Billets d'humeur

02
Nov

2012

Voler, créer, respecter

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Il paraît que nous vivons dans une société avec des valeurs, que la civilisation humaine se fonde justement sur ce « réseau » pour exister et parvenir à faire en sorte que nous co-existions de façon plus ou moins pacifique et respectueuse. Les écarts entre théorie et pratique sont parfois étonnants, et je crois que dans le cas présent, il est tout simplement sidéral.

Que ce soit pour du pain, de la cuisine ou quoique ce soit qui se rapporte au goût, il est bien difficile de prétendre détenir la paternité d’une recette ou d’une création. Malgré tout, en observant ou en goûtant des produits, on parvient à distinguer ce qui s’apparente à une « signature », une empreinte laissée par l’artisan sur son travail. Elle exprime sa sensibilité, son savoir-faire, et il serait bien difficile de l’imiter. Pour autant, sans y parvenir tout à fait, certains ne se gênent pas pour s’approprier du savoir, des façons de faire, qu’ils ne mettent pas au service du plus grand nombre mais bien de leur propre et seule réussite. En effet, il ne suffit pas de façonner, cuire, pétrir… pour donner, tout dépend de l’état d’esprit dans lequel on le fait.
Ainsi donc certains feraient du vol leur activité principale, leur capacité à communiquer et à vendre faisant alors le reste et constituant la totalité de leur talent. Rassurons-nous cependant en nous disant que la supercherie finit toujours par être découverte, ou bien que la vie fait tourner naturellement la roue.

Les vrais créateurs finissent par être mis à l’honneur, même si certains d’entre eux préfèrent malgré tout rester discrets. On reconnaît dans cette humilité leur talent et tout ce qui fait que l’on apprécie leur travail. La création est un acte complexe et noble, qui nécessite bien plus d’implication et de volonté qu’il n’en faudrait pour simplement paraître. L’être humain s’exprime dans tout ce qu’il a de plus noble et trouve un sens à sa propre existence, en apportant à celle des autres quelques étincelles singulières.

J’ai pu rencontrer quelques uns de ces fameux artistes, toucher ou effleurer leur univers, même si je me demande en définitive si je suis parvenu à le comprendre autant que je l’aimerais. A mon tour, je voudrais créer de quoi rendre hommage à leur talent, et parvenir à mettre à l’index les voleurs qui subsistent malgré leur faibles qualité. Dans tout cela j’observe avant tout une question de respect, à plusieurs dimensions.

Il s’agit de respecter les êtres qui nous entourent, en leur offrant un minimum d’honnêteté et de sincérité, mais aussi de respecter les terres, les matières premières, tous les produits que l’on peut assembler dans le cadre de nos activités. Vient ensuite le moment de tarifer, et là encore il faudrait penser à ne pas voler ceux qui nous font vivre, adopter une démarche cohérente et permettant à chacun d’accéder à quelques instants de plaisir, parfois bien nécessaires.

En définitive, je voulais simplement nous interroger sur les valeurs qui fondent nos actions et comportements, en espérant juste que la raison et le bon sens finissent par prendre le pas sur ce brouillard, cette fumée déployée par quelques individus…

Billets d'humeur

04
Sep

2012

Survivre

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C’était aujourd’hui la rentrée pour quelques millions de têtes blondes, et d’autres un peu plus attaquées par le temps. A la fois un moment triste, puisqu’il marque la fin de cette douce période d’insouciance et de repos que représentent les mois d’été, mais aussi celui où l’on retrouve ses camarades, amis, ennemis – cela fait partie du jeu ! – pour partager une nouvelle année, qui aura comme toutes les autres ses joies, ses peines, ses angoisses, ses espoirs…

Pour moi, cela fait à présent 3 ans qu’il n’y a plus de rentrée. J’ai passé brillamment mon baccalauréat en juin 2009, suite à quoi j’ai fait le choix d’arrêter complètement les études. J’ai travaillé, oh, oui, un peu, certainement moins que je ne l’avais fait par le passé. Jusqu’alors bercé par les nouvelles technologies, ce diplôme avait eu sur moi comme l’effet d’une bombe, perturbant mes certitudes et m’amenant à me demander quel pourrait être mon avenir…

Une bombe. Une explosion. S’en est suivie une dépression, où je n’ai pas seulement perdu un peu de moi, mais aussi beaucoup de poids. Je suis tombé malade. Oui, c’est une maladie. Il faut écrire son nom, l’assumer, la regarder droit dans les yeux pour pouvoir espérer la combattre. Anorexie mentale.

J’aurais pu choisir, peut-être aurais-je du, de me placer entre quatre murs pour l’affronter,  limiter son champ d’action, et le mien par la même occasion. Je l’ai refusé fermement, et c’est encore le cas aujourd’hui.
A la place, j’ai voulu continuer à vivre. Rétrospectivement, je me rends compte que j’ai fait plus que ça, et à la fois beaucoup moins. Survivre, voilà le mot approprié. Une vie libre mais prise au piège de ces contraintes que l’on s’impose, de ces interdits. Au final, ce n’est pas un combat contre les autres, contre le monde, mais bien contre soi même.

Si je suis encore là aujourd’hui, ce n’est sans doute pas par hasard, et c’est ce qui me fait lever à l’aube tous les matins. J’ai pu faire des rencontres, parmi elles, le pain. Peut-être m’a-t-il sauvé, en me donnant matière à réfléchir, à écouter, à comprendre. En définitive, je suis un survivant, un évadé du goût. Le goût du pain, oui, mais de la liberté, du plaisir, pas pour moi mais pour les autres. Se dire que partager cet aliment simple, profondément honnête et porteur de valeurs, pourrait changer le monde – le mien, d’abord, bien sûr. Le rendre plus beau.

Survivre par et pour ces sourires, pour se dire que ces journées bien inutiles en apparence auront au moins eu pour intérêt d’avoir créé un peu de plaisir. Remettre un peu de couleurs dans ce monde gris…

Cela peut paraître idiot de rédiger ici un tel billet, oui, ça l’est sans doute. Je veux simplement passer un message d’espoir et d’envie, tout en partageant un peu de l’homme – non, du petit garçon – qui est derrière toutes ces lignes, ces heures passées à parcourir Paris… même si ce n’est pas toujours facile, même si les forces viennent souvent à manquer. Demain est un autre jour…

A mon sens, le savoir-faire artisanal français est quelque chose de bien trop précieux pour que l’on se permette de le maltraiter, voire de l’insulter, comme certains savent le faire. En effet, certains ont bien compris qu’il y avait là de quoi faire de l’argent – beaucoup d’argent, notamment en détournant l’image que peuvent en avoir des touristes étrangers à leur avantage.

Les exemples sont malheureusement nombreux, et ils tendent à le devenir toujours plus. En boulangerie, l’un des exemples les plus frappants demeure sans doute Paul, qui s’est façonné une image de « maison de qualité » tout en développant des process industriels, en pratiquant des tarifs élevés pour un goût… discutable.
Du côté des gourmandises, même constat, quelques acteurs arrivent sur le marché avec des produits médiocres vendus sous le couvert de l' »artisanat ». Peu d’entre eux peuvent pour autant présenter une image aussi respectable que celle de Georges Larnicol. En effet, ce dernier dispose du titre de Meilleur Ouvrier de France comme argument marketing quasi-imparable.

Georges Larnicol, rue de Steinkerque, tout près du Sacré-Coeur

Le breton a naturellement débuté son aventure sur ses terres, et plus précisément à Quimper, où il a ouvert sa première boutique dans les années 80. Cela ne devait pas avoir grand chose à voir avec aujourd’hui, où l’entreprise est passée au stade quasi-industriel, avec plus de 23 boutiques – certaines franchisées, dont 3 à Paris. Pourtant, l’homme se défend toujours de respecter un processus purement artisanal et internalisé, mettant en valeur les meilleures matières premières. Dans les faits, les choses seraient bien différentes : la sous-traitance serait monnaie courante, selon des propos répétés. Qui croire ?

En l’absence de capacité à prouver la véracité des propos des uns ou des autres, intéressons-nous plutôt aux faits. Difficile de produire autant sans disposer de lignes de production à haute capacité : il faut approvisionner les boutiques, dont certaines accueillent plusieurs centaines de clients chaque jour. Chez Larnicol, on a bien compris quelles étaient les clés de la réussite du commerce… et parmi elles, l’importance de l’emplacement. Comment rater la boutique installée sur le boulevard Saint-Germain, ou passer à côté de « petit Musée du Chocolat » de la rue de Steinkerque, à deux pas du Sacré-Coeur ? A chaque fois, l’histoire se répète : les touristes affluent et pensent toucher à la fine fleur du chocolat français… col bleu-blanc-rouge, fièrement affiché en façade, oblige.

On pousse la porte pour pénétrer dans cet univers où le chocolat est en libre service… tout comme ces fameuses kouignettes, déclinées en de nombreux parfums. Parfums, parfums, il faut le dire vite, puisque ce sont avant tout le beurre et le sucre, présents en abondance, qui ressortent à la dégustation… en plus d’une invitation à faire une visite de courtoisie chez son dentiste. Je me suis toujours demandé quelles étaient les précautions prises par la maison en terme de stockage et de Date Limite de Consommation, étant donné que ces dernières sont entreposées à l’air libre. Cela ne doit pas manquer de les rendre dures, raison pour laquelle Georges Larnicol conseille de les déguster réchauffées – un vrai moment de plaisir, le côté gras et sucré étant exalté par la chaleur.

Comme toujours, c’est l’habilité que l’on a à communiquer qui prime sur la qualité propre des produits. Cela m’attriste d’autant plus que les visiteurs étrangers sont noyés par ces messages troubles, tout comme des artisans bien plus sincères situés à proximité de ses implantations (citons par exemple Un Dimanche à Paris à Odéon ou bien Christophe Roussel à Montmartre ainsi qu’à Guérande).

Bien sûr, il appartient à chacun de se faire un avis, car les adeptes de ces fameuses kouignettes, torchettes et autres Boules à Jojo ne manquent pas.

Billets d'humeur

21
Août

2012

Le meilleur

Si je devais sélectionner une question parmi toutes celles que l’on me pose, ce serait sans doute celle de savoir qui est le meilleur boulanger parisien que je retiendrais. A cela plusieurs raisons, tout d’abord pour sa fréquence, mais aussi parce que je me sens bien incapable d’y répondre. En réalité, je ne sais pas et je ne veux pas.

Comme tout le monde, j’ai sans doute voulu prendre « le problème » dans ce sens, partir en quête de cet absolu, trouver le meilleur pain, le manger et ressentir un certain sentiment d’accomplissement. Seulement voilà, au fil des mois, des rencontres, des réflexions, on se rend bien compte que le pain ne saurait fonctionner de cette façon, que notre relation avec cet aliment ne répond pas à des critères purement objectifs et techniques. Pour le comprendre et l’apprécier à sa juste valeur, il faut intégrer des sentiments, des morceaux de vie, des souvenirs, des envies… De l’humain, en réalité. Aucun classement ne saurait en rendre compte.

Le « meilleur boulanger » ne se partage pas. C’est une vision et une appréciation purement personnelle. Plutôt que de parler ainsi, il faudrait évoquer une capacité à nous toucher, à nous raconter des histoires, ou à nous en faire revivre. Comment ne pas se laisser aller à la rêverie quand on retrouve des saveurs d’enfance ? Ainsi, on pourra toujours essayer d’établir des classements, organiser des concours et des dégustations, le goût reste le domaine du subjectif et nous ne pourrons pas y faire grand chose.
Dès lors, comment pourrais-je justifier l’intérêt du painrisien ? Je tente simplement de partager mon expérience avec la large palette de produits boulangers que j’ai pu goûter au fil du temps.

En définitive, quand bien même on élirait le meilleur boulanger, la meilleure baguette ou le meilleur être humain, il ne pourrait pas l’être éternellement. De par notre propre nature, ce titre aurait de toute façon tendance à atteindre les qualités qui auraient permis d’y parvenir : l’orgueil est rarement facteur de remise en question… or, pour conserver ses lettres de noblesse, il faut se réinventer chaque jour, sans cesse se poser des question. Le pain est comparable à la vie, tant il est imprégné des hommes qui le façonnent.

Tout cela ne fait qu’exprimer les traits d’une société où la performance est devenue reine, dépassant de loin toutes les autres considérations humaines. Je me demande bien où tout cela peut bien nous conduire, car les choses n’ont du goût que si l’on prend du temps pour les faire, que l’on y met de la sincérité… rien de révolutionnaire, bien au contraire, puisque c’est tout simplement revenir à des valeurs passées. Ce sera peut être de cette façon que nous serons meilleurs… sans chercher à être les meilleurs.

Ceux qui me lisent régulièrement auront fini par le comprendre, je ne suis pas un grand amateur des conventions, des institutions et façons de faire usées. Au contraire, j’aurais plutôt tendance à être iconoclaste et presque… anarchiste ? On ne se refait pas, que voulez-vous. Ainsi, j’ai développé une légère aversion vis à vis du système bien rodé des communiqués de presse, orchestré par agences et chargés de relations publiques. Ma préoccupation est avant tout la sincérité de l’information fournie au lecteur : comment peut-elle l’être pleinement dès lors que l’on doit défendre un intérêt commercial ?
Se pose aussi la question des invitations et cadeaux offerts aux bloggueurs : sommes-nous tout à fait capables de garder la tête froide ? Mon propre jugement n’a-t-il pas été influencé les fois où j’ai été invité ?

Dans le cas présent, je dois dire que j’ai plutôt souri, et que si je vous en parle, c’est que la chose m’a un peu surpris. En effet, vendredi dernier, j’ai reçu un email provenant du service Communication de Paul. Vous imaginez le sentiment partagé entre honneur et fierté que j’ai pu ressentir : moi, petit bloggueur, suis ‘reconnu’ par une si grande entreprise. En fait, il y a eu comme un… blanc.
Oui, l’objet du communiqué est les produits « blancs » que l’enseigne lance à la rentrée.

Carré feuilleté au chocolat blanc

Rien de bien innovant en réalité, puisque Paul se contente de retravailler légèrement de grands classiques : il est ainsi question du macaron Vanille, renouvelé et réalisé à partir d’une ganache au chocolat blanc (mister obvious est passé par là) et de vanille de Madagascar. Le plus original reste sans doute le carré feuilleté, garni de crème… au chocolat blanc. On terminera sur la viennoise… au chocolat blanc, gagné, qui doit elle aussi arriver bien blanche à la livraison.

Viennoise au chocolat blanc

Bref, rien de bien nouveau sous le soleil – qui sera peut-être encore présent le 4 septembre, date à laquelle ces nouveaux produits envahiront les boutiques Paul, suscitant – je n’en doute pas une seconde – l’enthousiasme du public. J’aurais préféré un communiqué m’annonçant une plus grande exigence quant à l’approvisionnement des farines, à la qualité des process de fabrication… mais côté pain, l’enseigne se contente d’appliquer des recettes bien huilées, mis à part pour les pains dits « aromatiques » développés récemment, et dont l’avenir ne me semble pas radieux…

On terminera simplement sur les prix de vente « conseillés » (ils ont tendance à s’envoler rapidement dans les gares et autres lieux de forte fréquentation) : le Macaron vanille de Madagascar – 80g : 3€, la Gourmandise chocolat blanc – 135g : 1,75€ et la Viennoise chocolat blanc – 125g : 1,40€. Autant dire reste toujours plus intéressant de se tourner vers son artisan boulanger, bien souvent moins cher, plus honnête et offrant des produits d’une toute autre qualité, dès lors qu’il n’a pas cédé aux sirènes de l’industrie.

Billets d'humeur

05
Août

2012

Un mois d’août à Paris

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Difficile de trouver plus calme que ce week-end. Les rues franciliennes se sont vidées, même les voitures se sont faites rares dans les rues et allées… Cela ne vous aura pas échappé, nous sommes bien en août. Les commerces ont fermé, l’ambiance s’est (un peu) apaisée.

A Paris, c’est toujours la même histoire. On finit par ne croiser que des touristes venus découvrir les charmes tant vantés de notre capitale. Certes, ces accents variés et ces difficultés à acheter une simple baguette de pain sont charmants, mais cela ne manquera certainement pas de faire râler les bons parisiens que nous sommes… moi le premier, que voulez-vous, la ville a bien fini par déteindre sur moi. Même si elle est en vacances d’elle-même, difficile de la changer… ou plutôt de nous changer.
Cette année, le temps n’est pas franchement clément, et ce sera sans doute l’un des sujets de discussion qui aura été le plus abordé. Les rares épisodes de chaleur ont su tout autant faire parler d’eux, beaucoup craignant une nouvelle canicule dès que le mercure s’affole un peu. Ce sont en définitive des préoccupations bien banales… vacancières, pourrait-on dire.

Pour ceux qui restent, le quotidien est un peu modifié, et je dois dire que j’ai un peu mal au nez… Oui, je me le suis cassé deux ou trois fois cette semaine, devant des boulangeries fermées. Même si la Ville de Paris a publié une liste des boutiques ouvertes en août, cette dernière est relativement inexacte et il ne faudrait pas la prendre comme référence. Mieux vaut appeler les établissements directement. Certains ne dérogent pas à leurs habitudes et restent au service de leur clientèle : ainsi, les boulangeries de Dominique Saibron ou de Rodolphe Landemaine ne prennent pas de congés, même si les horaires de certaines de ce dernier sont légèrement modifiés. Vous pourrez également vous rendre chez Gontran Cherrier, qui a ré-ouvert jeudi, à la maison Pichard, chez Bread & Roses, Raoul ou Benoît Maeder, et bien d’autres que j’oublie… Le choix demeure encore varié, nous sommes à Paris, tout de même ! Pour les becs sucrés, Pierre Hermé, Fauchon, le Café Pouchkine, Ladurée, Angelina, Dalloyau, Lenôtre, Sadaharu Aoki… entre autres institutions parisiennes, ne s’accordent pas de trêve estivale, même si ce n’est pas toujours dans ces maisons que l’on trouve les gourmandises les plus savoureuses. Si les températures montent, rien de tel qu’une bonne glace chez Raimo, Grom ou la charmante Mary Gelateria, discrètement nichée dans le haut du Marais. Les adeptes des « notes de frais » les plus « bling-bling » pourront aussi se tourner vers la terrasse du MiniPalais, qui se transforme en bar à glaces tous les après-midi.

Août, c’est aussi l’occasion de préparer la rentrée au calme. Certains artisans préparent leurs produits et leurs équipes. Côté pâtisserie, on donne les dernières touches aux bûches de Noël (photographies, dégustations…) avant de s’attaquer à la suite (les galettes des Rois ne sont pas si loin que cela !).
On profite des rythmes moins soutenus pour échanger un peu plus avec les clients, ou bien pour faire une petite promenade du côté de Paris Plage… ou pas, tiens. Chacun son style, après tout. Bel été !

Billets d'humeur

02
Juil

2012

Raconter des histoires

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Cela ne vous aura sans doute pas échappé, j’aime raconter des histoires. Oui, mais seulement de belles histoires, qui trouvent un sens dans la réalité, qui se basent sur du concret et parviennent à satisfaire mon exigence d’honnêteté et de goût, tout simplement. Seulement voilà, cela ne semble pas être le sens dans lequel tout le monde cherche à aller. Les anglophones parlent de « storytelling », moi j’aurais plutôt tendance à parler de marchands de sable… « Mister Sandman, bring me a dream » chantaient les Chordettes.

Du rêve, oui, le secteur de la gastronomie sait en vendre et en créer. Un univers de paillettes et d’histoires, justement. Plus le temps passe, plus je goûte de produits et échange avec les artisans, mieux je me rends compte de la distorsion entre ce que l’on vend au consommateur et ce qui est vanté. Cela peut se situer sur le plan des qualités gustatives, bien souvent sur-vendues, c’est de bonne guerre et on ne peut pas reprocher à un vendeur de chercher à écouler sa marchandise. Cependant, je n’adhère plus dès lors qu’il s’agit de proposer un produit qui devrait être sain, « honnête » et artisanal… alors que l’on fait tout le contraire.

Des exemples ? Allons-y, n’ayons pas froid aux yeux. Prenez le célèbre traiteur Lenôtre, dont le site regorge d’informations inquiétantes sur la composition de leurs gourmandises. Une tarte au citron ? Oui…

Pâte sucrée 28% (farine de blé, beurre, sucre, amande, oeuf, jaune d’œuf, sel), sucre, œuf, beurre, citron 9%, eau, blanc d’œuf 2%, nappage (gélifiant : pectine, acide citrique, antioxydant : E223 (sulfite)), jus de yuzu, décor (blé), cachet chocolat blanc (poudre de lait entier, colorant : E172), jaune d’œuf, sirop de glucose, beurre de cacao, gélatine de bœuf, matière grasse végétale hydrogénée, jus de citron vert 0,3%, poudre de lait écrémé, zeste de citron 0,03%, émulsifiant : lécithine de soja

Oh, des tartes façon part ! (vu dans le Thuriès Magazine)

Sirop de glucose, matière grasse végétale hydrogénée… C’est un véritable festival qui s’offre à nous. Ce sont loin d’être les seuls à agir de cette façon. De jeunes entreprises aux dents longues et aux fortes prétentions jouent dans la même cour, à l’image d’Hugo & Victor. Alors que leur agence de communication vante à chaque fois que c’est nécessaire une réalisation ‘minute’ de leur pâtisseries, celles-ci sont sous-traitées auprès d’un traiteur parisien. Cela pourrait s’arrêter là, mais non, il faut aller plus loin : les fameuses tartes « façon part » sont assemblées à part d’un fond précuit fourni par PCB Création, un industriel du secteur. Que de belles histoires…

Le secteur du luxe, ou du « haut de gamme », n’est pas le seul à agir ainsi. En boulangerie aussi, quelques artisans ont leur petits secrets. Faire travailler du personnel peu qualifié pour toujours augmenter sa marge, utiliser des farines de qualité douteuse, ajouter des additifs indécelables dans des baguettes dites « de Tradition » pour donner du goût, pratiquer de véritables luttes d’influence entre meunerie et boulangers, guerres internes au sein de la confédération (et ses pratiques moyenâgeuses, bien loin de défendre les artisans)… La liste est longue, trop longue. Pourtant, en façade, la profession tente de donner l’image d’une volonté de progrès, de tendre vers un produit toujours plus sain et savoureux.

Il y aura toujours des gens pour vous raconter des histoires. D’autres le feront mieux que moi. Ce billet clôt une longue série, met en suspension un travail relativement titanesque entrepris depuis avril 2011 : 468 billets, de près de 600 mots en moyenne, j’en ai moi même le tournis. Une expérience exceptionnelle, à tous points de vue. Humainement d’abord, et c’est certainement ce que j’en retiendrai : des rencontres, beaucoup de sourires. Des sourires sincères, que j’ai été heureux de créer. Bien sûr, on ne fait pas tout cela sans commettre des erreurs, c’est inévitable, et je me suis trompé à plusieurs reprises. Cela m’a fait avancer et je peux dire assez fièrement que je ne suis plus le même que lorsque j’ai commencé. painrisien m’a changé – je suis devenu « le » painrisien. Aujourd’hui, je rends ma casquette, certainement par lassitude mais aussi parce que j’ai envie de courir après autre chose que le pain. Des levers de soleil, des lumières, des instants fugaces… Toujours des histoires vraies. Le reste n’est qu’accessoire. Comme disait un fameux renard empli de sagesse « On ne voit qu’avec le coeur, L’essentiel est invisible pour les yeux. ». Une citation du Petit Prince, d’ailleurs, c’est ce que j’ai le sentiment d’avoir été pendant tout ce temps. Le Petit Prince du pain, doté de cette sensibilité exacerbée, de cette envie insatisfaite de rendre le monde plus beau et doux. Je n’aurai sans doute pas changé ce fameux monde en écrivant ici, mais j’aurais tenté de faire entendre un message. A présent, je vais écrire une autre histoire, ou plutôt d’autres. La mienne, pour commencer… D’ailleurs, il faut que je trouve un vrai travail – j’en profite pour re-placer l’annonce de ma recherche toujours non aboutie !
A bientôt, et merci !

Le mélange des genres n’est jamais souhaitable. Que ce soit en politique, en art ou même en gastronomie, il faut savoir rester à sa place et ne pas utiliser son nom et sa notoriété pour défendre l’indéfendable… ou vendre un produit qui constitue en définitive l’opposé de ce que l’on devrait réaliser. Pourtant, c’est une pratique de plus en plus fréquente, et l’argent semble vraiment faire tourner toutes les têtes.

En parlant de tête, je crois que j’aimerais voir moins fréquemment celle de Frédéric Lalos, car j’ai l’occasion de la retrouver sur des produits et des présentations dont la nature ne sont pas vraiment faits pour me plaire.
Je vous avais un peu parlé dans un billet précédent des « travers » de ce Meilleur Ouvrier de France boulanger, plutôt enclin à utiliser son col en toute occasion. En commentaire, un de mes fidèles lecteurs avait rapidement évoqué la gamme développée en partenariat avec Monoprix.

"Le pain n'est bon que s'il a du goût", voilà une phrase qui restera dans les annales !

C’est lors d’un passage sur l’avenue de l’Opéra que j’ai eu l’occasion de découvrir cette charmante gamme… et le dispositif de communication que l’on y a adjoint. En effet, on ne peut pas dire que l’enseigne ait lésiné sur les moyens pour mettre en avant les mérites de ces produits. Etiquettes distinctes, petite brochure destinée aux clients, larges visuels fièrement ornés du nom de M. Lalos… Rien ne manque pour tenter de séduire.
Le problème, à mon sens, est que tout cela a une fâcheuse tendance à brouiller les cartes, d’autant plus auprès des consommateurs peu au fait du fonctionnement de la « boulangerie » au sein de ce type de magasin. On pourrait en effet croire que les pains proposés dans le cadre de cette gamme sont artisanaux, réalisés par les équipes de Frédéric Lalos pour le compte de Monoprix. La réalité est bien sûr tout autre, puisque ce sont des pâtons réalisés en industrie, puis livrés et cuits en magasin. D’ailleurs, le livret l’évoque de façon plutôt vague « l’ensemble des pains ont été pré-cuits sur four à sole »…

Les déclinaisons de pain de Frédéric Lalos pour Monoprix Gourmet

Frédéric Lalos a tout de même apporté son expertise dans la réalisation des recettes et mise en place des process, ce qui aboutit à produire une certaine notion « d’industriel haut de gamme », avec utilisation de farines de tradition sans additif, de levain naturel ou encore l’application d’un façonnage manuel pour certains pains. Nous sommes bien loin des produits remplis d’additifs et d’améliorants de panification comme nous pouvons souvent en rencontrer dans ce type de lieu, mais ce n’est pas pour autant que tout cela est vraiment « rose » : doit-on utiliser sa notoriété d’artisan pour de telles choses ?

La justification qui est apportée ici est de défendre avant tout le bon pain, et de faire en sorte de le proposer à un public toujours plus large. Seulement, ces produits ne sont pas les plus accessibles, leur tarif dépasse même ceux pratiqués en boulangerie artisanale ! Difficile, dès lors, de croire en ces beaux discours.
Je passerai sur les phrases presque « nunuches » dont est truffé ce petit livret… même si j’ai beaucoup aimé cette prompte déclaration : « le pain n’est bon que s’il a du goût ». Avez-vous déjà trouvé quelque chose de bon qui n’aurait pas de goût ?
De plus, tout cela fait travailler une certaine « filière » que Frédéric Lalos a développé au fil du temps : les fameux levains utilisés doivent certainement provenir tout droit de chez Philibert Savours, les pâtons transformés chez Bridor (avec qui il a développé une gamme « signature »)… A l’image du travail réalisé autour de la Fournée, la très fameuse machine à pain mise au point avec Moulinex.

Le pain plié par Frédéric Lalos... Ce fameux levain ne viendrait-il pas de chez Philibert Savours ?

Je ne cherche pas à faire un mauvais procès aux produits industriels, car il est malgré tout possible de faire du « moins pire », et c’est le cas ici. Pour autant, on doit toujours garder à l’esprit que la boulangerie artisanale doit être bien distinguée de cette filière, sinon quoi le consommateur pourra être toujours plus tenté de se tourner vers ce qui est le plus pratique, c’est à dire tout acheter au même endroit… en l’occurrence, dans son supermarché.

 

Billets d'humeur

25
Mai

2012

Dans mes yeux d’enfant

J’ose croire que le monde serait meilleur si les adultes gardaient leurs yeux d’enfant, s’ils laissaient un peu de côté le renoncement qui nous rend vieux petit à petit. L’important, c’est de toujours garder cette lumière au fond du regard, de s’étonner de choses simples et aussi de remettre du rêve dans le quotidien…

Ainsi, quand je pars de chez moi pour aller courir pains et gourmandises à travers Paris, c’est un peu comme si j’allais à la rencontre d’un univers rempli de fées ou de sorcières (le personnel de vente n’est pas toujours très égal), de magiciens ou d’apprentis sorciers oeuvrant dans des fournils et laboratoires, comme autant de fabriques comparables à la fameuse chocolaterie de Willy Wonka. Je me sens un peu comme Charlie, voyez-vous, d’ailleurs où suis-je ?

Perdu, perdu, dans cette grande et à la fois si petite ville qui prend parfois des allures de monstre, rugissante et violente, j’aimerais trouver un peu de douceur, je me réfugie alors dans une échoppe aux douces effluves sucrées avant de repartir à l’aventure. Ces vitrines, ces gourmandises me rappellent la douceur insouciante avec laquelle je pouvais regarder le monde étant petit. Du rêve, juste du rêve, toujours plus de rêve. Le problème, c’est que l’on comprend vite que tout cela n’est parfois qu’apparence, dorures et paillettes. L’enfant se perd alors en désillusions et déconvenues. Un certain renard avait enseigné à un Petit Prince bien connu qu’on ne voyait bien qu’avec le coeur, l’essentiel étant invisible pour les yeux.

L'enfant se perd dans cet univers de douceurs...

Je me sens un peu comme ce Petit Prince. J’ai essayé d’apprivoiser ce renard, d’entretenir cette rose si coquette. Seulement voilà, la vie est ainsi faite, et les choses finissent par vous échapper, inévitablement. Alors on court après, sans relâche, sans bien savoir pourquoi on le fait. L’objet de notre quête, si matériel de prime abord, ne serait-il pas plus profond ? L’enfant que je suis a choisi le pain, oui, mais le pain dans cette ville – cela ne pouvait pas être anodin.
Au fil des mois, la dame sur laquelle je me promène m’a amené des rencontres. J’ai pu faire entrer d’autres enfants dans ma cour de récréation, partager avec eux quelques billes de sucre ou de sel. Ensemble nous avons partagé, et nous continuons à le faire, un univers de rêves et de sourires.

La boulangerie sonne parfois comme le lieu de salut et de chaleur pour l'enfant perdu...

Les sourires. Le plaisir. C’est certainement ce qui marque le plus, ce que l’on recherche. Quel enfant n’aspirerait-il pas à être heureux ? Seulement, il ne faut pas voir cela comme un accomplissement, non, bien au contraire, c’est une lutte quotidienne, un objectif autant qu’une bataille qui pourrait être perdue d’avance… Elle le serait si nous en avions une vision purement individualiste, comme c’est parfois le cas. L’enfant doit apprendre à s’insérer dans le monde, à comprendre que l’autre présente de l’importance et de l’intérêt, que sans lui, il n’existerait peut-être même pas. Si je garde espoir, si je parviens à rester un enfant et à conserver ce regard, c’est parce que justement je vois tous les jours des gens prêts à donner, à partager. C’est ça, le pain, du moins c’est ce que cela devrait être. Une communauté de gens passionnés, amoureux.

Au détour des rues, nos yeux d'enfant rencontrent des détails qui nous rappellent que dans le fond, la cité est une immense cour de récréation où nous évoluons entre jeux et bacs à sable

De l’amour, de la tendresse… On en revient toujours à ça. Rien ne remplace celui apporté par une mère, de par son caractère exclusif et inconditionnel. On se contente juste de chercher des dérivatifs, des moyens de compenser l’absence, le manque. Nos yeux cherchent dans ces mies tendres et généreuses quelques instants d’oubli, de plénitude, de simplicité. L’artisan les pétrit, les façonne, y met un peu d’amour… et on vient juste le cueillir, comme les enfants cueillent les pâquerettes à l’arrivée du printemps.
Les saisons passent, les heures aussi. L’enfant voit la fleur se refermer, puis se faner. Paris se vide, s’éteint. Restent alors les lumières, les quais vides, un peu de tristesse. Malgré la pénombre, l’esprit et l’espoir demeurent. Demain sera un jour nouveau… et mes yeux seront neufs comme ceux d’un nourrisson. Un Petit Prince, je vous disais…

La nuit tombe sur Dame Paris

Je suis parfois attristé et consterné par la façon dont on s’évertue presque à « gâcher » des occasions de mettre en valeur ce qui est intéressant, ce qui pourrait contribuer à développer le goût du pain auprès du grand public. La Fête du Pain, dont je parlais hier, en fait partie et c’est certainement l’événement le plus important sur toute l’année autour de cet aliment simple et pourtant essentiel.

Sur le Parvis de Notre-Dame, un grande tente et quelques stands ont été installés à cette occasion, et ce jusqu’à lundi. Ce sont plus de 7000 visiteurs qui y sont attendus quotidiennement, afin de voir oeuvrer les boulangers réunionnais mis à l’honneur cette année.

Côté tourage

Au sein du fournil géant autour duquel le public circulent, les 40 artisans insulaires et leurs homologues métropolitains confectionnent pains, viennoiseries et autres gourmandises plus ou moins typées. On retrouve ainsi notre fameuse baguette de tradition, des pains de campagne, des croissants… mais aussi des pains massalés, frottés, ou encore une surprenante création au combawa, curcuma et piment. Autant dire que les effluves s’échappant des fours nous emmènent directement faire une escapade dans les îles, ce qui est loin d’être désagréable.

L'équipe des boulangers réunionnais

Ce qui l’est plus, désagréable, c’est le côté un peu « foire » de l’ensemble. Vous savez, ces événements organisés dans les villages, où l’on fait danser les anciens et jouer les plus jeunes. En définitive, on n’apprend que peu de choses sur le pain, seuls quelques pots renfermant diverses céréales et graines doivent nous donner une idée de ce que l’on consomme, ou peut-être faut-il alors se tourner vers le stand dédié au sucre, dont la présence est plutôt surprenante… mis à part si l’on souhaite repartir avec un peu de barbe à papa.

Un stand autour du sucre, oui mais pourquoi faire ?

Cette impression est renforcée par le caractère commercial développé à l’extérieur, en marge du fournil : on trouve en effet un espace vendant des produits des îles, mais également du pain et des sandwiches. Cela pourrait être tout à fait normal si les tarifs n’étaient pas aussi exagérés : 1,50 euros la baguette de Tradition, c’est de cette façon que l’on cherche à promouvoir le pain et sa consommation ? J’ai un peu de mal à suivre. Certes, les produits ne sont pas mauvais, réalisés avec un certain soin, mais rien qui justifie une telle politique… mis à part le fait de vouloir profiter un peu de l’affluence et du caractère touristique du lieu.

Spécialités des îles : pain massalé, frotté...

Pour enfoncer le clou, la piste de vélo où les enfants peuvent faire quelques tours entre diverses démonstrations de BMX. On passe ainsi de la foire… à la fête foraine. Rien à voir avec le pain, mais soit.
Bien sûr, il nous reste les séances de dégustation, les divers événements (remise du prix du meilleur croissant francilien, master de la meilleure baguette, accueil des enfants…) pour nous consoler, mais cela demeure somme toute assez maigre au vu de la… qualité de l’ensemble. Le pain mérite beaucoup mieux que cela.

Allez, un petit tour de vélo après avoir mangé un morceau de pain ?!