Billets d'humeur

08
Déc

2012

Retour en terre boulangère parisienne

Les vacances, c’est bien, mais il faut aussi en revenir. Une semaine en trois ans, je crois ne pas avoir abusé des bonnes choses. Malgré le temps cahotique, je serais bien resté encore un peu admirer ces plages, profiter un peu de l’air marin. C’est ainsi.
De retour en « terre boulangère parisienne », on peut mieux profiter de la chance que nous avons ici de disposer d’un grand nombre d’artisans talentueux et passionnés.

A Deauville, la Boulangerie de l’Avenir reste sans doute ma plus forte recommandation : une baguette Rétrodor de qualité, un pain Brié aux délicieuses notes salées ainsi que quelques gourmandises accompagnées d’un accueil charmant, voilà qui créé un environnement agréable !

En Province, moins d’habitants et donc moins de boulangers. Un seul, parfois deux, tout de même un peu plus à Deauville où j’étais en villégiature. Il suffit qu’ils soient peu intéressés par leur métier pour être condamnés à du pain médiocre, ainsi que bien souvent à des gourmandises industrielles. Dès lors, difficile de se plaindre du développement des rayons « boulangerie » en grande et moyenne distribution.

Au delà de la qualité, il y a aussi un vrai déficit en terme de créativité et de remise en question : la plupart du temps, on retrouve des produits similaires chez l’ensemble des artisans, la faute à l’influence des réseaux boulangers. Les spécialités locales sont tout de même présentes, sans bénéficier d’une attention particulière ni d’une mise en avant correspondant à ce qu’elles mériteraient : il y a pourtant là un savoir-faire et une tradition à défendre. Je ne suis même pas certain qu’en définitive la clientèle locale ait à coeur de maintenir ces produits dans leurs boulangeries, cela tenant plus d’un intérêt de touriste de passage, venu découvrir les charmes d’une localité.

Bref. Le painrisien que je suis, ou plutôt que je suis devenu par la force des choses, se dit inévitablement qu’il y a des choses à faire dans ce vaste territoire et qu’il serait sans doute intéressant d’y passer un peu plus de temps, de creuser la question pour faire en sorte que des initiatives prises par des boulangers « locaux » prennent de l’ampleur et servent d’exemple pour un renouveau progressif dans nos régions. Je suis inévitablement tenté par ce challenge et il faudra sans doute que je m’y intéresse de façon plus poussée et sérieuse… à suivre.

Revenir à Paris, c’est aussi reprendre pied avec les actualités qui font que cette ville est aussi passionnante. Je vous avais parlé d’ouvertures à venir, et c’est avec grand plaisir que je suivrai celle de Gontran Cherrier à Saint-Germain-en-Laye ce lundi, ou encore des « Eclairs de Génie » de Christophe Adam en plein coeur du Marais. Les fêtes approchent à grand pas et les températures hivernales invitent des pains aux arômes marqués dans les présentoirs de nos boulangeries : le seigle est toujours à l’honneur pour accompagner les plats de fête, parfois agrémenté de citron ou de fruits secs. Il ne faudra tout de même pas manquer de varier les plaisirs avec des créations à la châtaigne, aux noisettes ou autres plaisirs d’hiver…

Le painrisien est donc de retour, avec sans doute quelques surprises dans les cartons pour les semaines à venir !

Prendre son envol, quitter l’emprise d’une influence, qu’elle soit familiale, religieuse, professionnelle… ou même boulangère. Voilà une décision courageuse, et souvent difficile à prendre au vu des implications qu’elle peut présenter. Certains n’y parviendront pas et resteront accrochés à leurs attaches, ce qui les empêchera inévitablement de prendre de la hauteur et de se réaliser tout à fait.
Je parle d’influence boulangère car c’est bien souvent ce qu’imposent les grands «réseaux boulangers» aux artisans qui les rejoignent. Certes, ils prennent la décision en leur âme et conscience, mais j’ose espérer qu’ils n’en mesurent pas tous les enjeux à l’instant où ils le font.

Même si certains continuent à alimenter de telles entreprises, nombre de boulangers font aujourd’hui le choix de privilégier des meuniers leur laissant plus de liberté quant à leur identité et à leurs produits. Une excellente chose quand on constate le manque de diversité dans l’offre boulangère que l’on connaît encore aujourd’hui.
Dans le 12è arrondissement, au sein de cette large artère qu’est le Cours de Vincennes, le pain m’a pris de cours… de court, pardon. En effet, Guillaume Cailleaud a entrepris cet été des travaux de rénovation dans sa petite boutique, mais ne s’est pas limité à ce changement cosmétique : il a quitté le groupement Banette pour faire appel aux Moulins Bourgeois.

Cela explique pourquoi nous pouvons aujourd’hui faire la cour à une Reine… des Blés. La baguette de Tradition, réalisée à partir d’une farine Label Rouge, se révèle charmante, avec son parfum de froment bien prononcé et sa croûte craquante. On y retrouve bien les «standards» de cette baguette typique du meunier de Verdelot.
Pour le reste, la gamme manque encore de vigueur, à peine y retrouve-t-on des pains dits «de Campagne», de mie ou encore différents mélanges développés par les Moulins Bourgeois, incluant notamment diverses céréales. On appréciera tout de même les cuissons très correctes, ainsi que des façonnages généralement appliqués.

Les gourmands pourront se satisfaire de pâtisseries boulangères, à l’image des déclinaisons de tartes gourmandes (chocolat, citron) ou au fruit. La tarte aux pommes de la maison s’est d’ailleurs récemment distinguée, se classant XXè au Concours de la Meilleure Tarte aux Pommes d’Île-de-France. Les viennoiseries ne présentent pas d’intérêt particulier, tout comme les sandwiches, visiblement réalisés à partir de baguette de pain courant, ayant pour effet immédiat de leur retirer tout intérêt en terme de saveur et de croustillance. Une formule, proposée à 7€, permet de constituer un repas avec une part de Tarte au choix, ainsi qu’une boisson en bouteille.

Une boutique neuve, certes, mais une histoire débutée de longue date : la Maison Cailleaud est installée ici depuis 1973, une longévité bien rare dans notre capitale, à plus forte raison sur un axe aussi nébuleux et passant que celui-ci. Le style élégant et les carreaux biseautés façon station de métro s’accompagnent d’un service honnête et sans fioritures, ce qui correspond bien à l’ambiance du quartier.

Infos pratiques

104 Cours De Vincennes – 75012 Paris (métro Porte de Vincennes, ligne 1) / tél : 01 43 40 30 07
ouvert du lundi au vendredi de 6h30 à 20h15, le samedi de 7h30 à 14h.

Avis résumé

Pain ? On ne peut que remarquer le changement opéré ici depuis cet été : exit la gamme Banette, Guillaume Cailleaud a fait le choix des farines Bourgeois et c’est à saluer. Le résultat ? Une Reine dans le cours, proposée à sa cour… et cette dernière ne manque pas d’attrait, avec un parfum de froment bien présent, une mie assez fraiche et bien alvéolée ainsi qu’une croûte fine et craquante. La gamme est assez courte en dehors de cette proposition de qualité, avec les traditionnels pains de Campagne, complets et autres mélanges aux Céréales. Cuissons très correctes et façonnages appliqués sont cependant au programme, ce qui contribue à donner une certaine valeur aux pains de l’artisan.
Accueil ? Simple, honnête et efficace. Rien de plus à ajouter, et c’est tant mieux, car on n’attend pas autre chose de cette petite boulangerie de quartier… si l’on peut parler de quartier, car le Cours de Vincennes s’apparenterait plutôt à un large couloir urbain.
Le reste ? Des gammes courtes et sans plus de cérémonie, avec des pâtisseries boulangères où les tartes sont à l’honneur, accompagnées de quelques éclairs et autres gourmandises (palmiers, sablés…). Rien d’exceptionnel, même si la Tarte aux Pommes a été récemment primée. Même constat côté viennoiseries, et malheureusement le secteur salé traine un peu plus des pieds, avec des sandwiches très moyens.

Faut-il y aller ? Pour encourager le changement boulanger, sans aucun doute. Sortir d’un réseau boulanger n’est pas un acte que font tous nos artisans, et c’est bien le signe d’une certaine volonté à développer son identité en dehors de toute marque. A mon sens, c’est par là que passera le salut de la boulangerie artisanale, en plus d’un pain de qualité, ce qui va de soi. En la matière, Guillaume Cailleaud nous propose une Reine des Blés tout à fait honorable, voilà donc une affaire qui suit son… cours.

Les pâtisseries ne sont sans doute pas le centre d’intérêt principal du painrisien. Cela faisait d’ailleurs longtemps que je n’avais pas choisi de vous en présenter une. En effet, au delà du sucre, du goût et des textures, j’ai à coeur de vous parler d’histoires, de véritables volontés de partager un certain état d’esprit, et j’ai plus souvent l’occasion de le faire au sujet du pain. Cela tombe bien, pour un painrisien.

J’aime quand les artisans choisissent d’aller à contre-courant des tendances, afin de proposer à leur clientèle un résultat singulier mais non moins savoureux. J’ai quitté pour quelques jours les rues de la capitale pour prendre l’air… dans une cité où l’inspiration parisienne se fait plutôt présente : à Deauville, et plus particulièrement le week-end, on retrouve nombre d’éléments qui ne sont pas sans rappeler la «ville lumière». Lumière, vous avez dit ? Pas sûr d’en voir beaucoup, en fait, mais peu importe.

Dis moi comment tu consommes et je te dirais qui tu es. Regarder les vitrines des artisans, c’est un peu comme avoir l’occasion de faire une étude sociologique, certes à la petite semaine. A une époque où nous vivons dépourvus de toute crainte de manque immédiat, il faudrait afficher en permanence une abondance presque vulgaire… et surtout dénuée de sens, puisque les produits finissent toujours par manquer de fraicheur. Comment qualifier des présentoirs pleins juste avant l’heure de fermeture ? J’ai fini par baisser la tête et continuer mon chemin.

Rien de cela chez François Gayet. Ici, les mots d’ordre sont qualité, fraicheur mais aussi discrétion. Un emplacement un peu à l’écart du centre, une boutique-laboratoire sans artifice, mais surtout un choix volontairement limité pour des horaires tout aussi restreints : cette pâtisserie n’est en effet ouverte que du vendredi au dimanche, ce qui correspond à la période où la cité est la plus peuplée. Le reste du temps, il faudra commander pour profiter des douceurs de l’artisan.
Des classiques bien exécutés (Paris-Brest, Baba au rhum, Opéra…) ainsi que quelques propositions autour des fruits de saison (Fraisier ou Framboisier, Tartes aux fruits…) côté pâtisserie, quelques viennoiseries et deux variétés de cakes en plus du chocolat, de l’épicerie fine (confitures Tea Together, jus Alain Milliat), une phrase suffit pour faire le tour de l’endroit.

«Le meilleur ne se fait qu’avec de l’excellent» annonce fièrement son petit dépliant de présentation. J’ai bien retrouvé dans ce petit entremet «Green» la prétention de François Gayet et Laurence Juguet.
Cela a commencé sur le plan visuel : le vert pâle de cette pâtisserie ne cherche pas à annoncer de façon tonitruante qu’elle contient de la pistache. Tant mieux, car le parfum que l’on y retrouve est bien loin d’être celui des pâtes de pistaches industrielles, où le vert façon «incroyable Hulk» semble être de rigueur.
Ainsi, on commence la dégustation par la crème brulée à la pistache, douce et onctueuse. Le voyage commence vers les terres chaudes où le fameux fruit sec est cultivé… Partons en Sicile, où les embruns de Deauville semblent plutôt étranges et inconnus. Le petit insert de compotée de Framboise apporte ses notes acidulées avant de fondre dans la base de macaron craquant-moelleux, lequel distille ses notes grillées. Une façon de donner du caractère à la création, pour éviter l’écueil d’une douceur excessive.

Un léger glaçage au chocolat blanc contribue quant à lui à conférer au produit un peu de rondeur lactique. On croque enfin dans la pistache émondée disposée en décor, et l’expérience est terminée.

Au travers de produits sobres et bien exécutés, les «Pâtisseries du Bord de Mer» tranchent nettement avec l’offre tapageuse développée dans la plupart des échoppes de la cité normande. Entremets bariolés, figures quasi-acrobatiques… Une démonstration de savoir-faire dont on se passerait bien, même si Dupont avec un Thé relève tout de même le niveau modestement.

Ainsi, si vous passez par Deauville un week-end, arrêtez vous sur le Green… non, pas au Golf, situé en bordure de la ville, mais bien dans la boutique de François Gayet, dont la savoureuse discrétion mériterait plus de reconnaissance, même si les tarifs se font en définitive un peu trop parisiens.

Green, François Gayet – Les Pâtisseries du Bord de Mer – Deauville (14), 6€ la pièce individuelle.

J’ai souvent du mal à découvrir les bonnes adresses de quartier. Vous savez, ces petites perles qui illuminent simplement et sans cérémonie le quotidien des habitants de leur secteur, qui se contentent de proposer des produits honnêtes sans chercher à plus en faire, à se développer comme certains artisans le font avec plus ou moins de succès. Parfois un lecteur attire mon attention dessus, parfois c’est un professionnel du secteur qui m’incite à aller visiter une boutique… mais malgré tout, le painrisien demeure un «découvreur solitaire», il faut bien que toutes ces heures passées à arpenter les rues de la capitale trouvent un sens, tout de même !

Dans le cas présent, c’était pour aller découvrir les produits de la regrettée pâtisserie Dégardin que je m’étais rendu dans ce secteur. Le 12è arrondissement est une zone plutôt ouvrière et résidentielle, où la gastronomie ne s’est pas concentrée comme elle a pu le faire dans d’autres zones de Paris. Néanmoins, on y retrouve de bonnes adresses, et bien souvent dans un bel esprit d’accessibilité et de simplicité.

Chez le couple Royer, pas de boulangerie tapageuse : la devanture se décline dans des tons noirs et blancs sobres et élégants, avec quelques notes de vert disséminées ça et là. Dans cette boutique disposée en longueur, l’artisan et son épouse prennent plaisir à échanger avec leur clientèle, puisque l’on a parfois le plaisir de retrouver Monsieur en boutique. Ici, les habitués sont reconnus et le caractère social du métier n’est pas oublié.

Si l’on se limitait au social, ce serait tout de même bien dommage, et c’est loin d’être le cas puisque les produits ne sont pas en reste, à commencer par le pain. Nous ne sommes pas roulés dans la farine, mais on pourrait presque le regretter puisque ce boulanger a choisi de faire appel aux moulins Foricher, lesquels lui livrent une matière première de qualité, certifiée CRC Label Rouge. Le résultat sur le produit est plutôt convaincant, avec une baguette de Tradition aux notes de froment bien chantantes, ainsi qu’une croûte fine et craquante. On pourra toutefois regretter un léger manque de développement, ce qui a tendance à générer un caractère un peu sec.
Cette dernière s’accompagne d’une gamme assez large de petits pains aux ingrédients variés, en plus des traditionnelles déclinaisons aux céréales. Je parlais de social un peu plus haut, les Royer ont bien compris l’importance de s’intégrer à la vie de leur quartier, puisqu’ils élargissent leur gamme les jours de marché (lequel s’étend sur le boulevard de Reuilly, juste en face des vitrines de la boulangerie) avec notamment un pain vendu au poids de très bonne facture. Les cuissons sont généralement bien menées.

Pour le reste, le traiteur se retrouve mis à l’honneur avec une gamme variée et plutôt bien vue : des salades vendues au poids accompagnent les habituels sandwiches et autres quiches. On pourra choisir d’intégrer tout cela dans des formules accessibles, lesquelles constituent un repas complet. Côté pâtisserie, rien de bien exceptionnel mais des classiques honorables, qui se déclinent au travers de tartelettes, tartes «à la part» ou encore millefeuilles et pâtes à choux. C’est propre, et cela termine un repas sur une note sucrée bien agréable en ces temps rigoureux.
Les viennoiseries continuent dans le même registre, avec quelques spécialités agréables que l’on aimerait retrouver plus souvent, à l’image d’une sympathique tarte au sucre ou d’un Oranais.

J’ai déjà pu vous toucher quelques mots au sujet du service, j’ajouterai simplement que ce dernier se révèle chaleureux et efficace, avec un esprit «de quartier» qui finit par nous manquer trop souvent à Paris.

Infos pratiques

45 boulevard de Reuilly – 75012 Paris (métro Daumesnil, lignes 6 et 8) / tél : 01 43 43 40 85
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? La boulangerie Royer a fait le choix des farines Foricher, et, comme souvent, on ne peut que l’apprécier : on retrouve ainsi une baguette de Tradition savoureuse, aux agréables notes de froment, accompagnées d’une croûte fine et craquante. Cette dernière pourrait être un peu plus développée, mais ce n’est qu’une remarque accessoire ici. La maison propre également une gamme de petits pains variés, accompagnés par les classiques pains dits «de Campagne», pavés de Tradition et autres propositions aux céréales. Les jours de marché sur le boulevard de Reuilly, la gamme est légèrement élargie pour satisfaire la clientèle, avec notamment un pain «au poids» de bonne facture.
Accueil ? Ici, le couple Royer nous montre qu’il est aux manettes, et Monsieur – le boulanger de l’affaire, comme c’est souvent le cas – passe parfois derrière la caisse pour seconder son épouse et ses vendeuses. Le service est ainsi chaleureux, efficace et conforme à ce que l’on attend d’une boulangerie «de quartier».
Le reste ? La gamme traiteur se dévoile sous des jours variés et plutôt soignés : salades au poids, sandwiches, quiches, yaourts et autres gourmandises… rien ne manque pour se composer un repas rapide et savoureux, pas même un assortiment de formules. Les becs sucrés trouveront sans doute de quoi se sustenter au travers des tartes à la part, même si des pâtisseries classiques sont également présentées dans les vitrines (millefeuilles, tartelettes, pâtes à choux…).

Les viennoiseries sont honorables, sans trop en faire, avec tout de même quelques spécialités appréciables comme des tartes au sucre ou des Oranais, qui ont tendance à se faire rare dans nos boulangeries parisiennes.

Faut-il y aller ? Voilà une maison bien tenue, par un couple dynamique et non moins sympathique. On sent une agréable volonté de s’intégrer dans son quartier tout en proposant des produits de qualité, avec des engagements notables comme le choix d’une farine CRC Label Rouge. Le 12è arrondissement nous réserve décidément des adresses savoureuses, et -trop ?- discrètes.

La rentrée avait été riche en ouvertures de boutiques, mais le plus important reste sans doute d’être prêt pour les fêtes de fin d’année. Certes, le choix d’ouvrir en septembre peut se révéler plus judicieux afin d’être bien calé en terme de production et de service, mais les impératifs en terme de recrutement, travaux et autres formalités administratives poussent souvent à être moins « prévoyant »… l’essentiel restant de ne pas perdre le chiffre d’affaire potentiel que représente la période, une bonne part du résultat de l’année par ailleurs.

L’un des premiers à ouvrir le bal a été Patrick Roger, avec sa boutique-musée de la place de la Madeleine. Un lieu plutôt impressionnant, sur trois niveaux, où le chocolatier-sculpteur expose ses oeuvres dans un écrin fait de tubes d’acier, qui ne sont pas sans rappeler ceux de l’orgue de l’église située juste en face. Ainsi, au delà du caractère strictement commercial du lieu, on trouve une véritable dimension artistique qui rejoint astucieusement le marketing : impossible de ne pas être marqué par l’expérience offerte au visiteur-client. Bien sûr, le produit est tout aussi remarquable, et cette cohérence ne peut qu’être appréciée. Des chocolats créatifs, aux saveurs et textures parfois détonnantes… l’expression d’un beau savoir-faire.

Pour continuer dans le registre des chocolatiers, et même des Meilleurs Ouvriers de France, Arnaud Larher a ouvert hier sa boutique en plein coeur de Saint-Germain-des-Prés. Située au 93 rue de Seine, la nouvelle implantation de l’artisan montmartrois se veut ambitieuse car faisant face à une institution du quartier, en l’occurrence Gérard Mulot. On y retrouve l’ensemble des gammes développées par le pâtissier-chocolatier : gâteaux individuels ou à partager, macarons, chocolats, confitures et autres gourmandises… Le lieu est plutôt moderne, sobre et lumineux, avec une certaine hauteur sous plafond.

La Pâtisserie des Rêves voit de son côté les choses en grand et ouvre deux boutiques en deux jours. Aujourd’hui, c’était au 19 rue Poncelet, dans le 17è arrondissement, et dès demain au sein du centre commercial Parly II, au Chesnay. Cela s’inscrit dans le prolongement naturel des investissements réalisés ces derniers mois, avec un nouveau laboratoire en septembre 2011 et de nombreuses créations pour cet automne-hiver. Je ne doute pas que nous aurons à nouveau l’occasion de parler de développements pour cette marque…

Passons maintenant aux ouvertures à venir, et nous traversons la Seine pour nous retrouver dans un des autres quartiers « gastronomiques » de la capitale… et plus précisément une rue, la rue des Martyrs. Non contente d’avoir vu s’implanter Sébastien Gaudard, Popelini, Yves Thuriès ou encore la Chambre aux Confitures au cours de l’année écoulée, elle accueillera à compter du 4 décembre la seconde adresse parisienne du chocolatier-caramélier Henri le Roux. La marque cherche à se faire un nom sur la place parisienne et choisit pour cela des adresses dans les centres « traditionnels » de la gourmandise… Pas de prise de risque, mais un effort qui ne doit pas manquer de présenter un certain coût.

Quittons d’ailleurs ces zones pour le 12è arrondissement, où c’est une plus triste nouvelle que j’ai appris : le discret pâtissier-traiteur et même un peu boulanger Sébastien Dégardin a déserté sa boutique du 29 boulevard de Reuilly. Un départ qui ne manquera pas de décevoir les habitants du secteur, appréciant la qualité et l’accessibilité des produits de cet artisan. La qualité est d’ailleurs au coeur de ce choix, puisque c’est pour des raisons de manque de place au sein de son laboratoire que l’ancien chef pâtissier de Michel Troisgros et Pierre Gagnaire a agi ainsi. Nous devrions toutefois le retrouver dans un nouveau lieu en 2013, puisque c’est sa promesse.

Hors de question de finir sur une note aussi noire, annonçons plutôt une bonne nouvelle en banlieue : la troisième boutique de Gontran Cherrier, située à Saint-Germain-en-Laye (décidément, ces Saints Germain !) et plus précisément au 3 rue Grande Fontaine, devrait ouvrir ses portes samedi prochain, le 8 décembre. Voilà qui devrait agréablement bousculer le paysage gourmand de la cité à l’approche des fêtes.

Début 2013, d’autres lieux s’annoncent déjà, avec notamment les très attendus Gâteaux Thoumieux sur la rue Saint-Dominique – sans cesse repoussés mais déjà bien actifs avec la fourniture des desserts dans nombre de restaurants Costes ou pour des événements comme le Sandro Sunday tout récemment. Alain Ducasse devrait également rejoindre le bouillonnant 11è arrondissement, avec un comptoir à chocolat rue de la Roquette.
Tout cela n’est qu’un avant goût, et l’an prochain s’annonce toujours plus gourmand… à suivre.

[MISE A JOUR]
Comme le faisait très justement remarquer Charles en commentaire, la Maison Pariès ouvre sa première boutique parisienne le 15 décembre au 9 bis rue Saint Placide, tout près du Bon Marché. Une excellente nouvelle pour les amateurs de gâteau basque !

Cela bouge aussi autour de la rue Cler, puisque François Pralus ouvrira au 44 sa seconde boutique au sein de la capitale dès samedi prochain, le 8 décembre. L’occasion de découvrir sa toute nouvelle barre infernale Pistache, une expérience très gourmande.

Enfin, les Merveilleux de Fred continuent leur invasion faite de meringue et de crème, puisqu’ils ont récemment inauguré un nouveau point de vente 94 rue Saint-Dominique, dans le 7è arrondissement.

On vit une époque formidable. Une époque où l’individualisme est poussé à ses extrêmes, tout en développant les fantastiques facettes narcissiques de l’être humain. Réseaux sociaux, blogs, Twitter… on cherche à développer sa « marque personnelle », à exister en dehors de tout groupe social ou entité, qu’elle soit privée ou publique. Au delà de ça, de ces actions qui relèvent tout de même d’un certain bon sens, les nouvelles technologies ont aussi développé de véritables comportements déviants… qui n’a jamais vu un homme ou une femme se prendre en photo avec son téléphone portable, en ayant pris soin de choisir une « pose » le ou la mettant en valeur ? La suite logique étant de placer ce cliché en fond d’écran du dit appareil de communication.

Bref. Au delà de ce qui se passe dans la sphère privée, le plus triste est sans doute que le travail de chacun en est affecté. Même combat : nos chefs tentent de se faire une place au soleil, à faire de leur nom une véritable marque. En cuisine, en pâtisserie, et pour certains en boulangerie. Certes, le partage existe, mais il passe surtout par quelques ouvrages vendus en librairie, le quotidien pour leurs équipes et collaborateurs ayant tendance à être bien plus difficile. Il faut servir l’égo et le prestige, ce qui implique un niveau d’exigence parfois démesuré.

Un guide des meilleurs… payeurs.

Au final, ces questions d’égo finissent en histoires d’égouts. Ainsi, on paie pour faire partie des « meilleurs » commerçants dans des guides un peu crapuleux, ou alors on se concentre sur quelques concours destinés à mettre en avant les talents d’une profession. Il n’y a qu’à voir les résultats des concours (nous venons encore de vivre une superbe « saison des concours » – sic!) organisés par le Syndicat de la Boulangerie-Pâtisserie d’Ile-de-France : on y retrouve souvent les mêmes noms, peu importe les catégories. Cette forme de hold-up sert sans doute l’égo de ces artisans, mais rarement leur clientèle : le quotidien est généralement moins rose, j’en suis malheureusement l’un des témoins.

Pensez-vous, la simple clientèle ne va pas faire de classement, aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs, médiatiser le savoir-faire de son boulanger. Tout au plus pourra-t-il en parler à sa famille, à ses voisins. Négligeable.
Ce qui est plus intéressant, pour ceux qui en ont les moyens, c’est de viser les journalistes, les blogueurs, toutes ces personnes qui sont heureuses, à leur tour, de se voir flatter leur égo au travers de présentations, dégustations et autres portages qui ont tendance à tourner à l’orgie plutôt qu’à la réflexion constructive autour du travail réalisé par le chef et son équipe. En dehors de ces sympathiques événements « organisés », certains vont plus loin et mettent en avant leur statut de « blogueur » dès qu’ils en ont l’occasion. Cela devrait-il leur donner une importance particulière, une légitimité à juger du travail des autres ? Créer un blog, cela prend à peine 10 minutes, ne nécessite – dans la plupart des cas – pas de compétence technique… bref, en quelques instants, on s’offre un beau moyen de flatter son égo.

Heureusement, certains passionnés sortent des égouts et agissent tous les jours dans un bel esprit de droiture et d’honnêteté. Envers eux-mêmes, tout d’abord, mais aussi envers les autres. Partager et chercher à construire dans la différence et non pas dans l’indifférence représente un chemin difficile au sein d’une société où l’uniformité, l’apparence et l’absence de prise en compte de l’humain seraient presque érigés en valeurs morales. Courage, il y a de beaux tableaux en couleur à peindre.

En matière de boulangerie artisanale, certains sujets reviennent régulièrement sur « la table », même s’ils ne concernent pas directement le pain ou les produits proposés par les artisans. En effet, la profession est profondément inscrite dans la vie quotidienne et s’empare régulièrement des évolutions de la société, de façon plus ou moins heureuse par ailleurs…

S’il y a bien une chose qui touche et préoccupe nos boulangers, c’est leurs revenus et tout naturellement… leurs caisses. Ces dernières se voient ainsi fortement automatisées, et j’ai déjà eu l’occasion de vous parler de cette tendance que je regrette, même si la profession tente de la défendre bec et ongle. Nous avons récemment échangé à ce propos avec la sympathique étudiante en journalisme Dora Courbon, dont l’article a été publié sur le site Rue89. Les arguments développés par les différents intervenants (qu’ils soient constructeurs, boulangers ou membres du syndicat) ne manquent pas d’intérêt, mais ce qui compte, c’est le ressenti quotidien de la clientèle.

En la matière, j’ai toujours trouvé que ces machines rendaient l’encaissement long au possible. Certains ont décidé de me donner tort, et c’est tant mieux. En effet, à l’Atelier de Christophe, la jolie boulangerie charentonnaise de Christophe Teillet, un effort particulier a été réalisé afin d’intégrer ces caisses automatiques dans le flux de clients. Bien sûr, cela commence par le nombre de machines, puisque ce sont deux monnayeurs Tigra CashGuard qui reçoivent nos espèces – une chose indispensable dès lors que le lieu accueille un certain volume de clientèle.

Rien d’original jusque là, sinon que les clients sont dirigés vers une couleur de monnayeur : gris pour les uns, vert pour les autres. Pendant qu’ils règlent leurs achats, les vendeuses préparent les produits. Je dois bien avouer que le tout est d’une efficacité assez redoutable, en particulier le dimanche matin, où l’affluence est importante. Cette intégration n’est certainement pas le fruit du hasard, puisque Christophe Teillet a choisi cette solution d’encaissement en pionnier, puisqu’il était mis en avant sur le site de Tigra dès 2010.

Toutes ces considérations importent bien moins que la qualité des produits, et en la matière, notre artisan a quelques propositions gourmandes à nous faire. A commencer côté pain, où les produits, sans relever de l’exception, demeurent tout à fait honnêtes et variés. Une baguette de Tradition bien sûr, un peu onéreuse (1,30€ les 250g) même si correcte et soignée, mais également un sympathique et moelleux pain au Miel, très parfumé et remplaçant idéalement au petit-déjeuner des pains de Mie parfois peu digestes, ou encore des pains à la châtaigne ainsi qu’un « Impérial » à la mie dense (association de farines de Seigle et d’Epeautre).

Là où Christophe Teillet exprime sans doute le mieux son talent, c’est du côté des pâtisseries, créatives et plutôt bien vues. On y retrouve bien entendu de grands classiques, mais aussi beaucoup de propositions originales. Les prix demeurent assez élevés pour une boutique de banlieue, même si on appréciera le soin pris pour la réalisation des produits.

Vous l’aurez compris, l’accueil se veut efficace, et de fait pas forcément très humain. Cela manque singulièrement de chaleur, et on passe plus de temps à dialoguer avec le monnayeur qu’avec le personnel de vente… ce qui est pour le moins regrettable.

Infos pratiques

61 rue de Paris – 94220 Charenton-le-Pont (métro Charenton-Ecoles, ligne 8) / tél : 01 43 68 32 90
ouvert tous les jours sauf mercredi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? La gamme, réalisée à partir d’une farine livrée par les Moulins Bourgeois, se révèle plutôt variée et honorable. La baguette de Tradition est plutôt soignée, même si son prix est élevé (1,30€ les 250g). Du côté des pains spéciaux, le pain au Miel, son moelleux et son parfum soutenus en feront un compagnon idéal du petit-déjeuner, même si l’Impérial (Seigle-Epeautre) offre également un certain caractère.
Accueil ? L’organisation mise en place autour des caisses automatiques limite grandement les échanges avec le personnel de vente et toute possibilité de convivialité. Les personnes oeuvrant ici ne sont pas forcément désagréables, mais en définitive, on ne saurait même pas s’en rendre compte…
Le reste ? Le point fort des lieux demeure sans doute la pâtisserie, où on l’on trouve des créations originales et savoureuses. Soignées et colorées sans être tapageuses, elles séduisent plus que ne peuvent le faire les viennoiseries, sans grand relief.

Faut-il y aller ? L’Atelier de Christophe propose aux charentonnais des produits créatifs et plutôt honnêtes, malgré des tarifs assez élevés. On pourra aussi apprécier le caractère sobre et moderne des lieux, en plus des efforts particuliers mis en oeuvre pour rendre le service efficace et, de fait, rapide.

Les pains spéciaux et moi, c’est une longue et grande histoire d’amour… ou de désamour. En réalité, je ne suis pas vraiment adepte de cette tendance à vouloir ajouter des ingrédients au pain, souvent pour masquer son caractère insipide. Je préfère quand les boulangers font des efforts sur la qualité de leurs farines, emploient des céréales particulières ou des moutures différentes… pour autant, il ne faut pas être sectaire et savoir se laisser tenter par des intitulés plus ou moins complexes.

Il y a en effet la question du nommage, et parfois, certains ne manquent pas d’imagination. Certes, c’est plus souvent aux pâtisseries que l’on attribue des noms – qui ne manquent pas d’être discutables -, mais le pain n’est pas en reste. Les plus doués dans le domaine restent sans doute les services marketing de nos chers réseaux boulangers, avec des pains Campaillou très variés, mais aussi les « Bel Orient », « Médiéval » ou même « Bayard » chez Banette. Bref, l’idée est de créer des références chez les consommateurs, rien de bien surprenant là dedans. L’idée est reprise chez certains artisans boulangers, avec souvent un manque évident de cohérence entre la réalité du produit et ce que son nom pourrait laisser entendre.

Rien de tout cela chez Rodolphe Landemaine, qui nous propose depuis quelques semaines dans sa boutique du 18è arrondissement un « Pain Forestier », tout à fait de saison. D’apparence, il ressemble furieusement au pain Summertime proposé jusqu’alors, et pour cause : les bases demeurent les mêmes. Dans les deux cas, on retrouve un pain parfumé et légèrement acidulé, intégrant un mélange de céréales (dont quelques graines d’orge) et « roulé » dans le sésame blanc. Ajoutez à cela un façonnage en grosses pièces, vendues au poids, ainsi que des cuissons poussées et vous obtenez un pain de caractère, dont les teintes s’accorderaient presque à celles présentes dans une… forêt. Admirez le bel acajou de cette écorce… ou croûte. Pour faire muer le produit de l’été à l’automne, les boulangers de la maison Landemaine ont chaussé leurs bottes, enfilé leurs anoraks et chapeaux et sont partis dans les bois…

La récolte a été bonne, puisque l’on retrouve dans ce pain des noisettes, des figues et raisins secs, qui remplacent les pistaches et autres abricots du Summertime. Ces fruits secs « de saison » se complètent particulièrement bien, les figues et raisins apportant une note sucrée sur la douceur croquante des noisettes. Ce qui est très appréciable dans le cas de ce « Forestier », c’est aussi son mélange de textures : la croûte fine craque légèrement, pour laisser place à une mie acidulée et souple, d’excellente tenue, laquelle est parsemée de noisettes entières bien croquantes. Le sésame apporte quant à lui des notes grillées et chaudes, qui contrastent avec les autres ingrédients et nous offre une « température » supplémentaire. La cuisson est un élément important, qui contribue à l’identité bien particulière de ce pain : elle apporte un caractère presque torréfié qui met bien en valeur la légère acidité de la mie, tout en créant un équilibre avec le sucré des fruits secs.

Le format choisi pour ce produit permet de couper de larges tranches, très gourmandes, que l’on accompagnera de victuailles variées selon les moments de la journée. Un peu de confiture ou nature au petit-déjeuner, il se fait le compagnon idéal d’un fromage à pâte pressée cuite, comme le comté, dont il souligne les notes fruitées. De quoi faire oublier rapidement la grisaille ambiante de ce mois de novembre.

Comme toujours chez Rodolphe Landemaine, on appréciera enfin le caractère plutôt accessible de ce produit : il est en effet proposé à 8,30€ le kilogramme, ce qui demeure raisonnable compte tenu des ingrédients utilisés et de la bonne conservation de l’ensemble. De plus, chacun peut choisir une quantité adaptée à ses besoins… un plaisir d’automne à partager, disponible uniquement au 2 rue du Poteau.

Pain Forestier, Rodolphe Landemaine Jules Joffrin – Paris 18è, vendu au poids, 8,30€ le kilogramme.

Je n’ai pas l’habitude d’arriver avec mes gros souliers de « blogueur », tout simplement car je ne considère pas que ce titre me différencie réellement d’un simple client. Ainsi, je me contente donc de passer, de faire mon choix et de payer mes achats… Parfois, je cherche tout de même à établir un contact plus poussé, et je sors alors une de mes petites cartes de visite, qui représentent bien souvent l’occasion de discuter un peu.

Cette fois, c’était chez Joséphine Bakery, la jeune boulangerie de la rue Jacob. Jeune, pas exactement, tout du moins sa reprise par Jean-François Celbert et Benoît Castel est récente. J’ai pu échanger avec ce dernier au sujet de son entreprise, et c’est toujours un plaisir que de rencontrer des artisans passionnés tels que lui.

Forcément, son nom et son parcours ne peuvent laisser indifférent et j’ai plusieurs fois eu l’occasion de le constater. La Grande Epicerie, les Costes, Hélène Darroze, … Autant de références et de grandes maisons pour un chef pâtissier revenu aujourd’hui à la simplicité d’une maison plus modeste. Cette nouvelle aventure est d’ailleurs le fruit du hasard, ou plutôt des opportunités, car Benoît Castel n’avait pas prévu de quitter la grande dame du 7è arrondissement aussi tôt. Seulement voilà, l’occasion était trop belle : une charmante boutique, un emplacement idéal, l’occasion de s’associer à un natif de la même cité… Il n’en fallait pas plus. En effet, les deux compères partagent des origines bretonnes, mais aussi le goût du bon. On reproche souvent à Jean-François Celbert son passé, et notamment son travail au sein du réseau Banette et d’Axiane Meunerie, mais cela s’est fait dans un contexte bien différent de celui que l’on connaît aujourd’hui : en effet, à l’époque, la marque au rouge tonitruant était porteuse d’une volonté qualitative qui a fini par se perdre.

L’engagement ne s’est pas arrêté aux portes du 42 rue Jacob, puisque l’on y retrouve des produits de premier choix, à commencer par le snacking : charcuterie Bellota et comté 18 mois d’affinage pour les sandwiches, peu d’adresses peuvent se vanter d’offrir à leurs clients des matières premières aussi sélectionnées. Cela se poursuit avec une farine de qualité, livrée par les Moulins Bourgeois.
J’avais regretté le manque de choix et le caractère un peu « reclus » du pain, disposé en fond de boutique à l’époque. Mes remarques ont été entendues, puisque les produits sont à présent mis en valeur au plus près de la caisse. La gamme s’est également vue élargie, avec le « Baltique », un pain aux céréales développé par le meunier, une création au Muesli, ainsi qu’un superbe « pain du Coin ». Du coin, vous dites ? Le nom n’a pas été choisi au hasard, car il fait directement référence au levain utilisé pour sa fabrication : ce dernier a en effet été mis au point à partir de… coing ! Cela ne manque pas de donner du caractère à ce pain vendu au poids. Un « pain de Ménage », intégrant du seigle et du sarrasin, vient le rejoindre le week-end. Dans les deux cas, on peut apprécier leur caractère rustique et leur excellente conservation.

Rusticité… et simplicité. Hors de question de proposer des produits complexes, qui ne seraient pas bien maîtrisés. Des gammes courtes, une fraicheur optimale, voilà les maîtres mots de la démarche de Benoît Castel. Il l’applique tout particulièrement à la pâtisserie, qui demeure son secteur de prédilection. Les clients ne s’y sont pas trompés, puisque certains produits, comme le Far Breton et son véritable « lit » de pruneaux, ou la meringue en forme de Cupcake, sont d’ores et déjà devenus des classiques de la maison. Les douceurs devraient d’ailleurs bientôt évoluer, l’artisan souhaitant toujours proposer des produits de saison.

Bien sûr, difficile de prétendre être parfaitement « calé » tout en étant arrivé dans les lieux depuis la rentrée – ce n’est d’ailleurs pas la prétention de l’équipe de la « Joséphine Bakery ». Le laboratoire a été refait à neuf, et l’organisation se met en place de façon progressive. Sans doute faudra-t-il encore près de 6 mois pour être parfaitement au point, mais l’essentiel demeure de proposer des produits honnêtes et de qualité, comme c’est déjà le cas ici. Les progrès sur le pain ont déjà été notables, il faut laisser du temps au temps.

Dans tous les cas, on ne manquera pas de suivre les évolutions de cette charmante « demoiselle boulangère » qu’est Joséphine, car les deux hommes qui la soutiennent semblent vouloir lui donner de bien belles lettres de noblesse.

Billets d'humeur

20
Nov

2012

La Boulangerie de mes rêves

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Il paraît que nous avons tous des rêves d’enfant. Pour certains, ce sera autour d’une profession. Vétérinaire pour les uns, joueur de football pour les autres, mêmes si des souhaits plus originaux s’invitent à l’horizon, comme danseuse (ou même danseur !) étoile, sculpteur entre autres métiers artistiques… Quant à moi, j’aspirais à devenir agent de conduite ferroviaire. Rien de bien glamour, mais une idée de faire avancer les gens, physiquement et pas dans la pensée dans ce cas précis, et de voir un peu de pays. Depuis, je crois que j’ai un peu oublié mes rêves d’enfant, que je suis devenu une grande personne. Vous savez, quelqu’un qui a renoncé, à force de temps et d’événements.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que je ne rêvais sans doute pas de boulangeries. Rien ne m’y invitait vraiment, d’ailleurs, n’étant pas entouré de personnes appartenant à cet univers. La vie prend parfois des virages bien étranges, et aujourd’hui je me prends à la rêver, cette fameuse boulangerie.

Pourrait-on vraiment la faire entrer dans une simple boutique ? Rien de moins sûr, puisqu’elle inclut aussi bien une vision de la filière que de la production quotidienne. Les deux n’en sont pas moins liés, et j’aime à croire que le dernier maillon de la chaine pourrait tout à fait renverser la vapeur.

Saurez-vous reconnaître ce détail d’une des boulangeries parisiennes qui participe à « mon rêve » ? En tout cas, elle nous fait prendre de la hauteur, voir autre chose…

Une Boulangerie, avec un grand B, non pas celui vendu de façon éhontée par la confédération, mais plutôt gagné par la vertu de ses engagements. Cela se joue tout d’abord sur le plan environnemental : nous ne devrions pas accepter d’utiliser des céréales dont la production épuise les terres autant que les hommes qui les cultivent. Ainsi, dans mes rêves, les boulangers auraient à coeur de mettre en oeuvre des farines de haute qualité.

L’effet immédiat pour leurs clients serait à chercher du côté du goût : la matière première finit toujours par s’exprimer, et c’est pour cela qu’elle doit représenter un préalable, placé avant toute autre réflexion. Aller plus loin que le « Bio », dans tous les cas.
Malgré cet engagement, la Boulangerie ne devrait pas moins en rester rêveuse, un peu vagabonde, ouverte sur les goûts et cultures. Inscrite dans un perpétuel refus des codes et principes, elle devrait se remettre en question de façon perpétuelle pour toujours intéresser le consommateur et lui donner de quoi éclairer ses tables et repas.

Ouverte à tous points de vue, d’ailleurs, et notamment sur le plan social, en s’intégrant réellement dans la communauté qui l’entoure et en participant à son développement : l’artisanat est un métier noble, pouvant offrir de nombreuses perspectives à des publics parfois en difficulté. Je crois en sa capacité d' »ascenseur social », encore faut-il seulement accepter d’intégrer couleurs et ethnies sans frein ni à priori.
En bref, c’est le partage qui doit primer et la Boulangerie de mes rêves aurait à coeur de transmettre du savoir auprès d’apprentis et même ouvriers, toujours en quête de nouvelles connaissances.

La Boulangerie de mes rêves serait tout simplement un lieu de vie simple, où chacun aurait plaisir à venir, sans douter un seul instant de son honnêteté et de la qualité de ses produits. Un lieu clair, lumineux, transparent, où l’industrie n’aurait pas sa place, mais seulement le dialogue, l’échange. Bien loin des petits secrets habituels de la filière…

Des artisans donnent vie à mon rêve chaque jour, bien sûr, tout n’est pas parfait et c’est sans doute pour cela que je continue inlassablement à écrire, pour chercher à faire mieux, ou tout simplement à faire vivre mon rêve et celui de quelques-uns… dont l’objectif se résumerait simplement à proposer un pain « comme vous n’en n’aurez jamais vu… ». Boulangerie sait définitivement rimer avec poésie, dès lors qu’on s’en donne la peine.