Nous faisons tous des erreurs, notre parcours ne peut être rempli de réussites et de moments forts. Notre responsabilité n’est pas toujours engagée directement, mais ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas reconnaitre le problème et se remettre en question. J’ai déjà fait des erreurs ici-même, j’en ferai certainement d’autres, et j’espère simplement que j’aurai l’honnêtetê intellectuelle de les admettre pour avancer et faire progresser le débat.

Philippe Conticini a eu cette démarche suite à mon billet au sujet de la bûche Sensation et Emotion, qui présentait un important défaut de fabrication. C’est suite à celà – et à son initiative – que j’ai pu le rencontrer pour échanger à ce sujet, mais également sur d’autres.
J’ai ainsi fait connaissance avec un homme passionné, perpétuel insatisfait vis à vis de son travail, et bien loin du jeu des égos que l’on peut souvent observer dans les sphères de la gastronomie. Comme vous avez pu certainement le lire ailleurs, M. Conticini a connu de graves problèmes de santé suite à une erreur médicale. Après plusieurs mois de lutte, d’efforts, de rééducation, il a repris le travail au sein du laboratoire de la Pâtisserie des Rêves le 5 septembre dernier. Sa première action a été de remercier ses équipes pour avoir « tenu le flambeau » pendant son absence, et goûter les produits, apprécier la production journalière sans la commenter. C’est suite à cela qu’il a pu en tirer des conclusions, et retravailler les produits, avec Angelo Musa et son équipe.

Retravailler, se remettre en question, c’est le mot d’ordre chez ce passionné de goût, toujours en quête d’une note de plaisir à partager. Petit à petit, il a remis à plat les différentes recettes de la gamme développée au sein de la Pâtisserie des Rêves, en cherchant toujours à expliquer à ses équipes pourquoi et comment il était possible de faire mieux. Dégustations quotidiennes et répétées, essais de différentes méthodes, tout y passe pour parvenir à un résultat qui puisse être à la hauteur de ses attentes. Pas question de se presser : il faut prendre le temps, c’est toujours avec ce fameux temps que l’on parvient à des produits de qualité. Justement, c’est ce qui a été un peu oublié dans la réalisation de cette fameuse bûche. L’ensemble des essais qui auraient dû être effectués pour éviter le problèmes rencontrés n’avaient pas été menés, et la fragilité naturelle de la gelée de pamplemousse a abouti au résultat que j’ai pu décrire précédemment. De telles situations ne pourront de toute façon jamais être totalement exclues, la pâtisserie est une discipline vivante, vibrante et c’est tellement mieux ainsi. L’ennui ne manquerait pas d’apparaître si tout était maîtrisé et sans risque. Certes, M. Conticini n’est intervenu que de loin sur les bûches de Noël, du fait de son état de santé, mais ce n’est pas pour autant qu’il se décharge des erreurs et problèmes.

Peu importe, au final. Certes, ce dessert n’aura pas contribué à la réussite de la fête, mais j’ai bien compris que cela ne resterait pas lettre morte, tout comme pour les autres personnes dans le même cas que moi. Les réclamations que peut recevoir M. Conticini, ou les avis qu’il a l’occasion de lire sur Internet, sont souvent suivis d’effet, et c’est suffisamment rare pour qu’on le signale.
Peut-être est-ce tout simplement lié au fait que ce chef, au parcours prestigieux (Peltier, Petrossian, La Table d’Anvers…), est resté avant tout un homme, ouvert et honnête. Il n’agit pas pour servir des intérêts de communication et d’image (d’ailleurs, il ne souhaite pas se charger de ces sujets, qui sont dévolus à son associé Thierry Teyssier), mais uniquement pour encore et toujours avancer vers des produits gourmands et généreux. J’ai été vraiment touché par cette générosité, ce goût des autres… Tout est vraiment une affaire de goût, justement. Ce sens du goût si particulier, difficilement accessible. C’est d’ailleurs pour cela que l’on ne retrouve que des classiques – certes revisités et réalisés « version cinq étoiles – à la Pâtisserie des Rêves : si M. Conticini laissait libre cours à son imagination, il y a fort peu de chances pour que le public comprenne ses créations.
Pourtant, ce n’est pas faute de tenter de les expliquer : le pâtissier – et ancien cuisinier – compte plusieurs ouvrages à son actif, dont le sublime « Sensations ». Tous n’ont pas été des succès d’édition, mais cela n’empêche pas les éditeurs de continuer à solliciter ce créateur en permanence : ainsi, plus d’une dizaine d’ouvrages ont été signés pour les six prochaines années, depuis Septembre ! C’est sans compter les nombreuses prestations de conseil réalisées pour diverses marques et entreprises, en plus de ses activités au sein de la Pâtisserie des Rêves. Rien ne peut arrêter cette « bête de travail », mis à part… lui-même.

Je dois dire qu’il y a des rencontres qui vous marquent plus que d’autres. Celle-ci en fera certainement partie. Nous avons passé plus d’une heure à échanger « d’homme à homme », sans tabou ni quelconque forme de recherche d’intérêt. Non, nous avons simplement échangé des paroles sur la pâtisserie… mais aussi sur le reste, sur la vie, tout simplement. C’est ce qui fait la différence entre un pâtissier médiocre et un grand chef, à mon sens : l’ouverture sur le monde, la capacité à intégrer dans cette discipline des expériences, des émotions, du vécu. Quand on déguste un éclair au café de la Pâtisserie des Rêves, on doit chercher cette douceur régressive apportée par la coque de chocolat au lait, ajoutée pour compenser la force du café. Pour le Moka, ce sont ces notes de fleur de sel qui relancent le plaisir et nous donnent envie d’en reprendre une bouchée pour prolonger l’expérience. Je pourrais continuer la liste assez longtemps, mais ce serait au détriment de l’idée, qui est à la fois si simple et si complexe : la pâtisserie, c’est avant tout du plaisir et de l’émotion. Beaucoup ont oublié ces notions et d’enferment dans des logiques de création sans inscription dans le réel. Peut-être est-ce parce qu’ils ont quitté leurs laboratoires, parce qu’ils préfèrent la douceur confortable de leurs bureaux et de leurs « ateliers de création ». Difficile à dire, même si c’est ce que j’aurais tendance à penser.

Pour parler un peu de futur et d’avenir, d’ailleurs… De nouvelles créations feront leur apparition à la Pâtisserie des Rêves à partir de la mi-février, avec notamment des déclinaisons du Grand Cru autour du Café, du Praliné, … mais également un automne japonais à la rentrée, puisque le concept va s’étendre dans cette région du monde. Il n’y a pas de raison que les nippons n’aient pas droit à leur part de rêve, d’autant que les événements de ces derniers mois ne les ont pas épargnés.

J’espère qu’au travers de ces mots vous ressentirez bien la force de la démarche qui est celle de M. Conticini, et combien elle peut me parler. C’est pour cela que j’ai à coeur de la partager aujourd’hui.

3 réflexions au sujet de « Rencontre avec Philippe Conticini… pour des Rêves gourmands »

  1. Touché Rémi. Vraiment touché par cet homme et sa démarche toute entière tournée vers la simplicité. Louise Chauchard m’avait parlé de lui dans les mêmes termes.
    A mon prochain voyage à Paris je ne manquerais pas de passer goûter cette Patisserie Rêvée.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.