12
Juil
Pain du jour : Le Bosphore, Boulangerie Rouget, Beaumont-sur-Oise (95)
3 commentairesMalgré ma propension toujours plus forte à chercher de nouveaux produits, expérimenter de nouvelles saveurs, découvrir le parti-pris créatif des artisans, j’ai mes habitudes… ou plutôt celles que j’aimerais avoir, parfois. Quelques pains parviennent à me faire traverser une partie de l’Ile-de-France pour les goûter, et parfois les regoûter. La gourmandise sait faire oublier le nombre de kilomètres et la durée des parcours, dès lors qu’il est question de produits d’exception.
Heureusement pour ma santé – malheureusement si l’on raisonne de façon plus objective – ces créations sont rares et elles n’affectent donc qu’assez peu ma « routine » painrisienne… Sans doute à tort.
Il faut dire qu’en réalité, les « pains spéciaux » où l’artisan exprime vraiment son identité ne sont pas légion. La plupart du temps, le travail se résume à associer deux trois fruits secs, quelques céréales, le tour étant joué… avec un tarif en boutique forcément plus élevé que pour un pain traditionnel. On peut aller bien plus loin que ça, raconter une histoire au travers d’un produit, développer une vraie recette qui se rapproche de la cuisine. Les puristes désapprouveront, mais je n’adhère pas à ce mouvement d’orthodoxie visant à ne proposer qu’un pain « pur ».
Les spécialités régionales ou ethniques peuvent se révéler une bonne source d’inspiration pour développer une création. C’est en tout cas la démarche adoptée par Christophe Rouget lors de la mise au point de son fameux Bosphore. Je vous avais déjà parlé de ce pain « signature » lors de mes précédentes visites dans sa boulangerie, mais il mérite bien son billet dédié.
L’artisan est ainsi parti d’une base de Ciabatta, réalisée avec une pâte de Tradition française enrichie d’huile d’olive, le tout accompagné d’un taux d’hydratation très élevé. Puis il a découvert l’Ekmek turc, avec sa note de miel. La Turquie est un des principaux pays exportateurs de fruits secs… et notamment de noisettes, qui entrent dans la composition de la nougatine ajoutée au pétrissage.
Turquie… Bosphore. Nous voici donc au coeur de ce détroit. Les effluves douces, chaudes et sucrées retranscrivent le climat local. On se laisse transporter dans cette région où la circulation se fait parfois tumultueuse, du fait des courants violents et de l’étroitesse du passage. Ainsi les eaux calmes du miel et de l’huile d’olive sont chahutées par le croquant des noisettes entières, avant de connaître l’accalmie caramélisée de l’enrobage de nougatine.
Comme aucun autre tableau, la mie de ce pain nous retranscrit à la fois cette histoire et les transformations que subissent les ingrédients au four : les éclats fondent dans la pâte, tout en se répandant et en colorant cette dernière. La température développée dans l’âtre torréfie presque la surface, avec pour conséquence directe une croûte presque noire, que l’on pourrait croire brûlée et désagréable. Bien au contraire, elle développe au contraire des parfums vifs et légèrement boisés qui viennent relever la douceur de la mie. Même si je n’apprécie pas beaucoup les pains farinés, il faut bien reconnaître le rôle protecteur de cette pratique dans le cas présent : sans cette enveloppe, le produit aurait tendance à développer une amertume peu souhaitable.
Dans cette recette, chaque ingrédient compte, et Christophe Rouget y veille : un levain naturel très doux, du miel provenant d’un petit producteur normand (même si les approvisionnements sont parfois compliqués !), des noisettes savoureuses et une huile d’olive bien parfumée… sans oublier la farine des Moulins Foricher, véritable partenaire de l’artisan. A la dégustation, on ressent bien cet engagement, cette volonté de proposer un produit de grande qualité… mais aussi beaucoup de gourmandise et de générosité. Ces valeurs s’expriment aussi au travers d’un prix accessible : 7,5€ le kilogramme.
Ce pain est presque un gâteau, une pâtisserie, mais la plus boulangère d’entre toutes.
De plus, son avantage est de pouvoir co-exister sur une table, et de pouvoir sublimer d’autres mets : un restaurateur étoilé Michelin propose ainsi le Bosphore en accompagnement du foie gras. L’accord sucré-salé qui en résulte est une véritable réussite.
Le plus symbolique et amusant reste sans doute le fait qu’on trouve le Bosphore… au bord de l’eau, à quelques mètres de l’Oise, dont le cours est bien plus paisible. De quoi se remettre de nos émotions gustatives en contemplant le lent fil de l’eau.
Le Bosphore, Boulangerie Rouget – Beaumont-sur-Oise (95), façonné en boules vendues au poids, 7,5€ le kilogramme.
Tout est dit sauf qu’il se conserve très bien
Tout a fait d’accord avec la description précédente…un délice..
Toutefois, si vous allez dans cette boulangerie,goutez le fameux pain
« D »Autrefois »..souvent proposé dans les boulangeries,celui-là n’est pas
un pain de plus étiquetté « a l’ancienne,un gout qui vous rappellera les
tartines de campagnes données avec de la confiture maison lors des
vacances chez la famille,a la campagne il y a quelques dizaines d’années
une croute épaisse et qui résonne..une conservation d’au moins une semaine
C’est mon Préféré..
Ping : Christophe Rouget a été sacré Meilleur Boulanger de France par M6 | painrisien