Billets d'humeur

08
Juil

2011

Porter et partager l’amour du pain

La vie est triste sans amour ou passion. Je n’envie pas beaucoup les gens qui vont tous les jours travailler en sachant qu’ils ne feront pas ce qu’ils aiment, qu’ils ne seront de simples exécutants de tâches pour lesquelles ils n’éprouvent pas d’envie particulière. L’amour éclaire une vie et elle manque de saveur sans lui. C’est vrai aussi bien avec les personnes qu’avec les activités humaines.

Le pain, c’est avant tout une histoire d’amour. S’il est réalisé sans sentiments, dans la plus grande indifférence, il n’exprimera pas tous les arômes particuliers qui seraient les siens s’il avait reçu cette étincelle créatrice de sens. Le problème, c’est que de nos jours, la boulangerie constitue avant tout une voie choisie pour avoir une certaine assurance de trouver un emploi. Pas de vocation, pas de passion, juste un choix rationnel. On ne peut pas blâmer ce comportement, pour autant, c’est ainsi que les mélanges de farine développés par les meuniers prennent une place toujours plus importante au sein des boulangeries. Faciliter le travail de « l’artisan », ou plutôt de l’assembleur d’ingrédients.

Heureusement, à côté de cela, il existe toujours de vrais passionnés. On me parlait récemment d’un certain « farinoman fou », installé à Aix-en-Provence. J’en avais déjà eu quelques échos à travers divers articles de journaux, sans que je puisse vraiment approfondir la question. En lisant son site internet (http://www.fradettefarinomanfou.net/), j’ai pris toute la mesure de l’engagement de cet homme dans son travail, de son regard sur ce métier auquel il donne de belles lettres de noblesse. Il suffit de regarder la carte de ses pains pour être surpris, pour se dire qu’avec amour les choses sont différentes. Certainement plus folles, plus tourmentées, mais elles prennent du sens, au moins.

En lisant tout cela et en y réfléchissant, je me dis qu’il y a beaucoup à faire pour porter cet amour du pain, pour partager ces notes bien réconfortantes dans un monde où subsistent peu de repères. Tout cela est vrai, tangible, sûr. Ce sont des valeurs sur lesquelles on peut compter, au moins.
Certains ont déjà commencé, comme Steven Kaplan, malgré son caractère un peu anecdotique et sur-démonstratif parfois. J’ai peur que ça ne soit pas suffisant tant la tâche est vaste. Je me pose aussi la question de savoir s’il est réellement possible d’y parvenir sans être soi même dans un fournil jour après jour. Au final, ma tâche est un peu facile : je regarde et apprécie le travail des autres, je ne le fais pas moi même. Cela m’inciterait presque à mettre « la main à la pâte », à apprendre ce formidable métier manuel. Peut-être à l’avenir…

Dans l’immédiat, je sens que ce que je fais peut être créateur de sens, que cela peut contribuer – très très modestement, certes – à « changer le monde », car c’est bien là mon rêve… et ma seule passion. Le reste n’est qu’éphémère…

Billets d'humeur

16
Juin

2011

Les viennoiseries de la honte

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Il y a des secrets qui feraient mieux d’être gardés, tant ils illustrent les dérives de notre société moderne. L’un d’entre eux ? Celui qui entoure nombre de viennoiseries vendues en boulangerie. On imagine toujours le travail passionné de l’artisan en train de découper des triangles de pâte feuilletée pour façonner ses croissants, après avoir préparé amoureusement ses détrempes… La réalité est tout autre aujourd’hui, dans nombre de fournils.
Il suffit d’ouvrir le congélateur, de prélever quelques viennoiseries, de les passer au four… et l’affaire est dans le sac. Pré-cuit surgelé, voilà comment cela s’appelle. En fait, nous pourrions tous le faire, cela revient un peu à acheter ce type de produit dans les circuits de distribution classiques puis les faire cuire. Le coût est au final plus faible, de plus le résultat est plus « frais ».

Je trouve que tout cela est honteux. C’est un mensonge, une tromperie : les clients pensent acheter des produits de qualité supérieure en se rendant chez leur artisan, ils pensent encourager une certaine démarche à contre-courant de l’industrialisation croissante de l’alimentaire et y mettent le prix, car les viennoiseries ont un coût non négligeable. Au final, on se moque d’eux. Drôle de façon de remercier sa clientèle !

Cela pourrait être une pratique isolée, mais en réalité, c’est le cas dans plus de 80% des boulangeries. Employer un ouvrier compétent pour le tourage présente un coût non négligeable, ce sont des compétences assez rares. En effet, il n’existe plus de formation spécifique pour ce métier. Le savoir-faire se perd… De plus, la réalisation de la pâte feuilletée prend plus de 12 heures au total, du fait des temps de repos à respecter entre les différents tours. Forcément, il est plus simple d’ouvrir un congélateur. Entre simplicité et moralité, beaucoup semblent avoir fait leur choix. Je ne vais pas les condamner, c’est un peu compréhensible, ils veulent faire perdurer leur affaire. Je ne sais pas si je pourrais agir ainsi, tout de même.

Bien sûr, il reste des passionnés, des gens chez qui vous trouverez des douceurs réalisées dans les règles de l’art. Au final, elles seront peut être à peine plus chères que ces produits surgelés. Tant qu’à faire, il faut bien s’octroyer des marges confortables. Sur Paris, ces adresses sont peut être moins introuvables qu’ailleurs, même si au vu du nombre de boulangeries le pourcentage doit être très faible. On pourra notamment citer Des Gâteaux et du Pain dont les viennoiseries sont superbes, le feuilletage très fin et les cuissons bien marquées, ainsi que Du Pain et des Idées pour sa gamme d’escargots, Dominique Saibron et ses nombreuses spécialités, Gontran Cherrier, … J’en oublie sûrement, mais cela fait déjà une bonne entrée en matière !

Billets d'humeur

31
Mai

2011

Régimes et pains

Alors que les « grands pontes » du régimes tentent de s’entre-tuer pour récupérer des parts du gâteau, je me demandais comment il était possible de croire en ces méthodes pseudo-miracle. En réalité, elles se basent sur un profond déséquilibre de l’alimentation et vont imposer au corps des conditions extrêmes… alors que la seule façon de perdre du poids, dès lors que c’est nécessaire, bien sûr, se base sur un meilleur équilibre alimentaire et sur de l’activité physique.

Dans ce cadre, le pain n’est pas à proscrire, au contraire, il apporte des féculents et sucres lents qui éviteront les fringales entre les repas et donc les tendances au grignotage intempestif. J’aurais bien du mal à suivre un régime tel que celui de Dukan où les glucides sont proscrits pendant certaines phases ! Je passerai bien sûr sur toutes ces galettes et autres préparations à base de son d’avoine… Cela me donne un peu froid dans le dos.

Tout est une question de bon sens… aucun aliment n’est à proscrire, seuls les excès doivent l’être. En réalité, cela doit être lié au culte voué à la facilité et à la rapidité. On veut obtenir les choses immédiatement sans avoir à faire d’efforts. Ces méthodes ont des résultats visibles et quasi-immédiats, oui. Ce n’est pas forcément durable, au final.
Un peu de pain avec une salade, un poisson ou une viande, un léger assaisonnement… Quoi de plus léger et sein ? Pas besoin de régime ! L’important, au final, c’est aussi le plaisir.

Parfois on quitte Paris, il faut bien se ressourcer, prendre l’air… C’est vrai que la vie est assez fatigante dans la capitale et que l’on aspire à retrouver du calme et de la sérénité.
Hier j’ai été passer la journée à Poitiers, charmante cité au demeurant, mais le problème pour un painrisien comme moi a été de trouver… du pain ! Il faut dire que le « marché » est dominé par les points chauds (La Mie Câline y est très implantée, par exemple) et que nombre d’artisans ne proposent pas des produits d’excellente qualité. Les « grandes marques » de la boulangerie, telles que la Ronde des Pains, ont aussi fait leur nid. La diversité de choix est donc restreinte, c’est un peu triste.

J’ai essayé une boulangerie au hasard : la baguette de tradition n’avait aucune présence en bouche, peu de saveur, comme une impression de manger de l’air. Tout cela pour 1,20€, c’est à dire plus cher que certaines très bonnes baguettes parisiennes. Ouille.

Je ne doute pas qu’il y ait partout de bons artisans, il y en a certainement à Poitiers comme ailleurs, ni plus ni moins. Le problème est qu’il y en a trop de mauvais, qu’une partie de la population a perdu le sens du goût et favorise ainsi la colonisation de notre pays par un pain médiocre. Cela fait pourtant partie de notre culture, c’est quelque chose que beaucoup nous envient à l’international. L’habitude doit rendre insensible, nous faire oublier l’importance des choses. On pourrait facilement généraliser le constat, cela ne s’arrête pas au pain mais s’étend à l’ensemble de l’alimentaire et même plus loin. J’ai parfois l’impression de vivre dans une époque où le mauvais goût est érigé au rang d’art. Entendre que Subway, avec son pain affreux, caoutchouteux (mais peut-on appeler ça du pain ?!), propose de bons produits… J’ai mal. Très mal.

Partir en vacances ? Impossible pour un painrisien. Non, bon, j’exagère.

Ca aurait pu être très bien, du moins, ça l’était sur le papier. Un brunch dans un cadre sympathique (en plein coeur du Parc de Saint Cloud), avec des partenaires de qualité (Dominique Saibron pour le pain et les viennoiseries, Lov Organic pour le thé, Oorain Brands pour les pâtes à tartiner…).
Seulement, le résultat est beaucoup plus décevant. Le choix de produits est assez limité, l' »animation » culinaire annoncée pour les adultes n’est pas présente, tout ce qui est annoncé sur la carte n’est pas proposé… Quant à la qualité de ce qui est présent, c’est assez moyen : la salade de fruits n’a pas de goût, les fraises sont acides, … Les produits issus des marques partenaires se défendent bien, quant à eux.

J’avais été invité suite à un concours organisé par la marque Lov Organic, ce qui fait que je n’ai pas à être profondément mécontent. Si j’avais été un client « payant », je le serais, car à mon sens les prestations ne valent vraiment pas le prix demandé (35 euros par adulte !). Oui, bien sûr, c’est un buffet. Tout est donc proposé à volonté, ce qui fait qu’il est possible d’en avoir pour son argent, je suppose. Ce n’est pas vraiment ma vision des choses : privilégions la qualité plutôt que la quantité… le plaisir est bien plus grand, au final.

Au final, c’est un peu l’exemple type de ces lieux un peu tendance : du name-dropping à foison, de la cuisine tendance, beaucoup de brassage d’air pour attirer une clientèle aisée et sensible aux « modes ». Il serait peut être temps de revenir à des valeurs plus authentiques, à des prestations qui ne sont pas sur-jouées et sur-vendues. C’est ce qu’il y a de bien dans le pain : il ne ment pas, il s’offre à nous simplement. D’ailleurs, c’était une des seuls points forts de ce brunch : un pain de qualité, proposé aussi bien à tartiner que sous forme de mini-burgers préparés à la demande, ou encore dans le cadre de tartines salées. Voilà qui a du sens. Le reste…

Chez Du Pain et des Idées, on aime bien faire dans le disruptif, visiblement. En effet, Christophe Vasseur a récemment annoncé son intention d’arrêter de vendre des baguettes pour se consacrer à la « star » de sa boutique, le médiatique Pain des Amis. Je suis assez perplexe et en désaccord avec ce choix.

Le pain est quelque chose de simple, d’accessible. Il doit le rester. Par le passé, les augmentations de son prix ont provoqué des révoltes. Aujourd’hui, la situation est certainement moins tendue mais il n’en demeure pas moins qu’une partie de la population n’a pas les moyens – ou ne souhaite pas les mettre, c’est un autre débat – de payer une baguette de tradition et préfère le pain « ordinaire », très blanc et… peu savoureux. C’est dommage, autant pour les artisans que pour les consommateurs qui n’ont pas sur leurs tables des produits de qualité. Néanmoins, la baguette de tradition reste le produit le plus accessible des pains « premium », respectant des méthodes de fabrication raisonnées.

Chez Christophe Vasseur, le pain n’est pas particulièrement bon marché. Aujourd’hui, la baguette parisienne marque l' »entrée de gamme », pour 1 euros 15 les 250gr. Vient ensuite la flûte à l’ancienne pour 1 euros 35 les 200gr. Le Pain des Amis et le Pagnol sont proposés à 2 euros 10 les 250gr. 8,4 euros le kilogramme, ce n’est pas rien. Certes, c’est certainement justifié par l’emploi de matières premières de qualité, d’une productivité relativement faible du fait de la (très) longue fermentation de la pâte… mais c’est un tarif élevé, que beaucoup ne souhaitent pas mettre – et c’est tout à fait justifié, chacun met ses priorités là où il l’entend !

En supprimant la baguette, je pense que l’on aboutit à une boulangerie élitiste, dédiée à des privilégiés, ou bien à des personnes particulièrement sensibles au pain qu’elles achètent. Je peux dire que j’en fais partie, j’aime beaucoup le Pain des Amis et le Pagnol, mais je suis attaché aux valeurs de partage et d’universalité qui sont celles du pain. Je refuse qu’on les perde. Alors, que faire ? Pour ma part, je crois que ce sera simple : je cesserai d’être client, bien que je continue à apprécier les produits. Façon de signifier mon désaccord…

Je sais que je ne suis pas le seul à être contre, j’espère simplement que M. Vasseur prendra le temps de peser l’impact de sa décision.

Hier soir, quai du RER D… Un couple, baguettes au pavot achetées au point chaud Bonne Journée juste au dessus. Un peu de tristesse pour moi. Oh, oui, c’est pratique, surtout quand on rentre du travail et que l’on est fatigués. Pour autant, ce n’est pas de la boulangerie, ce n’est pas vraiment du pain. Juste des assemblages de farine, d’eau, de levure, de sel et d’additifs étranges. Pas de vie, pas d’âme là dedans. Pour le goût, on repassera aussi.

Ces dernières années, les « points chauds » se sont développés sur notre territoire, pourtant patrie du bon pain. Leur avantage ? Etre en mesure de fournir du pain chaud à toute heure de la journée, et s’installer à proximité des lieux de passage des urbains actifs. La Brioche Dorée, la Mie Câline ou encore Paul (même si dans ce dernier cas certains points de vente continuent à produire le pain sur place), ces enseignes font partie du paysage et même du quotidien de beaucoup d’entre nous. J’ai du mal à m’y faire, à m’y résoudre, et pourtant.

Ce pain n’est pas bon, que ce soit à la dégustation ou sur le plan santé : farines très blanches, de mauvaise qualité, utilisation d’additifs… mais pourquoi l’achète-t-on ? Sûrement parce qu’il est chaud, cela sent bon, vive le spectacle. De plus, ce n’est pas trop cuit, bien blanc, bien mou. Facile. Je crois que nous sommes en train de devenir une génération d’hommes et de femmes habitués au « manger mou », un peu tout le temps, partout. Ce pain correspond bien à ces habitudes alimentaires déréglées.

Je dois être trop sensible, trop amoureux des belles et bonnes choses, car cela me touche. Nous sommes tout simplement en train de perdre le goût de ce savoir faire artisanal, de ce qui s’est construit lentement, au fil des siècles et de l’expérience. Une idée intolérable.

Billets d'humeur

11
Avr

2011

« Pas de demi baguette tradition »

Dans beaucoup de boulangeries de banlieue, on refuse de vendre la moitié d’une baguette de tradition. Seule la baguette « normale » peut être coupée. J’en finis par me demander si ce n’est pas un problème de religion, ou quelque chose dans ce goût là. Vous voyez, un peu comme chez les indiens chez qui les vaches sont sacrées. Et bien c’est pareil avec la baguette de tradition. La couper, c’est sacrilège.

Billets d'humeur

10
Fév

2011

Je suis un painrisien

L’histoire commence ici. Ou plutôt, elle a commencé il y a de cela plusieurs mois.
C’est marrant, parfois, la vie. Le pain et moi, c’est un peu une rencontre, un échange.

Ainsi au fil du temps je suis devenu un painrisien. Drôle de mot. D’ailleurs, qu’est-ce que c’est ? Avant tout un étrange individu capable de traverser Paris – à pieds, à vélo, à métro – pour chercher quelque chose qu’il pourrait très bien trouver en bas de chez lui. Du pain, juste du pain.

Longtemps j’ai fait comme beaucoup. J’achetais mon pain en supermarché, j’avais juste oublié que cela pouvait avoir de la saveur, que cela pouvait vivre. De la farine, de l’eau, du sel, de la levure (et/ou du levain)… Cela fait peu d’ingrédients en apparence, donc peu de possibilités de diversité. Seulement, il y a aussi un savoir faire, de la passion, de l’amour tout simplement.

Le pain, c’est aussi pour moi l’histoire d’un partage quotidien. On « rompt le pain » entre amis, en famille, mais on échange aussi avec ces personnes – parfois passionnées, parfois (malheureusement !) moins. Rencontrer ces artisans passionnés, ces vendeurs emprunts de l’amour du produit me donne l’envie de partager à mon tour, de donner à chacun d’eux la visibilité et le succès qu’ils méritent. C’est pour ça que je suis là aujourd’hui. Pour partager, c’est tout.

Mais alors, ce sera quoi ce fameux site, painrisien ? Bien plus qu’un guide des boulangeries, des lieux gourmands de la capitale, je veux en faire un lieu de vie, rempli d’instantanés, pour vous faire partager ce mouvement perpétuel et répété, toujours différemment, chaque jour. Je veux vous raconter une belle histoire parisienne, même si je ne le suis pas moi même (le painrisien est banlieusard, un comble !)…

Maintenant que le manifeste est écrit, allons-y, c’est parti ?