Parfois on pourrait comparer la banlieue à une sorte de « nuit boulangère », où tout est sombre, rien ne brille et ne se distingue vraiment. Difficile de se repérer dans cette obscurité, les risques d’acheter du mauvais pain étant nombreux. Plus encore qu’à Paris, le parcours vers du pain savoureux est semé d’embuches et j’avoue avoir été parfois découragé lors de mes recherches…

Dans la nuit, il y a aussi des étoiles. L’Etoile du Berger, notamment. C’est le nom des boulangeries de Franck Debieu, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles portent bien leur nom. Certes, l’origine de cette marque est plus liée à l’emplacement de la boutique historique (située rue du Docteur Berger à Sceaux) qu’à mon rapprochement un peu tiré par les cheveux, mais tout cela est assez cohérent, au final.
La boulangerie, c’est un peu l’histoire d’une vie pour Franck Debieu. Ayant commencé son apprentissage à 15 ans, il rejoint les Compagnons du Tour de France deux ans plus tard, pour y rester 7 années et participer à la formation des apprentis pendant une période. Par la suite, il a beaucoup travaillé sur les techniques de panification, et notamment sur le travail du levain liquide, caractéristique de ses pains (chose qu’il partage d’ailleurs avec la maison Kayser).
Au delà de la qualité des produits, il porte des valeurs fortes telles que la transmission des savoirs, l’accompagnement et l’épanouissement des jeunes au travers de leur métier au sein de la boulangerie. Bien entendu, cela pourrait demeurer très abstrait, mais c’est plutôt l’inverse que l’on peut constater en tant que client : l’ambiance au sein des boutiques est chaleureuse, le personnel bien formé et très professionnel. Point à signaler – et qui devrait être reproduit plus régulièrement – les boulangers oeuvrant au fournil sont formés à la vente et sont présents en boutique de temps à autre, ce qui leur permet d’être toujours « en phase » avec les attentes de la clientèle. La maison ne manque décidément pas d’idées pour se différencier.

Cette fameuse différence, elle s’exprime tout d’abord par la qualité des produits. Lorsque l’on regarde l’offre proposée dans les autres boulangeries à Sceaux, il y a de quoi se dire que l’Etoile du Berger n’a pas vraiment de soucis à se faire.
Dès que l’on pénètre dans la boutique, l’oeil est attiré par ces pains aux belles cuissons, au grignage quasi-artistique et au façonnage soigné. Ce qui frappe également, c’est l’étendue de la gamme. Pains biologiques (Epeautre, Kamut, Seigle, …), de tradition (baguette, Pavé du Berger, …) ou bien divers pains spéciaux, des plus classiques (céréales, fruits secs…) aux plus originaux, comme le « Bolivien » – associant graines de courges et de quinoa.
Tout fait envie, et la dégustation ne déçoit pas : les croûtes sont bien marquées et craquantes, les saveurs présentes. Le Pavé de Sceaux, réalisé avec une farine de sarrasin, est une belle réussite. On y retrouve un certain caractère rustique et sauvage, une mie bien alvéolée et une croûte présente. Le levain liquide utilisé pour sa fabrication n’y est pas étranger, il procure au pain une saveur assez douce, à l’inverse du levain sec, qui est facteur d’acidité. Cela n’est pas sans rappeler le process de fabrication employé au sein des boulangeries Kayser, pour un résultat relativement similaire lorsque le travail est bien réalisé (notamment rue Monge).
Les tarifs demeurent assez élevés, en particulier pour une boulangerie « de banlieue », mais cela se trouve justifié par l’emploi de matières premières de qualité (farines CRC ou Label Rouge, fournies par le moulin des Gault) et l’innovation technologique développée par Franck Debieu, en partenariat avec son meunier. La technique « PanovA » (« pain nouveau ») met en place une production en « flux tendu » au sein de la boulangerie et rompt avec les méthodes traditionnelles. Cela assure notamment un pain toujours frais, car réalisé en fonction de la demande exprimée par la clientèle (on retrouve là un des principes du kanban japonais, « juste à temps » si on devrait l’exprimer en termes locaux).

 

Cette qualité et cette exigence se retrouve pour le reste des produits : les pâtisseries ne sont pas excessivement recherchées (même si une nouvelle gamme « Haute Couture » sera proposée à partir du 4 novembre), mais elles sont réalisées avec soin, de même que les viennoiseries, qui sont par ailleurs réalisées sur levain liquide, à l’image du pain. Les gourmandises – kouglofs, brioches ou cakes – ne sont pas dénuées d’intérêt et promettent des petits déjeuners ou goûters tout en douceur. Même constat du côté de la partie traiteur, les sandwiches sont frais et variés, de même que les diverses salades et quiches. Des formules sont proposées, avec des ristournes pour les étudiants.

Les fameuses ficelles aromatiques... Ce n'était pas vraiment une réussite.

Diverses créations (en pain, viennoiseries ou gourmandises) sont proposées au fil des mois et des saisons. La boulangerie s’associe également à des événements tels que la semaine du Goût. Ainsi, des ficelles aromatisées étaient proposées ces deux derniers week-ends. Je vous avoue que je n’ai pas été convaincu par celles-ci, notamment en ce qui concerne la ficelle framboise-citronnelle, qui avait été enrobée de sucre. L’ensemble n’était pas de très bon goût.

Il est possible de déguster les produits sur place, à l’intérieur ou en terrasse, moyennant un petit supplément. Cela permet de créer un peu plus de vie dans la boulangerie, c’est appréciable et beaucoup plus convivial. En s’asseyant, on profite du « spectacle » que nous offre cette file d’attente perpétuelle, signe du succès de l’endroit.

Ce succès est notamment rendu possible par l’implication du personnel de vente, particulièrement efficace tout en étant disponible et à l’écoute des clients. Le conseil n’est pas mis de côté, grâce à une bonne formation au sujet des différents produits. Malgré l’affluence, l’attente est de courte durée et on a le sentiment que tout est mis en oeuvre pour la satisfaction de la clientèle.

Infos pratiques

Deux boutiques (je ne trouve plus de trace de celle qui se situait à Fontenay-aux-Roses, peut-être a-t-elle fermé ?) :
6, rue du Docteur Berger – 92330 Sceaux (RER B Sceaux) / tél : 01 46 60 57 56
ouvert tous les jours sauf jeudi de 7h à 20h.

21, rue Marcel Allégot – 92190 Meudon Bellevue (RER B Meudon) / tél : 01 46 26 80 36
ouvert tous les jours sauf mardi de 7h à 20h

Avis résumé

Pain ? La gamme est très variée et elle est réalisée avec beaucoup de sérieux et de réussite. Les pains sont bien cuits, façonnés avec élégance, les grignes sont bien marquées et ils se conservent bien. Le Pavé de Sceaux, « spécialité » de la maison, réalisé à partir de farine de sarrasin, est très agréable, avec une mie bien alvéolée, un caractère assez brut et une croûte bien présente à la dégustation. Le travail sur levain liquide – signature de l’Etoile du Berger – procure au pain une bonne conservation tout en lui laissant de la douceur. A noter la belle gamme de pains bio (le Kamut est vraiment très savoureux, c’est une farine assez exceptionnelle) et de pains spéciaux.
Accueil ? Dynamique, efficace, de bon conseil, on sent que la clientèle est bien considérée et que tout est fait pour la mettre à l’aise. Malgré l’affluence, les clients sont servis rapidement.
Le reste ? Les pâtisseries sont simples mais soignées, même si cela va bientôt changer car une gamme de « haute pâtisserie » a été développée et sera proposée en boutique à partir du 4 novembre. Les viennoiseries et autres gourmandises sont dans la même veine, tout comme la partie traiteur. Ici, tout est d’une très grande fraîcheur, ce qui est permis d’une part par la chalandise, et par l’organisation ‘en flux tendu’ développée par Franck Debieu. Au final, l’ensemble fait preuve d’une belle cohérence.

Faut-il y aller ? C’est une belle occasion de sortir de Paris et de découvrir la charmante ville de Sceaux, ainsi que son fameux parc.  Le concept développé par Franck Debieu est assez remarquable en terme d’innovation et de qualité, ce qui rend la visite intéressante, malgré le relatif éloignement de cette boulangerie de notre chère capitale. Bien sûr, c’est avant tout un plaisir pour les scéens, qui peuvent s’approvisionner en pain de qualité sans avoir à trop chercher. Sceaux est décidément une ville très gourmande, puisque c’est ici qu’a élu domicile le fameux chocolatier Patrick Roger.

Il faut bien que je vous fasse un aveu, avant toute chose. J’évite soigneusement certains quartiers de Paris, car je trouve l’ambiance désagréable et bourgeoise, comme s’il fallait s’habiller et adopter une certaine attitude avant d’y pénétrer. Certes, il y en a peu, et cela se concentre principalement dans le 16è arrondissement. De fait, je ne peux que très peu parler des boulangeries de cette zone, et cela ne me satisfait pas, car je tente de découvrir et de vous faire découvrir l’ensemble des artisans dont le travail vaut la peine d’être goûté.

Avant de visiter cette boulangerie, j’avais donc mis mes appréhensions de côté, pris mon courage à deux mains. Direction le 16è arrondissement. J’avais malencontreusement oublié ma veste de soie et mes souliers en cuir, mais j’y suis finalement arrivé. Rendez-vous chez Stéphane Milan, rue Singer. Installé en milieu d’année dernière, cet artisan – ancien compagnon du Tour de France – a repris l’affaire après en avoir possédé une autre à Levallois-Perret. Il a entièrement rénové l’endroit, qui affiche des lignes assez sobres et élégantes. L’ensemble est assez lumineux, ce qui est rendu possible par l’angle dans lequel est situé la boutique. Le tout est assez spacieux et l’on se sent bien dans ce lieu, un peu à l’écart des rues principales du quartier.

Ce qui contribue à nous mettre à l’aise, ce sont aussi les tarifs. Cela peut paraître un peu cavalier que de commencer par s’intéresser à ce point, mais la « concurrence » du quartier m’y oblige : souvenez-vous de cette fameuse baguette de tradition proposée à 1,45 euros chez les Desgranges, à quelques pas d’ici. Chez les Milan, rien de tout cela : le pain demeure un produit accessible, la baguette de tradition est d’ailleurs proposée à 1 euro. C’est d’autant plus remarquable – en dehors même du quartier – car elle est réalisée à partir de farine Reine des Blés (Moulins Bourgeois), certifiée Label Rouge. On pourra cependant regretter sa cuisson trop peu marquée, ce qui limite d’autant son intérêt. Malgré tout, elle demeure d’assez bonne facture, tout comme la gamme de pains biologiques. Les façonnages sont délicats, les grignes bien marquées. Une miche répondant au nom de « Pain Fermier », vendue au poids, se dégage de l’ensemble et exprime un caractère bien agréable. Fabriquée sur une base de levain de Cidre et associant des farines de froment et de blé noir, elle offre une mie assez serrée, idéale pour découper de grandes tranches, et exprime des arômes marqués et rustiques, sans acidité particulière. Sa conservation est excellente. Là encore, son prix est tout à fait accessible : à peine 6 euros le kilo.

Stéphane Milan est avant tout un pâtissier, et cela se retrouve dans ses vitrines, où l’on peut se laisser séduire par des créations au visuel soigné et étudié. C’est suffisamment rare pour être signalé dans une adresse « de quartier », où les pâtisseries sont bien souvent mal finies et peu attirantes. Malheureusement, elles ne semblent pas toujours très goûteuses, comme en atteste un billet publié récemment sur le blog Raids Patisseries. L’expérience vaudrait cependant la peine d’être retentée, car les risques demeurent limités, au vu des tarifs – là encore – très raisonnables.
Petit bémol sur les viennoiseries, sans intérêt et à la réalisation plutôt moyenne.

Côté salé, des formules déjeuner sont proposées et permettent de constituer un repas complet, au travers des différents sandwiches (traditionnels, à base de pain ciabatta, …) et en-cas proposés, ainsi que des douceurs sucrées de la maison. Rien à signaler de particulier de ce côté là, les produits sont honnêtes et frais.

L’accueil est charmant, bien loin de l’image guindée et peu agréable que l’on peut avoir de l’arrondissement, tout cela demeure très « familial » et l’on se sentirait presque comme dans un village, au coeur de cette rue calme et à l’écart de tout ce bruit parisien. Les produits sont bien maîtrisés, aucune hésitation pour répondre aux questions posées à leur sujet.

A noter également les initiatives intéressantes réalisées par Stéphane Milan au sein de l’établissement scolaire Saint Jean de Passy, dont il est le fournisseur boulanger. En effet, à l’occasion de la semaine du Goût, un pain différent était proposé chaque jour au restaurant scolaire. Il est important d’éduquer les jeunes autour des beaux produits, et notamment du pain, qui est fait partie de notre quotidien et doit reprendre une place de choix au sein de notre alimentation. Pour cela, le système scolaire a certainement un rôle à jouer, et cela passe notamment par l’intégration d’aliments de qualité au sein des repas servis quotidiennement dans les établissements, chose bien trop souvent négligée.

Infos pratiques

20 rue Singer – 75016 Paris (métro La Muette, ligne 9 ou RER C Boulainvillers) / tél : 01 44 27 36 74
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h, le samedi de 7h à 14h.

Avis résumé

Pain ? La gamme, réalisée à partir de farines des Moulins Bourgeois, est plutôt de bonne facture, même si les cuissons ont tendance à être trop courtes, notamment sur la gamme de tradition. Pour autant, les saveurs sont là, et les conservations acceptables. Les pains biologiques (baguette, pavé bio, pain aux céréales) sont agréables, façonnés avec soin comme le reste de la gamme. Cependant, le produit le plus intéressant reste pour moi le Pain Fermier, une savoureuse association d’un levain de Cidre et de farines de froment et de blé noir. Le résultat est un pain très rustique, à la mie assez serrée, se conservant extrêmement bien.
Accueil ? Sympathique, souriant et professionnel. Nous sommes bien loin de l’atmosphère guindée et peu agréable que l’on retrouve dans beaucoup de boutiques de cet arrondissement. L’ensemble conserve un caractère authentique, « familial » et simple, une bouffée d’oxygène dans ce quartier.
Le reste ? Les pâtisseries sont particulièrement soignées, leur visuel est alléchant. Malheureusement, il semblerait qu’elles ne soient pas toujours très réussies. On peut tout de même signaler l’effort fait de ce côté là. Quant aux viennoiseries, rien de bien intéressant de ce côté. Le « traiteur », et ses formules déjeuner, se situe dans une bonne moyenne, d’autant que les prix demeurent toujours très accessibles.

Faut-il y aller ? Une adresse agréable, bien tenue et aux produits accessibles, je croyais que cela n’existait pas dans cet arrondissement. Je me trompais, et Stéphane Milan – ainsi que son épouse, impliquée dans l’affaire – me le prouve. Il n’est certainement pas nécessaire de traverser tout Paris pour se rendre ici, mais l’ensemble est sérieux et réalisé avec soin. Le Pain Fermier est une belle réussite, par ailleurs, et j’ai beaucoup apprécié son caractère marqué, qui s’associe très bien avec un peu de beurre demi-sel au petit déjeuner.

Vivre Paris c’est aussi assister à la mue de bâtiments, de boutiques, au fil des mois et des saisons. Souvent, c’est un changement dans la continuité, une boulangerie reste souvent une boulangerie, un restaurant reste un restaurant…

Parfois, le changement d’orientation est plus important, comme ce fut le cas pour l’emplacement ou se situe à présent la boutique Gambs. Il abritait auparavant une… Agence France Telecom/Orange. Autant dire que nous sommes vraiment gagnants au change, ne serait-ce que pour l’esthétisme de l’endroit. Je vous en avais rapidement parlé à l’occasion de l’ouverture du corner Aix et Terra, mais j’ai souhaité y passer un peu plus de temps pour mieux découvrir les produits et le concept, d’autant que les circonstances s’y prétaient : à l’occasion de la semaine du goût, une exposition photographique a été installée, ainsi que quelques plantes aromatiques – pouvant être dégustées – plutôt exotiques.

Ainsi, cette exposition nous présente des plats, des situations, des hommes… Son titre ? Le Goût et l’Image, Capter l’éphémère. Elle s’intéresse tout particulièrement à la culture de la cuisine « de rue », la très fameuse streetfood, qui existe depuis des millénaires, bien au delà de toutes les tendances et des concepts que l’on peut lui greffer. Au travers des images, on fait un tour du monde des cultures et des façons de consommer l’alimentation dans l’instant, puisque cette forme de nourriture s’inscrit dans le mouvement et dans un laps de temps très court. Des plats dégustés à table sont également présentés.

J’aime beaucoup l’idée d’intégrer une exposition dans la boutique, cela donne un caractère beaucoup plus intéressant et vivant à l’endroit, d’autant plus qu’elles changent souvent chez Gambs. Pour exemple, celle-ci a commencé le 17 octobre et s’achèvera le 6 novembre. Pour le reste, la boutique recèle d’objets de décoration élégants et astucieux, de mobilier, de vaisselle design, ou encore d’ustensiles de cuisine. Le sous-sol est dédié à la spécialité de la maison, la décoration florale. Bien sûr, les tarifs sont assez élevés et ne seront pas à la portée de toutes les bourses. Pour autant, on peut aussi faire le choix d’acheter moins mais d’acheter mieux, c’est à dire des produits plus durables et produits dans des conditions humaines et acceptables pour tous.

Si vous passez dans le quartier, n’hésitez pas à vous arrêter pour profiter de l’exposition et éventuellement vous laisser tenter par l’un des produits de la boutique. N’oubliez pas non plus de jeter un oeil aux créations Aix et Terra, dont je vous parlais précédemment. Plein de belles idées à offrir ou à s’offrir !

J’ai parfois envie de me rendre dans mes adresses plutôt anecdotiques, juste pour l’expérience et le caractère amusant du lieu. Au final, même si l’on n’en ressort pas forcément très satisfait ou avec un bon produit, on se dit « au moins, ça, c’est fait ».

J’avais entendu parler à plusieurs reprises du « fameux » René Saint-Ouen et de sa boulangerie « Au Pain bien Cuit » sur le boulevard Haussmann. Il faut dire que l’homme est un personnage au caractère bien trempé, allergique au fournil à partir de midi et grand adepte du pain cuit – voire trop cuit. Certes, je n’en avais pas eu d’excellents retours, mis à part peut-être de quelques-unes de ses spécialités comme la tarte à la tomate. Sa baguette de tradition avait été primée, également, et il réalisait des sculptures visiblement impressionnantes en pâte à pain : tour Eiffel, Arc de Triomphe, rien ne lui résistait ! J’aurais bien voulu voir ça…

J’y étais passé cet été, en août, et la devanture indiquait que la boulangerie était fermée pour travaux. Depuis, j’allais voir de temps en temps, mais cela ne semble pas vraiment avancer même si les travaux sont bien en cours. Il y a de quoi finir par se demander quand est-ce que l’on pourra de nouveau déguster ces produits… originaux et imprégnés du caractère si particulier de M. Saint-Ouen. J’aime le pain bien cuit également, sans pour autant tomber dans cette forme « d’intégrisme » qui le caractérise. Cependant, cela devait être une expérience intéressante, et je ne sais pas bien si cette fermeture restera temporaire ou bien définitive. Si vous avez plus d’informations, je suis preneur.

Ce que j’apprécie dans les 1er & 2è arrondissements, c’est cette vie, ce dynamisme, ce mouvement perpétuel qui nous saisit et nous entraîne dans la foule. Parmi les quartiers les plus vivants et les plus parisiens de ce secteur de Paris, Montorgueil et la rue éponyme se situent en bonne place. Restaurants, commerces, boulangeries… rien n’y manque pour satisfaire une clientèle de locaux, de travailleurs et de touristes.

Dans le prolongement direct de la rue Montorgueil, la rue des Petits Carreaux accueille depuis peu une adresse indienne nommée Bollynan. Je l’ai découverte au hasard de ma « veille » quotidienne, dans la newsletter du site Do It in Paris. L’évocation de nans réalisés à la minute a suffi pour que je me dirige rapidement vers ce restaurant aux accents exotiques.

Dès que l’on pénètre dans ce lieu, assez exigu par ailleurs, on fait la connaissance du fameux four traditionnel où sont cuits les nans, pétris et cuits à la demande. Réalisés à partir de farine issue de l’agriculture Biologique, ils peuvent être commandés nature, au fromage, à l’ail ou encore aux légumes. Cela vaut le détour, rien que pour le spectacle. On peut assister, dans la file d’attente, à la sortie des « fournées », quasi-continues.
Le résultat ne manque pas d’intérêt gustatif, ce pain plat est bien moelleux, goûteux et conforme à l’idée que l’on peut se faire du nan. Les plus gourmands le dégusteront chaud dans l’instant, les autres pourront l’emporter et l’utiliser en accompagnement d’un repas. Pour 2 euros en version nature, le voyage n’est pas onéreux.

Même si les nans sont certainement l’élément le plus intéressant chez Bollynan pour le painrisien que je suis, le restaurant n’en propose pas moins des repas complets et composés selon l’envie du client. Au menu, du poulet (rôti, tandoori, tika…), de l’agneau, du saumon, divers légumes ainsi que des salades ou encore les « bollynans », des sandwiches chauds garnis. Il est possible de déguster les plats sur place, en terrasse ou dans la petite salle, ainsi qu’à emporter. N’ayant pas testé ces propositions, je ne suis pas en mesure d’attester de leur qualité – ou non.
En dessert, on joue à l’aller-retour entre le lointain et le local : des yaourts de la Ferme de Viltain (produits à quelques kilomètres de Paris !) sont proposés, conjointement à des desserts plus exotiques, comme des lassis – 4 euros l’unité (préparés à la demande également, à la rose, mangue, coco…), des pots de crème parfumés aux fruits ou un cheesecake. Le lassi à la rose que j’ai dégusté n’était pas désagréable, bien qu’un peu trop sucré à mon goût. Sa texture bien liquide est conforme à celle du lassi traditionnel indien.

L’adresse semble connaître un beau succès populaire, comme en atteste la file d’attente qui se prolonge jusqu’à l’extérieur aux heures de repas, malgré un service bien organisé et efficace. Cependant, compte tenu du flux incessant de passants dans ce secteur, il est difficile de ne pas faire le plein au déjeuner. L’exotisme et la nouveauté semblent attirer tout particulièrement, d’ailleurs.

Infos pratiques

12, rue des Petits Carreaux – 75002 Paris (métro Les Halles, RER A/B/D, lignes 1, 4, 11, 14 – Sentier, ligne 3 ou Réaumur Sébastopol, ligne 4)

Faut-il y aller ? En bons painrisiens que nous sommes, pour goûter un pain venu d’ailleurs, bien sûr ! Un nan nature vous fera voyager pour seulement 2 euros, en plus d’offrir une base moelleuse et parfumée pour un repas (très pratique pour saucer, d’ailleurs). N’ayant pas essayé le reste – mis à part un lassi, je ne me prononcerai pas à ce sujet. L’adresse est, dans tous les cas, intéressante pour satisfaire des envies d’exotisme.

Un petit événement pour un sujet d’importance : la « journée mondiale du pain » (World Bread Day), créée à l’initiative de quelques bloggeurs, avait été fixée cette année au dimanche 16 octobre.
Le principe ? Proposer aux internautes de réaliser un pain spécial le jour-dit et le « partager » virtuellement. En France, l’opération était relayée sur le blog Papilles et Pupilles. Au final, cela demeure relativement anecdotique et aucune institution ne reconnaît vraiment cette journée, pour autant, l’idée mérite que l’on s’y intéresse, car le pain est quelque chose de présent dans la vie de chacun au quotidien.

De chacun, oui, mais pas exactement : trop de personnes en sont encore privées, ne disposant pas des moyens pour en acheter ou en réaliser. Ces problèmes de nutrition sont toujours aussi préoccupants et cela peut laisser songeur lorsque l’on voit les tarifs imposés par certains boulangers à leurs clients… Chacun devrait être en mesure de pouvoir se procurer cet aliment sain, de première nécessité. En effet, le pain participe activement à la construction de l’équilibre alimentaire, en apportant des protéines, des fibres, des vitamines… C’est un peu un « super-aliment » ! et loin d’être un ennemi comme certains régimes tentent de le faire croire. Il suffit de le consommer de façon « normale », sans excès, tout comme le reste des aliments.

L’idée d’instaurer une journée dédiée au pain devrait, à mon sens, être reprise de façon plus formelle et officielle, car il possède une importance capitale. Nous avons le devoir de le réaliser correctement, avec des ingrédients de qualité. Justement, on touche ici l’un des problèmes rencontrés par la filière : au fil des années, les cultures intensives, l’usage de pesticides et autres substances, ont rendu les farines moins qualitatives, avec un intérêt en panification toujours moindre, ainsi que des arômes de plus en plus évanescents. Il est nécessaire que le grand public prenne réellement conscience de ces problèmes et contribue à un changement en faisant le choix de ne plus acheter de pain réalisé à partir de ce type de farine. Exit donc la « baguette blanche », notamment.
Heureusement, certains artisans ont fait le choix inverse et mettent en oeuvre d’excellentes farines, biologiques, CRC ou encore Label Rouge, ce qui signifie que les blés ont été cultivés selon un cahier des charges détaillé.

Je vous avoue que je n’ai pas fait de pain pour cette journée, tout d’abord car je n’en avais pas vraiment besoin, mais également parce que je ne suis pas convaincu qu’Internet soit un support de communication adapté pour partager du pain, comme il devrait l’être au quotidien au sein de chaque foyer. A mon senss, c’est un outil formidable pour tenter de faire connaître aux internautes les endroits où le pain est savoureux, mais il sera toujours difficile de transmettre les odeurs et le plaisir que l’on éprouve en rompant la croûte et la mie.

Toutefois, je vous invite à consulter le sympathique blog créé il y a 4 ans par l’instigatrice de ce « mouvement », vous y trouverez de bien jolies recettes ainsi que des photographies des diverses créations proposées à l’occasion de ces différentes journées. Son adresse : http://kochtopf.twoday.net/

N’oubliez pas : le pain se célèbre chaque jour, dès lors qu’il est bon et que vous le consommez avec plaisir !

 

Il est bien loin le temps où Eric Kayser s’est installé au 8 rue Monge avec sa femme. On peut reprocher à ce boulanger de s’être « perdu » au fil du temps et de son expansion, mais il faut lui reconnaître des qualités d’entrepreneur et une vraie passion de la boulangerie. Il a également travaillé sur l’aspect technologique, avec la mise au point du Fermentolevain, preuve d’un savoir-faire indiscutable. Le problème, c’est qu’avec une telle entreprise, impossible d’être présent partout pour contrôler la qualité. Certes, des personnes doivent se charger de cette question pour lui, mais cela n’empêche pas de grosses différences entre les différentes adresses, malgré des recettes et des process de fabrication identiques. Je n’avais pas pris le parti de détailler ses adresses jusqu’alors, mais je pense qu’il est plus pertinent de le faire, car certaines sont bien meilleures que d’autres, en plus de proposer une gamme de pain différente selon l’endroit.

Autant commencer par le commencement, par le berceau de la marque Kayser, le 8 rue Monge, dans le 5è arrondissement. La boulangerie n’a plus grand chose à voir avec ce qu’elle pouvait être à sa création, en effet, elle a subi d’importants travaux de rénovation à l’été dernier et est à présent « en phase » avec les standards d’aménagement actuels de l’enseigne. Il faut dire qu’au cours des années, la « maison Kayser » a développé une certaine identité, déclinée au travers de tons beiges et crème plutôt doux et élégants. Ce sont les codes que l’on retrouve ici et qui rendent l’attente plutôt agréable, malgré le caractère assez exigu de l’endroit.
De l’attente, il y en a souvent, car le monde se presse pour déguster les pains du fameux Eric Kayser. Je ne sais pas bien si cela est lié au caractère historique de la boutique ou d’une offre peu qualitative dans le secteur, mais la clientèle est toujours nombreuse, bien plus que dans les autres boulangeries du groupe.

Après tout, il y a de quoi reconnaître une certaine forme de raison dans ce choix, puisque les pains proposés ici sont de bonne facture, certainement les mieux réalisés des différentes boulangeries Kayser de Paris. Bien sûr, la star demeure la baguette Monge, créée en ce lieu et à présent exportée à travers le monde. Elle reste, malgré les années, à la hauteur de sa réputation, de par son façonnage très élégant (avec ses croûtons en pointe), sa belle grigne et une croûte bien dorée. Ces trois points sont loin d’être aussi bien respectés ailleurs. Lors de la dégustation, le croqueur de pain pourra apprécier la mie légère, l’arôme de froment soutenu et les notes de céréales torréfiées apportées par la cuisson bien menée. Le levain liquide utilisé conjointement à la levure pour sa fabrication lui procure un petit caractère, mais cela reste très léger, la Monge n’est pas une baguette acide.
On trouve également la baguette Kayser, au façonnage différent et à la fermentation plus longue. Elle est plus généreuse en mie, mais les différences avec la baguette Monge restent assez faibles, ce qui ne permet pas de justifier la différence de prix existant entre les deux.
Les pains « Rustique », mélange de farines de froment et de blé noir, ne manquent pas d’intérêt, avec une petite saveur sucrée. Ils s’accompagnent très bien d’une noix de beurre demi-sel, ou peuvent être servis en accompagnement d’une viande, qu’ils relèveront délicatement. On pourra enfin citer le pain aux noix, légèrement brioché et très doux, les pains aux céréales ou au seigle. Quelques créations, telles que le pain curcuma-noix-noisettes ou le pain du mois, complètent le tout. L’ensemble de la gamme bénéficie d’une qualité de réalisation assez constante et de bon niveau, même si la conservation n’est pas toujours excellente. Cependant, c’est un cran au dessus du reste des adresses Kayser, malgré des tarifs identiques. Dommage pour les habitants du reste de la capitale, tant mieux pour les locaux.

Pour le reste, les produits sont sensiblement similaires à ce que l’on peut trouver ailleurs, car réalisés de façon centralisée puis livrés dans chaque point de vente. Ainsi, les viennoiseries sont plutôt honnêtes, les pâtisseries plus que quelconques. Les sandwiches et salades sont frais, sans être exceptionnels.

Le service ne se laisse pas déborder malgré l’affluence, son organisation est quasi sans faille, redoutablement efficace. Malgré la queue, les clients sont servis rapidement. Le sourire et la chaleur humaine sont parfois mis de côté, c’est en réalité assez variable mais on peut dire que le travail est fait et plutôt bien fait, d’ailleurs.

Infos pratiques

8 rue Monge – 75005 Paris (métro Maubert-Mutualité, ligne 10) / tél : 01 44 07 01 42
ouvert du mercredi au lundi de 6h45 (6h30 les samedis et dimanches) à 20h30.

Avis résumé

Pain ? Certainement le meilleur des boulangeries Kayser parisiennes. La baguette Monge reste la plus populaire, et elle a de quoi : façonnage élégant, belle grigne et croûte bien dorée, beau parfum de froment et de céréales torréfiées. Le reste de la gamme est tout aussi agréable, entre pains « Rustique » (froment et blé noir) ou spécialités de la maison, comme le pain au noix réalisé à partir de pâte de pain viennois (très doux et moelleux, un peu sucré, donc), ou le pain curcuma-noix-noisettes. Les cuissons sont toujours bien abouties, et même si la conservation n’est pas toujours excellente, cela reste une très bonne boulangerie.
Accueil ? Efficace, parfois en déficit de sourire, mais cela peut se comprendre vu les volumes à « encaisser ». Les questions au sujet des produits sont répondues avec beaucoup d’aisance, la formation est donc bien assurée, et au final le travail est bien fait.
Le reste ? Rien de très différent des autres adresses Kayser, et pour cause, la plupart des produits ne sont pas fabriqués sur place. Les viennoiseries sont correctes, on passe son tour sur les pâtisseries, et les propositions salées conviendront à un repas pris sur le pouce, sans plus.

Faut-il y aller ? Pour la légende, pour voir où l' »aventure » Kayser a commencé, sans doute. C’est aussi l’occasion de déguster ses pains « au top » de leur forme, avec des cuissons bien abouties et un façonnage délicat, ce qui est bien trop rare dans le reste de ses boulangeries. Quant au reste, vous pourrez passer dessus sans difficulté, car les produits sont standardisés et loin d’être vraiment intéressants. Cela demeure, à mon sens, la meilleure boulangerie de l’enseigne.

J’ai l’impression que les consommateurs sont de plus en plus attirés par les produits ‘du sud’, qu’ils aspirent à adopter un peu de l’art de vivre méridional malgré le fait qu’ils résident dans des régions géographiquement éloignées. C’est une chance pour les marques spécialisées dans le secteur, et notamment pour la gastronomie, dont les produits s’exportent bien. Huiles d’olive, tapenades, vinaigres, olives sous diverses formes… Cela explique le développement dans Paris d’enseignes telles qu’Olivier & Co, Première Pression Provence ou encore A L’Olivier.

Parmi les marques que j’affectionne particulièrement, Aix et Terra se positionne en bonne place, en proposant une gamme variée au look soigné. En effet, j’aime que les produits soient aussi beaux que bons… et même si ce ne sont que des emballages, je trouve ça tellement plus agréable quand ils sont soignés. La notoriété de cette marque demeure encore assez confidentielle en Région Parisienne, à mon grand regret, car les produits étaient jusqu’alors difficiles à trouver. Un petit nombre d’entre eux étaient référencé aux Galeries Lafayette Gourmet, à la Grande Epicerie ou à L’Echoppe de la rue des Martyrs, mais cela restait limité.

Depuis l’ouverture de la boutique Gambs du boulevard Beaumarchais en milieu d’année, il était devenu plus facile de trouver leurs créations, mais c’était sans compter sur leur projet, à présent réalisé : la création d’un corner dédié à Aix et Terra. Désormais, il est aisé de se procurer les différentes huiles (toutes AOP de Provence, s’il vous plaît ! – l’huile au fenouil est fantastique sur les poissons), les confitures (que dire de l’abricot-calisson ?) ou encore les thés et infusions, sans oublier les déclinaisons autour de la truffe. Pour chaque produit de la gamme, les recettes sont élaborées soigneusement et mettent en oeuvre les meilleurs ingrédients du marché, un exemple avec l’huile d’olive à la truffe : on y trouve un vrai morceau de truffe de Provence, ainsi qu’une huile produite à Nyons. Ici, pas d’arôme artificiel comme c’est souvent le cas : le parfum de truffe est entièrement naturel. Forcément, ce parti-pris a un coût, mais je trouve que cela se justifie pleinement par le plaisir éprouvé à la dégustation : nous avons là des produits savoureux et authentiques.

Parmi les autres créations, on retrouve des références étonnantes et intéressantes, tel qu’un sel de Camargue à la Ratatouille, des Calissons à la Framboise, un thé aux feuilles d’olivier, citron vert et basilic, une crème de Melon… La liste est longue, et vous y trouverez autant de quoi tartiner votre pain que l’accompagner avec des repas relevés par quelques notes simples et élégantes. Créée en 2006 par deux amoureux du goût et de l’art de vivre Provençal – Richard et Benoît -, Aix et Terra a encore beaucoup d’autres projets dans la tête et dans les cartons, et je ne doute pas que leur créativité parviendra encore à me surprendre.

Revenons-en à notre actualité et à ce fameux corner, dont l’inauguration aura lieu demain. Un large espace dédié à la dégustation a été mis en place, ce qui permettra à la clientèle d’acheter en étant sûr de son choix, ce qui est toujours agréable. C’est là toute la valeur ajoutée d’une telle installation : la marque est « chez elle », et elle peut mettre en avant ses produits en exprimant tout son univers, chose impossible dans la distribution traditionnelle. Je vous invite vivement à aller découvrir cette marque, mais aussi le superbe magasin d’Hervé Gambs, dont les créations autour des végétaux et de la décoration d’intérieur ne manquent pas d’intérêt : on y retrouve un style moderne, sobre et contemporain, très apaisant. L’occasion également de se laisser tenter par l’une des bougies d’intérieur aux parfums élaborés (Terre d’Epice, Noir de Cassis… autant de noms qui invitent au voyage des sens !).
Désormais, on trouve dans cette boutique tout ce qu’il faut pour un intérieur beau… et gourmand !

Infos pratiques

60 Bd Beaumarchais – 75011 Paris (métro Chemin Vert, ligne 8) / tél : 01 55 28 65 50
ouvert du lundi au samedi de 10h30 de 19h

J’aime que le pain me raconte des histoires, qu’il parle à ma table. J’essaie de faire en sorte que ce soit souvent le cas, en choisissant des pains qui expriment un certain caractère, à l’inverse d’une masse de croûte et de mie sans âme, comme on peut en trouver dans de trop nombreuses boulangeries.
Le pain a toujours accompagné les hommes, et même dans des situations d’isolement, où il fallait alors le conserver sur plusieurs semaines. Bien sûr, il n’était pas question de baguettes de tradition, mais de pains « solides », réalisés sur levain et ayant une croûte bien épaisse.

En goûtant le pain des Alpages d’Eran Mayer, je me suis un peu imaginé l’homme seul dans son habitation, perché dans les hauteurs. Aussi seul que libre, avec ses bêtes. Le repas n’est pas très élaboré, il faut faire avec ce que l’on a, mais ne pas négliger pour autant de s’alimenter car les conditions sont difficiles et il faut des forces pour résister.
Dès que l’on saisit ce pain, on comprend qu’il a du caractère, qu’il ne laissera pas indifférent. On note tout d’abord sa belle cuisson, sa croûte presque noire. C’est ainsi qu’il est le meilleur et qu’il se conserve le plus longtemps, la croûte exprime alors une très légère note d’amertume qui chatouille le palais.

A l’odorat, un fort parfum de levain s’exprime et laisse apercevoir une acidité marquée mais relativement bien dosée.
Lors de la dégustation, cette impression se confirme et s’accompagne d’autres appréciations : la mie n’est pas trop dense, légèrement grise, assez alvéolée et relativement humide. La croûte est bien présente à la dégustation, elle est craquante et le reste relativement longtemps. En effet, ce pain se conserve très bien, et fort heureusement au vu de son nom : comment concevoir qu’un tel pain ne se conserve que quelques heures ? Non, au contraire, il est fort agréable sur plusieurs jours, même s’il est forcément moins agréable le surlendemain.
Le parfum de levain est particulièrement soutenu et sera une vraie source de satisfaction pour les amateurs de ce goût. L’acidité reste cependant bien contrôlée et elle n’étouffe pas le reste des arômes. La croûte est particulièrement intéressante à déguster, surtout si vous avez pris un morceau bien cuit, car elle représente toute la force de ce pain : une belle cuisson, sans pour autant que l’ensemble soit étouffe-chrétien. On y retrouve des arômes de fumée, presque de tabac, pour finir sur un peu d’acide. La mie prolonge le plaisir tout en douceur, avec cette humidité et une bonne tenue.

Eran Mayer nous propose là un « pain signature », qui fait la spécificité de sa boulangerie. Je regrette un peu que le reste de la gamme ne soit pas toujours aussi bien cuit, comme les divers pains de tradition qui demeurent un peu pâles.

Pain des Alpages, Eran Mayer – Paris 15è, vendu au poids, 5 euros le kilogramme.

Une des grandes difficultés rencontrées par les « chaînes » de magasins est de parvenir à entretenir un niveau de qualité équivalent entre les implantations de l’enseigne, afin que les consommateurs ne soient pas déçus ou déroutés face à des différences trop importantes. C’est un véritable challenge, car cela tient à beaucoup de facteurs, dont la formation du personnel, l’implication de celui-ci, la maîtrise du concept, le choix de l’aménagement et de l’emplacement de la boutique… Cela se complique encore plus quand on parle d’un métier artisanal tel que la boulangerie, où les produits sont réalisés quotidiennement au sein du fournil ! On reproche beaucoup les importantes différences de qualité entre les différentes boutiques d’Eric Kayser, notamment. Le phénomène était quasi-inévitable.

Parmi les autres « enseignes » de la boulangerie présentes dans la capitale, Le Grenier à Pain fait certainement partie des plus renommées, avec quelques adresses à la réputation quasi-indémontable, telle que la boulangerie des Abbesses (même si je n’en suis pas un grand adepte !). D’ailleurs, ce n’est pas à proprement parler une chaîne telle qu’on pourrait la concevoir habituellement. Il sera plus opportun de décrire la marque comme un réseau d’artisans fédérés autour d’un concept et d’une certaine vision de la boulangerie. Cela explique les différences importantes qui peuvent exister entre les boutiques, que ce soit en terme de gamme ou de qualité.
Aujourd’hui, c’est du côté du 12è arrondissement que nous nous rendons, plus précisément au 149 rue du Faubourg Saint-Antoine. Dès que l’on entre dans cette boutique, on prend bien conscience du fossé qui peut exister entre les différentes boulangeries de l’entreprise de Michel Galloyer. On est bien loin de l’ambiance tamisée et plutôt élégante de la rue des Abbesses ou de la rue Caulaincourt. Ici, la lumière est crue et l’aménagement ne semble pas avoir été particulièrement soigné. Peut-être a-t-il mal vieilli, difficile de se faire une idée claire. Toujours est-il que l’ensemble donne une impression très brouillon, peu soignée et pas très nette, au final. Difficile de se sentir vraiment à l’aise.
On retrouve quelques éléments du concept Grenier à Pain, tels que les produits d’épicerie sur une étagère à l’entrée. Sauf qu’ici, l’épicerie n’est plus très ‘fine’ : on trouve des pots de confiture bas de gamme, posés là… parce qu’il le fallait, ainsi que quelques bouteilles de cidre… et de Champomy. Bien.
La file d’attente est étroite, difficile de se croiser entre les clients arrivant et ceux déjà servis. Tout ce beau monde se déplace difficilement de et vers ce fond de boutique un peu sombre ou siège le pain.

Parlons-en, de ce pain. C’est certainement la seule chose présentant un minimum d’intérêt ici. Les cuissons sont correctes, même si les miches ont une fâcheuse tendance à être excessivement farinées Les pains de tradition, et notamment la baguette, dérivée plus ou moins directement du diagramme Retrodor, se défendent honorablement et expriment d’agréables arômes de froment – quoi de plus normal, me direz-vous. La gamme n’est pas très étendue, on retrouve les grands classiques du genre, tels que les pains aux céréales, un pain réalisé sur Poolish ou le ‘pain de 3’, signature du Grenier à pain. Un parfum de levain est parfois un peu trop présent, sans qu’il soit particulièrement agréable. On pourra noter l’existence de ficelles aux tomates séchées et aux herbes, agréables à déguster avec une salade lors d’un déjeuner léger… Même si les températures à venir ne nous y inciteront certainement plus. Dans l’ensemble, la conservation est acceptable, sans plus.

En regardant les vitrines du coté des patisseries, on comprend vite qu’il est préférable de passer son tour, les produits bénéficiant d’une finition plus que moyenne, en plus de ne pas être vraiment mis en valeur. Même constat pour les viennoiseries et autres gourmandises.
Les sandwiches et en-cas flirtent juste avec la moyenne, tout comme leur prix, les tarifs étant – fort heureusement – assez modérés dans cette boulangerie. Cependant, on peut se poser la question du rapport qualité/prix et de l’intérêt de l’offre.

Reste le service qui réalise des efforts méritoires pour relever le niveau de l’endroit, en offrant sourire et chaleur humaine, même si les produits ne sont pas parfaitement maitrisés. L’efficacité reste de mise et les clients sont servis rapidement. Cela ne parvient cependant pas à compenser le manque d’enthousiasme général que l’on peut avoir vis à vis de cette boulangerie.

Infos pratiques

149, rue du Faubourg Saint Antoine – 75011 Paris (métro Faidherbe Chaligny, ligne 8) / tél : 01 43 41 60 17

Avis résumé

Pain ? Juste correct. Les pains de tradition sont plutôt bien réalisés, les cuissons acceptables et les façonnages assez soignés. Le reste de la gamme demeure très court, rien de bien intéressant à signaler, mis à part des ficelles aux accents méridionaux. Les prix sont modérés, fort heureusement.
Accueil ? Souriant et chaleureux, c’est peut être ce que l’on retient le plus ici car le cadre offert par la boutique n’est pas des plus reluisants. Quelques travaux ne seraient pas un luxe, car le décor fait vraiment passé à présent. Il n’y a pas à y rester longtemps cependant, car le service est efficace.
Le reste ? Mieux vaut passer son chemin. Les pâtisseries affichent des finitions médiocres, les viennoiseries ne font pas tellement mieux, et la gamme salée est juste acceptable. En bref, rien ne ressort de cet ensemble plutôt décevant.

Faut-il y aller ? Je pense qu’il serait préférable de continuer un peu plus loin, par exemple pour aller rendre visite à L’Autre Boulange, située non loin sur la rue de Montreuil, ou encore à la Boulangerie d’Isa, où la baguette de tradition est bien plus intéressante. Cette boulangerie ne développe aucun point fort, mis à part son accueil, peut-être. Cela ne suffit pas, car c’est bien lors de la dégustation que le travail de l’artisan doit prendre tout son sens, et pas dans une impression en boutique.