C’est la crise ma petite dame. Certes, ce n’est pas faux, mais il ne faudrait pas non plus tirer un bilan catastrophique de la situation. Les cours des matières premières subissent des variations importantes ces derniers mois, mais le fait n’est plus vraiment nouveau : nos artisans ont fini par être habitués à ces augmentations qui touchent aussi bien la farine, le lait, le beurre, les oeufs… tout ce qui est mis en oeuvre dans leurs produits, en bref.

Toutefois, je pense qu’il ne faut pas céder à la « panique » et garder la tête froide. En effet, il convient de prendre le problème avec sérieux et recul, car celui-ci comporte plusieurs aspects.

A commencer par considérer la part que représentent les matières premières dans le prix des produits finis. Pour une baguette de pain, nous étions à près de 20% l’an passé, la main d’oeuvre, les charges salariales… tout ce qui est humain, en bref, restant l’un des postes les plus coûteux – près de la moitié de l’addition. En définitive, la part dévolue à la matière première augmente, certainement plus rapidement que ne le font les salaires. Cela pose donc la question de l’augmentation des prix : qu’ils soient salariés de la filière ou d’une autre, les consommateurs peuvent-ils, ou veulent-ils, encaisser ces fluctuations ? Rien de moins sûr.

Il faut dire que le climat pousse beaucoup d’entre nous à avoir les yeux rivés sur les dépenses quotidiennes, et nous avons souvent tendance à nous serrer la ceinture sur les produits de première nécessité, moins sur les loisirs et ce qui est considéré comme des achats de « plaisir » (même si à mon sens, le pain demeure l’un des plaisirs les plus quotidiens et accessibles !).
La logique agit donc de cette façon :
– Les matières premières augmentent, les artisans boulangers répercutent le phénomène sur les clients ;
– Ces derniers ressentent immédiatement la hausse et vont privilégier des modes d’approvisionnement moins onéreux et souvent plus pratiques (grande distribution, (semi)-industriels…) ;
– La boulangerie artisanale perd donc de la clientèle et ne parvient pas à assumer son équation économique autrement que par les prix…

Le phénomène est donc dangereux à long terme, mais il ne se réalise que si nos artisans ne font pas preuve de clairvoyance et adoptent un autre raisonnement.
En effet, il est aussi possible de choisir d' »encaisser » les variations, pour maintenir un produit de qualité accessible, tout en développant une gamme « plaisir » simple et à la portée du quotidien (sur ces produits, les marges sont bien souvent plus élevés, même si l’on conserve des prix bas !). A mon sens, c’est de cette façon que les boulangeries peuvent se démarquer nettement de leurs concurrents : difficile de trouver des viennoiseries, tartes ou même sandwiches et quiches de qualité en industrie…

Les exemples ne manquent pas, et devraient en inspirer certains : on peut notamment citer la maison Pichard et sa fameuse baguette, toujours maintenue à 1 euro, proposée conjointement à un large assortiment de gourmandises de qualité, tout aussi accessibles. Inutile de chercher d’autres preuves du bien fondé de la démarche que la longue queue qui se déroule devant les lieux chaque week-end. Même idée chez les Rouget à Beaumont-sur-Oise, chez Dominique Saibron dans le 14è arrondissement, … dans tous les cas, on retrouve des artisans passionnés, qui savent sortir de leur fournil pour comprendre leurs clients et s’adapter à leurs attentes. La profession ne doit pas adopter une position de victime, mais bien être force de proposition pour continuer à avancer.

On peut parfois me reprocher de critiquer sans faire les choses moi-même, de ne conserver qu’un rôle d’observateur, qui serait alors bien confortable. Difficile de donner tort à un tel raisonnement, mis à part en s’engageant : pour ma part, cela commence en assumant pleinement mes écrits, je ne suis pas caché et il a toujours été possible d’en savoir plus sur moi, et même de voir à quoi je ressemble. Vient ensuite le temps des actes, et je ne suis pas le dernier à me déplacer pour participer à des événements lorsqu’on me le propose.

Ainsi, j’ai pu prendre part hier au second concours du meilleur Pain Bio d’Ile-de-France, organisé au sein des locaux de la Chambre Professionnelle des Artisans Boulangers-Pâtissiers, au 7 quai d’Anjou. J’ai souvent eu l’occasion de critiquer ce genre de concours, où certains boulangers peu scrupuleux présentent des produits bien éloignés des pains proposés quotidiennement en boutique. Il me sera ainsi possible de comparer de façon réelle et objective.

18 artisans avaient répondu présent en apportant leurs pains. Pour la plupart, il s’agissait de boules au levain, et cette unicité de format nous a permis de comparer les produits sans trop de difficulté : difficile en effet d’établir un cliché type du pain Bio, sinon qu’il est généralement réalisé sur levain, et présente donc un caractère plutôt acide. Certains originaux avaient cru bon d’apporter des baguettes, pains aux céréales ou couronnes… Ce qui était leur droit, après tout.

Nous étions 4 jurés à noter les pains, selon des critères d’aspect, de cuisson, d’alvéolage, de goût et de parfum. Le pain ne doit pas seulement être agréable en bouche, il doit aussi séduire l’oeil, éveiller les sens, susciter l’envie, tout simplement. En ce qui concerne l’alvéolage, il y a là un problème : en effet, l’acide ascorbique n’est pas interdit pour les pains Biologiques, ce qui signifie que les pains les plus développés et donc alvéolés y ont sans doute eu recours. Difficile de le vérifier pour nous, mais le doute persiste, et c’est une des raisons pour lesquelles le pain de Tradition est parfois préférable : ce dernier en est forcément dépourvu, puisque les additifs sont proscrits de sa recette.

Chaque artisan boulanger avait amené sa création en deux exemplaires. Comme vous pouvez le voir, nous avons eu à juger des pains aux céréales ou des baguettes, ce qui rendait toute comparaison avec le reste impossible.

Il y avait du bon et du moins bon, mais dans l’ensemble, je dois reconnaître que le niveau était assez élevé : des mies gourmandes et bien hydratées, une acidité assez maîtrisée, et pour certains des arômes soutenus (céréales, fleurs, épices…), de beaux bouquets concentrés.

Cela a été aussi l’occasion d’échanger avec des passionnés du pain, et même si je peux regretter une certaine tendance à rencontrer des têtes grisonnantes plutôt que des jeunes (à croire que l’on parvient difficilement à transmettre la passion du pain…), c’est toujours un moment agréable. J’ai également pu discuter rapidement avec Jacques Mabille, le président de la Chambre, qui travaille actuellement à l’instauration d’un label valorisant la réalisation artisanale des viennoiseries et autres gourmandises, un engagement sans doute difficile à soutenir auprès de certains acteurs influents du secteur, mais qui ne pourra que faire du bien à la profession.

Pour les résultats, rendez-vous jeudi prochain, à l’occasion de la remise des prix !

Actualité

22
Sep

2012

500 billets, rien que ça !

Je regardais négligemment le dashboard du painrisien ce matin, pour finalement tomber sur le nombre de 500 billets publiés. En le lisant, ce n’est pas de la fierté que je ressens, mais surtout l’envie d’aller plus loin et de toujours me poser des questions pour faire évoluer cet outil qui se veut toujours plus proche de la réalité boulangère, en cherchant non seulement à l’écouter mais aussi à partager le bon pain…

Toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort, comme aime le dire un certain Olivier, puisque l’on ne saurait continuer sans évoluer.
500 billets, c’est plus d’un an et cinq mois de travail, avec des erreurs, des questions, des évolutions mais aussi et surtout des rencontres. De belles rencontres, et au final, le sentiment que plus le temps passe et plus l’on comprend que dans le fond, c’est le pain et l’importance de l’humain dans sa réalisation que l’on rencontre. J’étais bien loin de le saisir en commençant en avril 2011, certes j’avais déjà pu goûter le travail de nombreux artisans, mais je demeurais le simple consommateur que je peinerais bien à être encore aujourd’hui. J’aimerais, sans doute, car cela me permettrait de moins avoir le regard désabusé que je peux avoir parfois. Cependant, j’ai encore l’occasion de faire de belles découvertes et c’est ce qui me donne envie de continuer. Savoir nourrir l’enfant qui est en nous, avec son oeil émerveillé, sa sensibilité exacerbée, un exercice parfois difficile mais c’est l’une des choses auxquelles je veux m’engager avec le plus d’ardeur.

Tout cela est bien beau, oui… mais demain ? Bien sûr, le painrisien va continuer à se remplir de mots, de découvertes, de réflexions, … mais en plus des évolutions « techniques » qui ont pu être apportées ici au cours de ces dernières semaines, ce sont à présent des avancées de fond qui vont être menées.
Cela me concerne directement, puisque je souhaite me former à la boulangerie pour en maîtriser les éléments techniques, et ainsi acquérir la légitimité qui me fait aujourd’hui défaut. En plus du regard et du goût que j’ai pu développer, je serai ainsi à même d’apporter une vision plus juste du métier et de ses enjeux. Je ne serai sans doute pas un boulanger à court terme (même s’il n’est pas impossible que je m’y mette un jour ou l’autre, j’aime les défis et entreprendre fait partie de ceux qui me motivent le plus) mais ce n’est pas le but recherché dans la démarche.

Au delà de ça, ces 500 articles représentent une matière incroyable sur la boulangerie parisienne, et je suis convaincu qu’il faut les partager de façon plus étendue que cela peut être le cas aujourd’hui. Il faudra sans doute passer par le support papier et faire de cette belle expérience un livre auquel je tenterai d’apporter toute la sensibilité et l’intérêt pour que cela ne soit pas un énième guide froid, mais au contraire un ouvrage riche et retranscrivant cette belle aventure « painrisienne » ! Amis éditeurs et apparentés, si vous me lisez…

Les goûts et les couleurs. Nous avons tous nos préférences, ces teintes qui reviennent plus souvent au cours de nos vies. Cela s’applique tout autant chez nos artisans boulangers, et plus particulièrement chez eux qui décident de se bâtir une réelle identité visuelle, à laquelle la clientèle peut se rattacher. Un processus qui s’avère souvent nécessaire dès lors que l’on vise à ouvrir plusieurs points de vente.

Chez Stéphane Secco, impossible de passer à côté : on voit la vie… en rose. Cela pourrait paraître surprenant pour un homme, mais Gérard Mulot en fait de même, il faut croire que le sucre aide nos pâtissiers à voir les événements du bon côté.
Je vous parlais il y a quelques temps de son départ de la rue Jean Nicot, où il avait pris la suite du célèbre Jean-Luc Poujauran. Décidément, sa spécialité semble être de remplacer des « grands noms » de la boulangerie parisienne, même si dans ce cas, on s’en passerait plutôt bien.

En effet, c’est sur la rue de Rennes, en lieu et place de la famille Hakkam, que Stéphane Secco vient tout juste de poser ses valises. Il aura profité de la fin de l’été pour assurer la passation et réaliser des travaux dans la boutique, afin de la mettre en phase avec ses aspirations. Le résultat est plutôt convaincant, on passe ainsi d’un aménagement « standardisé-CMC » à un lieu personnalisé et bien rose, signe de bonne santé ?

Dans tous les cas, ce qui a changé et c’est sans doute le plus important, ce sont les produits. Exit les macarons tapageurs et autres pâtisseries de provenance industrielle, la gamme bien spécifique à cet artisan remplit à présent les vitrines pour le plaisir des gourmands du 6è arrondissement. Entre le fameux cheesecake, la tarte tropézienne, les tartes fines aux pommes ou encore les sablés, pas de doute, Secco est dans la place. Il en est de même côté traiteur, avec un large choix de produits (salades, plats chauds, quiches et tartes…) en libre-service ou en vente assistée. On notera la possibilité de les consommer sur place, grâce à un espace de dégustation au fond de la boutique.

Malheureusement pour les painrisiens que nous sommes, le pain s’est vu amputé d’une partie de ses déclinaisons. Les pains de campagne au levain naturel – une signature héritée de chez Poujauran et bien représentée ici, pavés Max, baguettes de Tradition à la farine certifiée Label Rouge et autres sont présents, ainsi que quelques grosses pièces que l’on ne connaissait pas chez cet artisan jusqu’alors. Les cuissons sont plutôt bien menées, même si les façonnages manquent un peu d’application. La qualité de réalisation est encore un peu aléatoire – en particulier sur les baguettes, mais l’ouverture étant récente, laissons le temps à ses équipes de prendre leurs marques.

Par contre, le service, même si encore un peu perdu dans les diverses formules et tarifications, se révèle avenant et sympathique, un point souvent reproché précédemment. Dans tous les cas, on ne peut qu’apprécier le changement opéré ici…

Viennoiseries variées, dont quelques spécialités, comme un sympathique « pain aux noix »

Infos pratiques

101 Rue de Rennes – 75006 Paris (métro Rennes, ligne 12) / tél : 01 45 48 35 79
ouvert du lundi au samedi de 7h30 à 20h.

Peu d’acteurs de la boulangerie peuvent se vanter d’être passés par plusieurs des « niveaux » qui constituent la chaîne permettant de réaliser du pain. En effet, la filière regroupe des métiers très différents : produire de la farine, le rôle du meunier, n’est certainement pas la même tâche que de la mettre en oeuvre comme le fait le boulanger au quotidien dans son fournil.

Parmi ces quelques personnes, il y a bien sûr les « paysans boulangers », qui ont fait le choix de maîtriser le processus dans sa totalité, aussi vertical soit-il. Roland Feuillas, Nicolas Supiot, … des hommes à l’engagement remarquable.
D’autres font également leur chemin, d’une manière un peu différente. C’est le cas de Jean-François Celbert. Plus de 22 ans de meunerie au compteur, notamment en tant que PDG du groupement Banette et chez AMO – Axiane, avant un virage un peu forcé en 2009 avec la reprise de la boulangerie Joséphine de l’avenue Marceau. Il a également repris « Chez Fred » sur l’Ile de Ré, avec son associé Stéphane Leyssenot. Pour la petite histoire, les deux compères ont tenté d’imposer le nom et concept Joséphine pour cette affaire… sans succès, les locaux ne souhaitant pas voir s’implanter un concept parisien sur leur petit coin de paradis, d’où un retour à la dénomination initiale.

Malgré ces petits ennuis, cela n’arrête pas notre entrepreneur, puisqu’il a choisi de faire voir double à sa douce Joséphine, en la dotant d’une adresse en plein coeur de Saint-Germain-des-Prés. En effet, depuis quelques semaines, le couple Maillard et sa baguette Rétrodor que j’avais passé dans mon viseur a passé la main.
Dans cette zone où peu de boulangeries sont présentes, il n’est pas difficile de se faire une place, et les nombreux touristes de passage ne manqueront pas de s’arrêter ici, peu importe les produits et les prix, en définitive.

Jean-François Celbert est loin d’être seul ici, puisqu’il s’est associé à une pointure du milieu, en la personne de Benoît Castel, l’ancien chef pâtissier de la Grande Epicerie toute proche. Le lieu a été légèrement remanié pour fluidifier le service, mais on retrouve toujours le charme sobre de cette petite boulangerie, à laquelle on a voulu donner des accents anglais en lui affublant le nom de « Bakery »…
A l’entrée, ce sont des salades classiques ou plus créatives qui nous accueillent, accompagnées d’une courte proposition de sandwiches. Ils sont rapidement suivis par une déclinaison de pâtisseries plutôt simples et soignées, ressemblant fortement à celles proposées à l’institution parisienne où oeuvrait précédemment notre chef (cheesecakes et leur pipette, éclairs, tartes…), même si plutôt onéreuses (4€ la pièce en moyenne). Les viennoiseries s’en sortent honorablement, avec un croissant proposé à 1,05€ et un pain au chocolat à 1,20€. Les origines bretonnes de Jean-François Celbert ne sont pas oubliées, avec un charmant kouign-amann, riche en beurre et en sucre comme il se doit. On retrouve aussi de généreuses madeleines, nature ou parfumées au chocolat, des gâteaux de voyage…

Avec tout cela, on en oublierait presque l’élément de base d’une boulangerie, le pain, relégué au fond de la boutique, avec une gamme presque aussi courte que celle de l’avenue Marceau. Une baguette de tradition à 1,20€, très crémeuse mais sans grande personnalité ni conservation exceptionnelle, ainsi qu’une autre dite « de campagne » en plus de celle aux céréales. Quelques bâtards accompagnent le tout, bref, vous l’aurez compris, rien de très intéressant. On se concentrerait presque plus sur les fougasses gourmandes et créatives, dont une parfumée au curry, ou encore sur les petits pains aux ingrédients variés.

Reste tout de même l’accueil plutôt chaleureux et souriant, qui font de cette « bakery » une halte sympathique dans ce quartier très touristique.

Infos pratiques

42 rue Jacob – 75006 Paris (métro Saint-Germain-des-Prés, ligne 4) / tél : 0142602039
ouvert du lundi au samedi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? Gamme courte et sans grand intérêt, un peu à l’image de ce qui était proposé jusqu’alors en ces lieux. La baguette de Tradition, vendue 1,20€ la pièce, peine à séduire, et les amateurs de pain auront du mal à trouver de quoi se sustenter ici. Façonnages approximatifs tout autant que les cuissons. Quelques gourmandises (petits pains aux pépites de chocolat, au roquefort et aux noix…) complètent la courte gamme, en plus de fougasses un peu plus créatives.
Accueil ? Les jeunes femmes au service assurent un accueil agréable et souriant, plutôt efficace. L’organisation de la boutique est plutôt bien vue, ce qui permet une certaine fluidité en heure d’affluence.
Le reste ? On appréciera le choix de salades plutôt créatif et frais, même si les sandwiches demeurent assez classiques, accompagnés toutefois de quelques burgers très gourmands, qui satisferont sans peine les gros appétits. Les viennoiseries et pâtisseries sont soignées, tout cela pour des tarifs acceptables compte tenu du quartier.

Faut-il y aller ? La toute jeune Joséphine de la rue Jacob a pour mérite d’offrir une boulangerie – pardon, bakery – propre et bien tenue à la clientèle, avec un « grand chef » aux manettes côté douceurs. On sent bien que la clientèle touristique reste l’un des « piliers » du fonctionnement du lieu, avec une gamme profondément tournée vers la restauration rapide et les gourmandises.

« Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait » Mark Twain
Bon, d’accord, j’en fais (un peu) trop, je noircis volontairement le trait pour mettre en valeur ce nouvel outil qui vient d’arriver sur le painrisien.

En effet, dès la conception de la nouvelle version, nous avions prévu de lui donner une dimension géographique au travers d’une carte recensant les différentes adresses que j’ai pu visiter depuis la création du blog. Une étape supplémentaire dans ce processus qui nous éloigne peu à peu justement de cette dimension pour nous approcher plus d’un site, d’un outil complet vous permettant de toujours « mieux » courir le pain.

Voilà qui est à présent chose faite. Au travers de l’onglet « La carte painrisien » de la page d’accueil ou du bouton La carte du menu horizontal, vous pouvez accéder à cet océan de… bouches. 180 adresses recensées, un nombre qui ne laisse pas indifférent quand vous vous dites qu’en définitive, ces adresses, c’est vous qui les avez visitées… Un impressionnant parcours qui est loin d’être fini et continue à s’écrire au quotidien ! Au delà de l’aspect géographique, ce sont ainsi des fiches recensant les différents billets rédigés au sujet des artisans qui font leur apparition. Vous y retrouverez les informations pratiques (horaires, adresse, téléphone, …) et les « pains du jour », billets généraux, actualités…

L’outil n’est pas encore tout à fait complet, puisque la recherche à proximité d’une adresse ne vous est pas proposée, et les différents lieux gourmands référencés au fil des pages du painrisien ne sont pas référencés. Cela viendra rapidement, l’essentiel étant à présent en place.

Comme d’habitude, n’hésitez pas à me faire part de tout bug éventuel ou de vos suggestions (je ne suis pas informaticien, nous ne sommes pas à l’abri d’une catastrophe !).

Le secteur de la distribution spécialisée me fascine. En effet, c’est un domaine où les acteurs doivent parvenir à séduire des populations bien spécifiques, avec des attentes souvent bien élevées et des exigences pointues. Une clientèle difficile et plutôt volatile, pour laquelle il faut chaque jour redoubler d’efforts afin de la conserver… voire d’attirer plus de chalands.

Parmi les tendances alimentaires de ces dernières années, le retour à des produits plus sains et naturels est incontestable, avec le développement de l’Agriculture Biologique, conjointement à d’autres mouvements parallèles (commerce équitable, …). Même si la grande distribution s’est inévitablement engouffrée dans la « brèche », les distributeurs spécialisés continuent à tenir une place importante dans ce marché. A Paris, les enseignes ne sont pas si nombreuses qu’on pourrait le penser, au delà des commerces indépendants disséminés au travers des rues. Biocoop et ses membres (avec parmi eux Lemo, Le Retour à la Terre, ou le groupement rassemblant les magasins de Grenelle-Glacière-Catalogne…), Bio Génération / Les Nouveaux Robinson, mais surtout Naturalia.

Naturalia Beaubourg, nouvelle version

« Ne soyons pas Bio à moitié », c’est la baseline de cette entreprise qui revendique aujourd’hui 62 magasins, dont la plupart en région parisienne, mais aussi depuis peu en province. Initialement indépendante (depuis sa création en 1973), la marque a rejoint le groupe Monoprix en 2008, tout en conservant une identité bien distincte des autres enseignes de cette nébuleuse très parisienne.
Historiquement, les magasins n’avaient rien de bien attirant : bien souvent enserrés dans des surfaces très réduites, les produits n’étaient pas particulièrement mis en valeur et tout cela n’attirait en définitive qu’une clientèle « d’afficionados » de la Bio, que l’on retrouve également sur les marchés biologiques de la capitale (ah, Raspail le dimanche matin…).

La donne a changé depuis le rachat, et ce mouvement s’est accéléré ces derniers mois avec des implantations toujours plus réussies, dans des emplacements de qualité, où l’on peut apprécier le soin développé dans l’aménagement et la décoration. Ainsi, les magasins de la rue Réaumur, de la rue Crozatier ou même de la rue Beaurepaire sont de belles réussites et offrent à la clientèle des espaces agréables.

Le rayon fruits et légumes du nouveau Naturalia Beaubourg : central et propre, un endroit où il est agréable de faire ses courses

Une nouvelle étape a été franchie, à mon sens, avec la rénovation de la boutique située rue Beaubourg. Réouverte aujourd’hui, elle offre à présent une expérience client dont beaucoup devraient s’inspirer.
Parmi les éléments clés, on retiendra la signalétique claire et abondante, mettant de l’ordre dans une offre biologique parfois peu lisible et nébuleuse pour le consommateur (séparation entre les gammes de produits, informations au sujet des spécificités et intérêts de certains d’entre eux, …). Les produits frais sont tout à leur aise, avec un rayon fruits et légumes central. On notera également la présence d’une offre « vrac », qui n’était pas présente dans le concept historique de la marque, mais qui est en cours de déploiement progressif. Une bonne chose pour limiter le gaspillage, autant en emballages qu’en produits.

C’est également l’occasion de s’intéresser aux pains vendus par Naturalia, puisque l’enseigne doit faire partie des principaux distributeurs de pain biologique dans notre capitale. Livrés quotidiennement – même le dimanche – par Patibio et Moulin, les magasins offrent à la clientèle une large gamme de pains, faisant la part belle aux céréales anciennes (Kamut, petit et grand épeautre, …) tout comme à des farines de blé assez complètes (T80, T110…). Je n’ai jamais été vraiment convaincu par ces produits, car les quantités à produire demeurent trop importantes pour parvenir à un résultat similaire à ce que peut offrir un artisan boulanger. De plus, les pains étant fabriqués tôt le matin pour être livrés ensuite, il est bien difficile de garantir leur fraicheur… d’où un résultat parfois sec.

Néanmoins, on ne peut que saluer les efforts faits pour proposer une gamme variée, qui se voit d’ailleurs renouvelée en cette rentrée : pain au fenouil, miel-amandes, graines de courges et lin germé… voilà qui devrait satisfaire notre soif painrisienne de diversité, même si les tarifs me semblent parfois assez excessifs – qui dit plusieurs intermédiaires dit plusieurs marges à assurer…

Des rayonnages bien propres et clairs dans le nouveau Naturalia Beaubourg

Dans tous les cas, même si l’on n’y vient pas pour le pain, on prendra toujours plaisir à se promener dans ce « nouveau » magasin Naturalia Beaubourg… d’ailleurs, si vous passez dans le secteur ce samedi, entre le métro Rambuteau et la rue de Bretagne, il n’est pas impossible que vous croisiez une des « filles » chargées d’offrir des sacs en coton biologique… Décidément, l’enseigne voit les choses en grand.

Les congés d’été sont bien souvent l’occasion pour nos artisans boulangers de réaliser des travaux au sein de leur établissement. Cela peut aller de quelques détails mineurs dans la surface de vente à des modifications matérielles au sein du laboratoire (changement de fours, réorganisation…) en passant par des transformations plus profondes, impactant de façon tangible la vie de la boutique et de ses collaborateurs.

Cette année, la maison Pichard avait choisi de profiter du mois de juillet pour donner un sérieux coup de jeune à sa boulangerie du 88 rue Cambronne. J’avais déjà eu l’occasion de vous en parler lors de ma visite en fin d’année dernière, d’importants travaux avaient déjà eu lieu au sein du laboratoire et plus précisément du fournil, avec notamment l’arrivée d’un four à bois « à Gueulard » en 2008. Ce dernier restait invisible pour la clientèle – au delà de l’apport sur la qualité de cuisson de la baguette Pichard ! -, ce qui est bien dommage compte tenu de l’aspect majestueux de l’outil.

A présent, les nombreux adeptes des produits de la maison pourront admirer le travail des boulangers affairés devant ce fameux four, grâce à une baie vitrée installée au fond de la boutique. Si seulement il s’agissait du seul changement ! Non, les modifications sont très profondes et c’est l’esprit même de l’endroit qui a été repensé. Adieu le style un peu rétro-années 80 qui était jusqu’alors en vigueur, bonjour les lignes sobres et élégantes, les éclairages doux et mettant bien en valeur décors et produits. J’ai bien parlé de décors, car on retrouve sur les murs de la boutique des sortes de bas-reliefs particulièrement travaillés, du meilleur effet. La devanture n’est pas en reste, avec des sculptures en bronze rappelant la vocation du lieu : des blés, quoi de mieux pour une boulangerie ?

Des épis de blé… en métal !

L’ensemble donne une belle impression d’espace, beaucoup plus que par le passé. Nul doute que le service n’en sera que plus fluide, au travers de trois pôles bien pensés (pâtisserie, boulangerie-viennoiserie et vente à l’extérieur). Un bémol toutefois : je ne suis pas certain que la télévision installée sur l’un des murs soit tout à fait utile, mais j’ai parfois tendance à être un peu « vieille école » de ce côté là, en essayant de limiter l’intrusion de la technologie dans des lieux où l’artisanat règne en maître. Attendons un peu pour nous prononcer toutefois : le lieu n’est pas encore pleinement investi, et je ne doute pas que le résultat n’en sera que plus probant avec le temps.

Bien sûr, tout cela ne serait rien si les produits n’étaient pas au diapason, et c’est eux qui ont permis aujourd’hui d’investir dans un tel écrin. La baguette Pichard n’a pas bougé, toujours aussi craquante et fine, avec sa belle douceur lactique et son tarif très démocratique : seulement 1 euro. N’oublions pas pour autant les autres pains, dont la belle gamme biologique, ni les viennoiseries au feuilletage bien croustillant, comme en attestent les nombreux prix reçus par la maison. Les plus gourmands marqueront aussi l’arrêt devant les douceurs élaborées par Geoffrey Pichard et son équipe.

Des pâtisseries très gourmandes

Impossible de finir sans saluer le travail réalisé par le personnel de vente, efficace et souriant, on se sent un peu comme dans la boulangerie du village, en famille. Les habitués ne s’y trompent pas et savent témoigner de leur attachement envers l’endroit, comme ils étaient nombreux à le faire en ce jour de réouverture. Ah, heureux sont les habitants du XVè arrondissement !

Les fameux bas-reliefs, très travaillés

S’il faut bien reconnaître une qualité aux services marketing et autres têtes pensantes tout droit sorties des écoles de commerce les plus prestigieuses, c’est celle de développer une exceptionnelle capacité à s’adapter et ainsi à faire face à de nombreuses situations sans jamais laisser paraître le moindre doute ou la moindre défaillance. Une chance pour eux sans doute, mais en définitive pas vraiment pour le consommateur qui ne sait pas à quelle sauce il va se faire croquer…

Du côté des « chaines » boulangères, des groupements tels que Festival des Pains, Banette, Baguépi, Copaline et autres Ronde des Pains, ces fameux communicants ne doivent pas manquer de travail. En effet, rien de plus difficile aujourd’hui que de se démarquer les uns des autres… Du côté de Banette, on a décidé de s’afficher sur le Tour de France et de distribuer du pain à tours de bras. Est-ce là la meilleure façon de mettre en avant le pain artisanal, ou cela consiste-t-il en une occasion de démontrer la puissance de ce réseau, pourtant en perte de vitesse (membres en désaccord, prise d’indépendance de plus en plus importante chez les petits moulins…) ?
Régulièrement, chacun de ses acteurs nous gratifie d’une nouvelle invention.

Pourtant, cela ne rend qu’assez peu compte de la réalité du terrain. Je ne suis pas certain que les artisans se retrouvent vraiment dans ces actions, coûteuses et pas toujours bien reprises dans les boulangeries (à l’image des pains saisonniers créés par Baguépi/Soufflet, rarement proposés en boutique). Aujourd’hui, cette stratégie de fédération autour d’une marque aurait-elle trouvé ses limites ?
En effet, pour faire face à l’industrie et à la grande distribution, il faut certainement chercher à valoriser le plus petit, et redonner sa place au nom de l’artisan. Cela signifierait donc que ces « chaines » boulangères sont appelées à muter pour survivre. Ainsi, quelques uns ont dors et déjà commencé à développer de nouvelles marques, comme « Le Pain Boulanger » chez Banette.

Tout cela n’en demeure pas moins cosmétique. Le pain ne se limite pas à être une affaire de marketing et d’apparence. La vraie révolution qui devrait être impulsée, c’est celle de la qualité et de l’honnêteté. Plutôt que de promouvoir des prémixes comme ils ont tendance à le faire, ces réseaux devraient au contraire chercher à développer un vrai sens de l’artisanat, en formant les boulangers à des méthodes de fabrication toujours plus respectueuses du temps et de la tradition (pétrissage délicat, longs temps de fermentation…) mais aussi en leur apportant une matière première de qualité. Rien de plus essentiel que la farine dès lors qu’il s’agit de pain. Certains l’ont bien compris et ont décidé de capitaliser autour de cet atout, à l’image du Club le Boulanger (association de 12 meuniers à travers la France, dont Foricher ou Girardeau), qui porte la marque Bagatelle et leur farine Label Rouge et CRC, ainsi que la valorisation de la viennoiserie artisanale. Plutôt que du marketing et de belles images, c’est sur cet essentiel que l’on devrait toujours se concentrer.

Alors, dans quelle direction vont se tourner ces acteurs de la profession ? J’aurais tendance à penser qu’ils iront toujours vers la facilité et la poudre aux yeux, en privilégiant leurs intérêts financiers plutôt que ceux des consommateurs. C’est donc à nous d’influer pour une démarche positive et qualitative, en étant toujours plus attentifs et rigoureux dès lors qu’il s’agit d’acheter notre pain en boulangerie artisanale. Cette démarche n’est pas anodine, tout le monde ne prend pas le temps et les moyens de la mettre en oeuvre, il faut donc qu’elle soit respectée par le secteur de la boulangerie… en espérant qu’il prenne bien conscience des enjeux auquel il a à faire face.

Non, ce n’était pas une blague. Le painrisien est bien de retour, sans doute certains auraient préféré qu’il reste réduit au silence, mais je pense que l’écrasante majorité des lecteurs, occasionnels ou réguliers, auront une autre position. D’ailleurs, j’en profite pour remercier toutes les personnes qui m’ont témoigné de leur sympathie suite à mon retrait, m’aidant ainsi à prendre conscience que je n’avais pas seulement écrit plus que de raison… mais bien que j’étais parvenu à construire un lien fort et particulier avec la profession et mon lectorat. Une communauté d’amateurs – souvent éclairés et passionnés – de bon pain est née ici, c’est suffisamment fort et intéressant pour que cela ne s’arrête pas là.

Du chemin, une certaine quantité a été déjà parcourue mais il reste beaucoup à faire : le petit painrisien deviendra grand. Cela passe par plusieurs chantiers, et changements. A commencer par le rythme des billets : cette contrainte écrasante d’un article quotidien n’était pas souhaitable, et c’est la première chose sur laquelle je veux revenir. Mieux vaut travailler de façon plus sereine et raisonnable.
Ensuite, il y a le site en lui-même. Je suis heureux d’être parvenu à mettre en place ce qui présage du painrisien auquel je veux aboutir : plus qu’un guide, un véritable outil permettant à chacun de trouver du bon pain, mais aussi de quoi nourrir son esprit de façon plus globale. Les prochaines étapes sont bien entendu la dimension géographique, au travers de la carte, mais aussi une meilleure articulation autour des expériences qui font la « vie painrisienne » : à déguster, à voir, à écouter, à débattre… voilà autant d’éléments qui auront de quoi nous occuper pour longtemps encore.

Il ne faut pas s’arrêter à cela, mais aller plus loin : le pain est porteur de valeurs fortes, dont celle d’une exigence de qualité et d’honnêteté. Ce n’est pas un aliment comme les autres, c’est une des bases de notre alimentation et cela implique d’y porter nombre d’égards : au four comme au moulin, les acteurs doivent s’engager durablement dans une démarche axée sur le goût et la santé du consommateurs. Je pense que le painrisien peut participer à sa façon à ce mouvement, en valorisant les bonnes pratiques en la matière. Au delà du simple support numérique, il y a nécessité de « s’aventurer » sur d’autres terrains… tels que le papier. Malgré toutes les tablettes, les appareils connectés, rien ne parvient à égaler le caractère accessible et instantané d’un livre. La matière est là, je pense, en plus de 470 articles nous avons de quoi faire ! A moi de travailler sur le sujet pour mettre tout cela dans toutes les poches curieuses et gourmandes…

En 15 mois, je n’ai pas fait qu’écrire. J’ai aussi rencontré des personnes passionnées par leur profession, approché toujours plus près un univers à la fois simple pour le client final – rien de plus normal et quotidien que d’aller acheter une baguette de pain – mais éminemment complexe pour parvenir à ce résultat magique : faire du bon pain au quotidien, c’est un peu un miracle ordinaire. Plus que jamais, j’ai envie de défendre et aider ces « héros » sans cape ni super pouvoirs. Pour cela, il me paraît approprié de leur proposer des services de conseil et de communication : trop peu d’acteurs de la filière savent partager leur savoir-faire, et malheureusement, ce sont souvent les moins talentueux et honnêtes qui parviennent à le faire. Cela doit toujours se faire dans l’esprit que j’ai développé depuis le début au travers du painrisien : exigence, sincérité, et réelle volonté de progrès. Ainsi, vous pourrez compter sur moi pour porter toujours plus haut les couleurs de notre artisanat boulanger français, si profondément ancré dans notre culture.

J’en ai déjà parlé ici, mais cela n’a pas changé : j’ai toujours voulu le monde – à défaut d’y parvenir tout à fait, je crois que contribuer à apporter un peu de bonheur simple et accessible à chacun est déjà une bonne étape !