Le bruit du monde me fatigue. Alors les cris d’admiration, d’approbation ou au contraire de désaccord, vous imaginez bien tout l’effet que cela peut me faire. Dès lors, il faut savoir faire le vide, prendre le temps d’écouter le doux murmure de la Nature, d’un jour qui se lève, ou même de la nuit encore profonde. Cela explique sans doute pourquoi j’ai tendance à fuir les lieux « à la mode » et que j’ai choisi de m’intéresser aux boulangeries, pour leur caractère authentique et inscrit dans le quotidien, bien loin des tendances. Quoique, ces derniers mois m’ont bien montré que toute forteresse n’était jamais imprenable… mais passons.

Vous n’êtes sans doute pas passés à côté de l’information : le très médiatique Christophe Michalak a récemment ouvert sa propre école de pâtisserie-boutique dans le 10è arrondissement. Le chef pâtissier souhaitait créer un lieu où il pourrait exposer sa vision du métier, plus libre, fraiche et décomplexée… pourquoi pas. J’attendrai que les groupies aient fini de s’exclamer pour aller me faire ma propre idée. De mon côté, c’est à La Celle-Saint-Cloud que je suis parti découvrir l’univers d’un artisan talentueux, lui aussi.

Pains et Gourmandises, La Celle-Saint-Cloud (78)

Le rapport entre les deux hommes ? Ils ont travaillé ensemble au sein du laboratoire de production du Plaza Athénée, au sein duquel Vincent Lefèvre a prouvé ses compétences et développé son goût pour une pâtisserie fine et aboutie. Regretté par l’équipe et le chef télévisuel, il a pris son envol à l’été 2011, pour s’installer avec son épouse Lydie au coeur du Centre Commercial du Domaine Saint-François d’Assise.
Pains et Gourmandises, c’est le nom de sa boutique, laquelle offre un écrin simple et sobre à ses créations. Nous sommes bien loin des paillettes et dorures de la capitale, mais je dois dire que je préfère de loin cet environnement verdoyant et authentique, car il correspond pleinement à l’engagement développé ici.

En effet, à tous les rayons, Vincent Lefèvre applique un précepte fondamental : on ne fait du bon… qu’avec du bon. En boulangerie, la farine est livrée par les Moulins Bourgeois, et la Tradition réalisée sur une base de blés Label Rouge. La Reine des Blés trône ainsi dans son présentoir, avec sa silhouette élancée et des croûtons en pointe. Façonnages soignés, cuissons abouties, rien à redire sur l’aspect extérieur, tout comme à la dégustation où la croûte fine craque pour laisser place à la mie fondante et crémeuse. La conservation est également de bon niveau, le produit garde une certaine consistance sans trop sécher jusqu’au lendemain. Un parfum de froment soutenu se dégage, le tout constituant le tableau d’un beau produit, proposé à 1,10€ les 250g. Sa déclinaison biologique, 20 centimes plus chère, ne manque pas de valeur elle non plus, de même que les tourtes de Meule au levain doux. En pains spéciaux, la maison décline mélanges du moulin (Baltik, pain des Labours, …) ainsi que quelques produits plus spécifiques tels que le Tigré, entre le pain de mie et la viennoise, des pains aux fruits secs variés ou de Tradition proposés à la coupe. Attention toutefois sur ces derniers, car les prix ont tendance à grimper rapidement.

Viennoiseries, Pains et Gourmandises, La Celle-Saint-Cloud (78)

S’il y a bien un secteur sur lequel on attend Vincent Lefèvre, c’est celui des gourmandises, et nous sommes bien loin d’être déçus. En quittant le prestigieux palace de l’avenue Montaigne, le pâtissier n’a pas perdu son savoir-faire et nous propose des douceurs de haute volée… pour des prix bien moins élevés, quant à eux. Commençons donc par les viennoiseries, très feuilletées et généreuses, où le croissant surprend par son façonnage plutôt « ramassé » mais non moins enroulé. En parlant de roulés, les pains aux raisins sont d’excellente tenue, à l’image des palmiers. Le pain perdu – à base de brioche -, façonné dans des moules à cake est un modèle du genre, tout comme les cakes, pour rester dans la même forme, à la vanille – astucieusement saupoudré d’une croûte de cassonade, laquelle apporte des notes caramélisées et du craquant -, au citron ou au chocolat. Financiers et brownies au chocolat terminent le tableau moelleux avec tout autant de panache.

Pâtisseries, Pains et Gourmandises, La Celle-Saint-Cloud (78)

Les créations les plus pâtissières ne sont pas en reste : entre tartes feuilletées aux fruits de saison, pâtes à choux créatives (avec notamment le « Paris-La Celle Saint-Cloud » décliné selon les mois et les humeurs), tropézienne, baba au rhum sophistiqué avec pipette et petit pot de crème… on retrouve bien le soucis du détail développé au Plaza Athénée, ainsi que l’équilibre des goûts. Pour des pâtisseries allant de 2,50€ à 3,90€ la pièce, on aimerait juste… que cette charmante cité arborée soit plus proche de Paris.

Pâtisseries, Pains et Gourmandises, La Celle-Saint-Cloud (78)

Avant de partir, petit arrêt du côté des bonbons de chocolat, de bonne facture eux aussi, mais pas vraiment sur l’offre salée, minimaliste et sans intérêt. Compte tenu des horaires en coupure, c’est un choix plutôt compréhensible et cohérent avec le savoir-faire de base de l’artisan. Pour ne rien gâcher, les produits sont servis avec professionnalisme, sourire et maîtrise parfaite des compositions, ce qui achève de faire de Pains et Gourmandises une superbe adresse.

Infos pratiques

53 avenue de la Jonchère – 78170 La Celle-Saint-Cloud (Transilien ligne L, gare de Bougival) / tél : 01 39 69 11 93
ouvert du mardi au samedi de 7h à 13h et de 16h à 20h, et le dimanche matin.

Avis résumé

Pain ? Même si Vincent Lefèvre est avant tout pâtissier, il s’est entouré d’une équipe compétente afin de réaliser des pains de qualité. Cuissons abouties, croûtes fines et craquantes, façonnages soignés, autant de caractéristiques qui font honneur aux farines des Moulins Bourgeois. La baguette de Tradition – réalisée sur base de farine Label Rouge Reine des Blés – exprime pleinement ses parfums de froment et de céréales grillées, en plus de nous séduire avec ses croûtons en pointe. Sa déclinaison en pain à la coupe ne démérite pas, même si le tarif a tendance à s’envoler rapidement (6€/kg). La gamme Bio n’est pas en reste, avec une tourte de Meule d’excellente facture ou une baguette qui n’a rien à envier à sa soeur traditionnelle. Le Tigré satisfera les amateurs de moelleux, tandis que les variations aux fruits secs s’adresseront aux plus gourmands.
Accueil ? Professionnel, souriant et chaleureux, il offre à la clientèle une excellente maîtrise des produits proposés et assure le service avec efficacité. Un élément bien nécessaire car les habitants des alentours ne s’y sont pas trompés : le couple Lefèvre et leur équipe offrent ici des prestations de grande valeur… sans céder à la tentation des manières surfaites.
Le reste ? Impossible de s’arrêter ici sans repartir avec l’une des nombreuses douceurs élaborées par notre artisan : que ce soit en viennoiserie, avec des propositions généreuses et très feuilletées, en gâteaux de voyage – mention spéciale pour le cake à la vanille et sa croûte de cassonade – ou en pâtisserie pure, il serait difficile de mettre en défaut les produits présentés dans les vitrines de cette boutique. Ajoutez à cela des prix démocratiques, voire philanthropiques d’un point de vue parisien et compte tenu de la qualité, vous obtenez des gammes que l’on aimerait vraiment retrouver au sein de notre capitale. Les pâtes à choux, entre religieuses caramel beurre salé, chou façon Paris-Brest, Paris-La Celle-Saint-Cloud aux fruits de saison… sont particulièrement remarquables, entre fondant et craquant.
Seul le salé est en retrait, par l’étendue réduite de l’offre et son absence quasi-complète de mise en valeur.

Faut-il y aller ? Trois fois oui : oui, pour la qualité, oui, pour les prix, oui, pour l’accueil. Voilà une adresse qu’il faut retenir, et qui deviendrait vite indispensable si seulement elle n’était pas aussi éloignée de Paris… La banlieue a du bon, et heureusement que certains artisans ont à coeur de nous le rappeler.

On devrait toujours être mieux préparés aux mauvaises nouvelles. Vous savez, celles qui vous minent le moral au fil de la journée, sans crier gare. Celles qui vous donneraient envie de rester couchés, ou bien d’aller voir si au final, l’herbe ne serait pas plus verte ailleurs. En définitive, la fuite n’est pas une solution et il demeure préférable de rester sur le terrain pour mieux comprendre et répondre à la grisaille, à grands renforts de couleurs et d’espoir. Même si c’est difficile, même si le découragement guette.

Le Moulin de la Vierge, Paris 1er

Je dois dire que je l’étais, découragé, en passant en ce début de semaine rue des Petits Pères, dans le 2ème arrondissement. C’était ici que Lionel Favario avait repris, il y a tout juste un an, la boulangerie « Au Panetier », avec la ferme volonté de redonner ses lettres de noblesse et d’antan à ce lieu chargé d’histoire. Pour cela, le boulanger, reconverti « sur le tard », avait mis au point des produits typés et rustiques, collant parfaitement à l’ambiance du lieu. Pain des Petits Pères, fouace aveyronnaise, tarte fine aux pommes, croquant aux fruits secs entre autres pâtisseries et gourmandises traditionnelles… les efforts étaient aussi notables que nombreux.

On peut en parler au passé car l’aventure a tourné court. Du fait de la lourdeur de la charge financière que représentait la boulangerie et le bar attenant, détenu également par M. Favario, l’entrepreneur a fait le choix de céder l’ensemble à un acteur bien connu sur la place parisienne… puisqu’il s’agit du Moulin de la Vierge.
En effet, la devanture affiche à présent ses couleurs, de même que les produits et tenues des vendeuses. Il faut dire qu’il n’y a pas de choc culturel, l’enseigne ayant fait de ce type de boutique sa marque de fabrique, au point en recréer avec la complicité de Lucien Helle.

Le Bar du Moulin de la Vierge, Paris 1er

Ce choix n’est pas le fruit du hasard, puisque Basile Kamir – fondateur de la micro-chaine boulangère – est un ami de la famille. L’aile restauration est aussi de la partie, puisque le Vide Gousset a mué en « Bar du Moulin », probablement en association avec le groupe Costes, partenaire-associé très proche du Moulin de la Vierge. Alors que l’on avait assisté à la cession progressive de plusieurs adresses de cet ancien porte-drapeau du « bon pain » à Paris (rue Fondary il y a déjà plusieurs années, mais également rue de Lévis plus récemment), la marque serait-elle repartie dans une logique de développement ? A voir.

Intéressons-nous tout de même à ce qui se passe ici : exit les produits spécifiques proposés jusqu’alors, on retrouve des standards, contribuant ainsi à l’uniformisation globale de l’offre boulangère : Paresseuse, Campagne Bio, millefeuille… des classiques qui ont fait le succès de la « Vierge ». L’organisation de l’espace de vente a été légèrement revu. J’avais eu l’occasion d’en parler, le fournil s’inscrit directement dans le prolongement de cette boutique « d’époque », et compte notamment un four à bois. Comme l’indique la devanture, ce dernier devrait reprendre du service après avoir été rénové afin de le rendre à nouveau productif, ce qui n’était plus le cas jusqu’à présent. Là encore, cela s’inscrit bien dans les codes développés par Basile Kamir depuis ses débuts, avec la présence d’un four à Gueulard dans la boutique historique de la rue Vercingétorix.

J’en profite pour souhaiter à Lionel Favario une excellente continuation pour ses projets futurs, même si sa fouace me manque déjà.

Infos pratiques

10 rue des Petits Pères – 75002 Paris / tél : 01 42 60 90 23

Quand on entre dans un fournil, on a du mal à se rendre compte de l’investissement que peut nécessiter l’ensemble des équipements présents dans l’espace, souvent restreint par ailleurs. Bien sûr, il y a le four, sa taille en dit long sur son prix et il y a de quoi se dire que notre cuisinière est, à côté de ça, une pièce de dinette. Seulement, c’est sans compter sur tous les autres éléments : diviseuse, chambre de pousse, pétrin, laminoir pour les viennoiseries, … dans cet environnement, un seul être vous manque et tout est dépeuplé : la production en pâtit, mais le porte-monnaie aussi, car le remplacement du matériel défunt annonce déjà la couleur de la douloureuse.

Vue d'ensemble du "mini-salon".

Vue d’ensemble du « mini-salon ».

Cela explique sans doute la longévité des acteurs de ce milieu. Parmi eux, Panifour fête ces jours-ci ses 30 ans d’activité, avec des portes ouvertes où l’accueil ne manque pas d’être… chaleureux. Aujourd’hui, j’ai donc mis mes pantoufles pour aller à Bondoufle, où siège l’entreprise.

Repose-pâtons et façonneuse manuelle ? Oh, seulement 9990 euros HT, en promotion !

Repose-pâtons et façonneuse manuelle ? Oh, seulement 9990 euros HT, en promotion !

Ici, on met en avant les produits Bongard, et pour cause : l’entreprise en est « distributeur exclusif ». Il y a bien sûr les fours, mais aussi le froid et les outils liés à la production boulangère. Parmi eux, la fameuse diviseuse-formeuse Paneotrad, laquelle est particulièrement mise en avant au sein du fournil de démonstration. Etrangement, le prix n’en est d’ailleurs pas affiché, à l’inverse de la plupart des autres équipements présentés : forcément, mieux vaut ne pas parler tout de suite des choses qui fâchent, et se concentrer plutôt sur les avantages de l’outil : flexibilité, limitation des invendus, petites fournées et pain frais en continu, réduction des contraintes physiques et du travail de pleine nuit… Il ne faut pas pour autant en oublier l’exigence du procédé, qui ne parvient à donner des résultats probants que si toute la chaine est respectée : pétrissage, mise au froid, enfournement… la rigueur du personnel est essentielle, et quand on connaît les difficultés du secteur pour impliquer des professionnels sérieux, il y a de quoi se poser quelques questions.

Autre star de l’événement, la machine « Masterchef » – non, rien à voir avec l’émission de TV -, qui est capable de préparer des crèmes sans risque bactériologique, mais aussi des bases de guimauve, de chocolat… un tout-en-un coûteux mais très pratique à l’usage, une fois la mise en place et la formation effectuées : c’est en effet un outil aussi complet que complexe.

La fameuse Paneotrad, cette diviseuse-formeuse qui représente aujourd'hui le fer de lance de Bongard. Les commerciaux ne tarissaient pas d'éloges à son sujet.

La fameuse Paneotrad, cette diviseuse-formeuse qui représente aujourd’hui le fer de lance de Bongard. Les commerciaux ne tarissaient pas d’éloges à son sujet.

L’entreprise boulangerie est aujourd’hui confrontée à des enjeux qui doivent la pousser à être performante sur tous les plans : ainsi, Panifour a regroupé dans ce mini-salon les compétences d’un fabricant de vitrines & agenceur d’espace (ev&ma), d’une société d’intérim spécialisée boulangerie (Fournil Interim), d’entrepreneurs en bâtiment ainsi que d’experts variés…

Les viennoiseries dans la boutique de démonstration.

Les viennoiseries dans la boutique de démonstration.

Sans compter sur les fournisseurs de matières premières : à la démonstration, les partenaires meuniers se succèdent jour après jour. Hier, les Moulins Bourgeois étaient au four, aujourd’hui les Moulins de Chars, demain le groupe Soufflet, mercredi les moulins Fouché, avec un retour de la minoterie de Verdelot pour clôturer le bal le jeudi. Ainsi, on ne peut pas taxer Panifour de clientélisme, et chacun peut venir découvrir les produits spécifiques de chaque moulin. Impatience, pain des Canuts, Charmante, Tradi, … autant de noms qui résonnaient entre ces murs ce lundi, à côté des spécialités pâtissières et viennoises concoctée par les démonstrateurs. Le plus marquant reste sans doute ce charmant croissant au chocolat, avec son feuilletage coloré et sa barre de chocolat centrale. Un produit élégant… et fondant, qui ne manque pas d’attirer la curiosité du client.

Croissant chocolat, 30 ans de Panifour, lundi 7 octobre 2013

Délice & Création / La Berrichonne présente également ses solutions pour artisans : entre produits finis, prêts à être décongelés, et préparations intermédiaires, il y en a pour tous les goûts et le catalogue est aussi épais que bien fourni. Ne soyons pas sectaires et reconnaissons qu’il y a de bonnes idées à prendre, notamment sur les recettes de snacking, lesquelles sont élaborées avec soin et parfois inventivité.

Le stand 1000mat.com, site mis en place par les distributeurs Bongard et proposant de nombreux ustensiles pour les professionnels.

Le stand 1000mat.com, site mis en place par les distributeurs Bongard et proposant de nombreux ustensiles pour les professionnels.

Encore une fois, cet événement met bien en lumière la complémentarité entre les acteurs et la nécessité pour eux de se regrouper afin de proposer des solutions complètes aux artisans. Pour ces derniers, le problème pourrait bien être d’avoir en face d’eux des entreprises « soudées » et n’ayant aucun intérêt à se faire concurrence, ce qui aurait comme effet direct une élévation progressive des prix. Le coût de la praticité ? A voir. Laissons tout cela fermenter… et cuire, avant d’en tirer des conclusions.

Les pains élaborés par les Moulins de Chars et réalisés au fournil de démonstration par leurs boulangers.

Les pains élaborés par les Moulins de Chars et réalisés au fournil de démonstration par leurs boulangers.

La boulangerie parisienne est un véritable cocon, avec ses 1200 affaires, un peu comme si elle était protégée du grand bouleversement qui se vit en dehors. Banlieue, province, il ne se passe pas une semaine sans que l’on ne lise des histoires d’artisans en danger, pris dans la spirale de la concurrence et des charges. Même si le nombre d’affaires a réduit au sein de la capitale, le commerce y demeure encore bien présent, et la réussite n’est pas impossible dès lors que l’on est doté de savoir-faire, de compétences en gestion d’entreprise et de personnel. A croire qu’un… Ange veille sur la profession.

Installée dans une Zone Artisanale, la boulangerie Ange de Lagny-sur-Marne côtoie un opticien, un drive... et un restaurant Del Arte. Le lieu apporte ainsi une alternative aux ouvriers travaillant dans le secteur, jusqu'ici cantonnés au Mac Donald's situé non loin, où aux repas relativement onéreux de la chaine des pizzerias. En bordure de route, avec du stationnement, l'emplacement est cohérent avec les choix de l'enseigne et présente un indéniable caractère pratique.

Installée dans une Zone Artisanale, la boulangerie Ange de Lagny-sur-Marne côtoie un opticien, un drive… et un restaurant Del Arte. Le lieu apporte ainsi une alternative aux ouvriers travaillant dans le secteur, jusqu’ici cantonnés au Mac Donald’s situé non loin, où aux repas relativement onéreux de la chaine des pizzerias. En bordure de route, avec du stationnement, l’emplacement est cohérent avec les choix de l’enseigne et présente un indéniable caractère pratique.

Ou plutôt, cet Ange veille sur les boulangeries françaises, en s’installant en périphérie et au sein de centres commerciaux. Les Boulangeries Ange ont commencé à se répandre sur notre territoire par le Sud, avec des implantations dès 2008 à Miramas, Istres l’année suivante, Fos-sur-Mer il y a deux ans… puis le Nord, la Bretagne, l’Auvergne… mais aussi l’Ile-de-France, avec une unité située à Lagny-sur-Marne.

Le ton est donné à l'extérieur : ici, il ne s'agit pas d'un terminal de cuisson mais d'une boulangerie artisanale, un point cher à ce type d'enseigne souvent assimilé à de l'industrie pure.

Le ton est donné à l’extérieur : ici, il ne s’agit pas d’un terminal de cuisson mais d’une boulangerie artisanale, un point cher à ce type d’enseigne souvent assimilé à de l’industrie pure.

Après avoir découvert le concept Marie Blachère, il m’était impossible de passer à côté de cette enseigne boulangère, portée par le « 3+1 » (trois produits achetés, un offert), des implantations redoutables et des pratiques bien huilées. Le déploiement des boulangeries Ange est un peu différent : pas de boutiques couplées à une autre entreprise, uniquement des ouvertures en propre, pour un résultat généralement bien mieux fini, avec une atmosphère plus calme et moins portée sur le « spectacle » : l’esprit « marché », qui correspond bien à Grand Frais, n’est pas repris ici. Au contraire, l’idée est de développer un espace plus « cosy » avec le concept Ange Café.

Le client est accueilli par un large étal de pâtisseries, dans un écrin soigné : présentoirs boisés, ambiance tamisée et éclairages portés sur les produits... rien n'est laissé au hasard.

Le client est accueilli par un large étal de pâtisseries, dans un écrin soigné : présentoirs boisés, ambiance tamisée et éclairages portés sur les produits… rien n’est laissé au hasard.

Cosy, oui, mais attention à ne pas virer dans le sombre. C’est malheureusement le cas à Lagny, et même si le noir et le vert ne sont pas sans rappeler les codes du luxe, le résultat manque de lumière. On peut tout de même saluer le travail réalisé sur la solidité de l’ensemble, car un an après l’ouverture, l’ensemble a bien vieilli.
Bien sûr, tous les éléments sont là pour rassurer le consommateur, avec un fournil entièrement ouvert sur l’espace de vente. Les seules cloisons servent à séparer l’espace « café » du flux de clients.

Le traiteur se divise en vente assistée, pour les sandwiches, quiches et salades, et libre-service pour les boissons, desserts et quelques propositions salées. L'organisation est quasi-millimétrée pour être efficace au déjeuner.

Le traiteur se divise en vente assistée, pour les sandwiches, quiches et salades, et libre-service pour les boissons, desserts et quelques propositions salées. L’organisation est quasi-millimétrée pour être efficace au déjeuner.

Le plus intéressant ici sans doute la volonté de se placer sur un créneau qualitatif, en mettant en avant une une liste de « valeurs » développées par l’enseigne. Ainsi, le « 3+1 » est subtilement rappelé par la formule « Ange, c’est trois fois meilleur ». Oui, mais par rapport à quoi ?
10 engagements : goût, produits sains et naturels, prix bas, générosité, fraicheur, citoyenneté, solidarité, simplicité et qualité de l’accueil. Prenons donc tout cela dans l’ordre.

Ma baguette. C'était la plus cuite que l'on ait trouvé. Au nez, on sent un peu d'acidité et un léger parfum de froment. La dégustation se fait dans les mêmes notes, avec une mie bien hydratée et une absence de consistance liée à la cuisson. La conservation n'est pas si catastrophique qu'on pourrait le craindre de par la cuisson, grâce au travail sur levain. Plus cuit, ce serait sans doute un produit de bonne facture.

Ma baguette. C’était la plus cuite que l’on ait trouvé. Au nez, on sent un peu d’acidité et un léger parfum de froment. La dégustation se fait dans les mêmes notes, avec une mie bien hydratée et une absence de consistance liée à la cuisson. La conservation n’est pas si catastrophique qu’on pourrait le craindre de par la cuisson, grâce au travail sur levain. Plus cuit, ce serait sans doute un produit de bonne facture.

Goût : Les pains sont travaillés sur base de levain et on y retrouve une pointe d’acidité qui parvient à les « assaisonner » de façon plutôt agréable. Ainsi, la baguette Ange pourrait bien difficilement être qualifiée de mauvais produit. On peut toutefois regretter son façonnage quasi absent, ce qui aboutit à un pain qui n’attire pas franchement l’oeil. Même remarque pour les cuissons, très peu marquées lors de mon passage. Cela ne semble pour autant pas être une coutume dans ces lieux, où on cherche à répondre à toutes les envies : pavé Ange (aux céréales), pain de semoule, à l’huile d’olive, au levain, aux fruits secs ou pépites de chocolat (les « délices »), aux olives…

Sur les sachets, on rappelle bien le "trois fois meilleur". Sain, naturel, savoureux... Autant d'éléments dont on peut profiter sur place, dans l'espace "Ange Café", qui bénéficie de sa propre carte imprimée sur papier glacé, s'il vous plaît.

Sur les sachets, on rappelle bien le « trois fois meilleur ». Sain, naturel, savoureux… Autant d’éléments dont on peut profiter sur place, dans l’espace « Ange Café », qui bénéficie de sa propre carte imprimée sur papier glacé, s’il vous plaît.

Naturalité : Les farines employées sont livrées par la Minoterie Girardeau, et sont moulues à base de blés CRC. Ce choix est à noter, dans un environnement où l’on cherche plutôt à tirer sur les coûts : la chaine semble avoir bien intégré la nécessité de rassurer le consommateur sur la qualité des matières premières, d’autant plus dans un contexte où les scandales alimentaires sont fréquents.

L'alvéolage est plutôt bien marqué, on est très loin de la baguette de pain courant proposée par de nombreux artisans. Pour 0,95€ (et 0,71€ pour 3 achetées), c'est relativement correct en Ile-de-France... face à cela, nos artisans doivent avoir à coeur de conserver une baguette de qualité à un prix abordable.

L’alvéolage est plutôt bien marqué, on est très loin de la baguette de pain courant proposée par de nombreux artisans. Pour 0,95€ (et 0,71€ pour 3 achetées), c’est relativement correct en Ile-de-France… face à cela, nos artisans doivent avoir à coeur de conserver une baguette de qualité à un prix abordable.

Prix bas : 0,95€ la baguette Ange à l’unité, ce n’est pas si bon marché que cela. Le positionnement prix est ainsi entre la baguette de pain courant et la Tradition, ce qui demeure assez cohérent vis à vis du produit proposé. Bien sûr, le « 3+1 » est redoutable et créé chez le client l’impression de faire une bonne affaire… d’autant que l’on pousse à la surgélation. Un procédé bien connu de l’entreprise, dont une partie des pâtisseries sont clairement indiquées « décongelées », tandis que les tartes aux fruits sont finies sur place, de même que les sandwiches, salades, pizzas et quiches. Le croissant, proposé à 0,80€ la pièce, reste ainsi – tristement – une « bonne affaire », si l’on compare au prix demandé par bon nombre d' »artisans » pour un produit tout aussi industriel.

Même si les viennoiseries sont industrielles, elles demeurent équivalentes à celles proposées par de nombreux "artisans" indépendants... pour un prix inférieur. Dès lors, l'intérêt de la clientèle est compréhensible.

Même si les viennoiseries sont industrielles, elles demeurent équivalentes à celles proposées par de nombreux « artisans » indépendants… pour un prix inférieur. Dès lors, l’intérêt de la clientèle est compréhensible.

Générosité, fraicheur, citoyenneté, solidarité : Pas ou peu de repasse, distribution des invendus à des associations caritatives, on trouverait bien peu de choses à redire là dessus.

Derrière les vendeuses, le fournil est entièrement visible.

Derrière les vendeuses, le fournil est entièrement visible.

Simplicité et qualité de l’accueil : Effectivement, l’offre est claire, le service agréable et efficace, et le caractère parfois désagréable de petites boulangeries de village ou de quartier, où Madame fait profiter la clientèle de toute sa joie de vivre, n’a pas cours ici.

Côté pains spéciaux, on notera que la plupart des pièces sont vendues au poids. A l'inverse de chez Marie Blachère, les prix ont moins tendance à s'envoler, avec notamment un pavé au levain à 4,50€ le kilogramme, ou le pavé Ange aux céréales à 5€/kg.

Côté pains spéciaux, on notera que la plupart des pièces sont vendues au poids. A l’inverse de chez Marie Blachère, les prix ont moins tendance à s’envoler, avec notamment un pavé au levain à 4,50€ le kilogramme, ou le pavé Ange aux céréales à 5€/kg.

Ni Ange ni démon ? C’est en tout cas la question que je me pose. Le concept est cohérent, il répond à une attente d’efficacité et de prix, avec des produits plutôt honnêtes. Dès lors, difficile d’en vouloir aux consommateurs de se tourner vers cette offre, qui est une alternative tout à fait crédible aux points chauds purement industriels. A mon sens, les artisans doivent ne doivent pas chercher à jouer sur le même terrain, car la partie serait perdue d’avance : au contraire, il faut se différencier en mettant en valeur son savoir-faire et le caractère singulier d’un boulanger authentique. Il existe une vraie place pour des produits non uniformisés, en marge d’un monde toujours plus mondialisé : les consommateurs ont besoin de refuges, et la boulangerie peut tout à fait en être un, dès lors qu’on ne cède pas aux sirènes de l’industrie. Reste ensuite à assurer la viabilité de « l’entreprise artisanale » et cela passe par un service irréprochable, une offre et des coûts de revient maîtrisés.

Difficile de prendre une bonne photographie des baguettes Ange, la lumière étant assez faible. Malgré tout, on peut apercevoir les cuissons trop courtes.

Difficile de prendre une bonne photographie des baguettes Ange, la lumière étant assez faible. Malgré tout, on peut apercevoir les cuissons trop courtes.

Infos pratiques

Toutes les informations sur http://www.boulangerie-ange.fr

Pâtisseries, Boulangerie Ange, Lagny-sur-Marne (77)

Paris est une véritable carte postale. Enfin, une partie de ses rues et de ses commerces. En levant la tête au détour d’une rue, on peut être parfois surpris dans le caractère presque cinématographique de la scène. A Montmartre, on se perd souvent dans les pas d’Amélie Poulain, mais les exemples sont nombreux et même si les lieux sont moins célèbres, ils n’en ont pas moins de charme. Seulement voilà, ces instants sont souvent parasités par des éléments du quotidien, que ce soit le bruit, la météo… ou tout simplement le « progrès » quand il s’agit d’un commerce. Je m’explique : derrière des façades classées de boulangeries se cachent aujourd’hui des boutiques bien diverses. Prêt-à-porter, restaurants, que sais-je encore, … et quand bien même on fabrique toujours du pain, il a une fâcheuse tendance à battre de l’aile.

Boulangerie du Moulin de la Galette, Boris Lumé, Paris 18è

48 rue Caulaincourt. Une enseigne. « Boulangerie Pâtisserie du Moulin de la Galette ». Ah, cette boutique a connu ses heures de gloire, sous le temps de Thierry Rabineau. Le fameux boulanger et son « Levain du Marais » avait essaimé dans la capitale. Depuis son départ et la revente par morceaux de la flotte, la situation des différents fournils est assez variée. Ici, on ne peut pas dire que le changement avait été heureux, et même si le lieu avait conservé son cachet, les produits semblaient profiter de l’à-priori positif que l’on peut avoir lorsque l’écrin est aguicheur.

Les choses sont en train de changer, avec l’arrivée aujourd’hui d’un jeune couple dynamique. Elle est japonaise, il est français, et ils vont écrire ici une nouvelle page de leur histoire commune. Tous deux boulangers de formation, même si Boris Lumé reste avant tout pâtissier, ils ont fait leurs armes au sein des fournils du Grenier à Pain avant de prendre leur envol… pour Tokyo, où l’artisan a notamment oeuvré chez Joël Robuchon. Après son retour en France, il a évolué chez Cyril Lignac et Frédéric Lalos… pour atterrir ici, en haut de Paris. Dans un sens, on pourrait presque dire qu’ils planent toujours, mais ce n’est pas le cas à la vue de leurs réalisations.

Pâtisserie, Boulangerie du Moulin de la Galette, Boris Lumé, Paris 18è

Des gammes courtes et bien maîtrisées, voilà une belle idée pour débuter : au rayon des pains, la baguette de Tradition – 1,10€ les 250g – séduit grâce à sa croûte brillante et ses belles oreilles. Même si les cuissons sont encore un peu courtes à mon goût, le produit n’en est pas moins d’excellente facture : une mie crémeuse, bien alvéolée, où le froment tire vers des notes très lactiques, voire beurrées. On n’est pas si loin de la Rétrodor, qu’ils ont tout deux eu l’occasion de façonner plus d’une fois, même si ce sont les Moulins Bourgeois qui continuent à livrer la farine.
Les tourtes sont également à l’honneur, avec du Seigle et de l’Epeautre (7€/kg), dans le même registre soigné, accompagnées par de plus petits pièces nature ou aux graines.

Boulangerie du Moulin de la Galette, Boris Lumé, Paris 18è

En pâtisserie, la tonalité reste boulangère, avec des tartes aux fruits (fine aux pommes, aux framboises, aux figues), au citron, ainsi que des éclairs, Paris-Brest ou des millefeuilles. Le soin porté à leur réalisation en fait des gourmandises recommandables, à l’image des viennoiseries où croissants, pains roulés et briochette praliné se disputent la vedette. Seule la tendance plutôt onéreuse est regrettable : 4 euros le millefeuille, la tarte Citron ou Figue, 1,80€ la briochette… cela commence à faire.

L’adresse deviendra sans doute rapidement un arrêt de choix pour déguster des sandwiches frais et variés, avec toujours cette rigueur qui semble caractériser le couple, et les influences asiatiques ne sont sans doutes pas étrangères à ce fait. Un trait qui se retrouve également en vente, où le charme et l’accent reconnaissables entre tous opèrent avec une belle douceur.

Infos pratiques

48 rue Caulaincourt – 75018 Paris (métro Lamarck-Caulaincourt, ligne 12) / tél : 01 46 06 96 71
ouvert du mardi au dimanche de 7h30 à 20h.

Faut-il y aller ? Voilà un début très prometteur pour ce couple, et c’est d’autant plus agréable que cela redonne ses lettres de noblesse à cette belle boutique d’angle. Souhaitons-leur bon courage pour leur entreprise… qui inspirera, je l’espère, le charmant boulanger-star du 22 de la même rue à s’engager dans une démarche de régularité et de cohérence.

Je suis loin de tout connaître de la boulangerie, et c’est bien mieux ainsi. Tout d’abord car cela me donne l’occasion d’être surpris, d’apprendre, de conserver de l’envie et de la candeur, mais aussi parce que l’ignorance a aussi des vertus… protectrices. En effet, on ne le dit sans doute pas assez, mais les moins cultivés sont sans doute les plus heureux. Esprit critique, recul, valeurs de comparaison, ouverture sur le monde… autant d’éléments qui s’acquièrent avec la connaissance et qui représentent des sources d’insatisfaction et de mal-être. Avec un quotidien plus « chargé », on finit donc par voir le monde en gris, voire en noir. Difficile d’y remettre de la couleur.

Ainsi, je n’avais pas le plaisir d’avoir fait la connaissance du pain Energus 10. Peu répandu en boulangerie artisanale, mais plutôt proposé en grandes et moyennes surfaces (Cora, magasins U), il m’avait échappé… et c’est tant mieux, car je ne vous cache pas que je ne porte pas vraiment Jean-Michel Cohen dans mon coeur.
En effet, ce « grand pape » autoproclamé de la nutrition, adepte comme Pierre Dukan des « régimes » hyper-protéinés, est à l’origine de ce produit.

L'Energus 10 présenté par un fameux énergu...mène. Nutritionniste N°1 de France, il y a de quoi s'étouffer.

L’Energus 10 présenté par un fameux énergu…mène. Nutritionniste N°1 de France, il y a de quoi s’étouffer.

Les prétentions nutritionnelles ne manquent pas : pauvre en glucides, riche en protéines et en fibres, ajoutez à cela une « longue conservation », on se demanderait presque pourquoi on ne l’a pas inventé avant.
10x moins de glucides, 3x plus de protéines que « les pains au froment ou les pains de seigle » l’allégation est plutôt trompeuse car elle ne tient pas compte des particularités de chaque produit et de chaque farine.

En regardant de plus près la composition, on mesure mieux la beauté du mélange :
Eau, mélange de protéines (blé, soja et lupin), grains de lin brun et jaune, farine de soja, farine de blé complet, gruau de soja, son de blé, graines de Tournesol, sésame, fibres de pommes, levure, sel, farine d‘orge et de malte grillée.
Il s’agit en réalité d’un pain complet auquel on ajoute de la farine de soja et de nombreuses céréales. A noter que le produit fini dépasse allègrement les 14g de lipides, certes insaturés, ce qui est élevé pour un aliment d’ordinaire pauvre en graisses.

"Son pain", je ne suis pas sûr qu'il y soit pour grand chose dans ce produit...

« Son pain », je ne suis pas sûr qu’il y soit pour grand chose dans ce produit…

Là où le sujet devient particulièrement intéressant, c’est sur le plan de la santé, puisque c’est une des prétendues vocations de l’Energus 10. Il faut savoir que les céréales complètes sont riches en acide phytique, lequel n’est pas toléré par l’organisme. Une consommation à haute dose peut se révéler dangereuse. Heureusement, les pains travaillés sur levain limitent les risques, puisqu’un processus dit de « phytase » est réalisé par l’agent de fermentation : en bon organisme vivant qu’il est, le levain va commencer à « digérer » le pain avant vous. Dans le cas présent, seule de la levure est employée, avec pour résultat un pré-mixe assez explosif. C’est sans compter sur les nombreux résidus de pesticides que peuvent comporter les farines, du fait de la présence de l’enveloppe. Une « révolution nutritionnelle » ? J’ai quelques doutes.

Pour le goût, je vous avoue que je n’ai même pas eu le courage de goûter, ce qui aurait eu pour effet d’alimenter cette mascarade en achetant le produit. J’ai tout de même quelques doutes quant au caractère savoureux du mélange, le soja développant un arôme particulier, de même que les nombreuses graines ajoutées. Le pain complet étant rarement une réussite sur le plan gustatif, il y a peu d’espoir ici. Or, c’est pourtant la base de l’alimentation : le plaisir. Si vous le retirez, quel intérêt de continuer à ingurgiter des produits vaguement nutritifs ?

Ce si beau produit se noie dans la masse des pains de la boutique, dommage qu'un présentoir avec autel miniature ne lui ait pas été dédié.

Ce si beau produit se noie dans la masse des pains de la boutique, dommage qu’un présentoir avec autel miniature ne lui ait pas été dédié.

Bref, vous l’aurez compris, ce genre de produit a le don de me faire bondir, et j’aurais bien du mal à appeler ça du pain, en définitive. De plus, le charmant dispositif de communication associé me donne plutôt envie de démonter la boutique, et j’avoue ne plus beaucoup porter dans mon coeur le boulanger montmartrois qui a fait le choix de proposer cette chose. D’ailleurs, si l’expérience vous tente, sachez que vous pouvez même être prescripteurs de l’aventure auprès de votre artisan : et oui, le mixe est disponible au sein du réseau Backeurop, comme aime l’indiquer le site internet bien fumeux de l’entreprise allemande détentrice du concept. Dès lors, une commande auprès de chez Lelièvre ou autre fournisseur affilié, et voici venu le temps d’un pain nouveau, d’un pain magique. Il y a certains jours où je ferais mieux de rester couché.

Oui, mais demain ? C’est sans doute la question qui se pose quand on vient de terminer une période où les projecteurs étaient braqués sur notre personne, comme c’est le cas lorsque l’on participe à une émission de télévision. Lorsque l’on n’est pas habitué à l’exercice, la chute peut être brutale, et certaines « stars » déchues de la télé-réalité en ont fait les frais. La donne est un peu différente pour les professionnels ou amateurs éclairés qui font les belles heures des programmes comme Top Chef, Masterchef, entre autres shows, car ils portent un vrai projet et un savoir-faire bien à eux.

Matthieu Bijou en est un excellent exemple : tout juste 29 ans, passé par le Taillevent et chez Michel Rostang, il a participé à l’émission de France 2 « Qui sera le Prochain Grand Pâtissier ? ». Malgré son élimination rapide, cela n’a pas arrêté ce passionné, qui avoue « vivre pâtisserie, et rêver pâtisserie ». En effet, depuis la fin août, on le retrouve à la tête de sa propre affaire au Raincy.
Dans cette boutique entièrement rénovée, le nouvel arrivant a souhaité perpétuer la tradition des lieux, puisque l’activité historique du 26 avenue de la Résistance est de proposer des gourmandises. Sans activité depuis plusieurs années, le local a été entièrement réaménagé avant d’accueillir de nouveau la clientèle.

Matthieu Bijou, Le Raincy (93)

Des tons sobres, quelques photographies de réalisations sucrées mises en scène et agrandies sur les murs, l’artisan cultive le goût d’un visuel simple et sans fioriture. Cela ne l’empêche pas de proposer des pâtisseries soignées et savoureuses. Difficile de choisir entre tartes, pâtes à choux – bien craquantes avec leur craquelin – ou entremets. Dans chaque cas, les matières premières ont été rigoureusement sélectionnées, à l’image de la vanille. Petit bémol cependant sur le flocage des entremets, assez inutile à mon sens, et une tendance à développer des textures un peu trop « collées ».

Pâtisseries, Matthieu Bijou, Le Raincy (93)

Le chocolat n’est pas en reste, avec un beau choix de tablettes et gourmandises variées (oranges confites, mendiants, …), tout comme les sorbets et glaces, les cakes (chocolat avec enrobage, citron, financier, aux fruits gourmands…) ou encore les viennoiseries au beurre AOC. Les matières premières ont été sélectionnées avec soin, à l’image de la Vanille Grand Cru Raiatea. Associations de saveurs inventives ou plus classiques (du poire-gingembre au poire-caramel, par exemple), taux de sucre maîtrisé, les produits sont fins aussi bien dans leur finition que dans leurs goûts. Une courte gamme salée a été développée afin de capter une clientèle de travailleurs en semaine, une bonne façon d’attirer des fidèles, qui viendront ensuite chercher leurs douceurs dans le même établissement.

Cakes et pâtisseries, Matthieu Bijou, Le Raincy (93)

Matthieu Bijou prend également plaisir à travailler les macarons, avec un assortiment de parfums variant au fil de ses envies et inspirations, à l’image de la tarte et l’entremet « A la Voix », qui sont deux créations éphémères variant au fil des jours. A travers ce mouvement permanent, le pâtissier exprime pleinement sa créativité et sa passion pour ce métier. Deux points forts qu’il partage au sein de sa boutique, puisqu’il assure lui-même le service une partie du temps, en tandem avec une vendeuse. Difficile d’être mieux conseillé, dès lors.

Pâtisseries, macarons & sandwiches, Matthieu Bijou, Le Raincy (93)

Quelques baguettes sont proposées à la vente pour les painrisiens que nous sommes, mais ce n’est pas la raison pour laquelle on s’arrête ici… Voyons plus cela comme un service de dépannage, et tournons nous vers des propositions plus gourmandes, comme la brioche ou les sablés, madeleines et financiers, lesquels enchanteront petits-déjeuners et goûters.
Terminons par un coup d’oeil sur les prix, plutôt mesurés : entre 3,2€ et 4,5€ la pâtisserie individuelle, le macaron à 1,2€ la pièce, cakes à partir de 11 euros, … l’artisan garde bien les pieds sur terre malgré le caractère plutôt favorisé du Raincy.

Infos pratiques

26 avenue de la Résistance – 93340 Le Raincy (RER E, gare du Raincy – Villemomble) / tél : 01 43 81 00 93
ouvert du mardi au samedi de 8h à 19h, le dimanche jusqu’à 13h.

Faut-il y aller ? Bien sûr ! C’est un véritable plaisir que de découvrir l’univers de ce pâtissier discret, lequel n’a sans doute pas eu l’occasion de le faire partager lors de son court passage dans l’émission de France 2. Ici, à l’inverse, on ne peut que souhaiter d’avoir tout le temps de profiter des gourmandises de Matthieu Bijou… une véritable perle en banlieue !

Action, réaction. Cause, conséquence. Notre raisonnement est conduit par des connexions logiques qui parviennent à orienter nos actions et ainsi répondre de façon pertinente aux situations auxquelles nous devons faire face. Imaginons un instant que nous oublions ce lien, pour agir tout à fait librement… rapprochant ainsi des événements qui n’ont aucun rapport entre eux. Le résultat pourrait bien être grotesque : je vois un enfant traverser la route alors qu’il y a beaucoup de circulation… donc je vais tondre ma pelouse. Je suis très fatigué… donc je pars faire le tour de la ville. Non, non, tout cela n’est pas absurde.

La sacherie de sensibilisation à la Mammographie, recto

La sacherie de sensibilisation à la Mammographie, recto

La preuve. Pour lutter contre le Cancer du Sein, certains offrent des baguettes. Cela devrait en effet sensibiliser quant à l’importance de réaliser des mammographies et de dépister à temps la maladie, afin de mieux la soigner. Si cela ne me paraît pas évident, les têtes pensantes de la Ronde des Pains, marque des Grands Moulins de Paris et filiale de NutriXo, ont visiblement pensé que c’était le cas.

En effet, dans le cadre de l’opération « Octobre Rose », les artisans affiliés à ce réseau vont organiser des animations sur l’ensemble du territoire, l’occasion de mettre en avant leurs produits. Le nom choisi pour l’opération ? « Pour le dépistage, suivez la baguette« . Sans rire. Malgré le fait qu’une campagne similaire avait été menée en 2011 et que les enquêtes d’opinion semblaient lui trouver un intérêt, je demeure assez perplexe quant à son impact et à la réalité du lien logique que le public peut trouver. De plus, le principe même de distribuer du pain de cette façon me gêne : l’acte d’achat implique le consommateur et le « force » à respecter le produit. Dès lors qu’aucune somme d’argent n’est en jeu, le gâchis devient moins choquant.

Noir et blanc, Ying et Yang...   sauf que dans le cas présent, c'est le noir qui est dans le vrai et le blanc dans l'erreur. Le pain rebat les cartes.

Noir et blanc, Ying et Yang… sauf que dans le cas présent, c’est le noir qui est dans le vrai et le blanc dans l’erreur. Le pain rebat les cartes.

En parlant de choc, je ne vous décrirai pas celui que j’ai pu ressentir en constatant que l’on cherchait à combattre le cancer… avec un autre cancer. Je veux parler de celui du pain blanc. Malgré la présence d’un démonstrateur des Grands Moulins de Paris ainsi que d’un commercial, les mini-Grand Siècle (baguettes de Tradition française réalisées à partir de farine Label Rouge) semblaient avoir adopté la couleur locale : en effet, à la Ronde des Pains, on lave plus blanc que blanc pour faire oublier les côtés un peu sombres et industriels de l’entreprise. Le résultat ? Une baguette sans consistance et sans saveur, plutôt collante et pâteuse. L’autre produit, associant farine de Sarrasin et graines de Kasha, contrastait nettement par sa couleur marquée, sa cuisson correcte et son goût « rustique » plutôt agréable. L’opposition noir / blanc était peut-être voulue, en définitive : une bien curieuse façon de représenter le Ying et le Yang ?

La sacherie de sensibilisation à la Mammographie, verso

La sacherie de sensibilisation à la Mammographie, verso

Ne prêtons pas trop de spiritualité à tout cela et saluons tout de même la bonne volonté des boulangers, qui suivent les événements organisés par leur réseau. L’idéal serait tout de même de présenter des produits valorisants pour leur commerce, et plus encore de s’occuper de s’occuper réellement de cette grande cause qu’est le bon pain. Bien sûr, il y a énormément d’autres sujets que la boulangerie, et nos artisans sont aussi des acteurs de la communauté dans laquelle ils vivent. Restons tout de même cohérents.

La créativité est une affaire de périodes. Selon nos rencontres, nos préoccupations, nos envies, nous sommes plus ou moins enclins à développer de nouvelles idées puis à les mettre en oeuvre. Certains artisans, complètement pris dans leur production quotidienne et dépourvus de toute capacité mentale et physique de s’en détacher, finissent par ne plus innover, ils reproduisent bien plus qu’ils créent. Bien sûr, d’autres n’ont jamais tenté ni envisagé l’expérience, mais je crois que cela ne vaut pas la peine d’en parler ici.

Du côté de l’avenue Gambetta, chez Jean-Paul Mathon, les nouveautés boulangères se sont faites rares ces derniers mois. Depuis le pain Monascus et ses baies de Goji, il n’y avait rien eu de bien remarquable ou durable dans les propositions de l’artisan, lequel étend sa gamme les mercredis et vendredis. Certes, les basiques n’ont jamais cessé d’être réalisés avec talent et attention, à l’image du Pain Préféré, du Campagne, de la Gambette ou encore du Pain aux Pommes et au Cidre… sans oublier le brioché à l’ancienne et ses déclinaisons libres à la pistache ou au sésame noir. Du côté des viennoiseries, les escargots ont vu défiler des saveurs variées, tout comme les tartes.

L'Azuki dans le Pré, La Gambette à Pain (Paris 20è)

Quand j’ai vu ce pain aux tons verdâtres bien marqués, il m’était difficile de repartir sans. Au delà de la couleur, le nom m’avait séduit : L’Azuki dans le Pré. En effet, non contente de nous révéler une partie de la composition du produit, cette dénomination est l’expression d’un trait d’esprit de l’artisan, qui en profite pour partager un peu de son univers si singulier. Très inspiré par l’Asie, ayant appris le Mandarin et épousé une femme originaire de cette région, Jean-Paul Mathon n’est vraiment pas un boulanger comme les autres : il manie aussi bien les pâtes que les mots… et même les images, la poésie.

En effet, si le fameux haricot rouge se retrouve dans un pré, c’est parce qu’il a été ajouté à cette pâte verte, riche en thé vert Matcha. Cette poudre est particulièrement « tendance » en pâtisserie – ou l’a été, tout du moins – mais beaucoup moins en boulangerie. On la retrouve principalement dans des créations chez Aki Boulangerie, rue Saint-Anne, mais il s’agit plus de brioches ou de produits moelleux et sucrés que de pains. Dans le cas présent, le produit proposé mérite bien cette appellation : doté d’une croûte fine, bien craquante, ce pain nous offre une fois tranché une mie très hydratée et gourmande. Autant de caractéristiques qui font la « signature » de la Gambette à Pain.

Vue tranchée, L'Azuki dans le Pré, La Gambette à Pain (Paris 20è)

J’aurais pu craindre une forte amertume, mais pas chez cet artisan : l’ensemble se révèle être d’une grande douceur. A la dégustation, on navigue entre les saveurs herbacées, que certains rapprocheront de celle des épinards, et les notes sucrées, apportées autant par les éclats d’Azuki que par l’essence même de la mie. Après avoir pu apprécier le nez caractéristique de ce thé de cérémonie japonais, c’est une véritable balade dans les champs que l’on réalise, un peu comme si l’on se promenait dans la campagne à l’aube, l’humidité de ce pain nous rappelant la douceur de la rosée. En le laissant vieillir, même si le produit perd de la consistance, l’expérience devient plus ‘intense’ et le parfum plus marqué.

La question pourrait être de savoir comment placer ce pain sur une table, avec quoi le déguster. Pour moi, c’est avant tout une belle gourmandise, qui se suffit à elle-même. Cependant, il pourra aussi constituer de surprenantes mouillettes pour les oeufs, ainsi qu’un délicieux accompagnement pour des mets acidulés (salades de carottes citronnées, par exemple) ou plus simplement viandes blanches et poissons. Bien sûr, des confitures acidulées, aux fruits rouges par exemple, s’accommodent bien de ce pain. Le Matcha est un étonnant révélateur de saveurs.

Encore une fois, Jean-Paul Mathon nous surprend avec une création équilibrée et pleinement à son image, entre douceur et générosité. Il nous transporte directement dans son univers… et on rejoint avec plaisir l’Azuki, perdu dans le pré, pour 2,80€ la pièce de 250g, un prix relativement modéré quand on sait le coût de la fameuse poudre de thé vert.

L’Azuki dans le Pré, La Gambette à Pain – Paris 20è, vendu à la pièce le mercredi, 2,80€ les 250g.

J’ai parfois le sentiment étrange d’arriver trop tard. D’avoir raté de nombreux artisans, ou un certain « âge d’or » connu par certains pionniers du renouveau du pain, initié au début des années 90 par quelques artisans et acteurs convaincus. J’aurais eu du mal à suivre tout cela puisque je venais de naître, mais cela ne change pas grand chose au fait qu’en arrivant en 2011, ma vision de cette évolution reste très partielle.
Néanmoins, plutôt que de jouer à l’historien, je préfère voir vivre le pain au quotidien et être inscrit dans le présent ou l’avenir. Même s’il y a de très belles histoires, un véritable ancrage, mes yeux restent fixés vers demain.

Vue de l'extérieur, Le Four à Bois, Beaugency (45)

Il aura fallu que j’aille dans le Loiret pour découvrir le travail de Franck Collas, alors qu’il a longtemps été installé près de chez moi, à Villebon-sur-Yvette. Ce boulanger passionné n’est pas un novice de la profession, et la qualité de ses produits avait d’ailleurs été remarquée au concours des Papilles d’Or, où il avait obtenu la seconde place en 2009. Depuis, l’artisan a eu l’occasion de découvrir des tours de mains variés, des entreprises diverses, grâce à des expériences en tant que commercial et démonstrateur en meunerie… et ainsi de mûrir son projet pendant plus de deux ans.

Les ouvriers boulangers doivent porter une attention particulière au foyer du four.

Les ouvriers boulangers doivent porter une attention particulière au foyer du four.

Difficile de greffer son univers et ses aspirations sur une pousse existante – qu’à cela ne tienne, c’est un bel arbre qui est sorti de terre à Beaugency, sur le bord de la départementale. Un arbre ? Pas exactement. Un Four à Bois, plus précisément. Construit par les ateliers J. Llopis, l’âtre ne manque pas d’allure, installé dans ce fournil flambant neuf. Le choix de ce mode de cuisson s’est imposé à Franck Collas afin de produire un pain de grande qualité : en effet, la chaleur est concentrée sur la sole et favorise naturellement la pousse du pain. Dès lors, il lui est possible d’hydrater de façon plus importante ses pâtes, sans risquer d’obtenir des produits compacts. On obtient au contraire des mies souples et légères, qui contrastent nettement avec les croûtes bien formées.

Le laboratoire, visible directement depuis les espaces de vente, accueille des professionnels rigoureux et impliqués.

Le laboratoire, visible directement depuis les espaces de vente, accueille des professionnels rigoureux et impliqués.

En parlant de formation, c’est tout un savoir-faire qu’il faut transmettre à l’équipe de boulangers afin d’utiliser cet outil. En effet, l’humain est primordial pour la gestion des températures. Hors de question de confier la maîtrise de l’outil à quelques privilégiés : l’artisan tenait à ce que chacun puisse assumer les cuissons. Un challenge auquel ses ouvriers semblent se prêter avec plaisir, séduits par ce projet atypique.
Ce four est aussi un outil de partage inter-générationnel : en effet, un ancien boulanger, officiant à l’époque à Beaugency et âge aujourd’hui de plus de 70 ans, vient régulièrement apporter ses conseils… ayant lui-même manoeuvré un tel outil.

Côté pâtisserie, on reste dans des tons plus neutres, avec tout de même du bois sous les vitrines.

Côté pâtisserie, on reste dans des tons plus neutres, avec tout de même du bois sous les vitrines.

Ici, le bois est partout : sur les vitrines, et même dans la structure du bâtiment. Ses couleurs chaudes mettent particulièrement bien en valeur les produits en boutique, où Karine Collas et ses vendeuses officient. Deux univers, deux identités : les pains sont proposés sous la grande tour vitrée, tandis que le reste des produits – chocolats, pâtisseries et offre traiteur, occupent le prolongement. Une façon originale de rappeler que l’essentiel pour ce type de commerce doit rester son offre boulangère.

La boutique est baignée par la lumière naturelle.

La boutique est baignée par la lumière naturelle.

Revenir à l’essentiel, voilà le souhait de ce couple en s’installant ici, à l’abri du bruit francilien. Difficile de faire ce choix dans une région où les loyers sont élevés, en plus de toutes les contraintes de place et d’aménagement qui existent. Attention, la situation n’en est pas pour autant idyllique : Beaugency compte déjà plusieurs artisans boulangers, dont un tout proche… lequel s’est installé après que les Collas aient développé leur projet d’implantation. La population, assez bourgeoise, n’est pas toujours très ouverte à la nouveauté et ne se prive pas pour le faire sentir : entre rumeurs et critiques, il faut parfois puiser dans ses ressources pour rester debout et continuer à avancer.

Les viennoiseries, Le Four à Bois, Beaugency (45)

Pour autant, je ne suis pas trop inquiet quant à la capacité de Franck Collas et son équipe à relever ce défi. Tout d’abord grâce à un outil de production de haute volée, où rien n’a été laissé au hasard. Ensuite, ce sont le savoir-faire, l’engagement et les produits qui feront la différence.
Pour les deux premiers éléments, le talent de l’artisan n’est plus à prouver. Certaines de ses recettes ont été reprises par bon nombre de ses confrères… à l’image du fameux Flan à l’Ancienne, que vous appréciez peut-être sans le savoir dans votre boulangerie préférée. Pour l’anecdote, ici, il est cuit dans le four à bois, juste après son allumage à 2 heures du matin. En effet, la température au sein du foyer – environ 200°C – est alors idéale pour saisir le produit et lui assurer la texture crémeuse et fondante que l’on apprécie tant.
Sur le plan de l’engagement, le choix des matières premières parle de lui-même : aucun compromis sur la farine – Label Rouge et CRC -, le beurre et le sel -de Camargue, car il ne contient pas d’anti-agglomérant-. Pour le reste, la quasi-totalité des ingrédients sont faits maison. Les tomates séchées ? Le praliné ? Tout passe par le four à bois.

Chocolats maison

Chocolats maison

Le résultat ne manque pas de saveur. La gamme de pains, travaillée sur levain naturel, associe prix particulièrement accessibles et gourmandise. Que dire de la baguette de Tradition, vendue seulement 0,90€ pour 250g ? Crémeuse, craquante, juste relevée par un fond de levain sans acidité… Beaucoup de nos boulangers parisiens devraient s’inspirer du principe appliqué ici : préserver le caractère démocratique du pain.

Pains, Le Four à Bois, Beaugency (45)
La plupart des produits sont proposés à la coupe, à l’image du Terron et ses vives notes de sarrasin, tirant légèrement sur le miel en fin de bouche. Ce « classique » de la gamme Foricher, bien souvent malmené par chez nous, bénéficie de toutes les attentions : façonné en de grosses pièces, il lève dans une couche avant d’être enfourné. La gamme se poursuit entre tradition et créations : Tourte de Seigle auvergnate, pain aux cranberries, campagne, ciabatta habilement badigeonnée d’huile d’olive infusée aux herbes de Provence en sortie de four… sans oublier les brioches (nature, feuilletée…), viennoises, pains au Muesli et autres déclinaisons gourmandes.

La gamme traiteur

La gamme traiteur

Malgré la taille du bâtiment et son emplacement en bordure de route, la volonté n’était pas d’en faire un salon de thé, même si quelques tables devraient faire leur apparition prochainement. Pour autant, les pâtisseries n’en sont pas négligées : Franck Collas insiste sur son savoir-faire boulanger, mais n’en honore pas moins les classiques, à l’image de son Paris-Brest, de ses religieuses, éclairs, millefeuilles et tartes. Quelques créations, dont des verrines et entremets divers, complètent le tout sans céder à une quelconque tendance tapageuse. Les propositions se construisent au fil des découvertes et des rencontres… en toute simplicité. Un trait que l’on retrouve dans les sandwiches – très élégamment entourés de raphia coloré -, quiches, hot-dogs, pizzas, fougasses et autres croques. A noter également les chocolats maison, où rocailles et rochers cohabitent avec de grandes plaques « au marteau ».

Un four à sole traditionnel a été installé pour la cuisson des bases de pâtisserie ainsi que des viennoiseries... même si ces dernières pourraient, à terme, rejoindre le four à bois.

Un four à sole traditionnel a été installé pour la cuisson des bases de pâtisserie ainsi que des viennoiseries… même si ces dernières pourraient, à terme, rejoindre le four à bois.

Madame est en boutique et défend fièrement les créations de son époux, avec le sourire et le dynamisme qui sont les siens. Nul doute qu’elle parviendra, accompagnée de son équipe de vendeuses, à fidéliser la clientèle. Le charme des lieux, des femmes et des hommes qui y oeuvrent fera son effet, autant qu’il a pu le faire pour moi. Il y a dans cette grande boutique, baignée par la lumière naturelle comme un côté solennel, qui impose naturellement le respect. Cela fait du bien, parfois.

Dans le four, Le Four à Bois, Beaugency (45)

Infos pratiques

48 avenue de Blois – 45190 Beaugency (gare de Beaugency, accessible en TER) / tél : 02.38.88.00.00
ouvert tous les jours sauf mercredi de 6h45 à 20h, 19h30 le dimanche.

Avis résumé

Pain ? Cette boulangerie annonce d’emblée la « couleur » : ici, les produits sont cuits au four à bois, un gage de qualité autant que d’incertitude : cela reste en effet un outil difficile à maîtriser, où le savoir-faire des boulangers est essentiel. Maîtrise de la température en fonction du remplissage du four, de la rotation de la sole, … Autant d’éléments que Franck Collas surveille avec précision. Le résultat est de haute volée : grâce à des pâtes très hydratées, on obtient des pains léger, fondants et à l’excellente conservation. Reste à choisir entre la craquante Tradition labellisée (Bagatelle) à seulement 0,90€, les pains à la coupe (Terron au sarrasin, pain de campagne, tourte de Meule, …) ou les déclinaisons gourmandes aux noix, la ciabatta, entres autres propositions au Muesli et Complet CRC. Même si les cuissons sont parfois un peu courtes sur les petites pièces, le four exprimera son plein potentiel lorsque l’activité sera plus importante.
Accueil ? En boutique, c’est Karine Collas et son équipe qui assurent le service et partagent avec la clientèle l’engagement de la maison, que ce soit en terme de matières premières ou de démarche globale, qui trouve son prolongement dans ce bâtiment, dont la structure est en bois. Du bois pour un four à bois, ce n’est pas banal.
Le reste ? Les pâtisseries proposées ici savent rester simples tout en étant particulièrement équilibrées. Impossible de passer à côté du fameux Flan à l’Ancienne, légèrement tremblotant et très fondant, où les parfums de vanille et d’oeuf s’accordent harmonieusement. N’oublions pas pour autant les pâtes à choux, verrines, tartes et entremets, toujours bien finis et assaisonnés, la fleur de sel s’invitant souvent dans les compositions créatives. La gamme traiteur décline d’élégants sandwiches, délicatement enrubannés, quelques quiches ou pizzas. Quant aux viennoiseries, elles bénéficient d’une réalisation tout aussi impeccable.

Faut-il y aller ? Si vous en avez l’occasion, assurément. On m’avait proposé de venir visiter les lieux, ouverts au milieu du mois, sans connaître l’artisan, son parcours et son engagement. Difficile de ne pas être séduit, autant par le lieu que par les produits. Ici, chaque détail compte, sans pour autant tomber dans l’anecdote. En pénétrant dans cette vaste boutique, c’est un peu comme si l’on entrait dans une forêt… pas de pins, mais de pains. Au centre, le fameux four. Un outil autant qu’un lieu de vie, car en son sein, la température ne retombe jamais tout à fait… un peu comme s’il attendait discrètement qu’un nouveau jour se lève, pour proposer à nouveau ses gourmandises.

Karine et Franck Collas