La boulangerie n’est pas qu’une affaire de pain, c’est aussi beaucoup de travail autour de l’économie et des affaires, même si l’on peut parfois le regretter. En effet, il faut savoir dépasser la simple préoccupation du goût et du produit pour assurer la subsistance de son entreprise, et par la même la vie de ses salariés.

Certains boulangers font le choix de voir plus loin et de dépasser le cadre de leur boutique pour en ouvrir d’autres. Cela peut se faire à proximité… mais aussi dans d’autres régions du monde. Gontran Cherrier est en passe de jouer sur les deux tableaux. Il vient en effet d’ouvrir sa seconde boulangerie parisienne au 8 rue Juliette Lamber, dans le 17è arrondissement, et travaille d’arrache pied à son implantation à Singapour. Rien de surprenant venant de ce voyageur du goût, qui semble aujourd’hui prêt à semer son goût pour l’exotisme là où les potentiels amateurs de pains se trouvent.

Intéressons nous à ce qui existe et à ce qui est proche de nous, en l’occurrence, de cette boulangerie dont l’ouverture est effective depuis tout juste une semaine. Certes retardée (mais pas autant que je le croyais), elle s’est faite de manière discrète dimanche dernier. Louise vous a déjà fait partager quelques images de ce nouveau lieu, mais j’avais envie d’y faire un tour par moi-même et surtout saluer l’un des plus sympathiques -et le plus ancien !- vendeurs de l’entreprise, j’ai nommé Benoît ! Avec sa connaissance des produits, son amour pour ceux-ci et son implication, nul doute que les gourmands du 17è arrondissement seront bien servis.
Ce que l’on peut apprécier avec cette nouvelle implantation, c’est qu’elle se fait bien loin des centres d’attraction très parisiens où l’on aurait pu attendre un homme ‘en vue’ comme peut l’être Gontran. Cette boulangerie frôle les bordures de la capitale et s’ouvre ainsi à la proche banlieue, de par sa proximité de la gare du Pont Cardinet et donc de Levallois, Courbevoie, Asnières et autres villes desservies par la ligne L du Transilien. C’est plutôt bien vu, car le quartier avait besoin d’un peu de nouveauté du côté des boulangeries. Certes, on y retrouvait des « poids lourds » du secteurs, tels que Frédéric Lalos et son Quartier du Pain à quelques mètres, ou encore Raoul Maeder boulevard Berthier, mais rien de bien jeune et créatif comme sait si bien le faire Gontran.

La boutique a été profondément remaniée mais conserve de belles traces sur sa façade de ce qu’elle pouvait être auparavant : une boulangerie bien rétro, prise dans le jus qui n’avait pas manqué de se créer au fil des longues années de fermeture qu’affichait cet endroit. En revanche, à l’intérieur, on retrouve la plupart des « codes » qui caractérisent la boulangerie du 22 rue Caulaincourt, comme le carrelage style métro, les pastilles colorées, et bien sûr… les produits ! Certes, la gamme n’est pas aussi étendue, mais rien de dépaysant. Pain de seigle-miso, baguette au curry, tarte au fromage blanc et crème de pain noir, buns variés, … L’essentiel est là, et la qualité de réalisation semble avoir bien supporté le voyage – certes modeste, mais toujours important dès lors qu’il s’agit d’artisanat.

Le laminoir, grand ami du tourier

Ce qui diffère assez nettement, c’est bien entendu la taille de l’espace de vente, assez restreint, au profit d’un laboratoire plus spacieux, dont une partie est visible depuis la rue. Vous pourrez ainsi prendre plaisir à voir les pâtisseries et viennoiseries naître des mains de l’équipe de Gontran Cherrier.
J’aurais bien sûr pu me contenter de passer devant, de m’arrêter quelques minutes, mais je suis un painrisien assoiffé de découvertes, c’est pourquoi j’ai été faire quelques pas au sous-sol, pour partager avec vous un peu de la vie du fournil du 8 rue Juliette Lamber.

Une partie du fournil, au sous-sol

Sa taille est plus importante que celle de l’adresse historique, et cela doit permettre à terme de la décharger de l’ensemble des clients restaurateurs que Gontran livre quotidiennement. Le problème, pour le moment, réside dans le manque de capacité électrique de la boutique, ce qui ne permet pas d’utiliser l’ensemble des équipements. De nouveaux investissements et quelques autorisations seront nécessaires avant de parvenir à rendre ce laboratoire pleinement opérationnel. Ce n’est pas pour autant que cela risque de priver la clientèle du secteur des gourmandises de notre séduisant boulanger, et elle commence d’ailleurs à prendre ses habitudes, malgré le manque de communication autour de l’ouverture. Benoît m’indiquait que nous nous trouvions ici dans un quartier de connaisseurs, porteurs d’une certaine exigence. Voilà un public de choix pour ces créations savoureuses et originales.

Bien sûr, les habitués de Montmartre n’auront certainement aucun intérêt à venir ici (mis à part les demoiselles en manque des beaux yeux de Benoît ?!), puisque les produits sont identiques. Je rejoins Louise sur l’idée qu’il faudrait donner un peu plus d’identité à l’endroit en proposant une gamme un peu différente, mais comme elle, je ne doute pas du fait que cela viendra avec le temps et un meilleur recul sur les aspirations des habitants du secteur.

Infos pratiques

8 rue Juliette Lamber – 75017 Paris (métro Wagram, ligne 3 ou Transilien Pont Cardinet, ligne L)
ouvert tous les jours sauf le mercredi de 7h30 à 20h30 et de 8h à 19h30 le dimanche.

Certaines modes semblent ne pas avoir de limites, toucher et atteindre l’ensemble des artisans pour se retrouver dans leurs vitrines. C’est assez le cas des macarons, qui ont envahi nos boutiques et notre répertoire gourmand ces dernières années. Seulement, encore faut-il qu’ils soient réalisés avec talent.

La plupart du temps, il suffit pour le commerçant d’ouvrir une boite, de décongeler les produits et de le mettre en vente. En effet, les fournisseurs en boulangerie-pâtisserie possèdent tous à leur catalogue de nombreuses saveurs de macarons avec l’ensemble des éléments nécessaires.
Fort heureusement, certains continuent à les réaliser par eux-mêmes, et en font leur spécialité. C’est le cas de Jonathan Blot, le chef pâtissier d’Acide Macaron. J’avais eu l’occasion de vous parler de leur boutique il y a de cela plusieurs mois.

Ici, le macaron prend la taille d’une bouchée, un plaisir instantané et simple. L’ensemble des saveurs sont réalisées avec une ganache, signe de qualité puisque le chocolat présente un coût bien plus important que peut représenter celui d’une crème au beurre ou d’une gelée de fruits. Pour autant, ce ne sont pas des arômes qui sont utilisés, mais très souvent des infusions, qui permettent à ces petites pièces d’exprimer un parfum très naturel et authentique. A l’inverse de ce qui est pratiqué chez des acteurs très présents sur ce marché, la ganache n’est pas trop présente et permet aux coques de bien jouer leur rôle.
Les parfums varient au fil du temps, avec des créations originales telles que le macaron au pop-corn, au bubble-gum, … l’imagination du chef est sans limites, et on ressent une vraie volonté de dépoussiérer le genre.

En effet, rien de poussiéreux ici. Que ce soit dans cette charmante boutique ou dans les produits proposés, tout est résolument moderne, aussi bien sur les saveurs que sur le plan visuel – toujours très soigné et attirant. Pas de décors excessifs sur les gourmandises accompagnant les macarons, qui tiennent la vedette dans cette boutique. Il ne faudrait pas pour autant oublier le « reste » et mettre de côté ces créations dignes d’intérêt. En effet, Jonathan Blot reste avant tout un chef pâtissier, et son talent peut s’exprimer au delà des seuls macarons. C’est pourquoi il a dès le début développé une petite gamme de pâtisseries, sur lesquelles on retrouve le même travail autour des bouchées. L’idée est d’offrir à la clientèle la possibilité de se faire plaisir en toute légèreté, car c’est aussi ça, être moderne. Les dimensions des pâtisseries ont naturellement tendance à se réduire, nous sommes de plus en plus sédentaires.
Après les fêtes de fin d’année, le chef a souhaité se concentrer à nouveau sur ces douceurs, et a commencé à développer une nouvelle gamme. Au programme : tarte profiteroles chocolat & thé earl grey, cheesecake au cassis, tarte mangue et meringue à la banane… Les saveurs sont nettes et bien présentes, c’est agréable même si l’on en aimerait toujours en avoir un peu plus dans l’assiette, notre gourmandise étant éveillée. Cet éveil est sans cesse renouvelé, puisque les créations se succèdent rapidement au fil des semaines et de la créativité de Jonathan, accompagné de son équipe.

A côté de la production réalisée pour la boutique, Acide Macaron est aussi sollicitée pour réaliser des collections de macarons à destination de marques prestigieuses. Créateurs de mode et autres entreprises « tendance » accompagnent leurs produits de façon gourmande, avec ces fameux petits-fours, ici assortis pour coller à la thématique développée par la marque. L’idée est plutôt pertinente pour faire bonne impression, et Jonathan Blot m’indiquait qu’il prenait grand plaisir à se prêter à l’exercice, car cela lui permet de travailler sur des sujets qu’il n’aurait pas forcément à approcher s’il se limitait à son offre « boutique ».

Dans tous les cas, on ne peut que saluer le courage et la volonté développés au sein de cette entreprise : l’emplacement d’Acide n’est pas des plus simples, car le quartier est très calme, bien loin des ruches à touristes que peuvent représenter les Halles ou Saint-Germain-des-Prés. La relation avec la clientèle en est tout à fait différente, et on ne peut que s’en féliciter. Vous serez très bien accueillis par Renata ou sa vendeuse, qui vous apporteront des conseils avisés selon vos goûts et ceux des personnes à qui vous prendrez plaisir à offrir ces douceurs.
A côté des macarons et pâtisseries, d’amusantes guimauves colorées, des pâtes de fruit, des sablés, un pain d’épices et autres gourmandises vous sont également proposés dans cet élégant écrin à la finition léchée. C’est un endroit dans lequel je prends plaisir à venir et revenir, d’autant que le quartier s’est récemment doté d’un nouveau lieu gourmand, la seconde boulangerie de Gontran Cherrier, un peu plus loin.

Infos pratiques

72 Rue Legendre 75017 Paris (métro Rome ou Villiers – lignes 2 et 3) / tél : 01 53 11 19 51
ouvert du mardi au samedi de 10h30 à 20h00, dimanche de 10h30 à 18h00.

Pour découvrir des adresses, on me donne souvent de petits coups de pouce, sinon quoi la tâche serait bien difficile. Comment dénicher des échoppes dignes d’intérêt dans une ville telle que Paris, seul et armé uniquement de mes deux jambes ? Je risquerais de finir épuisé avant même d’avoir trouvé quoi que ce soit. Dès lors, quand je rencontre des noms, des adresses, je ne manque pas de les mémoriser pour une visite ultérieure.

J’avais remarqué les épices présentées sur le stand de la Petite Fabrique du Marché des Enfants Rouge il y a déjà quelques temps. Il était indiqué qu’elles provenaient d’une boutique du quartier des Halles, l’Epicerie de Bruno. Si Carole a décidé de faire confiance à ce fournisseur, ça n’est pas sans raison : l’ensemble des ingrédients mis en oeuvre dans ses produits sont choisis avec le plus grand soin. Dès lors, il était évident qu’il fallait que je m’y rende.

Les épices ne sont pas assez utilisées pour réaliser des pains, à mon sens. Elles peuvent apporter beaucoup, comme elles le font dans des plats, en relevant subtilement les saveurs des différents produits. Cela pourrait tout à fait être le cas sur un pain, encore faut-il que le consommateur soit réceptif à de telles idées. Gontran Cherrier est parvenu à prouver que cela pouvait être le cas, au travers de son pain aux épices Zaatar, au Curry ou encore au Gingembre et à la Mélasse. S’il le fait, pourquoi pas les autres ?

Bruno pourrait certainement les aider. Au sein de sa charmante boutique installée rue Tiquetonne, tout près des Halles et en plein coeur du quartier Montorgueil, il propose une très large gamme de produits, que ce soit en terme d’épices « brutes » que de créations les utilisant. Sels d’origines variées, herbes, fleurs, poivres surprenants, mélanges traditionnels (différents Currys, herbes de provence, …) et originaux (dédiés à certains types de plats pour certains, issus de cultures méconnues pour d’autres…), riz rares, pâtes créatives, confitures, chocolats épicés, thés ou encore cafés… Difficile de faire le tour des gammes en quelques mots car chaque recoin de cette échoppe est rempli de découvertes gourmandes. L’ensemble est aménagé avec beaucoup de goût et d’authenticité.

Pour guider la clientèle à travers ce voyage épicé, le propriétaire des lieux, le fameux Bruno, propose des conseils avisés et précis, en montrant à chaque fois une excellente connaissance de chacun des produits, ce qui lui permet de mettre en valeur l’ensemble des propositions exposées ici. Que vous ayez un besoin particulier ou simplement envie de donner un nouveau relief à l’un de vos plats du quotidien, vous trouverez sans aucun doute de quoi vous faire plaisir ou tout simplement faire plaisir.
Parmi les produits qui m’ont le plus interpellé, les poivres et les sels, où j’ai découvert des variétés dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Les saveurs développées par certains d’entre eux sont bien éloignées de ce que l’on peut attendre habituellement d’un poivre, comme pour le fameux poivre Timut du Népal, dont les notes d’agrumes ne manqueront pas de surprendre. Le sel fumé du Mexique et ses notes de charbon ainsi que son croquant accompagneront avec beaucoup d’élégance un poisson, par exemple.
Plus amusantes, les préparations pour Riz au lait parfumé de chez Quai Sud réveillent en nous des désirs d’enfant… dans cette « épice et riz », tout est aussi sérieux que potentiellement régressif.

Pour ne rien gâcher, les tarifs demeurent assez mesurés compte tenu de la qualité des produits et de l’habituel niveau de prix maintenu dans ce type de boutique. Ajoutez à cela un emplacement on ne peut plus pratique, en plein centre de Paris, et vous obtenez une épicerie où l’on vient et revient avec grand plaisir.

Infos pratiques

30, rue Tiquetonne – 75002 Paris (métro/RER Les Halles, lignes A, B et D ou 1, 4 et 14 ou Etienne Marcel, ligne 4) / tél : 01 53 40 87 33
ouvert du mardi au samedi de 10h30 à 14h30 et de 15h30 à 19h30.

Faut-il y aller ? Bien sûr ! C’est le lieu rêvé pour les amateurs – ou futurs adeptes – d’épices et autres saveurs originales. Au travers de simples notes parfumées, et avec les conseils avisés de Bruno, vous prendrez plaisir à donner une nouvelle dimension à votre cuisine du quotidien. En effet, pour sublimer de bons produits, il suffit bien souvent d’une note subtile, une sauce reviendrait à les dénaturer sans aucune raison. Les plus gourmands trouveront également leur bonheur du côté des pâtes, riz, confitures et autres chocolats épicés. Carole ne s’y était pas trompé, voilà un très beau lieu gourmand !

Il y a plusieurs façons de recevoir la critique. On peut tout à fait l’ignorer, ou du moins la rejeter, en considérant qu’elle n’est pas fondée. On peut aussi l’entendre, y répondre, sans plus y réfléchir. Enfin, certains choisissent de la considérer plus sérieusement, voire même de se remettre en question de façon plus poussée.

Suite à mon article au sujet de sa boulangerie, Michel Fabre et son équipe ont pris le parti de la dernière option, considérant que c’était une occasion de redonner un « coup de fouet » à leur production et à leur offre. Ils y ont donc prêté attention, réfléchi au sujet des points évoqués. Cette attitude est particulièrement remarquable et signe d’une grande intelligence et ouverture d’esprit de la part de cet artisan.
Ainsi, quand je suis passé le saluer cet après-midi, c’est avec beaucoup de sympathie qu’il m’a reçu et a eu à coeur de me faire partager un peu de la vie de son entreprise.

Juste en face de la mairie d’Alfortville, la maison Fabre propose une gamme variée de douceurs, propositions salées et pains. Comme je l’avais indiqué dans mes précédents billets, la quasi-totalité des pains proposés ici sont biologiques, mis à part la baguette dite « de pain courant », qui continue d’être réalisée à partir d’une farine issue de l’agriculture conventionnelle. Cet effort s’est développé suite à la rencontre avec la famille Maurey, propriétaire des moulins de Chérisy. Ils souhaitaient en effet se lancer dans l' »aventure » du biologique et Michel Fabre a souhaité les suivre. Il a ainsi converti sa gamme, avec une exigence : faire en sorte que celle-ci reste accessible au plus grand nombre, ce qui passait notamment par des efforts en terme de tarification sur la farine. Ces efforts consentis par le meunier et quelques concessions sur sa marge plus tard, c’est avec une certaine fierté que notre artisan peut aujourd’hui se vanter de vendre trois baguettes de tradition biologique pour une baguette « ordinaire ». Un beau résultat, qui récompense justement son implication. Il en faut, de l’implication et de la volonté, car chaque livraison de farine est différente, une adaptation des recettes est donc nécessaire à chaque fois. M. Fabre soulignait le côté formateur de cette contrainte, même si elle n’est pas toujours facile à assumer. Je pense que c’est une bonne chose que de revenir à des farines moins lissées, ce qui permet aux blés d’exprimer tout leur potentiel en terme de saveurs.


Dans tous les cas, on ne peut que saluer les belles cuissons, chose assez difficile à défendre en banlieue, et les façonnages soignés des pains proposés en boutique. Je dois dire que les problèmes rencontrés lors de ma première visite ne se sont pas reproduits lors des suivantes, ce qui prouve une certaine régularité dans la réalisation des produits.

Si Michel Fabre a construit une belle réputation, c’est également pour sa gamme de gourmandises, et ce n’est certainement pas un hasard. Cet ancien de chez Lenôtre a conservé un goût pour la finition des produits, mais aussi leur qualité générale. On retrouve donc des pâtisseries traditionnelles (charlottes, éclairs, religieuses…) mais également des verrines ou des créations du chef (entremets variés, notamment).
Impossible de passer ici sans s’attarder sur les galettes des Rois, puisque nous sommes en plein dans la période. En pénétrant dans cette boutique, nous sommes rentrés chez un des rois de la galette, puisque Michel Fabre a été primé plusieurs fois au concours de la Meilleure Galette aux Amandes d’Île de France.
Cette année, les galettes présentent de nombreuses déclinaisons : la classique, une autre aux pommes (avec une confiture maison, bien entendu), au chocolat, mais également des créations telle qu’une galette ananas-coco (la crème d’amande est remplacée par une crème de coco, accompagnée de dés d’ananas poêlés ou encore la galette des 13 desserts (décidément, la tradition provençale est à l’honneur en ce moment !), légèrement parfumée à la fève de tonka.
D’ailleurs, je vais vous présenter un peu plus précisément cette dernière.

Sa superbe couleur rouge et ce centre de framboise caramélisée offrent un premier contact particulièrement agréable avec cette galette. On sent immédiatement que l’artisan y a mis du coeur et souhaitait offrir à sa clientèle un produit séduisant. Au delà du visuel, il y a bien entendu la dégustation, et M. Fabre est à la hauteur des prix qu’il affiche sur sa boutique : le feuilletage est fin et fondant, la crème d’amande bien parfumée, avec une note subtile de Fêve de Tonka, et les différents fruits « des 13 desserts » apportent une note de fraîcheur bien agréable, en contraste avec la richesse des autres composants. Le petit disque de framboise caramélisée, qui pourrait sembler n’être qu’un décor en premier lieu, est réellement délicieux et apporte une petite touche de fantaisie acidulée à l’ensemble.
Au travers de cette création, l’artisan permet au consommateur de découvrir de nouvelles saveurs et dépoussière un peu l’exercice, parfois un peu rébarbatif, de la galette. Tout cela pour des tarifs toujours très raisonnables. Dès lors, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi la maison jouit d’une telle réputation sur les galettes des Rois, qui attirent certains gourmands venus de loin pour la déguster.

Profitons-en pour saluer le travail effectué par la quinzaine de salariés de l’entreprise, ainsi que celui réalisé en vente, où Mme Fabre veille personnellement à l’accueil personnalisé de la clientèle. C’est dans des villes telles qu’Alfortville où la boulangerie peut – et doit – jouer un vrai rôle dans le lien social. En effet, elle abrite aussi bien des personnes âgées que des familles issues de l’immigration, ou une population « ouvrière ». Tout le monde peut se retrouver chez cet artisan boulanger dont les prix sont plus qu’abordables.

Avant le pain, il y a bien entendu la farine. Dans ce domaine, toutes ne se valent pas, et ce n’est malheureusement pas très visible pour le consommateur, qui est avant tout confronté au résultat final : une baguette, une miche, … Comment faire pour susciter son intérêt et tenter de lui parler de tout ce qui se passe en amont ? Pourtant, beaucoup de choses se jouent ici.

Fournil du Moulin des Gaults, Poilly-lez-Gien

Chez Foricher, on en a bien conscience, et c’est pour cela que l’on a souhaité dès le début développer une vraie démarche autour du pain de Tradition française, en valorisant le travail réalisé sur la matière première, et notamment les blés issus de l’agriculture CRC. CRC, qu’est-ce que c’est ? Cultures et Ressources Contrôlées. Pour reprendre l’explication « officielle » :

Le cahier des charges CRC® a été construit dans l’objectif de réduire les contaminations d’origine chimique, environnementale ou naturelle sur les céréales :

  • Blés conservés sans traitement après récolte et refroidis à l’air naturel dans des cellules hermétiques aux oiseaux.
  • Traitement des cultures autorisé seulement si le risque est avéré, avec des produits sélectionnés selon différents critères (toxicité, solubilité dans l’eau, emballage recyclable,…)
  • Blés cultivés sur des parcelles préservées : par exemple, recul des cultures à 250 m des routes importantes et éloignement des parcelles des établissements à risques (stations d’épuration, aéroport, décharges…)

L’objectif est de parvenir à une farine la plus « propre » possible, dépourvue d’additifs et surtout porteuse d’une réelle dimension de développement durable.

Du grain à moudre

Cet engagement est une des marques de fabrique de cette entreprise, créée en 1996. A cette époque, Yvon Foricher se lance seul après avoir eu plusieurs expériences, et notamment au sein d’un moulin installé dans l’Oise. Pour lui, la meunerie est avant tout une histoire de famille : son père l’était lui même, tout d’abord à son compte puis dans divers moulins à travers le monde, ce qui a permis à la famille de voyager et de s’ouvrir à d’autres cultures. 7 générations l’avaient d’ailleurs précédé, pour vous dire à quel point cela s’est transmis dans le temps.
Au début, le jeune meunier n’écrase pas ses blés par lui même et réalise du négoce. Cependant, quelques boulangers décident de lui faire confiance… dont Eric Kayser, ce qui aura un effet d’émulation assez rapide et bénéfique pour le développement de l’entreprise.
En 2000, le moulin des Gaults, reconstruit en 1943, – installé à Poilly-lez-Gien – est acquis et deviendra alors l’outil de production des Foricher. Ce n’est pas une grosse usine, on y ressent une vraie dimension artisanale, même si l’outil a été modernisé et amélioré depuis l’achat. Nous sommes bien loin des volumes réalisés par des acteurs comme les Grands Moulins de Paris ou Soufflet/Baguépi, et c’est certainement ce qui explique la proximité qu’entretient Yvon Foricher avec ses clients : il m’expliquait passer plus de 70% de son temps « sur le terrain », chez des boulangers. C’est de cette façon qu’il peut participer au développer de la démarche profondément qualitative qui est la sienne.

Farines utilisées pour les démonstrations

Cette qualité, on la retrouve au travers de la Baguette Bagatelle T65, la seule qui puisse être labellisée Label Rouge, un gage de qualité pour le consommateur, et certainement un des sigles les plus reconnus et « lisibles » auprès du grand public. Même chose pour les viennoiseries réalisées à partir de farine T45 surfine, au travers de laquelle Foricher promeut les produits maison, réalisés sans surgélation ni additif. Sur ce dernier point, il y a beaucoup à faire, car beaucoup de boulangeries – comme cela a été souligné dernièrement – font appel à l’industrie. Les meuniers l’ont bien compris et travaillent activement sur la question, puisque les Grands Moulins de Paris ont développé une solution certifiée Label Rouge mais… surgelée. Le référentiel qualité est donc complètement faussé pour le consommateur, et si de telles pratiques finissent par se mettre en place, la tromperie continuera à être monnaie courante dans la profession. Face à cela, l’objectif de Meuniers engagés tels que Foricher est de développer des process et recettes pouvant être mis en place chez les artisans boulangers. Bien entendu, cela nécessite de leur part une certaine rigueur et une passion pour la qualité, mais ils ne sont certainement pas clients ici par hasard… une partie du chemin est déjà parcourue.

Face à ces dérives, le « Club le Boulanger » (http://www.club-le-boulanger.com/) propose de vraies alternatives et solutions. Il regroupe des meuniers engagés dans une démarche similaire à celle de l’entreprise Foricher, et on ne peut que se féliciter que de telles initiatives perdurent et se développent.

C'est compliqué un moulin !

Retournons dans le Loiret pour apprécier le travail réalisé quotidiennement au sein du Moulin des Gaults. Ici, le grain est moulu 7j/7, sans interruption, afin de pouvoir répondre à une demande toujours plus importante. En effet, l’outil de production est utilisé à plein, et les Moulins Dormoy (dans l’est de la France), acquis en 2009, permettent de donner plus de flexibilité et de capacité à l’entreprise. Les blés CRC sont reçus puis transformés selon les besoins et les demandes des clients. On trouve certes de la farine de tradition T65, de la farine de gruau T45, mais aussi d’autres types tels que de la T80 et des compositions spéciales pour certains boulangers (Dominique Saibron ou Jean-Paul Mathon expriment des exigences particulières auxquelles le moulin répond).
Aujourd’hui, des investissements continuent à être réalisés pour rendre l’usine plus performante et apte à servir la demande dans les meilleures conditions. Cela n’est pas une chose aisée, car la conjoncture n’est pas vraiment favorable à de « petites » entreprises de la meunerie : en effet, avec les importantes augmentations des cours du blé vécues ces derniers mois, il est difficile de répercuter les hausses auprès des clients et les marges en sont réduites d’autant.

Plusieurs baguettes bien alvéolées !

Ce qui caractérise la famille Foricher, c’est aussi sa volonté de partager et de vivre dans la communauté qui l’entoure. Ainsi, chaque année, des portes ouvertes sont organisées et chacun peut y prendre part en achetant tout simplement son pain, mais également en participant à diverses activités mises en oeuvre autour du pain. Yvon Foricher souhaite intéresser des publics de plus en plus jeunes au travers de cette initiative, et espère une forte participation des adolescents cette année.
Au delà de cet événement ponctuel, les clients du meuniers sont conviés toute l’année à des démonstrations et des formations. Dans le fournil du moulin, des démonstrateurs de talent s’activent pour présenter les gammes de farine. Patrick, l’un d’entre eux, a ainsi pris le temps de m’expliquer les spécificités de chacun des produits. Ici, le levain est roi, mais contrairement à ce que beaucoup pourraient craindre, il n’est pas synonyme d’acidité. Les pains cuits dans ce fournil sont d’une grande douceur, car réalisés à partir d’un levain liquide. La fermentation lactique qui est réalisée sur cette base permet de créer des pains savoureux, digestes et de bonne conservation. Le résultat est superbe, on voit des pains tels qu’on aimerait en rencontrer plus souvent en boulangerie : façonnages élégants, cuissons sublimes, conservation excellente… Sans parler des arômes et des caractères exprimés par chacune des créations. La matière première est sublimée, et cela offre une belle vision des possibilités offertes par une bonne farine aux différents clients ayant l’occasion de passer par ici. La difficulté est de trouver des boulangers ayant un bon état d’esprit et une excellente maîtrise technique pour parvenir à transmettre ce savoir-faire. Il faut également parvenir à les faire rester, puisque ce sont souvent des personnes ayant une grande soif de découverte, ce qui les rend assez volatils !
Au delà de ces « exemples », les boulangers et leur personnel de vente bénéficient également de formations autour des produits, ce qui leur permet de les réaliser mais aussi de les défendre au mieux. En effet, il ne suffit pas d’avoir un bon produit, il faut aussi savoir le vendre et pour cela l’implication en vente est primordiale. Combien de fois ai-je parlé ici même de vendeurs ou vendeuses possédant une connaissance plus qu’approximative des pains vendus dans leur boulangerie ? C’est regrettable, et cela ne profite à personne.

Une superbe tourte de seigle

J’ai ainsi découvert aujourd’hui un meunier profondément engagé, développant une démarche encore trop marginale dans le domaine de la meunerie, avec un vrai goût de la qualité et une exigence exceptionnelle. Ce n’est pas par hasard qu’il livre beaucoup de grands noms de la boulangerie parisienne, malgré des tarifs plus élevés que ses concurrents. Il faut, dans ce secteur, se différencier pour exister. C’est d’autant plus beau quand on exprime une telle différence, en faveur du consommateur.
D’ailleurs, une de leurs nouveaux chevaux de bataille se situe du côté de la… brioche, souvent abandonnée par les boulangers et « détenue » par les industriels, qui la remplissent d’additifs divers. Ici, elle est réalisée à partir de farine T45 CRC Label Rouge, de levain de lait (un levain rafraîchi à l’aide de lait, ce qui lui procure un moelleux incomparable), de levure, de beurre, d’oeufs frais, de miel, de sel… et en aucun cas de conservateurs. Encore un bel exemple de cette volonté permanente d’innover et d’aller toujours plus loin dans le sens de la qualité.
Merci pour cette visite et cet accueil !

Allez, assez parlé des autres pour aujourd’hui, il faut parfois aussi traiter du painrisien en lui-même… et de ses évolutions ! Je vous avais promis des évolutions il y a maintenant quelques temps, sans donner plus de nouvelles sur les avancées en ce sens. En réalité, je dois avouer que tout cela a un peu trainé, pour de multiples et diverses raisons sans grand intérêt.

Aujourd’hui est un grand jour puisque je partage avec vous le logo qui fera la nouvelle identité du painrisien. Une baguette, une pelle à enfourner et vous êtes chez vous ! C’est toute une réflexion sur la symbolique qui a été menée, avec la volonté d’exprimer un certain engagement et la volonté de mettre en avant autant le produit que le processus qui mène à sa réalisation.
Au delà du logo et de l’identité visuelle, l’important était aussi de faire grandir le concept et le blog. D’ailleurs, mon souhait est de quitter cette dimension pour parvenir à une forme plus proche d’une sorte de magazine, de guide vivant du pain, mais aussi de tout ce qui est susceptible de vous faire vivre des expériences très painrisiennes, c’est à dire en toute simplicité, avec la ferme volonté de chercher le beau et le bon dans la capitale et ailleurs.
On dépassera donc la simple dimension textuelle pour rapprocher les écrits des lieux, et placer tout ceci sur une belle carte, où vous pourrez prendre plaisir à vous promener, au fil des billets publiés quotidiennement.

Rendez-vous donc dans quelques semaines pour apprécier le résultat et partager une nouvelle expérience painrisienne !

Dès lors que l’on acquiert une réputation, un nom, je pense que l’on a pour devoir d’essayer de s’y tenir et de maintenir un niveau de qualité en phase avec les attentes de la clientèle. Bien sûr, il peut toujours y avoir des « jours sans », mais cela ne doit pas pour autant se répéter au point de faire des déceptions une habitude.

Pourtant, c’est un peu ce que j’ai vécu chez Du Pain et des Idées ces derniers temps. En effet, j’ai pu observer sur les produits que j’ai acheté des tendances plutôt désagréables. Je vous avais parlé du Pain Brûlé, du pain de Campagne – Miel-Noix-Moutarde, du pain Sirop d’érable-Noix-Gingembre confit… J’avais apprécié ces créations de Kenji Kobayashi, ainsi que leur qualité de réalisation irréprochable.
Irréprochable lors du premier achat, beaucoup moins lors des suivants. Alors que la mie était certes assez dense, elle demeurait bien hydratée et moelleuse, agréable à la dégustation. Ces derniers temps, la densité s’est accrue, les pains sont peu levés et beaucoup plus secs. Les cuissons sont toujours aussi belles, les croûtes marquées mais elles deviennent trop présentes dès lors que la mie ne compense pas cette « force ». L’amertume finit par envahir le palais, ce qui est loin d’être agréable.

Si ce n’était que ça, on pourrait penser qu’il y a simplement quelques ajustements à faire sur la régularité de production de ces produits. Non, cela a été complété par une surprise plutôt désagréable ce samedi : Le pain Sirop d’érable-Noix-Gingembre confit que je vous décrivais ici a vu sa recette modifiée. En effet, le sirop d’érable a disparu… ce qui a pour conséquence inévitable une perte en saveurs, puisque l’on ne retrouve plus ce petit goût ambré, ces notes sucrées qui caractérisaient ce pain et contrebalançaient la puissance du Gingembre confit. A présent, il s’exprime beaucoup plus, l’impression générale est nettement moins agréable et beaucoup plus agressive en bouche. J’ai du mal à comprendre ce choix, car la version précédente était juste parfaite.

Tout cela m’amène à me demander ce qui peut bien se passer chez Christophe Vasseur, pourtant si prompt à mettre en avant les efforts qu’il réalise au quotidien pour proposer des produits exceptionnels à sa clientèle. Je veux bien croire que cet engagement soit réel et s’exprime dans les faits, mais il y a là – à mon sens – matière à s’interroger. D’autant que ce problème de pain sec et dense m’apparaît comme plutôt récurrent chez Du Pain et des Idées, où j’ai pu le retrouver (et je ne suis pas le seul) également sur le Pain des Amis, le fer de lance de la maison.
En écrivant tout ceci, je n’attends pas d’explications, je veux seulement mettre en avant le fait que l’on ne peut pas compter uniquement sur une image et une clientèle fidèle pour assurer la réussite de son entreprise. Ne serait-ce que par honnêteté et rigueur, le produit doit rester au centre des préoccupations. Pas seulement le plus rentable – en ce moment ce sont les galettes, à Noël c’était très certainement les brioches à la châtaigne qui envahissaient littéralement la boutique. Au 34 rue Yves Toudic, il y a sans conteste beaucoup d’idées… on voudrait juste qu’il y ait toujours du pain. Du bon pain, tout simplement.

Le pain devrait toujours être l’élément moteur d’une boulangerie, occuper la plus belle des places et se présenter directement à la clientèle. En effet, le métier de base d’un boulanger est avant tout de faire du pain, c’est à mon sens ce sur quoi il devrait se concentrer et exprimer le meilleur de son talent. Malheureusement, il y a aussi des raisons économiques et des implantations qui font que l’activité se tourne naturellement vers des produits plus élaborés ou plus rentables.

Je m’en suis déjà ému ici au sujet de plusieurs boutiques, et je continuerai à le faire à chaque fois que je le penserai nécessaire. Aujourd’hui, c’est chez Stéphane Louvard et son épouse que je vous emmène pour vous parler de ce roi de la Galette (il a en effet reçu le prix de la Meilleure Galette aux amandes d’Ile de France cette année) et de sa boutique. Installé à quelques mètres de la station de métro Miromesnil, cet artisan est au premières loges pour accueillir les cadres affairés que l’on peut voir arpenter les rues à l’heure du déjeuner. Ce quartier accueille en effet les sièges sociaux de nombreuses entreprises, et plus largement beaucoup de bureaux, ce qui explique la présence de cette « population » à la typologie un peu particulière. En effet, ils sont principalement actifs dans le quartier pour acheter leur repas, ce qui a naturellement développé un enchainement de restaurants et autres concepts de saladbar et sandwicheries plus ou moins haut de gamme. Il suffit de regarder la rue de la Boétie pour s’en convaincre.
Comment un boulanger pourrait-il avoir sa place ici ? Tout simplement en se « battant » avec les mêmes armes.

Lorsque l’on pénètre dans la boulangerie de M. et Mme Louvard, notre regard rencontre avant tout le large choix de sandwiches, de salades et autres en-cas proposés ici. En effet, la maison a développé une large gamme salée, pour justement satisfaire les appétits de nos travailleurs… mais aussi, et tout simplement, assurer le fonctionnement économique de l’entreprise. Les produits sont de qualité, proposés à des tarifs tout à fait abordables, d’autant plus pour le quartier. La clientèle ne s’y est pas trompée, car elle est tout particulièrement nombreuse : il n’est pas rare de voir une longue file d’attente déborder sur la rue quand sonne midi.
En plus des produits proposés au sein de la boulangerie, une annexe traiteur complète l’offre au travers de plats chauds divers, dont la carte est modifiée quasi-quotidiennement. Fraicheur et diversité sont donc au rendez-vous, ce qui est plutôt bien vu, relançant l’intérêt de la clientèle et évitant un potentiel risque de lassitude. Soupes, frites maison, viandes (poulet, steak haché, petit salé…) et poissons… rien ne manque à l’appel.

Le problème, à mon sens, c’est que tout cela étouffe le pain. Certes, les sandwiches ou burgers maison sont bien réalisés à partir de baguettes et de pains variés, mais dès lors que l’on dépasse cette considération, l’offre « non garnie » est plutôt lacunaire. A peine trouve-t-on des baguettes de tradition, des baguettes torsadées et quelques pains (céréales, campagne…) et petits pains. Cela n’occupe qu’une très petite place dans la boutique, et c’est bien dommage. Les tarifs sont assez élevés, avec une baguette de tradition proposée à 1 euro 20. Certes, elle est tout à fait correcte, son façonnage est plutôt soigné, les cuissons sont généralement assez correctes (bien menées sur la version torsadée), mais elle n’exprime pas un caractère qui puisse justifier une telle tarification. Quant au reste de la courte gamme, rien de bien surprenant non plus, c’est tout juste correct, à tous points de vue.

Le domaine sucré est beaucoup plus fourni, avec une profusion de pâtisseries assez copieuses et finies de façon aléatoire, mais également des viennoiseries dans la moyenne ainsi que ces fameuses galettes des rois, en saison. Autant les pâtisseries ne laisseront pas un souvenir impérissable, servant plutôt de complément pour achever une formule, autant les galettes de cet artisan sont effectivement de très bonne facture, avec un feuilletage fin et une crème frangipane de qualité. Cela ne dure qu’un temps assez limité, ce qui fait que ce lieu ne sera certainement pas privilégié pour acheter un dessert, en dehors des repas pris sur le temps de travail.

Mention spéciale pour l’accueil, charmant et redoutablement efficace. Le personnel parvient à gérer l’affluence avec un grand professionnalisme tout en gardant le sourire et en conseillant le client au mieux. Une performance dont beaucoup devraient s’inspirer, car toutes les boulangeries ne peuvent se vanter de disposer de vendeurs présentant ces qualités.

Infos pratiques

43/45 rue de Miromesnil – 75008 Paris (métro Miromesnil, ligne 13) / tél : 01 42 65 56 90
ouvert du lundi au vendredi.

Avis résumé

Pain ? Où est-il ? Plus sérieusement, le pain n’occupe pas ici la place qu’il devrait prendre. On le retrouve dans un coin de la boulangerie, au travers d’une très courte gamme. Petits pains au fromage, olives ou autres ingrédients, baguette de tradition et « blanche », quelques pains « spéciaux » (campagne, céréales…), rien d’exceptionnel en terme de saveurs ou de réalisation. Les prix sont d’ailleurs un peu élevés au vu de la prestation, très classique.
Accueil ? Souriant, chaleureux et efficace. Malgré les importantes files, la clientèle n’a qu’assez peu à attendre et c’est un bon point pour ce boulanger. Ses boutiques sont bien entretenues, rien à signaler.
Le reste ? Le reste est justement l’essentiel ici, cela prend un peu trop le pas sur le pain à mon sens. Les produits salés (sandwiches, salades, plats chauds variés, en-cas…) sont nombreux et leur réalisation est de bonne facture. Rien à reprocher en terme de fraîcheur, qui est de toute façon assurée au vu de l’importante chalandise qui se presse devant les portes de l’artisan et de son équipe.
Pour le sucré, privilégier les produits réalisés à partir de pâte feuilletée, très bien maîtrisée ici. Le reste est beaucoup moins intéressant, avec des pâtisseries généreuses mais à l’intérêt plus que limité. Les galettes des Rois tiennent la vedette en janvier, comme l’a prouvé le concours organisé par le syndicat de la Boulangerie-Pâtisserie, à raison puisqu’elles sont bien réalisées.

Faut-il y aller ? Pas pour le pain, car on en trouve assez peu, et même s’il est relativement correct, la pauvreté de la gamme et son caractère presque isolé n’incite pas vraiment à faire de cette boulangerie un endroit où l’on vient pour acheter sa baguette ou tout autre pain spécial. Cet artisan est tout à fait recommandable pour un déjeuner rapide et peu coûteux, comme l’ont bien compris les travailleurs du secteur, très nombreux à s’approvisionner ici à l’heure du déjeuner. Bien sûr, les galettes des Rois, en janvier, sont un centre d’attraction à elles seules… mais pour une période bien limitée. Dans tous les cas, c’est une maison bien tenue, au personnel très professionnel. Est-ce toutefois encore une boulangerie ? J’aurais bien du mal à qualifier cette entreprise, dont l’activité tiendrait presque à de la « restauration boulangère », même si le terme ne me convient pas pleinement.

Vous ouvrez cette porte avec la clé de l’imagination, au-delà, c’est une autre dimension. Une dimension sonore. Une dimension visuelle. Une dimension de l’esprit. Vous pénétrez dans le domaine de l’ombre et de la matière. Des objets et des idées. Vous venez d’entrer dans… la Quatrième Dimension.
Peut-être avez-vous déjà entendu ces paroles, que ce soit dans le film Twilight Zone, ou dans l’attraction « La Tour de la Terreur » du Parc Walt Disney Studios. Vous savez, cet ascenseur délicieusement infernal qui transporte ses passagers de bas en haut…

Hier, pas d’ascenseur, pas d’introduction, pas d’histoire. Non, juste une boulangerie, celle du 123 rue Monge, dans le 5è arrondissement. Pourtant, la même impression d’avoir pénétré dans une autre dimension. Dimension de l’esprit ? Je n’en suis pas persuadé, du moins, il y avait dans tout cela quelque chose de presque irréaliste. Cela m’a suffi pour avoir l’impression d’être tombé dans la quatrième dimension. Bienvenue au Boulanger de Monge.

Revenons en arrière, tout d’abord. Cette boulangerie a une histoire. Fondée en 1999 et reconnue comme l’une des meilleures boulangeries Biologiques de la capitale à l’époque, elle attire une clientèle aussi nombreuse que fidèle. Elle sera revendue par Dominique Saibron en 2006 à un certain Chihab Kacemi, qui en assure depuis lors la gestion. Je dois dire que j’étais un client relativement fidèle à une époque, j’appréciais beaucoup la tourne de Monge au Blé Noir, ainsi que bien entendu la fameuse Boule Bio ou encore le pain aux Noisettes. J’ai vu la qualité chuter progressivement, ce qui m’a incité à aller voir ailleurs. En parallèle, Dominique Saibron a ouvert sa boulangerie, où il reprenait une partie de la gamme proposée jusqu’alors dans la boutique du 123 rue Monge. J’ai été goûter les produits, comme l’aurait fait n’importe quel client, et j’y ai retrouvé la qualité que j’avais perdu dans le 5è arrondissement.

C’est sur ce point là que M. Kacemi a commencé à attaquer ma démarche et le billet que j’avais rédigé au sujet de ses boulangeries. En effet, ce charmant homme refuse que l’on puisse comparer les produits proposés par ses boutiques et celle de Dominique Saibron. Or, c’est à peu près ce que ferait tout client confronté à deux offres similaires en terme de recettes. Disposant visiblement d’une vision très parcellaire de mon travail et des visites que j’effectue quotidiennement dans les boulangeries parisiennes, cet homme a pu affirmer que j’étais financé par M. Saibron, qu’il m’aurait invité dans des restaurants luxueux… et que cela ne fonctionnait pas de cette façon chez lui.

Un conflit profond semble exister entre les deux hommes et leurs entreprises respectives. Un procès s’est tenu, un second aura lieu dans les prochains mois, et ce sera aux juges de trancher entre les deux parties. Je ne vois pas vraiment en quoi le painrisien s’inscrit dans cette affaire, mis à part au travers de mes critiques distinctes de ces deux boulangeries. Non content de m’avoir déclamé cet argumentaire de façon téléphonique, j’ai donc eu l’occasion de l’entendre à nouveau de vive voix, au cours d’un entretien à l’intérêt limité.
J’avoue avoir beaucoup de mal à comprendre un tel acharnement, alors qu’il y aurait beaucoup mieux à faire. En effet, même si les produits proposés ont été tous certifiés Biologique, la qualité ne s’est pas améliorée. M. Kacemi l’a reconnu lui-même : il est difficile de contrôler la production dès lors que l’on se développe et qu’au lieu de gérer une boutique on en gère 3, comme c’est le cas du Boulanger de Monge aujourd’hui. Cela est loin pour autant d’expliquer et de justifier les baisses de qualité observées, que ce soit en terme de saveurs, de façonnage ou de cuisson. L’entrepreneur met en avant le « débauchage » d’une partie du personnel de son entreprise par Dominique Saibron pour tenter d’expliquer cet état de fait. Pour autant, même si les hommes sont partis, les recettes demeuraient et je suis assez perplexe quant à la difficulté de trouver un personnel apte à maintenir un certain niveau de qualité sur la gamme de produits. Peut-être y’a-t-il également une question de volonté.

Je suis donc prévenu : j’aurai des nouvelles du Boulanger de Monge et de M. Kacemi dans les mois à venir. Je ne vous cache pas que cela me ravit, car j’aime entretenir des relations avec de si charmantes personnes. D’ailleurs, à présent, si je souhaite me procurer du pain au 123 rue Monge, il faudra que je passe par la direction… et oui, je suis interdit d’achat dans cette boulangerie. Une bien curieuse – et illégale – pratique. Rien d’étonnant toutefois, car nous sommes bien dans… la Quatrième Dimension.

Nous faisons tous des erreurs, notre parcours ne peut être rempli de réussites et de moments forts. Notre responsabilité n’est pas toujours engagée directement, mais ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas reconnaitre le problème et se remettre en question. J’ai déjà fait des erreurs ici-même, j’en ferai certainement d’autres, et j’espère simplement que j’aurai l’honnêtetê intellectuelle de les admettre pour avancer et faire progresser le débat.

Philippe Conticini a eu cette démarche suite à mon billet au sujet de la bûche Sensation et Emotion, qui présentait un important défaut de fabrication. C’est suite à celà – et à son initiative – que j’ai pu le rencontrer pour échanger à ce sujet, mais également sur d’autres.
J’ai ainsi fait connaissance avec un homme passionné, perpétuel insatisfait vis à vis de son travail, et bien loin du jeu des égos que l’on peut souvent observer dans les sphères de la gastronomie. Comme vous avez pu certainement le lire ailleurs, M. Conticini a connu de graves problèmes de santé suite à une erreur médicale. Après plusieurs mois de lutte, d’efforts, de rééducation, il a repris le travail au sein du laboratoire de la Pâtisserie des Rêves le 5 septembre dernier. Sa première action a été de remercier ses équipes pour avoir « tenu le flambeau » pendant son absence, et goûter les produits, apprécier la production journalière sans la commenter. C’est suite à cela qu’il a pu en tirer des conclusions, et retravailler les produits, avec Angelo Musa et son équipe.

Retravailler, se remettre en question, c’est le mot d’ordre chez ce passionné de goût, toujours en quête d’une note de plaisir à partager. Petit à petit, il a remis à plat les différentes recettes de la gamme développée au sein de la Pâtisserie des Rêves, en cherchant toujours à expliquer à ses équipes pourquoi et comment il était possible de faire mieux. Dégustations quotidiennes et répétées, essais de différentes méthodes, tout y passe pour parvenir à un résultat qui puisse être à la hauteur de ses attentes. Pas question de se presser : il faut prendre le temps, c’est toujours avec ce fameux temps que l’on parvient à des produits de qualité. Justement, c’est ce qui a été un peu oublié dans la réalisation de cette fameuse bûche. L’ensemble des essais qui auraient dû être effectués pour éviter le problèmes rencontrés n’avaient pas été menés, et la fragilité naturelle de la gelée de pamplemousse a abouti au résultat que j’ai pu décrire précédemment. De telles situations ne pourront de toute façon jamais être totalement exclues, la pâtisserie est une discipline vivante, vibrante et c’est tellement mieux ainsi. L’ennui ne manquerait pas d’apparaître si tout était maîtrisé et sans risque. Certes, M. Conticini n’est intervenu que de loin sur les bûches de Noël, du fait de son état de santé, mais ce n’est pas pour autant qu’il se décharge des erreurs et problèmes.

Peu importe, au final. Certes, ce dessert n’aura pas contribué à la réussite de la fête, mais j’ai bien compris que cela ne resterait pas lettre morte, tout comme pour les autres personnes dans le même cas que moi. Les réclamations que peut recevoir M. Conticini, ou les avis qu’il a l’occasion de lire sur Internet, sont souvent suivis d’effet, et c’est suffisamment rare pour qu’on le signale.
Peut-être est-ce tout simplement lié au fait que ce chef, au parcours prestigieux (Peltier, Petrossian, La Table d’Anvers…), est resté avant tout un homme, ouvert et honnête. Il n’agit pas pour servir des intérêts de communication et d’image (d’ailleurs, il ne souhaite pas se charger de ces sujets, qui sont dévolus à son associé Thierry Teyssier), mais uniquement pour encore et toujours avancer vers des produits gourmands et généreux. J’ai été vraiment touché par cette générosité, ce goût des autres… Tout est vraiment une affaire de goût, justement. Ce sens du goût si particulier, difficilement accessible. C’est d’ailleurs pour cela que l’on ne retrouve que des classiques – certes revisités et réalisés « version cinq étoiles – à la Pâtisserie des Rêves : si M. Conticini laissait libre cours à son imagination, il y a fort peu de chances pour que le public comprenne ses créations.
Pourtant, ce n’est pas faute de tenter de les expliquer : le pâtissier – et ancien cuisinier – compte plusieurs ouvrages à son actif, dont le sublime « Sensations ». Tous n’ont pas été des succès d’édition, mais cela n’empêche pas les éditeurs de continuer à solliciter ce créateur en permanence : ainsi, plus d’une dizaine d’ouvrages ont été signés pour les six prochaines années, depuis Septembre ! C’est sans compter les nombreuses prestations de conseil réalisées pour diverses marques et entreprises, en plus de ses activités au sein de la Pâtisserie des Rêves. Rien ne peut arrêter cette « bête de travail », mis à part… lui-même.

Je dois dire qu’il y a des rencontres qui vous marquent plus que d’autres. Celle-ci en fera certainement partie. Nous avons passé plus d’une heure à échanger « d’homme à homme », sans tabou ni quelconque forme de recherche d’intérêt. Non, nous avons simplement échangé des paroles sur la pâtisserie… mais aussi sur le reste, sur la vie, tout simplement. C’est ce qui fait la différence entre un pâtissier médiocre et un grand chef, à mon sens : l’ouverture sur le monde, la capacité à intégrer dans cette discipline des expériences, des émotions, du vécu. Quand on déguste un éclair au café de la Pâtisserie des Rêves, on doit chercher cette douceur régressive apportée par la coque de chocolat au lait, ajoutée pour compenser la force du café. Pour le Moka, ce sont ces notes de fleur de sel qui relancent le plaisir et nous donnent envie d’en reprendre une bouchée pour prolonger l’expérience. Je pourrais continuer la liste assez longtemps, mais ce serait au détriment de l’idée, qui est à la fois si simple et si complexe : la pâtisserie, c’est avant tout du plaisir et de l’émotion. Beaucoup ont oublié ces notions et d’enferment dans des logiques de création sans inscription dans le réel. Peut-être est-ce parce qu’ils ont quitté leurs laboratoires, parce qu’ils préfèrent la douceur confortable de leurs bureaux et de leurs « ateliers de création ». Difficile à dire, même si c’est ce que j’aurais tendance à penser.

Pour parler un peu de futur et d’avenir, d’ailleurs… De nouvelles créations feront leur apparition à la Pâtisserie des Rêves à partir de la mi-février, avec notamment des déclinaisons du Grand Cru autour du Café, du Praliné, … mais également un automne japonais à la rentrée, puisque le concept va s’étendre dans cette région du monde. Il n’y a pas de raison que les nippons n’aient pas droit à leur part de rêve, d’autant que les événements de ces derniers mois ne les ont pas épargnés.

J’espère qu’au travers de ces mots vous ressentirez bien la force de la démarche qui est celle de M. Conticini, et combien elle peut me parler. C’est pour cela que j’ai à coeur de la partager aujourd’hui.