Tous les boulangers ne font pas face aux mêmes enjeux : en effet, quand ils commencent à « prendre de l’importance » et à s’étendre sur plusieurs points de vente, leur travail portera autant sur le maintien d’une qualité de produit uniforme et régulière entre les boutiques que sur le développement d’une véritable identité, propre à leur entreprise. Cet « univers » doit pouvoir se multiplier pour créer de la cohérence, des synergies et des repères pour les consommateurs. Le problème est que cela contribue à rendre notre paysage boulanger toujours plus morne et aseptisé, offrant en définitive bien peu de variété.
Je vous avais parlé de l’arrivée de la famille Huré dans le 16è arrondissement, il y a un peu plus de quatre mois. Ils n’auront pas tardé pour faire table rase du passé, puisque la vieillissante boutique Carton vient de faire place à une boulangerie-salon de thé clinquante, signée Mosaïc. L’agenceur, qui se revendique « Créateur d’espaces » et se positionne dans le segment de la « haute couture », a bâti ici une création dans la droite ligne de ses nombreuses réalisations dans le domaine de la boulangerie francilienne : des tons clairs, beaucoup de blanc nacré, et un caractère très aseptisé, presque trop propre, qui correspond assez peu à l’idée que l’on pourrait se faire de la boutique d’un artisan boulanger.
Les nombreux produits de la maison sont mis en valeur avec soin, et la vitrine visible depuis la rue nous accueille de façon gourmande : brioches variées, pains généreux, le client est ainsi attiré par les douceurs proposées et se laissera sans doute convaincre pour un petit arrêt dans les lieux. Ce fût mon cas aujourd’hui.
Malgré les changements cosmétiques apportés au 150 avenue Victor Hugo, les fondamentaux restent les mêmes : des vitrines bien chargées – trop à mon goût – et de quoi satisfaire tous les appétits, sucrés comme salés.
On commence ainsi avec la gamme de pains, qui reprend la plupart des spécialités Huré : pain Acajou aux fruits secs, pain au maïs, baguettes au Miel… avec quelques spécificités cependant, puisque des produits à base de farine Biologique sont proposés, à l’image de la Baguette Bio – 1,50€ la pièce – ou du pain Céréales Bio – 2,80€. La Tradition n’a pas ou peu changé par rapport à mon précédent billet : croûte fine, parfum de froment soutenu, mais conservation toujours aussi moyenne. On appréciera cependant le repositionnement prix : de 1,40€ initialement, elle est passée à 1,20€, la rendant bien plus accessible.
Je l’avais noté à l’époque, mais le trait s’est accentué : les tons sont beaucoup moins tapageurs ici, et les produits affichent des lignes plutôt sobres et élégantes. La gamme de pâtisseries décline ainsi les classiques en pâtes à choux – avec une gamme d’éclairs variée -, entremets et tartes. Rien à redire quant au soin porté aux produits, les finitions sont impeccables, et même si l’on pourra regretter des équilibres discutables en terme de textures – gelées de fruits assez prises, notamment – l’ensemble est de très bon niveau. Côté prix, le ticket d’entrée se trouve du côté des éclairs avec des standards à 2,80€, la moyenne se situant au dessus de la barre des 4 euros pour les entremets et tartelettes.
Gourmandises sablées (au sucre, au nutella (chez les Huré, on aime bien cette fameuse pâte à tartiner !), aux cranberries…), briochées et feuilletées sont également de la partie.
Bien entendu, il aurait été étrange de ne pas chercher à valoriser la terrasse et l’espace intérieur, et c’est pourquoi la gamme traiteur se décline elle aussi dans un large choix de quiches, salades, sandwiches …
Malgré ce tableau plutôt honnête, quelques points me font toujours autant tiquer :
- Pour certains détails, le bon goût semble avoir été considéré comme une option… non souscrite par l’artisan. En effet, difficile de passer à côté de ces sièges aussi massifs qu’inélégants, ou des pâtisseries triangulaires maladroitement nommées « Pyramide du Louvre ». La maison s’est assagie sur les teintes, mais pas sur le fond, qui reste toujours aussi démonstratif et en bordure du mauvais goût. Cela me fait un peu penser au comportement du Bourgeois Gentilhomme, lequel cherche à imiter les habitudes d’une classe sociale supérieure à la sienne… pour un résultat plutôt grotesque.
- La surabondance de produits ne permet certainement pas d’assurer la fraicheur de l’ensemble d’entre eux, et il est inévitable que plusieurs références aient quelques jours dans les jambes… ce qui aura un impact direct sur la satisfaction de la clientèle. De plus, les pertes générées se retrouvent dans le prix de vente final de la marchandise.
- L’accueil manque toujours autant d’entrain, de sincérité, d’implication – tout du moins côté « boutique », car le service salon de thé semble plus dynamique. Même si l’on peut reprocher cette attitude aux vendeuses, le management n’y est certainement pas étranger : comment faire preuve d’entrain quand une responsable vous assène « aujourd’hui on fait de la vente, du dynamisme, je ne veux pas juste de la caisse… ah, et si je revois ça, je tue quelqu’un » ? Pour recevoir, il faut parfois commencer par donner.
Je me questionne sur l’accueil que donnera ce quartier assez traditionaliste à une boutique aux lignes aussi modernes, même si l’affaire semble plutôt bien tourner pour le moment. L’histoire se poursuivra sans doute très vite du côté de la rue Rambuteau, puisque les Huré ont là aussi fait appel à Mosaïc pour donner une nouvelle jeunesse à leur boutique… quand je vous disais qu’ils voyaient la vie en mosaïques.
Un superbe endroit, gourmand.
Je suis complètement conquise
Belle soirée
Valérie.
Alain a fait du tres beau travaille. Belle réussite.