Certains pains parviennent encore à me surprendre. Derrière un intitulé bien sage, résumé en quelques mots, ils laissent exprimer des saveurs complexes au nez et à la dégustation. Timidité, volonté de ne pas trop en dire sur la recette ? Difficile à dire, dans tous les cas, l’effet est réussi puisque l’on découvre alors un produit bien plus intéressant qu’on ne l’aurait imaginé de prime abord.

Cela a été complètement le cas avec cette Tourte de Sarrasin, proposée au sein de la boutique « traiteur » de la Pâtisserie Pain de Sucre, dans le 3è arrondissement. A priori, je m’attendais à un pain exprimant un parfum de blé noir, quoi de plus normal, me rappelant des vacances passées en Bretagne, à manger quelques galettes dans une crêperie au décor traditionnel… Bien sûr, ce pain exprimait cette saveur marquée et légèrement sucrée, mais pas seulement.
En réalité, elle était accompagnée, relancée, par un parfum de miel presque entêtant. Miel et sarrasin, voilà une association intéressante et pertinente. Cela renforce cette saveur sucrée du sarrasin, dont je parlais précédemment, en plus d’atténuer le caractère un peu trop « brut » de cette céréale. Au nez, on a donc un pain doux et mielleux. Lorsque l’on passe à la dégustation, l’expérience devient alors particulièrement intéressante…

Bien entendu, on pourra reprocher à ce pain de présenter une mie très dense, liée à l’absence de gluten dans le sarrasin. Peut-être aurait-il fallu incorporer de la farine de blé en quantité plus importante afin de parvenir à un résultat plus léger. Néanmoins, les plus gourmands y verront là un certain avantage : ce pain se déguste presque comme un gâteau, coupé en fines tranches. La croûte y est assez peu présente, et la mie reste d’assez bonne tenue malgré la pauvreté en gluten de l’ensemble.
Passé ces considérations, c’est le goût qui nous intéresse. On est inévitablement surpris par la présence marquée du miel et de sa chaleur sucrée, en contraste avec le sarrasin plutôt brut. Ainsi, on reste sur une note sucrée-acide après chaque bouchée et cette sensation monte au fur et à mesure de la dégustation.

Ce pain n’est pas sans rappeler les tourtes de seigle, assez denses elles aussi, avec une mie serrée. Dans les deux cas, la conservation est excellente, le pain peut être consommé sur trois jours sans difficulté, même s’il me semble difficile de le faire durer aussi longtemps !
On pourra l’utiliser pour accompagner des fruits de mer, des poissons ou encore du saumon fumé, en leur apportant de cette façon une note sucrée et une autre dimension. Néanmoins, j’aurais plutôt tendance à penser que c’est un pain qui se déguste seul, simplement tartiné d’un peu de beurre demi-sel si on choisit d’en manger au petit-déjeuner ou au goûter. A cela deux raisons : son parfum est soutenu, il faut donc que les mets avec lesquels on choisit de le déguster aient eux aussi des arômes puissants, de plus, comme je l’ai souligné précédemment, son caractère sucré et sa texture en font presque une gourmandise, un cake. La mie, en plus d’être dense, est en effet assez humide.

Voici une belle création, aussi bien visuellement que gustativement. Le Pain de Sucre, qui nous avait habitué à agiter nos papilles au travers de ses créations sucrées, le fait à présent dans le domaine du salé, et cela passe par les pains. On notera d’ailleurs l’apparition récente de sandwiches réalisés à partir de pain spéciaux particulièrement intéressants (foccacia aux algues, petits pains briochés au sésame, pain de venise…), malheureusement, tous ne sont pas proposés à la vente non garnis, du fait de leur format particulier.

Tourte de Sarrasin, Pâtisserie Pain de Sucre, Paris 3è, 4,20 euros la pièce d’environ 400g.

6 réflexions au sujet de « Pain du jour : Tourte de Sarrasin, Pâtisserie Pain de Sucre (Paris 3è) »

  1. Très bonne nouvelle, surtout que les pains étaient un peu le point faible de Pain de Sucre. S’ils commencent à créer de très bons produits, la concurrence a vraiment des soucis à se faire…

    • Non, je ne suis pas trop macaron en général, ça n’aide pas 😉 Quand je vais chez Pouchkine, je prends plutôt une pâtisserie… mais j’imagine que ce doit être intéressant !

  2. C’est Nathalie qui a particulièrement l’oeil sur les pains dans ce duo de choc ! Pour le miel, elle utilise un miel de châtaignier produit dans sa région d’origine, le 79, que l’on retrouve également dans les financiers et dans certains gâteaux. C’est un peu une de ses saveurs signatures, quand on regarde bien la carte…

    • Effectivement, c’est ce qu’elle m’avait expliqué suite à la publication de ce billet. Pour la petite histoire, la recette de ce pain, qui est d’ailleurs la même que celle de la tourte de Seigle, lui vient de Patrick Castagna (un « grand technicien » du pain, notamment connu pour sa collaboration avec Eric Kayser sur le fermentolevain) à la suite d’un stage à l’INBP.
      C’est aussi ce qu’on apprécie chez eux : le choix des matières premières est porteur de sens, cela s’inscrit toujours dans une vraie histoire et démarche… Qui d’autre utilise de l’angélique dans ses pâtisseries à Paris ? 😉

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