Chacun fait ses choix, porte ses convictions et engagements, pour arriver à mener droit sa barque et réaliser des objectifs… Ce n’est pas toujours une chose facile, mais c’est sans doute une vérité partagée par le plus grand nombre, faisant avancer le monde et la société. A chacun sa croix, comme le dit l’expression consacrée, en bref.

Pour un boulanger, on peut dire que la fameuse croix prend la forme de baguettes et autres pains… En tout cas, chez les Forest, c’est le cas. La Croix Pain, puisque c’est la dénomination sociale de leur entreprise sise au 8 rue de Ponthieu, dans le 8è arrondissement, n’a rien de bien religieux ou d’un chemin… de croix. Cela n’en reste pas moins une entreprise dynamique, puisqu’elle a réalisé l’an passé un chiffre d’affaire supérieur à 2,5 millions d’euros, employant près de 30 personnes ! A noter que les Forest possèdent également une deuxième boulangerie sur l’avenue des Ternes, dans le 17è arrondissement.
2011 aura d’ailleurs été une année faste pour la famille, puisqu’elle est parvenue à se classer dans le palmarès des meilleurs pains Bio d’Ile-de-France – à la 18è place plus précisément.

Au delà du classement, on peut apprécier le fait que cet artisan ait choisi de proposer des pains sortant un peu de la très classique baguette de Tradition, du complet ou encore du pain aux céréales, dans un quartier où le traiteur et plus particulièrement la restauration rapide contribue plus que fortement au fonctionnement financier de l’endroit, du fait de la présence de bureaux aux alentours, et surtout du coût élevé des loyers.
Ainsi, on trouve le Ponthieu, un grand pain de type Polka, vendu à la part (1,50€ pour environ 300g), des Pavés, une baguette de Tradition et une miche à la farine de Meule, tous certifiés biologiques. On appréciera le caractère plutôt marqué des cuissons, la bonne conservation des produits (même si ces derniers demeurent un peu secs) malgré un caractère plutôt timide : une note de levain s’exprime en fin de bouche, avec une légère acidité, sur des pains de tradition tels que le fameux Ponthieu, qui représente la « signature » de l’endroit.
Côté pains « classiques », la Tradition ne fait pas beaucoup plus qu’être honorable, pour un tarif relativement mesuré, quant aux spéciaux, ils s’inscrivent dans des standards sans relief (céréales, briochés…).
Pour l’anecdote, notre boulanger semble avoir récemment changé de crémerie… ou plutôt de meunier pour l’approvisionnement de sa farine, puisque les produits sont emballés dans des sacs l’Artisan Bio (moulins de Brasseuil), alors que l’étiquetage en boutique fait référence aux Moulins Bourgeois. Un changement qui nous montre qu’une fois encore, les concours parviennent difficilement à traduire la réalité du terrain, puisque ce dernier est sans cesse changeant… vivant, en somme, à l’image de la pâte qui fermente lentement.

Inévitablement, le traiteur occupe une grande place dans la boutique, avec un large choix de salades – thon, maïs, haricots verts, oeufs, pâtes… tout y passe, comme pour les diverses quiches et sandwiches. Ce n’est ni mieux ni pire qu’ailleurs, les produits ont le mérite d’être frais, même s’ils n’ont pas beaucoup d’âme… Nourritures laissées en proie à des cadres pressés. Les sandwiches, réalisés à partir de baguettes de pain courant, pâtissent forcément de ce choix.

Pas de miracle non plus en pâtisserie, même si on s’amusera de la tulipe aux fruits rouges ou du gâteau choux, un peu maladroit. Les viennoiseries s’inscrivent dans la même moyenne, passable.

L’accueil ne fait pas preuve d’une grande ferveur, le travail est fait certes sérieusement, mais sans chaleur particulière, ce qui fait que le lieu demeure désespérément froid, sans âme, à l’image de l’aménagement on ne peut plus standardisé de la boutique.

Infos pratiques

8 Rue de Ponthieu – 75008 Paris (métro Franklin D. Roosevelt, lignes 1 et 9) / tél : 01 43 59 27 91
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 19h30, le samedi le 7h30 à 19h.

Avis résumé

Pain ? Même si l’on apprécie l’idée d’avoir développé une gamme biologique dans un quartier où le pain est bien souvent délaissé, l’ensemble n’a pas énormément d’âme, même si la qualité de réalisation est là : belles cuissons, façonnages plutôt appliqués, conservations de bon niveau. Les pains biologiques expriment une pointe d’acidité en fin de bouche, avec des arômes plutôt timides. L’ensemble est un peu sec, cependant.
Accueil ? Ne cherchez pas ici de la chaleur humaine, nous avons affaire à un service « professionnel » avec tout ce que cela peut offrir en caractère automatique. La clientèle est néanmoins servie correctement et rapidement, ce qui est très certainement apprécié par les travailleurs pressés au déjeuner.
Le reste ? Les gammes sont étendues, en particulier sur le traiteur, avec une large déclinaison de salades, de quiches et d’en-cas. Rien de bien original, le tout est propre, presque trop d’ailleurs. Des produits que l’on pourrait retrouver dans la boulangerie voisine, en somme. Même constat du côté de la viennoiserie, standardisée – passable, et des pâtisseries ou seules quelques propositions amusent le regard (comme la tulipe aux fruits rouges, par exemple).

Faut-il y aller ? Pourquoi pas, si l’on passe dans le secteur, après tout. Cela n’a pas beaucoup d’âme, mais les tarifs demeurent mesurés compte tenu du quartier, avec une baguette de Tradition proposée à 1,30€ les 250g, acceptable même si cette dernière ne brille pas particulièrement de mille feux. En résumé, si l’on raisonne local, c’est une adresse plus qu’honorable. Sans faire une croix sur cette boulangerie, on continuera sans doute notre pèlerinage… notre chemin de croix, en somme.

Paraît-il que l’amour dure trois ans. Pourtant, certains vieux couples perdurent encore et encore, sans qu’ils parviennent à se séparer tout à fait, bien qu’en réalité la rupture soit consommée depuis bien longtemps. Certes, les divorces se font de plus en plus fréquents ces dernières années, le mariage ayant fini par se désacraliser. J’aimerais bien que d’autres institutions connaissent une même évolution, si tant est que l’on puisse nommer ce changement ainsi.

Pourquoi est-ce que je vous parle de tout cela, d’ailleurs ? Ah, oui, sans doute parce que le couple boulangerie-pâtisserie me donne parfois l’occasion d’éprouver des regrets bien amers, car il pousse des artisans doués à s’éparpiller plutôt qu’à se concentrer sur leur spécialité.
A Courbevoie, tout près de la gare de Bécons-les-Bruyères, Fabrice Capezzone m’a encore une fois prouvé que l’on ne pouvait pas exercer plusieurs métiers en les élevant au rang d’excellence. Qui pourrait être joueur de football et pilote de F1 ? Pas moi, mais ce n’est pas le sujet.

Dans son élégante boutique d’angle mêlant des tons noirs et violets, cet artisan propose une gamme complète de produits, de la boulangerie à la pâtisserie, en passant par le désormais incontournable traiteur. Seulement, et c’est ce qui frappe sans doute le plus dès lors qu’on regarde avec un semblant d’attention, ce sont les douceurs sucrées qui tirent nettement leur épingle du jeu. En effet, ces dernières bénéficient d’une qualité de réalisation plutôt exceptionnelle pour une adresse de banlieue. Un visuel soigné, des créations inventives, des associations de textures bien maîtrisées pour des prix raisonnables (la pâtisserie individuelle se négocie en moyenne à 4,5€). On pourra citer notamment de sympathiques déclinaisons autour des religieuses (café et chocolat pour les plus traditionnelles, mais aussi caramel au beurre salé et pistache-framboise…) et des tartes. A noter également une gamme de macarons, pour les amateurs.

Malheureusement, le pain ne parvient pas à nous séduire tout autant. La baguette de Tradition se révèle fort décevante. Manque de cuisson, mie pâteuse et mâche manquant de fraicheur, on lui préférera les pains biologiques et notamment une tourte de Seigle de meilleur niveau. Les farines mises en oeuvre au fournil sont fournies par les moulins de Chérisy et de Brasseuil pour la partie biologique (sous la marque « L’Artisan Bio »). On notera tout de même le bel effort pour proposer une gamme étendue, avec certaines créations aux pistaches et aux fruits secs. Dommage que la réalisation et les façonnages peinent à suivre.

L’offre de restauration pâtit de ces défauts, puisque les sandwiches, malgré leur fraicheur, ne peuvent pas faire de miracle compte tenu de la base utilisée. Mieux vaudra se tourner vers les quiches vendues à la part, déclinées en plusieurs recettes et servies avec générosité. Quelques salades et fougasses complètent l’ensemble, dans des prix toujours raisonnables.

Une tarte aux framboises pleine de surprises : les fruits reposent en effet sur un crémeux aux fruits rouges, tandis que le cube est parfumé au coquelicot. Accompagnés d’un fond de tarte fin et croquant, l’ensemble est frais et créatif.

On terminera en revenant dans le domaine des douceurs, avec des croissants de très bonne facture, accompagnés de viennoiseries variées tout à fait honorables. La douceur se retrouve dans l’accueil, très avenant et dynamique, développant par ailleurs une agréable proximité avec la clientèle. Pas de fioritures ni de préoccupations inutiles, mais une belle sincérité, en phase avec l’honnêteté des produits.

La Baguette de Tradition manque de couleurs…

Infos pratiques

10 avenue de la Liberté – 92400 Courbevoie (Transilien ligne L, gare de Bécons-les-Bruyères) / tél : 01 43 33 02 54
ouvert du vendredi au mardi de 6h30 à 20h, 19h30 les samedis et dimanches.

Avis résumé

Pain ? Ce n’est certainement pas ce qui brille le plus ici. Malheureusement, la baguette de Tradition ne parvient pas à convaincre : elle manque en effet de cuisson et sa mie se révèle plutôt pâteuse, peu alvéolée. Un constat récurrent, qui nous fera préférer la tourte de Seigle biologique ou le pain au Sarrasin, plus savoureux, même si leur conservation n’est pas excellente. On saluera tout de même les efforts en terme de diversité de l’offre, même si moins de produits et plus d’application sur les façonnages et cuissons seraient préférables.
Accueil ? Dynamique, chaleureux et efficace, le service offre une belle proximité avec la clientèle et maîtrise bien ses produits. Malgré l’affluence au déjeuner, l’attente reste limitée grâce à un personnel nombreux et bien organisé.
Le reste ? S’il faut bien s’arrêter ici pour quelque chose, c’est sans doute pour les pâtisseries, fines, créatives et accessibles. Que ce soit pour les classiques revisités par la maison (religieuses, tartes aux fruits), les entremets créatifs ou les millefeuilles variés, difficile de ne pas fondre. Dans le prolongement, les macarons et croissants proposent d’autres opportunités gourmandes.
Côté traiteur, rien de surprenant, les sandwiches s’inscrivent dans le registre de la pâleur, ce qui incite à se tourner vers les quiches à la part ou les salades.

Faut-il y aller ? Fabrice Capezzone a choisi de se rapprocher de Paris fin 2010, quittant Rueil-Malmaison pour Courbevoie, et notre gourmandise ne pourra que saluer ce choix. En effet, on trouve dans sa boutique d’agréables pâtisseries, à des tarifs modérés. Une offre comme on aimerait en voir plus souvent, d’ailleurs. Malheureusement, le pain n’est pas au même niveau, et c’est le couple boulanger-pâtissier qui nous prouve encore une fois que les histoires d’amour sont parfois bien étranges… Ce qui n’enlève pas pour autant à cette maison son caractère avenant et chaleureux.

Les quartiers ont une influence directe sur le prix des produits proposés dans les boulangeries. Que ce soit pour des questions de loyer, de concurrence, ou même de niveau de vie de la population, on pourra ainsi trouver des baguettes de tradition à des tarifs très variables, allant de 1 euro à plus d’1 euro 30 dans certains secteurs… De plus, on ne saurait négliger l’effet « d’émulation » qui se créé ainsi entre artisans.

Dans le 16è arrondissement, le pain a souvent tendance à être plus cher qu’ailleurs. Certains boulangers, tels que les fameux Desgranges, très présents (3 adresses !) dans la zone, n’hésitent pas à proposer des produits à des tarifs parfois honteux à mon sens, car ils sont loin d’être en adéquation avec la qualité de la marchandise vendue…
Chez Francis Rault, le phénomène semble ne pas avoir touché sa baguette de Tradition – réalisée à partir d’une farine fournie par les Grands Moulins de Paris / Ronde des Pains, puisqu’elle est proposée au tarif de 1,10€, soit un prix couramment pratiqué dans les rues de la capitale. Au delà de son attractivité sur le plan pécuniaire, elle parvient également à nous séduire au travers d’une qualité de réalisation plus qu’honorable. Sa croûte fine et craquante, sa mie crème bien alvéolée et son parfum de froment soutenu en font un pain agréable à déguster sans façon, simplement rompu du bout des doigts. Malheureusement, le reste de la gamme ne saurait tellement satisfaire notre appétit painrisien, car en plus d’offrir une diversité (mélanges de céréales, noix ou raisins) plutôt limitée, leur qualité générale laisse à désirer, malgré des cuissons assez bien menées. Ajoutez à cela des tarifs excessifs (le pain « au seigle » – donc loin d’être réalisé à 100% avec de la farine de seigle – culmine ainsi à 2,10€ les 250g…), et vous obtenez un résultat sur lequel on ne souhaitera pas s’étendre.

Pour le reste, les pâtisseries sont accessibles autant qu’acceptables, même s’il ne faut pas trop en demander. On y trouve des classiques (éclairs, tartes aux fruits individuelles ou à la part…) et quelques créations maison. N’attendez cependant pas trop de finesse ni de soin. Les viennoiseries devraient être au meilleur de leur forme, ne sommes-nous pas au pays de Mozart ? En définitive, pas vraiment, puisqu’elles sont loin de briller dans leur vitrine…
Toute cette musique boulangère peut se consommer sur place, grâce à quelques places disposées dans le fond de la boutique. Pratique pour les travailleurs du secteur, pour qui l’artisan a développé sa gamme traiteur : des salades et plats sont proposés, en sus des quiches, pizzas et sandwiches. Ces derniers manquent de soin et n’attireront pas notre gourmandise.

Francis Rault n’est pas un inconnu sur la « scène boulangère » parisienne. En effet, ce boulanger normand a obtenu le premier prix du meilleur croissant d’Île-de-France en 2001, puis est parvenu à se classer honorablement à d’autres concours (galette aux amandes, notamment)… tout cela dans le VIè arrondissement, à l’angle de la rue Madame et de la rue de Vaugirard. Il s’installera ensuite dans la boulangerie tenue à présent par Alain Yhuel dans le centre de Paris, avant d’acquérir cette affaire dans le XVIè fin 2009.

Le lieu s’inscrit dans un style sobre, relativement élégant, servi par un service aimable et efficace. Les personnes âgées, qui ne manquent pas de se presser en nombre devant les portes de l’établissement, sont bien servies et accompagnées, preuve d’une patience parfois bien nécessaire.

Infos pratiques

48 avenue Mozart – 75016 Paris (métro Ranelagh, ligne 9) / tél : 01 42 88 14 21

Avis résumé

Pain ? Même si on peut saluer le prix modéré – 1,10€ – et la bonne qualité de sa baguette de Tradition, le reste de la gamme développée par Francis Rault à partir des farines des Grands Moulins de Paris demeure plutôt basique et sans grand intérêt. Les produits sont en effet très classiques et n’offrent pas une qualité de réalisation exceptionnelle, tout cela pour des tarifs trop élevés.
Accueil ? Souriant, efficace et chaleureux, le service de la Boulangerie Mozart nous offre une belle musique, sans fausse note. La clientèle est servie rapidement, avec un conseil avisé et agréable.
Le reste ? Même si elles demeurent simples et manquent parfois un peu de soin, les pâtisseries de la maison Rault sont relativement acceptables et accessibles, alliant classiques (éclairs, millefeuilles, tartes aux fruits individuelles ou à la part…) et créations. Même si la qualité du feuilletage de cet artisan a été plusieurs fois primée, ses viennoiseries ne jouent pas dans le domaine de l’exception au quotidien. Quant aux sandwiches, ils font plutôt triste mine, et on leur préférera les quiches ou pizzas servies à la part. Des plats et salades sont également proposés.

Faut-il y aller ? La Maison Rault nous propose une prestation de boulangerie « de quartier », plutôt honnête sans pour autant briller comme ses nombreux classements aux concours professionnels pourrait nous le laisser penser. Cette boulangerie présente néanmoins le caractère pratique d’être ouverte le dimanche, chose plutôt rare sur l’avenue Mozart. Cela permet ainsi aux habitants du secteur de se fournir en pain frais, et plus particulièrement en baguettes de Tradition, cette dernière étant de bon niveau.

Généralement, lorsque l’on parle de boulangers « multipliés », il s’agit d’entrepreneurs gérant trois, quatre ou cinq boulangeries, tout au plus. Rare sont ceux qui sont parvenus, ou même ont souhaité, dépasser ce « cap ». A l’inverse, quand il est dépassé, tout va plus vite, plus grand. Le nom, la marque, prennent alors une importance considérable dans la profession.

Une boulangerie Kayser, dans le 16è arrondissement

C’est le cas pour Eric Kayser. La maison a fêté l’an passé ses 15 ans, en totalisant plus d’une centaine de boulangeries dans le monde (notamment au Japon, en Russie, au Maroc, au Sénégal, en Corée du Sud…), avec un nombre de salariés dépassant les 2000. Des chiffres impressionnants pour cet artisan boulanger alsacien, à l’ambition pour le moins dévorante. Depuis ses 19 ans, âge auquel il rejoint les Compagnons du Tour de France pour se former au métier, en droite ligne de la tradition boulangère familiale, elle ne le quittera pas. S’en suivront des années de transmission et de partage, avant d’aboutir en bas de la rue Monge en 1996, où il ouvre sa première boulangerie. Tout cela ne s’est pas construit avec son seul savoir-faire et talent. Dès le début, l’entrepreneur a su s’entourer, et notamment de Patrick Castagna, avec lequel il développera le « fermentolevain » – cette machine qui permet d’entretenir un levain liquide à température stable. D’autres sont passés à ses côtés avant de prendre leur envol : c’est le cas de Franck Debieu, à présent installé à Sceaux et Meudon, mais aussi de la fameuse famille Hakkam, dont les boutiques peuplent discrètement les rues parisiennes.

A Sceaux, Franck Debieu a pris son indépendance vis à vis d’Eric Kayser depuis bien longtemps.

Cette prise d’indépendance n’est pas le fruit du hasard : derrière son sourire quasi-angélique et cette allure avenante et sympathique se cache un homme prêt à tout pour défendre ses intérêts et son entreprise. J’ai eu l’occasion de le mesurer par moi-même. On peut bien sûr le comprendre, et tout cela revêt un caractère plutôt remarquable : après tout ce temps et ce chemin parcouru, le boulanger d’hier, patron d’aujourd’hui, continue à mener sa barque avec la même énergie. Il disait récemment, dans une interview donnée au magazine L’Hôtellerie Restauration, travailler 15 heures par jour et se lever tôt. Autant je pourrais douter du reste des propos, autant je ne doute pas une seule seconde de cela.

Il ne faudrait pas dresser un portrait trop sombre de cet artisan qui fait partie de ceux qui ont tiré la profession vers « le haut » ces dernières années, en étant l’un des premiers à croire en la « Tradition française » qui était à ses premiers balbutiements lors de son installation. Le travail sur levain naturel fait également partie des concepts « phare » de l’enseigne, imposant un certain niveau d’exigence. En faisant partie des premiers clients du meunier Foricher, il a contribué à son développement au fil de son expansion. Aujourd’hui, la situation a bien changé, puisque seule la boulangerie historique continue à être livrée par ce dernier. Ailleurs, l’approvisionnement est assez varié. A Bercy Village, c’est Baguépi/Soufflet qui fournit la matière première.

Parlons de Bercy, justement. C’est ici qu’Eric Kayser quitte un peu plus le secteur de la boulangerie pour s’approcher de la restauration, en s’entourant d’un chef télévisuel, Jean Imbert. L’expérience avait déjà été tentée boulevard Malesherbes, et plus modestement au travers d’espaces « salon de thé » dans plusieurs de ses boutiques (notamment rue Danielle Casanova, où l’activité de saladerie et sandwicherie est prédominante). L’entreprise diversifie ses activités et dépasse même les frontières légales, grâce à des tours de passe-passe : en effet, le restaurant-boulangerie installé dans ce centre commercial à ciel ouvert est ouvert 7j/7, grâce à son activité mixte…

Cette vitrine marque toujours plus les ambitions de l’entreprise, qui va toujours plus loin géographiquement mais aussi dans le développement de ses processus de production : à Ivry, c’est un laboratoire de 2000m2 qui réalise une bonne partie des gourmandises et plats que l’on retrouvera quelques heures après en boutique. Rationalisation, certes, mais où s’arrête l’artisanat ? Le pain continue, lui, à être fabriqué sur place, ce qui ne manque pas de donner lieu à des disparités entre quartiers… Certains sont mieux servis que d’autres, pour des tarifs identiques. Forcément, il faut bien accepter de ne plus maîtriser la qualité au quotidien, malgré tous les process de contrôle et de formation. Reconnaissons cependant une belle capacité à assurer un service accueillant, compétent et souriant la plupart du temps.

Difficile de savoir quelles seront les prochaines étapes de développement de la marque. Le groupe Eric Kayser s’essaime toujours plus sur la planète, mais reprend aussi d’autres enseignes. Midoré a rejoint la « famille » il y a plusieurs années déjà. Famille, ce mot conviendrait presque pour cette entreprise toujours très centrée sur son fondateur, porteur de certains principes qui influent toujours sur le quotidien. « Spirit of bread », vous disiez…?

Une partie du stand « Spirit of Bread » d’Eric Kayser sur le salon Europain 2012

Les congés d’été sont bien souvent l’occasion pour nos artisans boulangers de réaliser des travaux au sein de leur établissement. Cela peut aller de quelques détails mineurs dans la surface de vente à des modifications matérielles au sein du laboratoire (changement de fours, réorganisation…) en passant par des transformations plus profondes, impactant de façon tangible la vie de la boutique et de ses collaborateurs.

Cette année, la maison Pichard avait choisi de profiter du mois de juillet pour donner un sérieux coup de jeune à sa boulangerie du 88 rue Cambronne. J’avais déjà eu l’occasion de vous en parler lors de ma visite en fin d’année dernière, d’importants travaux avaient déjà eu lieu au sein du laboratoire et plus précisément du fournil, avec notamment l’arrivée d’un four à bois « à Gueulard » en 2008. Ce dernier restait invisible pour la clientèle – au delà de l’apport sur la qualité de cuisson de la baguette Pichard ! -, ce qui est bien dommage compte tenu de l’aspect majestueux de l’outil.

A présent, les nombreux adeptes des produits de la maison pourront admirer le travail des boulangers affairés devant ce fameux four, grâce à une baie vitrée installée au fond de la boutique. Si seulement il s’agissait du seul changement ! Non, les modifications sont très profondes et c’est l’esprit même de l’endroit qui a été repensé. Adieu le style un peu rétro-années 80 qui était jusqu’alors en vigueur, bonjour les lignes sobres et élégantes, les éclairages doux et mettant bien en valeur décors et produits. J’ai bien parlé de décors, car on retrouve sur les murs de la boutique des sortes de bas-reliefs particulièrement travaillés, du meilleur effet. La devanture n’est pas en reste, avec des sculptures en bronze rappelant la vocation du lieu : des blés, quoi de mieux pour une boulangerie ?

Des épis de blé… en métal !

L’ensemble donne une belle impression d’espace, beaucoup plus que par le passé. Nul doute que le service n’en sera que plus fluide, au travers de trois pôles bien pensés (pâtisserie, boulangerie-viennoiserie et vente à l’extérieur). Un bémol toutefois : je ne suis pas certain que la télévision installée sur l’un des murs soit tout à fait utile, mais j’ai parfois tendance à être un peu « vieille école » de ce côté là, en essayant de limiter l’intrusion de la technologie dans des lieux où l’artisanat règne en maître. Attendons un peu pour nous prononcer toutefois : le lieu n’est pas encore pleinement investi, et je ne doute pas que le résultat n’en sera que plus probant avec le temps.

Bien sûr, tout cela ne serait rien si les produits n’étaient pas au diapason, et c’est eux qui ont permis aujourd’hui d’investir dans un tel écrin. La baguette Pichard n’a pas bougé, toujours aussi craquante et fine, avec sa belle douceur lactique et son tarif très démocratique : seulement 1 euro. N’oublions pas pour autant les autres pains, dont la belle gamme biologique, ni les viennoiseries au feuilletage bien croustillant, comme en attestent les nombreux prix reçus par la maison. Les plus gourmands marqueront aussi l’arrêt devant les douceurs élaborées par Geoffrey Pichard et son équipe.

Des pâtisseries très gourmandes

Impossible de finir sans saluer le travail réalisé par le personnel de vente, efficace et souriant, on se sent un peu comme dans la boulangerie du village, en famille. Les habitués ne s’y trompent pas et savent témoigner de leur attachement envers l’endroit, comme ils étaient nombreux à le faire en ce jour de réouverture. Ah, heureux sont les habitants du XVè arrondissement !

Les fameux bas-reliefs, très travaillés

Guess who’s back. Décidément, j’aurais pu faire une série de titres en Anglais, mais non, je ne cède pas à la facilité. Surtout que cela ne ferait pas honneur au sujet de mon billet du jour, qui n’est autre… qu’une boulangerie, et à mon sens, pas n’importe laquelle. Une découverte comme celle-ci me redonne un peu d’espoir et d’envie, car on finit bien souvent par en être dépourvu, à trop regarder le monde et ses noirceurs. Ainsi donc me revoilà. Même lieu, même adresse, mais en réalité les choses sont bien différentes : j’y reviendrai plus tard, ce n’est pas l’objet de cet article.

Difficile de découvrir de nouvelles adresses quand on en a visité autant que j’ai pu le faire. Les options sont alors limitées : soit on se limite aux « meilleures » pour mettre en avant leur travail, soit on se tourne vers d’autres éléments de la filière (meunerie, …)… soit on mélange un peu tout cela en restant à l’écoute du « fond sonore » qui fait toute la complexité de la vie parisienne.
Du bruit, des éclats de voix, il n’en manquait pas lorsque Carole, la pâtissière-fondatrice de la charmante Petite Fabrique du Marché des Enfants Rouges, me parla d’une boulangerie située dans le 18è arrondissement, en plein coeur du quartier de la Goutte d’Or. Je ne vous cache pas que c’est loin d’être le secteur dans lequel j’ai tendance à me perdre, mais le bon pain devrait pouvoir se trouver partout et en tout temps. En tout cas, c’est le cas dans la boulangerie Tembely et on ne peut que s’en réjouir.

C’est dans cette boutique d’angle à l’allure très sobre que Swan et son épouse Khabija se sont installés il y a tout juste un an, en août 2011. Un parcours professionnel atypique pour ce boulanger, issu d’un cursus dans le design et de quelques années dans l’hôtellerie, avant de se reconvertir pour épouser cet univers de sel, d’eau et de farine. Atypiques, le nom et l’histoire de sa boulangerie le sont tout autant. Tembely ? Une référence aux origines maliennes de Khabija. Si le projet et l’envie de s’installer de ce couple ont pu se concrétiser, c’est grâce au concours de la SEMAEST – Société d’Economie Mixe d’Aménagement de l’Est de Paris -, qui proposait un local à louer pour l’ouverture d’une boulangerie au 33 rue Myrha. L’envie et le fait qu’il s’agisse d’un projet « indépendant », non porté par une quelconque chaine ou un industriel, sont parvenus à convaincre l’organisme.

Bien leur en a pris, car le résultat est à la hauteur des espérances. Passé la porte, on pénètre dans ce large espace réunissant aussi bien la vente que la production. Tout est transparent, ce qui permet à la clientèle de s’assurer sans aucun biais du caractère artisanal des produits proposés ici. Dans les présentoirs aux couleurs naïves, on trouve des pains et gourmandises bien éloignés des réalisations plutôt approximatives qui sont fréquentes dans ce quartier. Si une chose frappe immanquablement, ce sont les superbes cuissons : les pains affichent des croûtes bien ambrées, de la baguette de Tradition au pain au levain, en passant par les bâtards. Tout cela n’est pas seulement une question d’aspect… mais aussi de goût ! Les arômes n’en sont que plus présents et développés. Ainsi, cela permet de bien mettre en valeur la farine des Moulins Bourgeois utilisée ici. La Reine des Blés a vraiment tout d’une reine : extrêmement craquante, offrant une mie sauvage et fraiche, aux délicats parfums de froment, voilà une baguette qui se déguste sans difficulté, bien au contraire.
Ce qui est tout aussi appréciable, c’est la qualité de réalisation du reste de la gamme : des pains au levain très doux, d’excellente conservation, une superbe tourte de Seigle, quelques pains garnis (figues-noix, entres autres mélanges de fruits secs)… sans oublier un pain plat aux graines de sésame et de nigelle, conformément aux « coutumes » du secteur. Du choix, de la qualité, des prix raisonnables, la boulangerie Tembely a décidément tout compris. Cela ne laisse pas indifférent les habitants des alentours, qui ont immédiatement repéré la différence avec les autres boulangeries de la Goutte d’Or. Comme quoi, les quartiers populaires savent apprécier les beaux et bons produits, parfois bien mieux que d’autres plus aisés…!

Les plus gourmands ne seront pas en reste, puisque les viennoiseries bénéficient de la même attention, avec notamment un superbe croissant au feuilletage bien croustillant. Côté pâtisseries, cela demeure très simple, on y retrouve quelques réalisations à base de pâte à choux ou des tartes à la part. Rien de bien extraordinaire, mais on ressent bien l’esprit d’honnêteté propre à la maison.
L’offre traiteur mélange les cultures autant que peuvent le faire les alentours : la foccacia aux légumes côtoie les sandwiches ainsi que des préparations plus atypiques. Cet ensemble cosmopolite reprend bien la multiplicité des couleurs du lieu… Une belle cohérence qui nous offre des perspectives de cohabitation et d’échanges apaisés. « Tout le monde vient ici » me disait l’artisan. Effectivement, une boulangerie est un lieu de vie et de partage, qui accueille ses clients sans considération de classe sociale ou de revenus.

En parlant d’accueil, ce dernier est bien à l’image de la boulangerie : sincère, simple et honnête. On sent une réelle implication du personnel, une volonté de bien faire et de toujours partager cette aventure avec la clientèle.

Infos pratiques

33 rue Myrha – 75018 Paris (métro Château Rouge, ligne 4)
ouvert du mardi au dimanche de 6h45 à 20h.

Avis résumé

Pain ? L’offre de la boulangerie Tembely dénote vraiment des « standards » du quartier, autant en terme de diversité que de qualité. Que ce soit la baguette de tradition Reine des Blés (farine Label Rouge des Moulins Bourgeois) – craquante et légère, à la mie fraiche et alvéolée et aux douces notes de froment -, les pains au levain (nature ou aux fruits secs (noisettes, « benoiton ») d’une belle douceur, la tourte de Seigle ou encore les déclinaisons de petits pains, rien ne déçoit et affiche à chaque fois de superbes cuissons, ce qui assure aux produits une excellente conservation. Ajoutez à cela des tarifs très raisonnables (1,10€ pour la baguette de Tradition – 250g, 2,20€ la boule au levain – 410g…), vous obtenez un résultat plus que convaincant.
Accueil ? Un sourire sincère, une vraie volonté de partager avec la clientèle et le quartier, voilà ce qui caractérise l’équipe de vente oeuvrant ici. Certes, ce n’est pas toujours parfait, l’encaissement est parfois un peu approximatif, mais il ne s’agit pas là de l’élément le plus important sur le plan humain.
Le reste ? On ne manquera pas d’apprécier le soin porté aux viennoiseries, avec un superbe croissant au beurre (0,80€ seulement !) ainsi que quelques spécialités dont un charmant pudding. Côté pâtisserie, c’est très simple, quelques déclinaisons autour de la pâte à choux, des tartes et cakes… on n’en demande pas plus. L’offre salée poursuit dans le même esprit, en faisant se côtoyer les cultures : foccacia aux légumes, sandwiches mais aussi plats plus « ethniques ».

Faut-il y aller ? Oui, bien sûr ! De telles entreprises doivent être encouragées afin que le bon pain soit disponible partout : cela ne doit pas être l’apanage de quelques privilégiées, bien au contraire. Le caractère profondément démocratique de ce produit est une source de bonheur potentiel pour tous : quoi de plus agréable qu’une baguette craquante et savoureuse pour commencer la journée ou accompagner un repas ? Si en plus cette dernière est servie avec le sourire, qu’elle s’accompagne de gourmandises sympathiques dans un lieu à la fois sobre et bien vu, on ne pourrait pas demander grand chose de plus… sinon qu’il y ait plus d’artisans tels que celui-ci ! Pour reprendre les mots de Carole, forts jolis et tout à fait à propos au sujet de la boulangerie Tembely, « loin des projecteurs, il y a des petites lumières qui éclairent merveilleusement notre quotidien »… Un peu de lumière et de poésie pour la Goutte d’Or, écrivons le monde en couleurs comme le font Swan, Khabija et leur équipe, autant au travers de leurs produits que de leur devanture colorée.

Notre sensibilité nous pousse à réaliser des choix de vie parfois singuliers, en rupture avec la façon de procéder qu’il est coutume de reproduire, pour un résultat qui ne correspond à aucune des cases établies. En matière de boulangerie, je dois dire que la tendance est plus à suivre la tendance qu’à chercher à créer quelque chose de nouveau, de fort et d’intéressant. Il n’y a qu’à voir l’importance des réseaux boulangers dans l’hexagone…

D’ailleurs, peu de gens réfléchissent sur le concept même de boulangerie-pâtisserie, j’en ai déjà parlé ici, mais l’idée de réaliser deux métiers provoque forcément une dispersion qui n’est pas en faveur de la qualité du résultat. Ajoutez à cela des sandwiches et autres produits traiteurs, vous obtenez des artisans perdus et des clients contraints à perdre du goût… Personne n’est gagnant.
Paris n’est pas une si grande ville que cela, au final. Peu d’endroits peuvent s’y vanter de proposer une offre de haute volée sur le plan du pain, de la viennoiserie ou encore de la pâtisserie. C’est le cas de des Gâteaux et du Pain, la boutique créée début 2007 par Claire Damon et David Granger. Une même exigence pour la qualité, et deux artisans aux talents complémentaires, chacun excellant dans son domaine. Plaza Athénée, Bristol … pour elle, Moulin de la Vierge pour lui, des noms qui marquent des parcours étoilés. Sans savoir tout cela, c’est le lieu qui présente son caractère singulier : aucune autre boulangerie n’a été dessinée par Yan Pennor’s. Pourtant, c’est bien le cas de la leur.

Là encore, j’avais eu l’occasion de vous en parler précédemment, mais c’est en discutant avec les artisans que l’on comprend mieux leur engagement et les actions qu’ils mènent pour parvenir à offrir des produits toujours plus savoureux. En l’occurrence, le 63 boulevard Pasteur est toujours en mouvement pour travailler et retravailler ses recettes, que ce soit du côté du pain ou des gourmandises.
En effet, même si ce n’est pas forcément le domaine le plus médiatisé ou le plus actif en apparence, le fournil de David Granger n’en fait pas moins évoluer ses méthodes de fabrication. Récemment, le diagramme de la baguette de tradition a été modifié… ainsi que son prix. 1,30€ pour 300g (l’objectif étant d’obtenir une baguette plus « charnue »), voilà le nouvelle formule pour ce pain de caractère. Des notes persistantes de céréales torréfiées, un peu de levain en fond, sans acidité, et surtout une croûte extrêmement craquante ainsi qu’une mâche d’une grande fraicheur. Pour parvenir à ce résultat, rien n’est laissé au hasard : l’artisan réalise un mélange de farines des Minoteries Viron (de type 55) et du Moulin Hoche (moulue à la pierre), accompagné de détails qui ont leur importance (mode de levée, très léger farinage à la farine de seigle pour éviter tout caractère « âpre »…).
Ici, le Moulin Hoche est un véritable partenaire, puisqu’il réalise des farines sur-mesure, telles que celle de châtaigne. Le boulanger a également pour projet de lui faire moudre du petit-épeautre, ainsi qu’une autre variété de maïs. L’objectif est avant tout de respecter le goût de ces matières premières et de ne pas les dénaturer. Ainsi, la gamme a été réduite au fil du temps afin de ne proposer que des produits aboutis et sur lesquels le processus de fermentation n’entraine pas de perte de saveur. Il serait en effet dommage de gâcher d’excellents fruits ou même fromages…


Pour les amateurs d’olives et de fougasse, la version de David Granger a récemment été revue, pour intégrer des olives vertes ainsi qu’une huile fournie par Cédric Casanova et sa boutique « La Tête dans les Olives » dans le 10è arrondissement. Le résultat ? Un parfum très fruité et enivrant…! Même travail sur la Foccacia, à présent garnie de graines de fenouil sauvage d’Italie.

Côté pâtisserie, même exigence sur le choix des matières premières. Pas moins de 5 fournisseurs approvisionnent des Gâteaux et du Pain en fruits rouges actuellement, afin de proposer le meilleur à la clientèle. Le plus bel exemple est sans doute la tarte aux fraises à la fleur d’oranger, d’une grande simplicité mais remplie de subtilité : la douceur du crémeux à la fleur d’oranger vient souligner la saveur délicate des fraises Mara des Bois, accompagnées d’un fond de tarte bien beurré et presque fondant, sur lequel la crème d’amande contribue à apporter de la douceur. Il ne faudrait pas pour autant passer à côté du fameux J’Adore la Fraise, lequel rencontre un grand succès.
Au laboratoire, pas de purées de fruit issues de producteurs obscurs, mais uniquement des transformations maison. Le cassis sera prochainement livré ici, puis traité afin d’être utilisé ensuite dans les diverses créations de Claire Damon (dont son Saint Honoré Cassis-Violette, une des pâtisseries les plus emblématiques de la maison).

Le goût est la préoccupation principale des équipes de cette boulangerie-pâtisserie singulière, et non pas le visuel comme il deviendrait coutume. L’importance des médias et de la communication n’y est pas étrangère, chacun cherchant à se mettre en avant pour exister sur ce marché assez concurrentiel. des Gâteaux et du Pain a bien du « y passer » et faire appel aux services d’une attachée de presse, sans pour autant perdre l’esprit de la maison. L’objectif est de mettre en avant le savoir-faire de la maison, mais aussi le travail du personnel, qui se sent valorisé de travailler dans une entreprise connue et reconnue.

Prochaines actualités dans cette boutique du 15è arrondissement ? La framboise d’ici quelques jours, puis viendra la pêche, la poire et naturellement les bûches de Noël, qui commencent dors et déjà à être travaillées… un travail au fil des semaines et des saisons, dans le respect de la maturité des fruits, mais surtout des clients, qui bénéficient de cette exigence. Un mot d’ordre ici : prendre le temps et garder des gammes courtes, sans se disperser. Cela fonctionne aussi bien pour le pain que pour les douceurs. A suivre également sur leur site http://www.desgateauxetdupain.com, lequel regorge à présent de photographies bien appétissantes.

On ne s’y intéresse pas forcément, mais le 12è arrondissement regorge d’adresses gourmandes et plutôt discrètes, ce qui fait le bonheur des habitants du secteur, car les prix demeurent très raisonnables malgré des produits de qualité. Au détour des rues, on peut ainsi découvrir les boutiques d’artisans talentueux tels que Sébastien Dégardin et sa « Muscadette » pour de la pâtisserie, Antonio et Isabelle Dias pour une très savoureuse baguette Bagatelle ou ses pains Bio au levain, …

A quelques pas du métro Reuilly-Diderot, sur la rue Erard, c’est la maison Chouin que l’on découvre. Une affaire de famille, puisque le fils Jonathan en a repris les rennes il y a quelques années. Ce dernier est donc né dans cet univers gourmand, et a été rapidement formé par son père aux métiers de boulanger et de pâtissier, avant de prendre son envol pour se perfectionner dans de grandes maisons parisiennes. Lenôtre, Fauchon, Flo Prestige… Hors de question de revenir dans le 12è arrondissement si ce n’était pas pour briller de nouveau, comme il l’a fait à plusieurs reprises : distingué pour ses galettes, tartes aux pommes, nommé au grand prix de la pâtisserie francilienne … L’artisan soigne ses gourmandises pour valoriser son savoir-faire.

Les pains, Jonathan Chouin, Paris 12è

Je ne me répèterai jamais assez, l’important reste toujours le quotidien… et surtout le pain. En la matière, c’est aux Grands Moulins de Paris et plus particulièrement à sa marque Ronde des Pains que l’artisan a choisi de faire confiance. Un choix plutôt discutable au vu du résultat : Sarmentine, Céraine et même Grand Siècle (baguette de Tradition sur base de farine Label Rouge) ne présentent pas grand intérêt, que ce soit en terme de cuisson ou d’arômes. Seule la Croquise, plus craquante et au parfum de froment assez présent, parvient à se démarquer de l’ensemble même si elle demeure assez triste. Sa farine n’est d’ailleurs pas fournie par les GMP, mais par Axiane Meunerie. Côté pains spéciaux, on retrouve une gamme de petits pains sur laquelle on passera bien vite, des déclinaisons aux céréales ainsi qu’un pain à l’épeautre vendu au poids.

En réalité, ce seront plutôt les becs sucrés qui auront de quoi être satisfaits, puisque Jonathan Chouin leur propose des produits accessibles et plutôt soignés. A commencer par des viennoiseries honorables, accompagnées par des pâtisseries dans la même lignée. Même si les créations de la maison demeurent très modestes, elles n’en sont pas moins soignées, tout comme les charmantes religieuses chocolat ou café. Délicieuse tarte aux pommes sur base de pâte feuilletée, qui côtoie des éclairs un peu plus discutables, issus tout droit de la quinzaine de l’éclair organisée par CSM / Artisal… en mars. Autant dire que notre artisan semble avoir quelques stocks de préparation à écouler…

Côté traiteur, rien de bien attirant, que ce soit en terme de sandwiches traditionnels ou de paninis. Le jambon-beurre se négocie à 3,10€, un tarif acceptable. On appréciera en définitive que la gamme ne s’étende pas de manière excessive, ce qui aura au moins pour effet de garantir la fraicheur des produits… même si on aurait aimé du goût, également.
Le tout est servi avec un certain dynamisme et l’attente demeure limitée. Le sourire n’en est pas moins présent, ainsi qu’un personnel de vente en nombre. Le tout donne à l’endroit un caractère de boulangerie de quartier bien tenue, où chacun a ses habitudes.

Infos pratiques

36 rue Erard – 75012 Paris (métro Reuilly-Diderot, ligne 1) / tél : 01 43 43 14 67
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? Malheureusement, les pains issus de la gamme Ronde des Pains ne présentent que peu d’intérêt, ici comme ailleurs. Jonathan Chouin ne parvient pas à leur donner la force qu’ils devraient avoir, et même la baguette de Tradition – dite « Grand Siècle » manque de tenue et de saveur. Même constat du côté des pains spéciaux, où seul le pain à l’épeautre se sort très timidement du lot, tout comme la baguette Croquise. On notera également la présence d’un pain dit « de Lodève », que l’on apprécierait plus cuit pour se conformer à la tradition et lui donner du goût.
Accueil ? Efficace et assez dynamique, le personnel de vente réalise ici un travail sérieux et appliqué. On retrouve bien l’esprit que l’on attend dans ce genre d’endroit, celui d’une boulangerie de quartier honnête et sans fioritures inutiles.
Le reste ? S’il y a bien un domaine dans lequel Jonathan Chouin se distingue, c’est celui des gourmandises. Son parcours professionnel n’y est pas étranger. Ainsi, on trouve ici des viennoiseries de bonne facture (croissants, pains au chocolat, mais aussi oranais et torsades chocolat) et des pâtisseries soignées même si très modestes. Entremets, tartes et éclairs se côtoient avec des tarifs très accessibles. On regrettera l’utilisation de préparations issues de l’industrie, à l’image de celles mises en oeuvre dans ces éclairs « mang’abricot », échappés de la Quinzaine de l’Eclair CSM / Artisal organisée en mars… Côté traiteur, quelques sandwiches, rien de plus. On passera dessus sans s’y arrêter, d’ailleurs.

Faut-il y aller ? La maison Chouin propose des très simples, modestes mais honnêtes, même le pain n’y est pas particulièrement à l’honneur. Mieux vaut se tourner vers les douceurs proposées par cet artisan, à l’image de ses viennoiseries, religieuses ou encore tartes aux pommes. En bref, une adresse « de quartier » où les habitants de la zone peuvent se rendre sans trop de crainte, sans pour autant s’attendre à être surpris.

Nommer une boulangerie en fonction de son emplacement géographique (rue, quartier, ville…) n’est pas forcément une mauvaise idée, mais cela peut donner lieu à des situations plutôt curieuses, où certaines personnages se voient recevoir des attributs boulangers qui sont loin de décrire l’activité qu’ils exerçaient de leur vivant. Bien sûr, pour s’en rendre bien compte, il faut s’intéresser de façon plus approfondie à l’histoire du personnage, mais le peu de temps nécessaire à la recherche vaut bien le sourire…

Dans le cas présent, c’est au général Chanzy que l’on attribue cette boulangerie, ou plutôt ce fournil. J’imagine mal ce fameux gradé de la Légion étrangère fabriquer des baguettes de pain, façonner, pétrir… mais après tout, pourquoi pas. En réalité, dans cette discrète boutique d’angle aux tons orangés, c’est un vrai boulanger qui oeuvre et produit notamment une Tradition récemment primée. En effet, Alexandre Chauvin, au nom du propriétaire de l’endroit – Thierry Audou -, est parvenu à classer sa baguette en 3è position au Grand Prix de la Meilleure Baguette de la Ville de Paris cette année.

Le problème, c’est que le produit proposé quotidiennement dans cette échoppe du 11è arrondissement ne présente pas de caractère exceptionnel, comme on pourrait s’y attendre. Un façonnage juste correct, avec une grigne unique et verticale (alors qu’elle présentait forcément 5 grignes en diagonales le jour du concours, ce qui nous prouve immédiatement la différence), des cuissons un brin courtes… En bref, un visuel pas vraiment attrayant, alors que le pain se mange aussi avec les yeux ! A la dégustation, la croûte manque de consistance et de craquant, la mie est assez crémeuse, presque trop. Justement, les notes de crème y sont dominantes, ce qui confère à l’ensemble un caractère lactique bien en phase avec ce que l’on peut attendre d’une baguette de Tradition. La farine des moulins de Chérisy utilisée pour sa confection est respectée sans être vraiment sublimée.
Malheureusement, cette boulangerie ne nous propose pas une offre particulièrement attirante côté pains, avec une reprise des standards du groupement Banette (pain bûcheron, notamment). Seule la baguette Belle Arôme – développée quant à elle par les moulins de Chars/Cherisy – s’en sort mieux, plutôt soignée et bien dorée, elle nous offre des saveurs de levain assez présentes. Quelques ficelles et petits pains, surtarifés, achèvent de compléter l’offre.

Au Fournil de Chanzy, on ne peut pas dire que l’on cherche particulièrement à briller par la qualité de réalisation des produits. Ainsi, les viennoiseries ne présentent aucun intérêt, tout comme les gourmandises variées les accompagnant (donuts industriels, cookies, sablés et brownies dont la provenance semble tout aussi lointaine…). Ce n’est pas mieux pour les pâtisseries, qu’elles soient sur base de pâte à choux (éclairs, religieuses, …) ou de tartes (citron, fruits rouges), avec un constat similaire sur les entremets. Les flans, déclinés en plusieurs parfums (pistache, chocolat ou nature) sont également très compacts, rien qui puisse décidément satisfaire notre gourmandise.
Comme pour enfoncer le clou, la sélection salée continue dans le même registre : sandwiches et paninis à la réalisation peu soignée, hot-dogs, quiches et pizzas médiocres, à l’image des salades bien à l’étroit dans leurs petites boites chargées en condensation… mais certainement pas en aliments savoureux.

Vous l’aurez compris, mieux vaut se limiter à acheter un peu de pain ici, car c’est l’un des seuls produits dont la provenance et le caractère artisanal sont certifiés. Ce qui est également très incertain, c’est la qualité du service, peu enjoué et froid, même si relativement professionnel et efficace.

Infos pratiques

10 rue de Chanzy – 75011 Paris (métro Charonne, ligne 9) / tél :  01 40 24 21 36

Avis résumé

Pain ? Malgré sa troisième place au Grand Prix de la Meilleure Baguette de la Ville de Paris cette année, la baguette de tradition n’exprime pas de caractère exceptionnel et parvient simplement à offrir des qualités honorables : notes persistantes de crème, croûte fine et assez craquante bien que perdant rapidement de sa consistance, mie crémeuse et très hydratée. Le reste de la gamme persiste dans le même domaine classique, avec des produits de la gamme Banette, comme le pain bucheron et son mélange de céréales. Seule la baguette Belle Arôme, bien cuite, croustillante et soignée sort du lot, ce qui n’est pas le cas des ficelles et petits pains aux tarifs peu en adéquation avec leur qualité.
Accueil ? Professionnel, certes, mais froid et distant. On ne parvient pas à s’attacher à cette petite boulangerie de quartier, alors que l’on devrait justement la trouver sympathique.
Le reste ? Malheureusement, cet artisan semble avoir un peu trop compris le fait que l’appellation « boulangerie » n’impliquait que la réalisation du pain sur place, et pas des autres produits. Entre viennoiseries et pâtisseries sans intérêt, les produits salés ne relèvent pas l’ensemble.

Faut-il y aller ? Pas vraiment, non. Voici encore un fois un exemple du fossé qui peut exister entre jour de concours et production quotidienne. Au delà de la baguette, le reste des gammes n’est pas franchement plus brillant, et le Fournil de Chanzy ne parvient pas à susciter un quelconque enthousiasme, car même son accueil n’est pas des plus charmants. Mieux vaut sans doute se limiter à un regard sur la devanture, plutôt avenante.

Beaucoup de boulangeries sont « baguetto-centrées », c’est à dire qu’elles ne parviennent à proposer à leur clientèle qu’une – ou plusieurs, parfois – baguette (généralement de Tradition) qui présente un intérêt. En dehors de cette dernière, la gamme est réduite ou présente une réalisation plutôt médiocre. C’est assez dommage, car cela n’incite pas vraiment les consommateurs à varier les goûts et les formes, en plus d’induire inévitablement une certaine lassitude à long terme.

Ainsi, quand je « rencontre » une boulangerie où ce sont des pains plus typés qui sont à l’honneur, je ne vous cache pas que je suis assez heureux. C’est notamment le cas au sein de la boulangerie Au Pain d’Antan, où de nombreux produits au caractère plutôt rustiques sont mis à l’honneur.
D’ailleurs, la devanture nous annonce immédiatement la couleur : spécialités Aveyronnaises. Au détour de cette petite boulangerie d’angle de Montmartre, c’est donc dans un terroir et ses spécialités que l’on plonge avec plaisir… Les occasions de se dépayser à bon compte se font parfois un peu rares.

Si je vous parlais du fameux baguetto-centrisme absent ici, c’est bien parce que la baguette de Tradition proposée par l’artisan ne présente pas grand intérêt, un peu sèche et sans relief. Ce que l’on aura tendance à préférer, ce sont ces gros pains « de campagne », déclinés en long ou en miches. Des croûtes épaisses, une mie assez dense, un parfum de levain bien présent, voilà des pains rustiques qui feront d’excellentes tartines au petit-déjeuner ou bien des bases robustes pour un en-cas de caractère. Les amateurs de petites pièces en trouveront aussi, au travers de pains de campagne plus traditionnels, ou encore de produits variés tels que des fougasses aux olives, des pains aux noix, à l’épeautre, au seigle ou d’autres moulés, même si ce sont les grosses pièces qui demeurent les stars de la maison. Les cuissons sont bien menées, les conservations de bon niveau et les tarifs abordables.

On passera rapidement sur les pâtisseries, quelques tartes aux fruits sans grand intérêt si ce n’est que compléter une formule déjeuner, pour nous intéresser aux vrais spécialités gourmandes de la maison. Fouace à la coupe ou en pièces généreuses, gâteau à la broche cuit au four à bois et venu directement de son Aveyron natal, voilà des produits authentiques et accessibles qui sortent des standards très parisiens que le temps a fini par établir. Côté viennoiseries, c’est honorable, sans plus.
La générosité fait bien partie des valeurs de cette boulangerie, et cette dernière se retrouve dans les en-cas variés que la maison propose. Quiches à la part variées et gourmandes (au poulet, chèvre-courgette, au thon… le choix ne manque pas), sandwiches traditionnels… On peut composer ici un repas à partir de 5,50€, soit une somme raisonnable pour un déjeuner sur le pouce.

L’accueil est à l’image du lieu : honnête et franc. Pas de paillettes, de manières inutiles, on va à l’essentiel et de cette façon la file avance rapidement. Difficile d’en demander beaucoup plus, sinon peut-être un peu plus de chaleur, mais est-ce vraiment nécessaire ? Parfois, ce côté un peu brut de décoffrage n’est pas désagréable, on se croirait presque… dans l’Aveyron.

Infos pratiques

2 rue Eugène-Sue – 75018 Paris (métro Jules Joffrin, ligne 12) / tél : 01 42 64 71 78
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h, le samedi jusqu’à 19h.

Avis résumé

Pain ? Il ne faut pas s’arrêter au Pain d’Antan pour sa baguette de Tradition, sans intérêt particulier, mais bien pour les « grosses pièces » qui sont proposées ici. En long ou en miches, le pain de campagne, avec sa croûte bien épaisse et ferrée, sa mie dense, ainsi que son arôme de levain bien marqué, constitue un produit de caractère, très « terroir ». On trouve également d’agréables fougasses aux olives, ainsi que des pains au seigle, à l’épeautre ou encore aux céréales. L’ensemble est sérieux, soigné et les cuissons sont abouties. Les tarifs n’en demeurent pas moins modérés, pour des produits à la conservation de bon niveau, tout particulièrement pour les pièces les plus importantes.
Accueil ? Honnête et « franc », ne cherchez pas ici de manières inutiles ou de paillettes dans les yeux et le décor. La clientèle est servie avec une belle simplicité et efficacité, rien à demander de plus. Au contraire, on apprécie la cohérence entre l’endroit et son service.
Le reste ? Inutile de s’attarder sur les quelques tartelettes qui constituent l’offre pâtissière. Par contre, on se laissera bien plus aisément tenter par les brioches, comme la Fouace Aveyronnaise ou encore le gâteau à la broche, cuit au four à bois et provenant directement de la région. Les viennoiseries sont honorables, rien de particulier à signaler. Pour le déjeuner, vous trouverez des quiches variées en parts généreuses, ainsi que des sandwiches traditionnels. De quoi s’offrir un repas rapide et accessible, à partir de 5,50€.

Faut-il y aller ? La boulangerie Au Pain d’Antan est une maison bien tenue, dont les spécialités sont maîtrisées : pains de campagne en grosses pièces, brioches aveyronnaises, le tout est servi avec simplicité et honnêteté. Une adresse à conseiller pour les adeptes de produits rustiques, « du terroir », et notamment aux adeptes du gâteau à la broche ou de la Fouace.