Nos yeux nous trompent régulièrement. Pire encore, leurs faiblesses ont été analysées, décryptées, décomposées, théorisées, pour mieux les exploiter. Notre société de l’image et d’apparat est en grande partie basée sur l’idée qu’il faut faire beau avant de faire bon. Ainsi, le consommateur aura l’impression de consommer un produit meilleur qu’il ne l’est réellement, la faute à quelques colorants (coucou le dioxyde de titane dans les sucreries ou la fameuse tarte Infiniment Vanille de chez Pierre Hermé, ou le colorant rouge des pralines roses bas de gamme). L’essor du réseau social Instagram est symptomatique de cette dérive, car on y trouve de nombreux clichés modifiés, ou vantant des produits sans aucun intérêt gustatif. La boulangerie a aussi sa part : les « améliorants » anti-cloque, l’acide ascorbique pour garantir le volume du pain, les ingrédients favorisant la caramélisation de la croûte… sont autant d’exemples qui nous montrent qu’un métier où les produits devraient être porteurs d’une certaine forme de vérité n’est pas épargné par ce fléau. Les sommes d’argent considérables investies dans les agencements de boutique plutôt que dans le personnel et sa formation s’inscrivent dans le même esprit. Les vendeurs d’emballages se frottent les mains, et une certaine catégorie d’artisan se satisfait bien de ces écrans de fumée.
« On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » Antoine de Saint-Exupéry avait si bien résumé cette pensée pleine de sens. Détachons-nous du visuel pour revenir à l’authentique.

Une autre preuve que nos yeux sont faillibles réside en l’apparence similaire d’objets pourtant différents. Si l’on se contente de cette approche, on ne saisit pas leur essence. Il faut les croquer, les écouter, leur offrir un peu de notre temps et de notre sensibilité. Essayer de les apprivoiser, et inversement. La fève de Tonka et la fève de Cumaru sont semblables, mais leur parfums diffèrent légèrement : leurs origines sont différentes, comme le décrit d’ailleurs ce blog. Seuls les vrais connaisseurs distinguent réellement les deux produits. Antônia, de la boulangerie De Pâte à Pain, à Jouars-Pontchartrain (78), est de ceux-ci : forcément, ses origines brésiliennes n’y sont pas pour rien.

C’est à quatre mains que le talentueux couple, qui s’est récemment illustré dans l’émission La Meilleure Boulangerie de France en remportant la finale Ile-de-France, a conçu ce pain : une Tourte de Seigle au Cumaru. Richard a apporté tout son savoir-faire boulanger, Antônia sa créativité et sa culture. Ce savant mélange donne un relief tout particulier à ce produit : non seulement la tourte est un modèle du genre -avec une croûte présente mais pas excessive, un levain bien dosé et une farine de qualité sélectionnée chez les Moulins Viron-, mais la fameuse fève relève les parfums miellés et épicés du seigle. L’ensemble est ainsi particulièrement aromatique et addictif. J’y retrouve personnellement des arômes similaires à ceux développés par le mélilot, une plante traditionnellement utilisée comme fertilisant naturel dans les champs. Le voyage réalisé est plutôt surprenant : le seigle nous envoie en Auvergne, la fève s’envole vers les chaudes latitudes du Brésil… pour nous faire revenir là où tout commence, au plus près de la terre.
On peut ainsi déguster cette création seule, mais aussi en accompagnement de viandes rouges. Les plus gourmands l’associeront avec du chocolat ou une pâte à tartiner forte en cacao, ce qui devrait donner un relief tout particulier à leurs goûters et petit-déjeuners.

J’aime quand le pain est source d’évocation, qu’il nous transmet des émotions. On parle parfois d’une « cuisine d’auteur », pourrait-on en faire de même en boulangerie ? Si oui, cette création pourrait sans doute s’y rattacher. Merci à Antônia et Richard pour la découverte !

Tourte de Seigle au Cumaru, De Pâte à Pain, Jouars-Pontchartrain (78), vendue au poids, 7,95€ le kilogramme.

Bonne année 2017 -oui, c’est vrai, j’ai failli rater les voeux !-. Puisse-t-elle être placée sous le signe de la santé, du bonheur, de la réussite… mais aussi et surtout de l’envie de continuer à partager avec tous ceux qui vous sont chers des moments chaleureux, de profiter de chaque minute qui passe sans pour autant être obsédé par la suivante. Il paraît que c’est la période des bonnes résolutions. Je dois avouer n’en avoir pris aucune, à la fois car je doute de ma capacité à les tenir, mais aussi parce qu’il me semble préférable de ne pas attendre des occasions définies de façon arbitraire pour mener les changements nécessaires, que ce soit dans sa vie ou son travail.
Les fêtes sont passées, il en reste un peu dans nos coeurs et nos têtes, et le mois de janvier se plaçant toujours sous le signe de l’Epiphanie les agapes ne sont pas tout à fait terminées.

Quand il s’agit d’agapes justement, nos artisans ont toujours de bonnes et belles idées pour nous régaler. Bien sûr, il y a ceux qui se contentent de réaliser avec brio leur gamme habituelle -c’est déjà beaucoup !-, tandis que d’autres l’enrichissent avec des gourmandises parfois surprenantes. Casser la routine, c’est susciter l’intérêt de son client et lui réaffirmer l’engagement que l’on entretient à son service. Parfois, il faut aller chercher assez loin pour trouver de quoi surprendre… et se libérer des idées reçues que l’on attribue à son métier et aux recettes qui y sont associées.

Des brioches façon Cramique Belge, aux raisins et sucre grain.

Prenez la brioche. Cette préparation riche en oeufs, beurre et sucre est généralement préparée dans un pétrin mécanique, voire un batteur. Beaucoup d’artisans y associent un pétrissage assez intensif, à coup de seconde vitesse (si ce n’est plus !), qui permet d’incorporer plus facilement les ingrédients à la pâte, de structurer le réseau et obtenir un lissage plus rapide avec une texture plus légère sur le produit fini… au prix d’une dégradation possible de la matière première. J’ai tendance à penser que rien ne se fait de bon par la force, et qu’au contraire il serait préférable de toujours privilégier des méthodes plus « douces ».

Produits L’Etoile du Berger sur le stand BCR lors d’Europain 2016.

Franck Debieu prône justement depuis plusieurs années un retour à des méthodes de fabrication plus respectueuses de l’humain et appelant à réintroduire une sensibilité trop souvent perdue… et par la même occasion redonner du sens à un métier qui n’en a plus aucun dès lors que le boulanger devient un simple ouvrier, entièrement dépendant des « solutions » fournies par ses « partenaires » que sont les meuniers et ingrédientistes. Que ce soit dans ses fournils ou au travers de sessions de formation, il transmet le goût du pétrissage manuel et de la relation particulière qu’il créé avec la pâte. Au quotidien, les boulangers de l’Etoile du Berger réalisent ainsi le Saint Père, dont je vous avais parlé il y a déjà plusieurs années, qui pourrait paraître perdu parmi une large gamme fabriquée selon des procédés plus classiques. Pourtant, c’est tout l’inverse : la démarche rayonne sur le reste des produits dans le sens que les boulangers prennent conscience de l’importance qu’a leur action sur le résultat final. Au final, tout le monde est gagnant.

Pour la fin d’année 2016, c’était une brioche bien particulière qui avait rejoint les vitrines des boulangeries de Sceaux et Meudon. Brioche ? Pas exactement en réalité, car le Pain des Délices – puisque c’est son nom – se situe à la croisée des chemins entre la boulangerie pure et la viennoiserie. Du fait du pétrissage manuel, nous sommes bien loin de la mie filante qu’apprécient de nombreux consommateurs, pour autant elle n’en demeure pas moins fondante et incroyablement parfumée. On ne sait pas bien si l’on déguste un pain ou autre chose, c’est un peu un OVNI du genre. Le beurre et les oeufs expriment bien leur saveur facilement identifiable, et le travail de la fermentation porté par le levain naturel les met bien à l’honneur. La croûte exprime des notes caramélisées et est recouverte d’un voile de sucre craquant qui relève l’ensemble avec beaucoup d’élégance. Etant assez peu chargé en matières grasses et en sucres comparé à de nombreuses brioches, le Pain des Délices se déguste parfaitement avec des mets sucrés -confitures, pâtes à tartiner…- ou salés -il est parfait avec le foie gras-… mais aussi et surtout seul, comme une véritable gourmandise. Par ailleurs, et c’est une chose à saluer, c’est un produit particulièrement digeste et « léger », fait assez rare dans le monde des brioches.

En se libérant des codes pré-établis, que ce soit dans une profession ou plus généralement dans la vie, on parvient mieux à créer, à surprendre et parfois à se surprendre. Les équipes de l’Etoile du Berger nous l’ont encore une fois bien prouvé avec ce produit d’exception, que j’avais pu découvrir sur le salon Europain 2016. J’espère que nous aurons l’occasion de le déguster à nouveau en boutique, en dehors des fêtes !

Le Pain des Délices, L’Etoile du Berger, vendu 8,50€ la pièce d’environ 750g à l’occasion des fêtes de fin d’année 2016

Devant leur pétrin, les artisans boulangers ressemblent à s’y méprendre à des druides : ils préparent de savoureuses mixtures, lesquelles ne manquent pas de vie : bulles, liquides, solides variés, … si le mélange est bien réalisé, l’alchimie ainsi créée fait le reste et ce sont de beaux pains qui sortiront du four. Malheureusement, ce sont souvent des apprentis sorciers qui se trouvent aux commandes, pour un résultat bien moins glorieux. Pire encore, ils ont tendance à penser que des mélanges fabriqués en industrie et chargés en substances douteuses pourraient faire illusion. Seulement voilà, il n’existe pas de potion magique pour acquérir du savoir-faire, et les raccourcis n’aboutissent à rien de bon, que ce soit en boulangerie, en magie, dans les histoires pour enfant ou ailleurs.

Yosuké Fujié est un boulanger aussi talentueux que discret. S’il est originaire du Japon, c’est bien en France qu’il a appris le métier, avec toute l’implication et l’exigence que l’on prête aux japonais. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est au sein de Maison Landemaine qu’il a évolué jusqu’à devenir responsable du fournil de leur boulangerie d’Asnières-sur-Seine lors de son ouverture l’an passé. Entre temps, il aura obtenu le 6ème prix de la Meilleure Baguette de Paris en 2013 et vogué quelques mois vers d’autres horizons, notamment au sein du Moulin de la Vierge, dont les fours à bois auront marqué son expérience d’artisan.

En plus d’être un technicien, Yosuké est un créateur. C’est au contact de chefs cuisiniers reconnus qu’il a développé des pains surprenants, adaptés aux mets servis sur des tables prestigieuses. Du pain de mie à l’ortie à celui parfumé à la bière au yuzu, il a multiplié les essais pour offrir des produits aboutis et à la hauteur des exigences de ses partenaires.
Depuis quelques mois, deux de ses créations sont proposées en boutique, à Asnières. La clientèle peut ainsi découvrir la tourte de Meule aux pommes Granny Smith – un délicat équilibre entre saveurs acidulées et sucrées – et le pain au foin.

Une belle mie couleur crème

Une belle mie couleur crème

Si les pains fumés rencontrent un vif succès sur la place parisienne, je dois dire que j’ai été nettement plus séduit par la subtilité de ce produit. Pour le réaliser, Yosuké fait patiemment infuser du foin dans l’eau de coulage avant de la filtrer. Il a choisi de réaliser ce pain sur une base de farine de Tradition, avec une longue fermentation et peu de levure.
Les arômes naturellement sucrés du froment s’expriment ainsi pleinement dans cette mie moelleuse, et le foin les sublime tout particulièrement : il devient un véritable condiment et n’a de cesse de relancer le plaisir à la dégustation. 
L’étape de fabrication la plus délicate reste en définitive la cuisson : du fait de l’absence de matières grasses dans la pâte, les saveurs infusées ont tendance à s’échapper car rien ne les « fixe ». De nombreux essais auront été nécessaires pour aboutir au résultat présenté aujourd’hui en boutique.

Derrière son aspect rustique – le pain est façonné en de grosses pièces, coupées à la demande pour le client -, ce produit révèle une grande délicatesse et s’associe élégamment avec tous types de plats, sans jamais en masquer la saveur. Les viandes blanches sont très bien relevées par la note végétale du foin.

On pourrait faire une longue tirade sur la balade dans les champs que nous propose Yosuké avec ce pain. C’est vrai qu’en définitive, c’est un peu ça : un promenade entre les blés et le foin. Pour les urbains que nous sommes, je ne suis pas persuadé que tout cela ait beaucoup de sens, alors restons sobres mais apprécions à sa juste valeur le goût de ce pain, qui fait partie de mes préférés.

Pain au foin, vendu à la coupe, 6,80€/kg, uniquement dans la boulangerie Maison Landemaine Asnières.

Notre sens du goût est défini culturellement : c’est un élément acquis et non pas inné. Dès lors, il n’y a pas de contrainte physique qui pourrait nous empêcher d’apprécier l’ensemble des saveurs et produits mis à notre disposition. Bâtir sa liberté culinaire, c’est abattre les frontières du « j’aime » et « je n’aime pas », remettre en question nos idées pré-conçues et toujours chercher à découvrir. J’ai été beaucoup inspiré par le travail de Philippe Conticini sur cette voie : le célèbre chef pâtissier a cherché a remettre à plat son goût pour mieux se connaître et être en mesure de se définir pleinement, pour savoir ce qu’il voulait offrir aux autres. Une telle démarche met bien en valeur l’importance que l’on devrait donner à l’éducation sensorielle, et aux apprentissages qui devraient être réalisés dès le plus jeune âge autour de l’alimentation. L’enjeu est de taille : il faut parvenir à transmettre aux générations futures des valeurs, le goût du bon… en sachant aussi ce qui l’est moins.

Les traditions sont d’ailleurs un élément clé de notre culture culinaire. Selon qu’on soit né en France, en Amérique, en Asie, en Afrique… nos habitudes en terme de repas seront différentes. Cela s’explique par la disponibilité de certains produits localement, par un mode de vie particulier, par un climat… ou par des contraintes politiques établies à un moment donné.
En Toscane, le sel était particulièrement cher, ce qui a poussé les habitants à s’en passer le plus possible… et notamment dans le pain. Ainsi est né leur tradition d’un pain sans sel, qui s’est révélé idéal pour accompagner charcuteries et fromages, largement consommés dans ce territoire.

Mur à pains avec la Toscana, Foricher les Moulins

Aujourd’hui, dans notre vision du pain français, il nous paraîtrait bien difficile de se passer de sel : son taux avait par ailleurs explosé en même temps que les boulangers adoptaient des processus intensifiés. Pour « corriger » le caractère fade du produit et réguler la fermentation, on y allait par poignées dans les pétrins… souvent sans même le peser. Tout cela n’est pas bon pour la santé : le corps médical nous a alerté sur les méfaits d’une consommation excessive de sel, notamment pour la tension artérielle. Le pain fait partie de l’alimentation courante, et il doit participer à l’effort de réduction de la consommation. Le Plan National Nutrition Santé -PNNS- visait un objectif à 18g de sel par kilo de farine pour fin 2014… je pense que nous en sommes encore loin dans certaines boulangeries.

La Toscana nature et sa déclinaison aux noix de pécan

La Toscana nature et sa déclinaison aux noix de pécan

Patrick Cognard et Yvon Foricher ont découvert le pain Toscane lors d’un déplacement en Italie pour participer à la mise en place d’un partenariat avec un distributeur local. Si l’idée les a interpelés, ils ont aussi trouvé le produit fort décevant dans bien des cas. Piqué au vif, le fameux boulanger démonstrateur a multiplié les essais et les recherches de retour en France. C’est un travail de plusieurs années qui s’achève avec la présentation au salon Europain de la farine et du pain Toscane par Foricher les Moulins.
Nous sommes bien loin de l’idée que l’on se fait habituellement d’un pain sans sel : généralement, c’est un produit très pâle, sans saveur. En voyant ces belles tourtes à la croûte dorée, difficile d’imaginer leur secret.

Une fiche produit complète a été élaborée pour présenter la Toscana.

Une fiche produit complète a été élaborée pour présenter la Toscana.

Leur secret n’en est pas tout à fait un : pour parvenir à un tel résultat, il faut mener un travail sur le levain et la fermentation. C’est de cette façon que l’on développe les arômes, la croûte, … en bref, que l’on aboutit à un produit de qualité. Patrick Cognard et son équipe ont fait le choix d’utiliser une farine T80, moulue à partir de blés CRC.
Bien sûr, une fois en bouche, les sensations sont surprenantes : le sel stimule les papilles, il nous fait saliver et relance l’envie. Ici, rien de tout ça. On ressent des notes torréfiées, un goût de céréales pur et sans biais. La déclinaison aux noix de pécan n’est pas sans intérêt : le croquant des fruits secs apporte de la texture et leur saveur particulière. Comme en Italie, le pain Toscane est le compagnon idéal des plateaux de charcuterie et des fromages. Personnellement, je l’ai aussi beaucoup apprécié seul, ou avec un peu de beurre.
En laissant vieillir ce produit, son goût s’affirme, notre palais s’habitue au changement… après tout, pourquoi pas ? Il ne s’agira sans doute pas d’un produit de masse -j’en ai vu plus d’un rebuté par son caractère atypique !-, mais l’expérience a du sens si l’on prend un peu de recul.

Plutôt que de chercher à toujours ajouter des éléments extérieurs, des exhausteurs de goût, on revient aux fondamentaux, au savoir-faire du boulanger : la maîtrise de la fermentation et des levains. L’importance de la qualité de la matière première est aussi mise en avant : sans bonne farine, pas de saveur. Les écrits de Parmentier défendaient le fait que le levain devait être l’assaisonnement du pain. Nous sommes pleinement dans cet esprit, et sans aller jusqu’à 0g de sel, on peut tout à fait imaginer une réduction moins drastique du taux sans rogner sur le plaisir de dégustation. Aujourd’hui 18g, demain 10g ? Soyons réalistes, exigeons l’impossible !

Pain la Toscana, Foricher les Moulins, présenté en avant-première au salon Europain 2016. Prochainement disponible chez des artisans boulangers clients de ce meunier.

« Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir »… une fois n’est pas coutume, je débute mon billet en paraphrasant l’un de nos plus grands poètes contemporains (sic). Je dois dire que c’est un peu ce que j’ai pensé en chutant de vélo ce samedi matin, il faut dire que cela aurait été un peu plus compliqué de courir le pain sans jambes. Fort heureusement, tout n’était pas si noir, puisque quelques points auront suffi pour recoudre un menton ouvert.

Pour autant, cette fameuse couleur s’est invitée dans les vitrines de nos boulangeries ces dernières années, et ce n’est pas lié à des cuissons qui seraient trop poussées. Ainsi, chez des artisans comme Gontran Cherrier, on peut naviguer dans un noir… d’encre, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit : les pains sont enrichis d’encre de seiche. Le parfum marin que cela confère au produit n’est pas du goût de tout le monde, et il existe d’autres moyens de parvenir à ce résultat. Certains incorporent un mélange d’épices développé par Thiercelin (le Curry Black Pearl, dans des Buns chez Graines de Créateurs à Neuilly), tandis que d’autres cherchent plus loin…

Pain au Charbon de Bambou et Chocolat Blanc, La Gambette à Pain (Paris 20è)

… au point de sérieusement charbonner. Il faut dire que Jean-Paul Mathon ne ménage pas ses efforts au fournil, et que l’expression lui conviendrait tout à fait. Cependant, ce n’est pas de lui qu’il s’agit mais d’une de ses dernières créations. Toujours très inventif, il a eu l’idée insérer dans sa pâte à pain du charbon de bambou.
Le résultat est surprenant, aussi bien visuellement que gustativement. On obtient une mie d’un noir profond, avec de profondes et subtiles notes ambrées, qui nous emmènent sur un terrain que l’on connaît rarement en boulangerie.
Je dois dire que je ne suis pas un grand adepte des pains farinés, mais le contraste noir/blanc est particulièrement réussi.
L’artisan ne s’est pas arrêté là : en ajoutant de généreuses pépites de chocolat blanc, il rend l’expérience encore plus intéresse, puisque l’on navigue entre la douceur et les saveurs sucrées avant de replonger dans cet univers plus « adulte ». Saupoudrées avec gourmandise sur la croûte, les graines de sésame achèvent ce tableau par leur craquant et leur parfum de grillé, de torréfaction.
Au hasard du pétrissage et de la cuisson, le chocolat blanc se retrouve à la surface du pain et caramélise, ce qui enrichit encore la palette des arômes développés par ce pain.

Vue Tranchée, Pain au Charbon de Bambou et Chocolat Blanc, La Gambette à Pain (Paris 20è)

Comme d’habitude à la Gambette à Pain, la mie est fondante, très hydratée et rend la dégustation particulièrement agréable. On commence avec un petit morceau, une tranche, puis une seconde, une troisième, … avec cette insatiable envie de comprendre cette expérience saisissante, mais aussi de céder à la tentation de la gourmandise.
Une fois encore, Jean-Paul Mathon nous propose un produit atypique, exprimant pleinement sa signature d’artisan, sa curiosité et son ouverture sur les cultures du monde. Merci à lui !

Pain au Charbon de Bambou et Chocolat Blanc, La Gambette à Pain (Paris 20è), vendu à la pièce uniquement le mardi, 2,90€ les 250g.

Non, ce n’est pas un poisson, Avril est définitivement le mois des chocolatiers. Oui, c’est Pâques, man. Trêve de plaisanteries, au delà des célébrations religieuses, nos artisans parviennent à tirer leur épingle du jeu en proposant des créations gourmandes qui ravissent petits et grands. Nous sommes habitués aux oeufs, poules, lapins, … mais aussi nids de Pâques et autres pâtisseries qui finissent par être un peu poussiéreuses.

Heureusement, certains ont décidé de renouveler le genre. Les sujets de Pâques prennent de nouvelles formes, parfois insolites, poétiques ou attendrissantes – j’ai moi même fondu pour un charmant Ibis des Marais chez Christophe Roussel. Les gâteaux se font plus légers et inventifs, même chez Ladurée, sous l’impulsion du jeune et créatif Yann Menguy, lequel nous a proposé un savoureux Entremets Paquerette en trompe l’oeil.

Du côté des boulangers, on pourrait penser que le champ des possibles est plus limité. Il n’en est rien. Gontran Cherrier nous avait ainsi préparé un amusant Kouglof chocolaté, à napper au dernier moment d’une crème, d’autres avaient préparé des brioches, tandis que les plus puristes étaient restés dans le domaine strict de la panification en proposant des déclinaisons autour du pain au cacao.
Au mois d’avril, pour accompagner les célébrations pascales, la Maison Kayser propose un pain très abouti et parfumé, qui associe textures, saveurs épicées et bien sûr… chocolat.

Pain Chocolat Noir-Noisettes & Fèves de Tonka, Maison Kayser

Créé en 2014, le pain Chocolat Noir, Noisettes et Fèves de Tonka avait fait forte impression auprès de la clientèle… ce qui justifie naturellement son retour cette année.
L’épice exprime pleinement ses notes de vanille, de musc, de tabac, si particulières et caractéristiques. Elles sont portées par une base de pain Ekmek, à l’huile d’olive et au miel. Ce choix n’est pas anodin, car les matières grasses et le sucre incorporés contribuent à fixer et sublimer les arômes, tout en offrant une texture moelleuse et une meilleure conservation. Cette spécialité d’origine turque faisait partie jadis de la gamme permanente de la Maison Kayser… ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, dommage.

Les morceaux de chocolat, présents en quantité et tailles généreuses, prolongent le plaisir par leur saveur vive et légèrement acidulée. Ces derniers sont de bonne qualité et leur goût s’en ressent : du Valrhona 62% de cacao, s’il vous plaît !
Pour finir, les noisettes complètent ce tableau gourmand par leur croquant. Certaines boulangeries Kayser les torréfient, ce qui exalte leur parfum et leur permet de s’exprimer sur la fève de Tonka, qui a tendance à prédominer sinon.

Les épices sont trop rarement utilisées en boulangerie et c’est bien dommage, ce produit en est une bonne preuve. On mange ce pain comme une vraie gourmandise, seul ou accompagné d’un peu de confiture de fruits rouges, au petit-déjeuner ou au goûter. Le jeu de textures -moelleux, croquant, fondant- et de saveurs rend l’ensemble particulièrement addictif.
Reste la question du prix, assez élevé : 3,50€ pour des pièces d’environ 300g, c’est cher mais pas tant que ça si l’on tient compte des ingrédients incorporés (chocolat, noisettes, huile d’olive, miel, fève de Tonka) et du fait que cela remplace avantageusement une brioche, souvent plus onéreuse.

Il ne reste plus que quelques jours pour en profiter, puisqu’il sera remplacé en mai par le pain Ekilibre… beaucoup moins gourmand !

Je dois bien l’avouer, je cède parfois à la peur, je reviens littéralement terrorisé de mes parcours painrisiens. Oh, non pas à cause du courroux de certains artisans vis à vis de mes propos parfois tranchants, ou bien parce que la situation de la boulangerie artisanale demeure préoccupante, même dans la capitale. Vraiment rien de tout ça. Ce sont tout simplement les produits qui m’effraient, et le fait que les consommateurs continuent à se presser devant les portes de certains établissements dont la production alterne entre le juste « moyen » et le carrément catastrophique.
Il n’y a pas que les baguettes blanches, les difformes sont tout aussi nombreuses, de même que les grignes déchirées, les mies serrées… au final, c’est ma gorge qui finit par l’être, serrée. Pourtant, je n’ai pas l’habitude de me promener en cravate.

Cependant, je tente d’affronter ce sentiment. Tout comme Paul Atréides, héros du fameux roman futuriste Dune (vous noterez la qualité de mes références culturelles). « Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi. »

Pain Potiron et Graines de Courge, La Gambette à Pain (Paris 20è)

Certains boulangers m’aident dans cette lutte de longue haleine. Jean-Paul Mathon est de ceux-ci, mais il semblerait que lui aussi voudrait nous faire peur… à l’occasion d’Halloween. Au lieu de creuser des citrouilles comme le font si bien de nombreuses familles, le talentueux artisan de l’avenue Gambetta les a découpées… pour les incorporer dans un pain. En définitive, cette création au Potiron et Graine de Courge n’a rien d’effrayant, bien au contraire. Façonné en petit bâtard, avec une grigne unique bien ouverte, ce pain suscite la gourmandise par son visuel : légèrement orangé, parsemé de généreux cubes de légume et de graines, la curiosité est piquée au vif. Au nez, ce sont des notes sucrées et épicées qui s’expriment, comme une promesse de douceur et de réconfort pour l’automne.

Vue tranchée, Pain Potiron et Graines de Courge, La Gambette à Pain (Paris 20è)

N’ayons pas peur de rompre la croûte – fine et craquante par ailleurs -, aucun mauvais sort ne nous attend. On découvre ainsi une mie toujours bien alvéolée, très hydratée. C’est d’ailleurs sur ce point que la grande maîtrise de ce boulanger s’exprime le mieux, car il parvient à incorporer des fruits ou des légumes frais (ici le potiron, mais il travaille aussi la pomme le vendredi) en obtenant un produit de bonne tenue.
La texture de mie est ainsi légère, fondante, sensation renforcée par la douceur humide du cucurbitacée. Les saveurs s’enchainent, se mélangent et se distinguent au fil de la dégustation : vanille, noisette, sucré, salé, on voyage rapidement à la frontière entre plusieurs univers et on ne saurait, en définitive, trop dire si l’on a goûté un pain ou une véritable gourmandise. Laissons le délicieux doute subsister et continuons de faire craquer les délicieuses graines, qui constituent autant de points de contraste -de par des notes grillées, très chaudes- avec le potiron.

Pain Potiron et Graines de Courge, La Gambette à Pain (Paris 20è)

Pour profiter au mieux de l’expérience, mieux vaut sans doute déguster ce pain seul. Il accompagne néanmoins des plats salés avec beaucoup d’élégance : viandes blanches, poêlées de champignons, carottes … autant de déclinaisons automnales, et ce n’est sans doute pas un hasard au vu de la couleur orangée du produit, qui n’est pas sans rappeler celle des feuilles disposées le long de nos chemins. Comme souvent, la note lactique d’une noix de beurre est également agréable, et soutient la douceur du mélange.

Jean-Paul Mathon semble décidément inspiré ces derniers temps, et c’est pour notre plus grand plaisir. Peu de boulangers développent une telle dynamique, à plus forte raison sur le pain, qui est généralement l’enfant pauvre de la création. Pourtant, le champ est large pour inventer de nouveaux produits, dès lors que l’on s’affranchit de la peur de ne pas trouver l’adhésion de la clientèle… Je ne sais pas si cela était une expérimentation et si le produit intégrera la gamme de façon plus durable, je l’espère en tout cas.

Pain au Potiron et Graines de Courge, La Gambette à Pain – Paris 20è, vendu le mardi 29 octobre 2013, 2,80€ la pièce de 250g.

Entrer dans une boulangerie, c’est un peu comme pénétrer dans une jungle, un lieu sauvage où cohabitent toutes sortes de pains et de produits. Parmi eux, tous ne sont pas égaux, et certains sont plus ou moins bien nés. En bon explorateur, je prends mes jumelles pour mieux observer la vie -paisible ou agitée- de ces curiosités salées ou sucrées. Puis vient le temps de la rencontre, des tentatives d’approche. Dociles ou rebelles, les créatures se laisseront apprivoiser avec facilité ou peine… c’est le jeu, sans doute. Ce qui est plus dommage, c’est quand aucun souffle de vie n’a été insufflé au corps, qui demeure alors inerte, sans intérêt. Je fais bien sûr référence aux nombreux produits industriels qui remplissent les vitrines de nos boulangeries.

Au cours de mes chasses -plus diurnes que nocturnes, d’ailleurs, le painrisien est un animal de jour-, j’ai rarement l’occasion de rencontrer des zèbres. Pensez-vous, nous sommes plutôt habitués à des tableaux uniformes sous nos contrées, avec une fâcheuse tendance à tirer vers le blanc et le pâle. Quelques artisans ont fait le choix de perturber un peu l’ordre établi avec des créations multicolores, et pour cela le pain de mie et les brioches se font d’excellents terrains de jeu.

Pain de mie Vanille-Chocolat, L'Autre Boulange, Paris 11è

C’est ainsi que j’ai découvert le pain de mie Vanille-Chocolat à l’Autre Boulange, dans le 11è arrondissement. Cette boulangerie « à l’ancienne », tenue par la famille Durand, n’est sans doute pas celle que je qualifierais de plus créative sur la place parisienne, et ici la jungle tiendrait plus du gentil zoo à visiter en famille, histoire de découvrir dans une ambiance sympathique et chaleureuse les spécialités de la maison. Dans cette gamme, ce pain « marbré » attire forcément l’oeil, d’autant que son intitulé ne manque pas de susciter l’envie et la curiosité.

Ying et Yang sont ainsi réunis en version comestible. Noir pour la gourmandise chocolatée, se rapportant ainsi à nos penchants plus sombres, blanc pour la partie neutre… car c’est bien là le problème : la vanille que l’on nous avait promis n’est pas de la partie, et on doit ainsi se contenter de timides notes de beurre. L’artisan n’a pas pris le parti de réaliser un pain de mie assez « riche », ce qui a pour conséquence directe d’aboutir à un produit plutôt compact et légèrement sec. Heureusement, le cacao vient relever l’ensemble et apporte de la rondeur, bien que le parfum demeure assez peu prononcé et plutôt porté sur l’amertume en définitive. Dans tous les cas, difficile d’envisager la consommation de ce produit dans un autre cadre que celui de la gourmandise, au petit-déjeuner ou au goûter, éventuellement relevé d’un peu de beurre ou de confiture.

Tranches, Pain de mie Vanille-Chocolat, L'Autre Boulange, Paris 11è

Il ne suffit donc pas de réaliser des pains attirants sur le plan du visuel : le goût doit être à l’avenant, de même que la texture de l’ensemble. Dans le cas présent, si le premier contact séduit, la dégustation déçoit. L’idée était bonne, mais il reste encore du chemin avant de parvenir à une réalisation tout à fait probante. On pourrait imaginer de multiples déclinaisons, comme d’autres le font, aussi bien en sucré qu’en salé (avec apport de purées de légume chez certains artisans).

Pain de mie Vanille-Chocolat, L’Autre Boulange – Paris 11è, vendu à la pièce, 3,50€ les 400g.

La créativité est une affaire de périodes. Selon nos rencontres, nos préoccupations, nos envies, nous sommes plus ou moins enclins à développer de nouvelles idées puis à les mettre en oeuvre. Certains artisans, complètement pris dans leur production quotidienne et dépourvus de toute capacité mentale et physique de s’en détacher, finissent par ne plus innover, ils reproduisent bien plus qu’ils créent. Bien sûr, d’autres n’ont jamais tenté ni envisagé l’expérience, mais je crois que cela ne vaut pas la peine d’en parler ici.

Du côté de l’avenue Gambetta, chez Jean-Paul Mathon, les nouveautés boulangères se sont faites rares ces derniers mois. Depuis le pain Monascus et ses baies de Goji, il n’y avait rien eu de bien remarquable ou durable dans les propositions de l’artisan, lequel étend sa gamme les mercredis et vendredis. Certes, les basiques n’ont jamais cessé d’être réalisés avec talent et attention, à l’image du Pain Préféré, du Campagne, de la Gambette ou encore du Pain aux Pommes et au Cidre… sans oublier le brioché à l’ancienne et ses déclinaisons libres à la pistache ou au sésame noir. Du côté des viennoiseries, les escargots ont vu défiler des saveurs variées, tout comme les tartes.

L'Azuki dans le Pré, La Gambette à Pain (Paris 20è)

Quand j’ai vu ce pain aux tons verdâtres bien marqués, il m’était difficile de repartir sans. Au delà de la couleur, le nom m’avait séduit : L’Azuki dans le Pré. En effet, non contente de nous révéler une partie de la composition du produit, cette dénomination est l’expression d’un trait d’esprit de l’artisan, qui en profite pour partager un peu de son univers si singulier. Très inspiré par l’Asie, ayant appris le Mandarin et épousé une femme originaire de cette région, Jean-Paul Mathon n’est vraiment pas un boulanger comme les autres : il manie aussi bien les pâtes que les mots… et même les images, la poésie.

En effet, si le fameux haricot rouge se retrouve dans un pré, c’est parce qu’il a été ajouté à cette pâte verte, riche en thé vert Matcha. Cette poudre est particulièrement « tendance » en pâtisserie – ou l’a été, tout du moins – mais beaucoup moins en boulangerie. On la retrouve principalement dans des créations chez Aki Boulangerie, rue Saint-Anne, mais il s’agit plus de brioches ou de produits moelleux et sucrés que de pains. Dans le cas présent, le produit proposé mérite bien cette appellation : doté d’une croûte fine, bien craquante, ce pain nous offre une fois tranché une mie très hydratée et gourmande. Autant de caractéristiques qui font la « signature » de la Gambette à Pain.

Vue tranchée, L'Azuki dans le Pré, La Gambette à Pain (Paris 20è)

J’aurais pu craindre une forte amertume, mais pas chez cet artisan : l’ensemble se révèle être d’une grande douceur. A la dégustation, on navigue entre les saveurs herbacées, que certains rapprocheront de celle des épinards, et les notes sucrées, apportées autant par les éclats d’Azuki que par l’essence même de la mie. Après avoir pu apprécier le nez caractéristique de ce thé de cérémonie japonais, c’est une véritable balade dans les champs que l’on réalise, un peu comme si l’on se promenait dans la campagne à l’aube, l’humidité de ce pain nous rappelant la douceur de la rosée. En le laissant vieillir, même si le produit perd de la consistance, l’expérience devient plus ‘intense’ et le parfum plus marqué.

La question pourrait être de savoir comment placer ce pain sur une table, avec quoi le déguster. Pour moi, c’est avant tout une belle gourmandise, qui se suffit à elle-même. Cependant, il pourra aussi constituer de surprenantes mouillettes pour les oeufs, ainsi qu’un délicieux accompagnement pour des mets acidulés (salades de carottes citronnées, par exemple) ou plus simplement viandes blanches et poissons. Bien sûr, des confitures acidulées, aux fruits rouges par exemple, s’accommodent bien de ce pain. Le Matcha est un étonnant révélateur de saveurs.

Encore une fois, Jean-Paul Mathon nous surprend avec une création équilibrée et pleinement à son image, entre douceur et générosité. Il nous transporte directement dans son univers… et on rejoint avec plaisir l’Azuki, perdu dans le pré, pour 2,80€ la pièce de 250g, un prix relativement modéré quand on sait le coût de la fameuse poudre de thé vert.

L’Azuki dans le Pré, La Gambette à Pain – Paris 20è, vendu à la pièce le mercredi, 2,80€ les 250g.

Il paraît que nous vivons dans une période de retour aux classiques, que les consommateurs se tournent avant tout vers des « refuges » avec lesquels ils entretiennent un rapport affectif. C’est vrai que l’on a rarement vu les marques aussi actives sur le sujet, avec des séries de recettes autour des Carambar, Petits Beurre, Speculoos ou encore de la Vache qui Rit (chez Marabout), de nouvelles saveurs et couleurs pour les sucreries (avec notamment le Tagada Pink), mais aussi des pâtisseries anciennes ressorties des placards. J’ai déjà du parler du sujet, car il est intéressant, mais il y a bien des spécialités qui n’ont pas quitté les vitrines alors qu’elles auraient bien besoin d’un coup de jeune.

En boulangerie-pâtisserie, les fondamentaux de la viennoiserie sont le croissant, le pain au chocolat, mais aussi… la viennoise. Vous savez, cette baguette brillante, élaborée à partir de farine dite « de gruau » (donc très blanche, T45 pour les intimes), d’un peu de lait, de beurre et de sucre. Moelleuse, elle a tout de même tendance à sécher assez vite, ce qui en fait un produit à consommer dans la journée. De plus, certains artisans se plaisent visiblement à la maltraiter, en la réalisant avec des ingrédients de mauvaise qualité : farine bas de gamme, lait stérilisé sans saveur, … Une réflexion est aussi à mener sur le format : ces longues étendues de pâte seraient bien en peine de constituer une gourmandise à consommer sur le pouce, car elles sont généralement trop « copieuses ». Les saveurs manquent de variété : en dehors de la déclinaison nature ou chocolat, avec des pépites souvent trop amères, de quoi lasser même les plus persévérants.

Viennoise au Praliné Noisette, P'tit Père, Le Pré Saint-Gervais (93)

Heureusement, quelques uns ont décidé de faire valser les viennoises. Jérome Duchamp est de ceux-ci. Au Pré Saint-Gervais, dans sa boutique « P’tit Père » de la rue Danton, les produits ne restent jamais bien longtemps, convoités par les nombreux gourmands qui se pressent pour découvrir les créations de l’artisan. A chaque visite, on découvre de nouvelles saveurs… et récemement, ce fut une Viennoise au Praliné Noisette. D’apparence, on pourrait croire que les pépites incorporées à la pâte sont faites d’un chocolat noir des plus classiques.

Il n’en est rien : en fondant sur la langue, elles révèlent leurs chaudes notes de noisette grillée et viennent relever la douceur lactique de la pâte, bien moelleuse mais « ferme » par ailleurs. Le dosage en sucre est bien réalisé, tout comme pour le beurre, qui assure au produit une bonne conservation. En définitive, la noisette s’invite discrètement, par surprise. On pourra rapprocher ces gouttes parfumées d’une célèbre pâte à tartiner, le côté gras et écoeurant en moins. Cette viennoise est une véritable mine d’or pour les gourmands : riche en pépites, elle se déguste sur le pouce grâce à un format adapté, idéal pour un goûter. Bien sûr, on peut choisir de la garder pour plus tard, et de la garnir d’un peu de confiture – si possible acidulée, aux fruits rouges par exemple – afin de créer encore plus de contraste avec la douceur de l’ensemble.

Viennoise au Praliné Noisette, P'tit Père, Le Pré Saint-Gervais (93)

Bien sûr, le praliné noisette n’est qu’une idée parmi tant d’autres, et cet artisan propose régulièrement d’autres saveurs. Une pratique très bien vue, car elle permet de maintenir l’intérêt de la clientèle, tout en conservant une recette de base commune. Parmi les associations que j’ai pu rencontrer dans mes visites au travers des boulangeries, celle du chocolat blanc et du citron vert est très réussie, tout comme la plus reconnue cranberries-chocolat blanc.

Viennoise au Praliné Noisette, P’tit Père – Le Pré-Saint-Gervais (93), vendue à l’unité, 1,50€ la pièce d’environ 150g.