. Installé depuis l’automne 2014 à Compiègne, ce Meilleur Ouvrier de France applique avec beaucoup de talent les conseils qu’il a longtemps prodigué auprès d’artisans, dans le cadre de missions de conseil.
En posant ses valises au bord de l’Oise, il a offert à cette ville un profond renouveau de son offre boulangère… et je pense que les Compiégnois auraient bien du mal à s’en plaindre.

Sur le pont qui relie la gare à Compiègne. La boulangerie Méline est juste un peu plus loin.

Sur le pont qui relie la gare à Compiègne. La boulangerie Méline est juste un peu plus loin.

Difficile de passer à côté de la boulangerie Méline, tant son emplacement est judicieux : à l’entrée du centre ville, sur le chemin de la gare, elle s’inscrit dans une perspective idéale et jouit pleinement de la belle ouverture qui mène au pont. Voilà donc pour l’emplacement.
Même si nous ne sommes pas à Paris (plutôt loin, d’ailleurs !), la population locale possède un fort pouvoir d’achat, et la ville accueille le week-end de nombreux promeneurs. Dès lors, il est plus aisé de mettre en place une offre qualitative, car la clientèle sera plus réceptive. Pour autant, l’artisan a fait le choix de pratiquer des tarifs accessibles : 1 euro pour la baguette de Tradition, 0,90 centimes pour le croissant, sans compter des spéciaux tout aussi accessibles et des gourmandises à la portée de tous.

Meringues & traiteur, Boulangerie Méline, Compiègne (60)

Lorsque l’on passe la porte de l’établissement, on comprend quasi-immédiatement que l’on n’est pas venu pour rien. Le linéaire pâtisserie et traiteur nous accueille avec des produits bien finis et variés, ce qui nous prouve que Carlos de Oliveira et son équipe sont des artisans appliqués… et « complets ». De la tarte boulangère à l’entremets en passant par les pâtes à choux, la tradition est respectée avec une pointe de fraicheur et de fantaisie. Un Saint-Honoré, oui, mais à la mangue… une tarte à l’abricot avec un peu de spéculoos, un éclair marron-poire… sans oublier le fameux flan à l’ancienne.

Les pâtisseries, Boulangerie Méline, Compiègne (60)Peut-être l’avez vous déjà goûté sans le savoir, car la recette mise au point par le Meilleur Ouvrier de France a essaimé au fil du temps. Grâce à sa cuisson au four à sole (ce qui permet de le saisir vivement) et l’incorporation de crème fraiche dans l’appareil, on obtient une texture particulièrement crémeuse… et addictive !
Le salé sait rester à sa place, avec une offre boulangère : sandwiches, quiches, pizzas, tartines… Même rigueur, même résultat : des produits gourmands et bien finis.

La Tourte Auvergnate

La Tourte Auvergnate

J’aurais peut-être dû commencer par vous parler du pain, puisque c’est bien le sujet essentiel au sein d’une boulangerie. Là encore, l’artisan a bien compris ce fait puisqu’il propose une gamme d’exception. De la tourte de Meule au pain d’Autrefois en passant par l’Auvergnate, le Complet, le Céréales et bien sûr la baguette de Tradition, les façonnages sont appliqués, les croûtes craquantes et les cuissons superbes. Le goût est à l’avenant, avec un parfum de froment et de céréales très soutenu pour la Tradition, tandis que le levain s’exprime sur les pièces rustiques avec une belle subtilité, distillant ses notes acidulées au fil de la dégustation. Les qualités de conservation sont à l’avenant, tout comme les tarifs très abordables (1 euro la Tradition, 6,50 euros/kg pour la tourte de Meule…). Sans en faire de publicité particulière, l’artisan sélectionne des matières premières de qualité, avec une partie de la production réalisée à base de farine Biologique.

Les viennoiseries

Les viennoiseries

L’intérêt et la fidélité de la clientèle passent aussi et surtout par une remise en question permanente, par l’apport de nouveautés, ce qui aboutit à une véritable dynamique positive. Régulièrement, la gamme de viennoiseries accueille chez Méline des créations aussi savoureuses qu’originales : du croissant au coeur de praliné, de framboise, … au roulé pomme verte ou spéculoos chocolat blanc, les gourmands peuvent ainsi varier les plaisirs au quotidien. La créativité s’accompagne de bases solides : un feuilletage croustillant et léger, au bon goût de beurre… pour des feuillets aussi visibles que nombreux. La brioche feuilletée rencontre un vif succès, grâce à son jeu de textures détonnant.

Le "Carambar", comme un pain au chocolat, avec des éclats de nougatine... et une superbe scarification.

Le « Carambar », comme un pain au chocolat, avec des éclats de nougatine… et une superbe scarification.

Plusieurs produits sont proposés en dégustation permanente

Plusieurs produits sont proposés en dégustation permanente.

Cette fameuse dynamique se prolonge naturellement par l’accueil, agréable et efficace. La notion de partage n’est pas galvaudée, avec une dégustation permanente de plusieurs produits. Dans cette boutique, tout est transparent : du laboratoire visible au fond de l’espace de vente à l’information sur les produits, difficile de mettre en défaut la prestation fournie. Il faut dire que Carlos de Oliveira veille au grain, si l’on peut dire : on le retrouve au fournil mais aussi en boutique. Peut-être est-ce là le secret de sa boulangerie : un artisan exigeant, proche de sa clientèle et des réalités qui font le métier aujourd’hui… avec une belle ouverture sur le monde.

Infos pratiques

10 rue Solférino – 60200 Compiègne (gare de Compiègne, TER Picardie & Intercités) / tél : 0344865730
ouvert du mardi au samedi de 7h à 19h30, le dimanche jusqu’à 19h.

Avis résumé

Pain ? On sent une véritable rigueur au fournil, ce qui aboutit à des produits de haute volée. De la baguette de Tradition – craquante, moelleuse et au vif parfum de froment – aux tourtes Auvergnates ou de Meule, subtilement relevées par un levain très maîtrisé, difficile de mettre en défaut les pains proposés ici. Cela se retrouve dans les façonnages et les cuissons… car on achète avant tout avec les yeux. Grâce à ces efforts et à une sélection rigoureuse des matières premières, on aboutit à des produits savoureux et offrant une excellente conservation.
Accueil ? Sympathique et dynamique, il a à coeur de faire partager les produits mis au point dans le fournil ouvert sur la boutique, par ailleurs très sobre. L’entreprise est ainsi très cohérente et l’ensemble du personnel est impliqué dans une dynamique de satisfaction pour le consommateur.
Le reste ? Les viennoiseries croustillent et mélangent harmonieusement les saveurs. Si le croissant (0,90 centimes seulement !) séduit par son parfum de beurre, les plus curieux se tourneront vers les créations : roulé pomme verte ou spéculoos chocolat blanc, pain au chocolat-nougatine, … Le reste de l’offre sucrée est à l’avenant avec des pâtisseries associant tradition et créativité avec élégance. Ne pas rater le fameux flan à l’ancienne et sa texture très crémeuse.

Faut-il y aller ? Bien sûr. Avec sa boulangerie Méline, Carlos de Oliveira est complètement… dans la course, sur le chemin de l’hippodrome. L’artisan réalise ici une équation idéale entre un emplacement central, des produits de haute qualité et des tarifs accessibles. Si les boulangers perdent un excellent formateur et consultant, les compiégnois ont gagné une excellente adresse !

Parfois, certaines personnes, par leurs pratiques, prennent tellement d’avance sur le reste de la communauté que l’on peine à les rattraper. Il ne leur est même pas vraiment nécessaire de continuer à courir, les autres s’en chargent pour eux, à l’arrière. Bien sûr, il ne faut tout de même pas trop s’endormir et s’asseoir sur sa position, mais elle demeure assez confortable malgré tout.

Le Pain de Pierre, Lardy

A Lardy, Pierre Delton faisait partie des pionniers du pain biologique et biodynamique. En s’engageant auprès d’agriculteurs certifiés Demeter, il avait mis en place une véritable filière où le pain produit s’inscrivait pleinement dans la continuité des efforts réalisés aux champs : farine moulue à la pierre selon le procédé Astrié, levain naturel, four à bois à cuisson directe, façonnage manuel, eau purifiée… Une démarche entamée en 1982 mais qui reste encore aujourd’hui bien plus engagée que celle développée par la plupart des acteurs du marché. Le plus amusant est sans doute que ce n’est qu’un retour aux sources… et donc que, parfois, pour être en avance, il faut savoir revenir aux fondamentaux.

Ici, le Pain de Pierre est une institution, au point d'avoir son propre panneau indicateur !

Ici, le Pain de Pierre est une institution, au point d’avoir son propre panneau indicateur !

Dans ce petit village de l’Essonne, c’est d’abord la tranquillité et la verdure qui frappent, d’autant plus quand on est habitué à la grisaille urbaine. Il fallait du courage et de la conviction pour s’installer ici, mais les projets les plus ambitieux murissent sans doute mieux à l’abri du bruit et de l’agitation.
Après avoir été primé à de nombreuses reprises, porté aux nues par sa clientèle, le couple Delton s’en est allé au 1er janvier 2012. Ceux qui ont pris le relais ne sont pas des inconnus, puisqu’ils fournissaient déjà la matière première depuis plusieurs années : en détenant la chaine du grain au pain, ils assurent ainsi leurs propres débouchés et la pérennité du système.
La transition a été assurée sur plusieurs années, et le responsable de la production s’est ainsi vu confier les « clés » du procédé qui doit aboutir à un pain d’exception.

La façade, le Pain de Pierre, Lardy

En boutique, l’offre est concentrée sur le pain. Quelques grosses pièces « de campagne », des variations aux céréales et fruits secs, un méteil (mi-blé, mi-seigle), des farines dites « spéciales » (pur Seigle, pur Kamut ou pur petit Epeautre, châtaigne & blé) ainsi qu’une baguette sur farine T80, la Pierrette : la gamme est assez étendue et met le levain à l’honneur, puisque c’est lui qui assure la pousse des pains. Il se révèle parfois trop présent, notamment sur la baguette où ses notes acidulées finissent par devenir agressives. L’hydratation est également sensiblement insuffisante, avec des mies cotonneuses et sèches.

La Pierrette, une baguette réalisée sur farine T80. 1,50€ les 250g. La mie est cotonneuse et très acide.

La Pierrette, une baguette réalisée sur farine T80. 1,50€ les 250g. La mie est cotonneuse et très acide.

On trouve également quelques gourmandises feuilletées, briochées ou sablées, ainsi qu’une proposition salée anecdotique avec quelques parts de pizza. Ce qui occupe sans doute le plus d’espace est le coin « épicerie bio », avec des produits frais et secs. Cette activité paraît un peu anecdotique pour le quasi-parisien que je suis, mais elle doit trouver du sens dans une zone peu dense comme c’est le cas à Lardy. Les commerces ne sont pas légion, ce qui les incite sans doute à étendre leur champ d’action…

L'espace épicerie

L’espace épicerie

Le service est aussi impliqué et compétent qu’on pourrait l’attendre et il contribue à partager cet univers bien particulier, qui se ressent dès l’entrée dans la boutique.

Infos pratiques

Place de l’Eglise – 91510 Lardy-Bourg (gare de Lardy, RER ligne C) / tél : 01 60 82 77 22
ouvert du vendredi au mardi de 8h à 13h30 et de 15h30 à 19h30, 18h30 le dimanche.

Avis résumé

Pain ? Ici, on ne plaisante pas avec l’engagement : réalisé sur levain naturel, à partir de farines moulues à la meule de pierre et de céréales cultivées en biodynamie, puis cuit dans un four à bois à chauffe directe, le pain proposé ici est le fruit d’une véritable démarche du champ au fournil. Seulement, cela ne suffit pas toujours. Souvent trop acide et manquant d’hydratation, il ne met pas bien en valeur ce cheminement, comme si la dernière étape – la panification – n’était pas la plus importante… alors que c’est justement le cas, puisqu’elle aboutit à la réalisation du produit destiné au consommateur. Cela laisse un goût d’inachevé, en plus de l’acidité marquée du levain. Dommage, d’autant que les tarifs demeurent assez élevés.
Accueil ? Sympathique et engagé, le service a à coeur de partager avec la clientèle les produits atypiques proposés ici et contribue à entretenir l’univers particulier du Pain de Pierre.
Le reste ? En dehors du pain, les gammes sont courtes. Quelques viennoiseries, des sablés, un peu de salé, rien qui ne justifie le déplacement. C’est la gamme d’épicerie qui retient plus le regard, même si les références sont assez classiques, en dehors des farines utilisées pour la production que l’on retrouve également en vente en sachet.

Faut-il y aller ? Pour découvrir une démarche engagée et en profiter pour s’éloigner un peu de l’agitation parisienne, oui, pourquoi pas. Lardy est une ville sympathique et verdoyante, où il fait bon se promener aux beaux jours. On ne pourra que regretter que le produit soit un peu en retrait… peut-être était-ce mieux du temps de M. Delton. Les transmissions ne sont pas toujours évidentes, et la trace du fondateur demeure souvent indélébile.

Quand on commence à jouer à un jeu, on en apprend les règles. Cela a toujours été ainsi, et j’espère que ça ne changera pas. Dans la vie, c’est la même chose : notre société est régie par un certain nombre de codes, qui nous permettent de vivre en communauté.
En boulangerie, on compte parmi ces fameux règlements l’observation d’un jour de fermeture hebdomadaire. Dans ce métier physique, où les équipes sont soumises – aussi bien en production qu’en vente – à des rythmes de travail soutenus, le maintien d’une telle pratique me paraît indispensable. Elle l’est d’autant plus qu’elle protège les artisans indépendants : si demain l’on autorise une ouverture 7j/7, les plus fragiles d’entre eux ne pourront pas prendre le pas et seront happés par des grosses structures, dotées d’équipes en roulement.

Seulement, quelques petits malins semblent avoir décidé d’écrire l’histoire à leur façon, en mettant de côté leurs obligations et en faisant fi de toute considération envers leurs confrères. C’est ainsi que les boulangeries Feuillette se distinguent : la plupart sont en effet ouvertes tous les jours de la semaine. Une pratique à laquelle la chambre syndicale devrait, à mon sens, mettre fin. Pourtant, l’entreprise multiplie les points de vente sans être inquiétée. Que fait la police ?

La boulangerie Feuillette de La Chaussée Saint-Victor, aux portes de Blois. Non, nous ne sommes pas sur la côte comme la terrasse et son agencement pourraient le faire croire !

La boulangerie Feuillette de La Chaussée Saint-Victor, aux portes de Blois. Non, nous ne sommes pas sur la côte comme la terrasse et son agencement pourraient le faire croire !

Boulangeries, vous dites ? Rendez-vous à La-Chaussée-Saint-Victor, en proche périphérie de Blois, pour découvrir le concept développé par le couple Feuillette. Les deux époux sont issus d’un cursus de pâtisserie, et sont passés par de grandes maisons. Ladurée, Pierre Hermé, Georges V, Claude Bourguignon, … un parcours exemplaire avant de poser leurs bagages dans le Loir-et-Cher. Très vite, leur ambition dévorante les pousse à grandir et à quitter le centre-ville pour privilégier les emplacements d’entrée de ville, où ils déploient des espaces de vente particulièrement spacieux, avec un décor et une identité particuliers. Dès notre arrivée, on constate que l’enseigne veut montrer son ancrage dans la « tradition » en affichant les portraits d’illustres ancêtres, comme si cela représentait un quelconque gage de qualité.

Le parking, véritable nerf de la guerre pour l'enseigne.

Le parking, véritable nerf de la guerre pour l’enseigne.

Rien à redire sur le concept : c’est bien exécuté et on comprend rapidement que tout a été pensé pour le rendre particulièrement rentable. Une gamme de pains très courte, recentrée sur la baguette de Tradition tarifée à 0,95€ avec une gratuité pour 3 pièces achetées, beaucoup de snacking en semaine et des pâtisseries plus élaborées le week-end. Ajoutez à cela un parking, beaucoup de place pour consommer sur place, des éléments rassurant le consommateur (fournil visible depuis la boutique, des spécialités « maison » telles que la brioche feuilletée…) et un service plutôt dynamique, jeune et souriant. Cela fait illusion et satisfait sans doute de nombreux consommateurs, parfaitement solubles dans le discours marketé de la maison Feuillette.

La baguette de Tradition

La baguette de Tradition

Preuve en est que M6 y a amené ses caméras l’an passé. En effet, l’émission « La Meilleure Boulangerie de France » avait fait escale à La Chaussée Saint-Victor suite l’inscription de la boulangerie par les clients, et sa sélection par la production. Le discours passionné de Jean-François Feuillette aura sans doute fait illusion quelques temps, mais la réalité est bien différente. La vocation de l’entrepreneur en s’approchant du métier de boulanger (auquel il a été formé par le biais d’un cursus accéléré, rappelons-le) tient plus au caractère lucratif du métier qu’à un quelconque amour profond du pain.

Les Feuillette n'ont pas fait dans la demi-mesure pour l'aménagement de leur boutique de la Chaussée Saint-Victor... quitte à en tomber dans des travers douteux, à l'image de la cheminée artificielle.

Les Feuillette n’ont pas fait dans la demi-mesure pour l’aménagement de leur boutique de la Chaussée Saint-Victor… quitte à en tomber dans des travers douteux, à l’image de la cheminée artificielle.

Des preuves ? En faut-il vraiment ? Installons-nous au coin du feu – tout aussi artificiel que le reste – pour découvrir les produits Feuillette. En bref, feuilletons le catalogue Feuillette. Tout un programme.
Le produit d’appel que représente la baguette de Tradition, réalisée à partir d’une farine livrée par Axiane Meunerie, affiche un visuel aussi sobre qu’attirant. Façonnage mécanique, coup de lame unique, aucune prise de risque pour faire exécuter la recette à des boulangers souvent peu expérimentés. Techniquement, tout y est : croûte craquante, mie légèrement grasse et bien alvéolée… reste le goût, assez neutre. On peut tout de même reconnaître le fait qu’achetée en lot – 2,85€ les 4 pièces -, ce produit offre un rapport qualité/prix satisfaisant.

Le fournil est bien mis en avant pour rassurer le consommateur sur le caractère artisanal de la production.

Le fournil est bien mis en avant pour rassurer le consommateur sur le caractère artisanal de la production.

Le reste de la gamme boulangère fait de la figuration. Les variations autour des fruits secs (noix, noisettes) ne présentent pas beaucoup d’intérêt – et leurs tarifs s’envolent rapidement, atteignant les 8,20€ le kilogramme ! -, tout comme la ciabatta qui se résume à un pain moelleux à l’huile d’olive, loin du produit réalisé par certains artisans.

Les viennoiseries sont de qualité très médiocre. La brioche feuilletée, érigée en spécialité de la maison, ne fait pas beaucoup mieux tant elle est riche et mal équilibrée en saveurs.

Les viennoiseries sont de qualité très médiocre. La brioche feuilletée, érigée en spécialité de la maison, ne fait pas beaucoup mieux tant elle est riche et mal équilibrée en saveurs.

Pour le reste, il n’y a pas beaucoup de questions à se poser. Les produits sont attirants à l’oeil, que ce soit en pâtisserie ou qu’il s’agisse de la brioche feuilletée, vantée pour être la spécialité de la maison. En bouche, c’est une autre affaire. Les notes de gras et de sucre ont tendance à s’exprimer plus que les parfums que l’on serait en droit d’attendre… mais il ne s’agit en définitive que du goût « standard », auquel nous avons été habitués depuis bien des années. L’entreprise ne fait que reproduire des recettes qui fonctionnent, et le succès de leurs produits ne pourrait leur donner tort. C’est ainsi que l’on économise sur les matières premières, pour aboutir à des affaires sans doute plus florissantes. Est-ce ainsi que nos artisans doivent agir ?

Le week-end, la vitrine pâtisserie est bien garnie.

Le week-end, la vitrine pâtisserie est bien garnie.

Si de telles pratiques n’avaient pas d’impact sur le reste de la profession, on pourrait tout simplement faire le choix de les ignorer, et se contenter de laisser le consommateur seul juge pour son acte d’achat. Seulement, les choses ne sont pas aussi simples : un artisan confronté à une concurrence agressive n’a pas toujours les moyens d’y répondre de façon sereine. Dès lors, il est souvent tenté de se positionner en concurrence frontale, et donc de reprendre les mêmes codes.
Un bon exemple est celui de Christian Nardeux, lequel possède plusieurs affaires dans le secteur de Tours. Une boulangerie Feuillette s’est installée récemment à Saint-Cyr-sur-Loire, soit à proximité de l’une de ses boutiques. Sa réaction ? Faire du 3+1 à son tour. C’est ainsi toute la profession qui est tirée vers le bas. En se détournant des préoccupations fondamentales de qualité pour engager une guerre des prix et de compétitivité, elle ne pourra plus faire face à la concurrence industrielle sur le long terme.

Christian Nardeux est également livré en farine par Axiane Meunerie. Certains acteurs de la profession savent ouvrir le robinet à farine sans ménagement.

Christian Nardeux est également livré en farine par Axiane Meunerie. Certains acteurs de la profession savent ouvrir le robinet à farine sans ménagement.

Je ne doute pas cependant de la capacité du couple Feuillette à tirer son épingle du jeu. Bien plus que la passion du métier d’artisan, ils ont développé une véritable fibre entrepreneuriale qui parviendra sans doute à développer leur marque. Au point de convaincre de nouveaux partenaires de les rejoindre, au travers d’un système de franchise. Il faudrait donc parfois savoir oublier d’où l’on vient pour arriver où l’on veut. Le constat est aussi triste que réel.

Infos pratiques

Toutes les adresses et informations sur le site internet de l’enseigne : http://www.feuillette.fr