On dit souvent aux enfants que la curiosité est un vilain défaut. C’est possible. Du moins, je serais tenté de dire qu’elle peut parfois être un défaut menant à des expériences désagréables, ce qui permettrait sans doute de la qualifier de vilaine. Dans tous les cas, elle me pousse parfois à aller voir des endroits que je pressens relativement peu intéressants. Autant cela permet de faire quelques découvertes agréables, autant j’ai souvent l’occasion de ne « pas être déçu » pour ainsi dire…

Cela faisait quelques temps que je voulais savoir ce qu’était devenue la boulangerie Pain d’Epis, où officiait précédemment Thierry Dubois. Je vous avais annoncé sa fermeture il y a quelques mois ainsi que son acquisition par l’enseigne Bon’heur de pains. Depuis, les travaux qui ont suivi se sont terminés et la chaleureuse boutique aux tons orangés a fait place à un décor résolument moderne… et plastique.

Ne cherchez pas une once d’authenticité ici, vous êtes bien dans une boulangerie « de chaîne » malgré le fait qu’elle se réclame artisanale, le pain étant en effet réalisé sur place. Dès l’entrée, on est interloqués par cet écran disposé sous le présentoir principal de la boutique, diffusant en boucle les « concepts » développés par la marque. Tout cela est bien entendu agrémenté de jolies images artificielles, selon lesquelles le monde serait parfait et souriant. On aimerait que ce soit le cas, mais malheureusement, les produits présentés ici ne parviendront pas à réaliser ce résultat.

Regardez le bel écran sous le présentoir...!

Du pain frais toute la journée ? Oui, d’accord. Les propriétaires de l’enseigne semblent vouloir capitaliser sur ce qui fait la force du système Paneotrad, c’est à dire la possibilité de réaliser de petites fournées et de cuire en continu, presque à la demande. Rien de bien révolutionnaire, puisque d’autres boulangers parisiens utilisent – beaucoup mieux, d’ailleurs – la même technologie de non-façonnage. Regardez comme cela peut produire des baguettes élégantes et à l’allure bien industrielle quand le travail est réalisé sans aucune passion ni envie.

Dépassons le visuel pour nous intéresser au goût, à la qualité générale du produit. Chez Bon’heur de pains, on n’a décidément pas froid aux yeux. En effet, le nom de la baguette de tradition de Thierry Dubois a été conservé. La Royale trône toujours fièrement en boutique, mais cela n’a plus rien à voir. Certainement fallait-il tenter de conserver quelques repères pour les consommateurs locaux. Le problème, c’est que cette baguette demeure royalement insipide, même si dotée d’une croûte craquante et fine, d’une mie relativement alvéolée – un peu sèche – et d’une mâche assez agréable. Cela ne compense pas pour autant cette absence de goût.

Le dessous d'une Royale... ce n'est ni beau, ni soigné.

Le reste de la gamme de pains ne présente pas beaucoup plus d’intérêt, malgré la diversité présente. Tourte de seigle, pavé aux olives, « forêt noire », campagne, pain au maïs… L’ensemble demeure plutôt sec et onéreux, bien loin d’être justifié par la qualité des produits.

Les pâtisseries demeurent très simples, accessibles et pâtissières mais ne parviennent pas à attirer l’intérêt, elle pourront compléter une formule déjeuner sans difficulté si l’on met de côté le caractère probablement industriel de ces produits. Pas d’exploit non plus du côté des viennoiseries, bien grasses et sans grande finesse.

L’offre salée décline sandwiches, wraps, quiches et salades avec là encore la même constante quant à un aspect peu artisanal et moyennement qualitatif. On doit cependant reconnaître le fait que les prix restent abordables, même si cela n’explique ni ne justifie rien.

Point positif pour l’accueil, efficace et plutôt sympathique. Les clients sont servis rapidement et avec le sourire. En caisse, une de ces fameuses machines à pièce est présente, rien de bien étonnant vu l’endroit.

Infos pratiques

63 avenue Bosquet 75007 PARIS (métro Ecole Militaire, ligne 8) / tél : 01 45 51 75 01
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h, le dimanche de 8h00 à 20h00

Avis résumé

Pain ? Plutôt sec, insipide, que ce soit du côté de la baguette de tradition (la Royale) ou de la gamme de pains spéciaux. Certes, les croûtes sont assez présentes même si la cuisson des baguettes a tendance à être trop courte, mais autant au nez qu’à la dégustation, bien peu d’arômes s’expriment. Ce n’est pas trop salé, ça n’est pas acide, mais ça n’est pas bon pour autant. La diviseuse Panéotrad utilisée ici nous fournit une absence de façonnage bien peu élégante.
Accueil ? Efficace, souriant et assez sympathique, c’est certainement du côté de l’humain que cette boulangerie s’en sort le mieux, ce qui serait presque surprenant. N’attendez pas toutefois une grande formation du personnel autour des produits.
Le reste ? Que ce soit en sucré, avec des pâtisseries, viennoiseries et autres gourmandises, la boulangerie demeure dans des gammes simples sans pour autant offrir des saveurs authentiques et intéressantes. L’offre salée ne relève pas le niveau  même si le tout est propre et frais, ce qui est à mettre au crédit de l’enseigne.

Faut-il y aller ? On ne peut que regretter le départ de M. Dubois de cet emplacement. Il savait en effet proposer des pains de très bonne qualité, savoureux et offrant une bonne conservation. Aujourd’hui, seuls quelques noms subsistent, comme la baguette Royale. Malheureusement, cela n’a plus rien à voir, que ce soit en terme de goût ou de qualité globale. C’est plutôt sec, sans intérêt. On passera donc notre tour, même si le pain est « toujours frais ». J’ai passer à la mauvaise heure pour le goût et les saveurs gourmandes… pas de quoi trouver du bon’heur en tout cas.

Les grandes maisons parisiennes ont toutes leur réputation, plus ou moins glorieuse. Certaines ont conservé leur image dorée, à l’inverse d’autres ont connu un certain désamour de la part de la population parisienne, et continuent à vivre de leur prestige auprès de la clientèle internationale, au travers notamment de leur présence dans ce nombreux guides. C’est assez dommage, car cela ne contribue pas à donner une bonne image de notre gastronomie, pourtant si vantée à l’international.

Tout cela n’est pas une fatalité, et certaines marques tentent de prendre les choses en main pour redonner à leur enseigne ses marques de noblesse et reconquérir cette clientèle perdue. C’est notamment le cas de Fauchon, qui a entrepris ces derniers mois d’importants chantiers visant à relever le niveau de qualité des produits vendus au sein de leurs boutiques de la place de la Madeleine. Il faut dire qu’il y avait du travail… à commencer par l’épicerie fine, où les chocolats affichaient des tarifs peu en adéquation avec le niveau du produit. En prenant une participation dans l’entreprise du chocolatier Pascal Caffet et en lui confiant la réalisation de ses gammes, la marque est parvenue à revenir sur des standards de qualité bien plus acceptables. Il reste du chemin à parcourir sur nombre de références, qui semblent issues de la grande distribution, juste « rebrandées » Fauchon.

Traversons la rue, intéressons-nous au 24/26 place de la Madeleine et plus particulièrement à l’offre sucrée ainsi qu’à la boulangerie. Jusqu’à l’an dernier, c’était le fameux Christophe Adam qui officiait ici et dirigeait la création de la maison. Certes, ses pâtisseries affichaient un visuel attirant, mais elles décevaient énormément au goût, ce qui avait fini par lasser les gourmands… Quant à la boulangerie, le pain n’est certainement pas le plus mauvais de la place parisienne, mais son prix est peu en rapport avec sa fraicheur, puisque les dernières cuissons sont achevées en fin de matinée.

Cette douce routine, cette pente descendante qui aurait bien fini par devenir savonneuse, a été enrayée par l’arrivée d’un nouveau chef, Fabien Rouillard. La maison ne lui était pas tout à fait inconnue, puisqu’il y avait déjà oeuvré plus tôt dans son parcours professionnel. Sa feuille de route ? Redonner du goût, apporter un nouveau souffle à l’offre « fraiche » de Fauchon.

L'opérette, un opéra... à la plage : Biscuit moelleux vanille, ganache crémeuse amande douce et amère, purée de pêche blanche fraîche, coque chocolat blanc argenté.

Au fil des mois, de nouvelles créations sont ainsi apparues dans les vitrines sucrées du traiteur parisien, et la transformation va continuer, voire s’accentuer, avec l’arrivée de la « collection » de pâtisseries Printemps / Eté. Nommée « Fauchon les Bains », elle a été présentée aujourd’hui aux blogueurs dont il faut croire que je fais partie, puisque j’étais convié à l’événement.

Eclairs Fraise Amande (le Deauville), éclairs Fraise des bois Citron Vert (le Cap Ferret) & éclairs Vanille Bourbon de Madagascar (les Sables) - 7€ l'unité

Après des mois passés entre chocolat, caramel, café et autres saveurs pouvant traverser l’hiver, cela apporte fraicheur, couleur et légèreté aux douceurs de la maison. L’éclair demeure la signature Fauchon, avec des déclinaisons autour des fruits rouges et jaunes. Ceux-ci seront d’ailleurs les premiers à arriver, puisque réalisés à partir de purées de fruit. Rendez-vous d’ici une quinzaine de jours pour les accueillir.
Viendront ensuite les premières tartes aux fruits, avec les fruits rouges qui feront leur apparition courant Avril. Le reste de la gamme se dévoilera au fil des mois d’été, entre juin et août, avant de s’achever avec les derniers fruits jaunes.

Justement, c’est là que se situe le point le plus intéressant de la démarche développée par Fauchon : le respect de la saisonnalité des fruits, et la priorité donnée à l’approvisionnement local de ceux-ci. Cela avait déjà été débuté avec le « Carré aux pommes » proposé cet hiver : sa fabrication mettait en oeuvre des pommes produites en Ile-de-France, avec diverses variétés au fil de la saison (vitelotte, granny ou encore patte de loup ces derniers temps… avant de s’achever dans les prochains jours). A chaque fois, il faut adapter le produit et les recettes, mais c’est ainsi que les choses doivent se faire : la nature a ses règles, qui ont à être respectées. Le résultat n’en est que de toute façon plus beau et plus savoureux.

Les éclairs et entremets Printemps / Eté chez Fauchon... Une liste gourmande !

Au cours des mois ensoleillés à venir, c’est un producteur de Gagny qui fournira le laboratoire de Courbevoie en fruits rouges variés. Gariguette tout d’abord, Mara des Bois ensuite… Chaque variété est plus ou moins précoce. Cette démarche est rendue possible par le fait que Fauchon ne possède qu’une seule boutique, et donc des volumes plus réduits (environ 500 clients par jour). On notera l’organisation de 4 week-ends « Fraises » où des tartes mettant à l’honneur ce fabuleux fruit seront réalisées devant les yeux des clients, comme l’an passé. Là encore, cet artisan maraîcher sera associé à l’opération.
Les entremets vont également revêtir leurs habits colorés et revisiter les grands classiques de la pâtisserie française : Opéra tout en fraicheur, fraisier bousculé, rien ne résiste à la créativité de Fabien Rouillard. Au programme, des visuels toujours soignés, assez simples mais élégants, et des associations de saveurs pertinentes.

Parmi les autres chantiers à mener pour le chef, la boulangerie, et c’est ce sur quoi je n’ai pas manqué de le questionner. Difficile d’avoir beaucoup d’informations à ce sujet, mais les effets devraient commencer à se faire sentir en mai, avec notamment la mise en place de 3 cuissons par jour. Cela permettra de proposer du pain bien plus frais en fin de journée, car jusqu’à présent les baguettes sont assez… fatiguées à 20h30, heure à laquelle le traiteur Fauchon ferme. D’autres points devraient également changer, mais rien n’a filtré.
Un travail sera également réalisé sur la gamme de glaces, qui en a bien besoin, ainsi que sur le développement d’une offre de biscuits secs « frais », à l’inverse de ceux proposés juste à côté à l’épicerie. Autant de sujets sur lesquels il faudra garder un oeil gourmand dans les prochains mois…

Le Biarritz, sorte de Fraisier revisité par Fabien Rouillard : biscuit léger, gelée de fraise et framboise acidulée, chantilly au chocolat blanc et vanille Bourbon de Madagascar, fraises fraîches Mara des bois, le tout enveloppé de pâte d'amande.

Dans tous les cas, j’ai beaucoup apprécié le fait qu’une vraie dynamique se dégage chez Fauchon, qui paraissait être une belle endormie. Autant M. Rouillard que les autres personnels de l’entreprise exprimaient une véritable volonté d’aller sur le terrain de la qualité et de la saveur. A voir si cela tiendra sur la durée, et surtout portera ses fruits. Resteront les prix qui demeurent très élevés, beaucoup trop pour rendre ces plaisirs potentiels accessibles au plus grand nombre.

Certaines régions offrent un terroir abondant, avec de nombreuses spécialités locales, ce qui rend presque nécessaire l' »export » vers d’autres zones voire pays pour écouler l’ensemble de la production et parvenir à faire vivre économiquement le territoire. D’autant plus quand il s’agit d’une île, ce qui limite mathématiquement la population locale et donc la consommation des dits-produits, même si le tourisme peut amener une clientèle de passage.

La Corse regorge de propositions culinaires au caractère affirmé, très « terroir ». Il y a bien sûr la châtaigne, mais aussi de nombreuses charcuteries (coppa, lonzu, figatellu…), fromages (brocciu, canestrelli…) et autres fruits (agrumes, notamment, avec le cédrat et la clémentine). Un large choix qui permet de composer un repas très gourmand et presque « canaille », pour ainsi dire.
L’avantage de ces produits, c’est qu’ils se conservent et voyagent très bien, permettant aux différents producteurs de trouver des débouchés un peu partout en Métropole… et bien sûr à Paris, où les épiceries corses ne manquent pas.

Ce qui est moins fréquent, ce sont les boulangeries corses. Je dois même avouer ne pas en connaître d’autres. Pour autant, la boulangerie Ghisoni, installée à deux pas de la place Saint-Augustin, dans le 8è arrondissement, ne peut pas renier ses origines. Dès la vitrine, les confitures corses annoncent la couleur et nous transportent sur l’île de Beauté pour un petit voyage gastronomique…
A l’intérieur, le dépaysement continue avec des victuailles qui nous prouvent bien l’attachement de cet artisan à son terroir. En effet, avant d’être présent à Paris, Dominique Ghisoni est un boulanger implanté à Bastia, ce qui lui permet de nous ramener tous les parfums et les traditions locaux.

Si l’on choisit de s’intéresser à la boulangerie « pure », on passe rapidement sur la baguette de tradition, juste correcte, sans intérêt particulier et affichant des cuissons trop courtes. Ce qui attire notre envie et notre attention, ce sont les pains « typés », tel que ce bâtard aux figues et noix, ce pain à la châtaigne moelleux et bien parfumé ou encore ces fougasses et pains aux olives. Les façonnages sont soignés, les arômes bien présents et ces pains nous transmettent tout le charme de l’île. Conservation acceptable et tarifs modérés.

Cependant, ce qui remporte certainement le plus de succès ici, d’autant plus au vu de l’orientation « d’affaires » du quartier, ce sont les produits de la gamme traiteur. Les sandwiches font la part belle aux spécialités corses, comme on pouvait s’y attendre : coppa, brocciu, panzatta…  Rien ne manque, tout comme du côté des salades où les fromages locaux s’insèrent sans difficulté. La maison propose également divers plats chauds, différents selon les jours. L’ensemble est généreux et savoureux, plutôt bien réalisé et frais.
Pour finir son repas en beauté, des pâtisseries très classiques sont proposées – éclairs, millefeuilles, tartes individuelles ainsi qu’une large sélection de flans ou tartes aux fruits à la part. Rien d’exceptionnel, des produits relativement honnêtes. On s’attardera plus sur les différentes gourmandises typiquement corses que peut nous proposer la boulangerie Ghisoni, comme les Canistrelli.

A noter également l’offre d’épicerie, entre vins corses, confitures diverses, charcuteries (saucissons secs, notamment) ou diverses terrines. De quoi emmener un peu de l' »expérience » et du voyage chez soi, même si de nombreuses boutiques sont présentes sur ce créneau dans notre belle capitale.

On apprécie l’espace de dégustation, déployé dans un décor « boisé » bien agréable et apaisant. D’ailleurs, il est possible de s’y retrouver le samedi, de 11h30 à 16h, pour un brunch à volonté décliné autour des spécialités corses. Pour 25 euros, les plus gourmands y trouveront certainement leur compte.
Terminons notre tour d’horizon par l’accueil, pas forcément très enthousiaste ni chaleureux, il ne parvient pas à nous transmettre une quelconque passion pour ces produits typés, qui mériteraient pourtant d’être défendus avec plus de coeur.

Infos pratiques

51 rue Laborde – 75008 Paris (métro Saint-Augustin, lignes 9 et 14) / tél : 01 40 08 06 54
ouvert du lundi au samedi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? Chez Ghisoni, on s’intéresse surtout aux pains spéciaux et à ces créations qui nous transportent dans le maquis, tel que ce pain aux figues et aux noix, à la châtaigne (bien moelleux et parfumé, très agréable !), ou encore les fougasses et pains aux olives. Diverses ficelles au fromage et pains aux céréales complètent la gamme. La baguette de tradition est acceptable, sans grand intérêt. Les prix sont tout à fait modérés et correspondent plutôt bien à la qualité des produits, façonnés avec soin et assez savoureux.
Accueil ? On aurait aimé retrouver le charme légendaire des corses, des accents chantants, une passion pour ce terroir si particulier. Malheureusement, rien de tout ça, le service est réalisé sans grand enthousiasme ni chaleur.
Le reste ? La force de l’endroit, c’est sans doute son offre traiteur faisant la part belle aux spécialités corses. Sandwiches à la coppa, au brocciu, à la panzatta… ainsi que diverses salades composées ou plats chauds déclinés selon les jours. Les diverses gourmandises corses nous séduiront plus que les pâtisseries, très traditionnelles, ou les viennoiseries, sans intérêt. On appréciera le fait de pouvoir sortir de table en faisant quelques emplettes dans les étagères de l’offre d’épicerie, proposant notamment des confitures, vins et autres charcuteries ou terrines en provenance directe de l’île de Beauté.

Faut-il y aller ? Dominique Ghisoni nous fait faire un savoureux voyage sur son île et a su ramener de Bastia la beauté de la gastronomie corse, tout en la proposant aussi bien du côté des pains que de l’offre traiteur. Sa boulangerie offre une opportunité de halte déjeuner agréable et dépaysante, même si l’on repart avec plaisir avec un pain à la châtaigne ou aux figues et noix sous le bras. Si l’accueil était à l’avenant, ce serait encore plus agréable, et cela nous permettrait de mieux profiter de l’élégant espace de dégustation déployé dans la boutique.

La qualité des produits et du service, c’est un peu le cheval de bataille du painrisien, mon truc à moi, ce pour quoi je me « bats » tous les jours en visitant les boulangeries et boutiques parisiennes. Nous entretenons avant tout une relation entre humains et je pense que la meilleure façon d’exprimer le respect que l’on peut avoir pour l’autre, c’est de le servir du mieux que l’on puisse, avec des produits « honnêtes », c’est à dire en phase avec ce qu’il est en droit d’attendre de l’entreprise. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas, et cette culture du service n’est pas vraiment une des bases du commerce en France.

J’écris tout cela car je souriais un peu à la lecture d’un écriteau chez Starbucks. Il détaille en effet des engagements de l’enseigne en faveur de sa clientèle, et cela rentre visiblement dans le cadre d’un programme plus global visant à « réhabiliter » l’image que peuvent avoir les parisiens de l' »expérience » client offerte par l’entreprise. Identification des équipiers au travers de l’affichage de leurs prénoms, choix plus poussé sur les types de café, ré-affirmation de l’engagement de refaire la boisson si elle n’est pas satisfaisante… Un ensemble de mesures qui peuvent, pour certaines, paraître tenir du détail mais qui ont un sens.

Le détail, c’est sûrement ça, la clé de la qualité. Nous manquons de goût pour ce petit rien, ce petit supplément qui fera la différence entre deux boutiques, entre deux personnes, entre deux produits d’apparence identique… Cet élément aura tendance à demeurer dans les mémoires de façon beaucoup plus marquée que le reste de la prestation. Un sourire, une attention particulière, un mot, une finition sur un pain ou une pâtisserie, les exemples sont variés et il me paraît aujourd’hui essentiel de sensibiliser l’ensemble des personnels autour de cette notion. Cela est tout aussi valable en boulangerie, où le détail n’est pas souvent ce qui va être cultivé et respecté. Une pâtisserie saisie à pleines mains sans aucune forme de protection, une vitrine en désordre, présentant un ou plusieurs produits abimés, des pains entassés sans considération pour le produit et le temps passé à sa réalisation… Autant d’exemples qui sont malheureusement monnaie courante au cours de mes visites, et que je ne peux que regretter – aussi bien pour l’artisan, qui exerce un travail éprouvant, que pour ses clients.

Bien sûr, on ne peut prétendre s’intéresser au détail si la base est à revoir. En la matière, le développement des entreprises a tendance à faire que la qualité va en décroissant, car il est toujours plus difficile de la contrôler sur plusieurs points de vente, avec plus de salariés… autant de maillons de la chaine qui peuvent défaillir. Face à cela, des programmes tels que celui mis en place chez Starbucks peuvent tenter de redresser la barre. On peut choisir de communiquer dessus, mais je pense que la démarche est beaucoup plus sincère quand elle est réalisée au quotidien, sans plus de publicité. Ainsi, il est possible d’agir sur les matières premières : en boulangerie, la qualité de la farine importe énormément sur la saveur du pain obtenu. Label Rouge, CRC, Biologique… autant d' »étiquettes » qui se sont développées ces dernières années pour parvenir à proposer au consommateur un pain savoureux et produit à partir de blés respectueux aussi bien de l’environnement que de leur santé. Dans ce mouvement, les meuniers ont un véritable rôle à jouer et ils y vont tous de leur farine « premium » : Reine des Blés chez Bourgeois, Grand Siècle chez les Grands Moulins de Paris, Baguépi Tradition Prestige chez Soufflet, Bagatelle T65 chez les membres du Club le Boulanger (Foricher, Girardeau…)… Reste ensuite le travail de l’artisan et justement son implication dans cette fameuse démarche qualitative. Il faut, pour cela, que certains de nos boulangers sortent un peu de leurs fournils et aillent voir ce qui se fait ailleurs, qu’ils s’ouvrent au reste du monde et prennent conscience de l’intérêt que peut avoir toute cette diversité.

Reste le service et là encore rien n’est simple : il faut trouver du personnel motivé, sensible au produit et parvenir à l’impliquer dans une certaine dynamique, orientée dans le sens de la valorisation du travail artisanal. Il est donc aussi affaire de capacité à transmettre sa passion boulangère, à aller plus loin que son artisanat.

Engagement, exigence, voilà deux mots qui devraient qualifier nos entreprises aujourd’hui. Malheureusement, c’est encore loin d’être le cas…

Billets d'humeur

18
Mar

2012

Mes pains préférés

6 commentaires

Il y a des pains auquel on vient et on revient, par envie et par plaisir. Ce sont eux que l’on retrouve le plus souvent à ma table, parce qu’ils expriment des arômes, des goûts, qui accompagnent mes repas et satisfont mes attentes en fonction des moments (petit-déjeuner, déjeuner, goûter ou diner…). Ils sont tous différents, je vais donc essayer de les ranger dans des catégories qui pourront refléter leurs caractères.

Pains de « tradition »

Mon Pain Préféré, La Gambette à Pain (vendu en parts de 250g, 2 euros) – Je crois que ce pain pourrait difficilement mieux porter son nom ! Entre sa croûte dorée exprimant une odeur de fumé et des arômes complexes, une mie extrêmement alvéolée et à l’humidité bien dosée, il exprime un caractère assez unique et accompagne l’ensemble des repas.

Torsade Alésiane au Blé noir (vendu en deux formats, 1,30 euros le petit format de 250g, 2,30 euros le grand format de 500g) – Certes, ce n’est plus exactement un pain de tradition puisque il est roulé dans de la semoule de blé noir, cependant, il n’en demeure pas moins réalisé à partir de farine de tradition et en conserve les caractéristiques. La note apportée par le blé noir est vraiment agréable, les grains craquent sous la dent et nous emmènent en Bretagne, on retrouve la saveur des fameuses galettes… Une noix de beurre salé et le tableau est complet ! De plus, son façonnage en torsade lui confère une mie à la texture assez particulière, assez moelleuse.

Baguettes de tradition

Une baguette de tradition, ce n’est pas acide, attention ! Au programme, un pain tout en douceur, tout en croûte… à déguster sans façon.

Gontran Cherrier (1,10 euros la pièce de 250g) – La baguette de tradition de Gontran Cherrier possède son caractère qui s’exprime au fil des heures. Certes bonne, craquante et légère peu de temps après avoir refroidie, elle devient plus complexe en ayant attendu. Sa croûte fine exprime des notes de céréales torréfiées persistantes, la mie est moelleuse sans être trop humide, belle présence en bouche… Une expérience gourmande et accessible. Attention toutefois à la demander bien cuite, elles sont parfois un peu blanches.

Maison Pichard (1 euro la pièce de 250g) – La fameuse baguette Pichard, c’est tout simplement… du lait ! Un bel arôme lactique, un pain tout en douceur et en longueur, puisque son façonnage plutôt original lui confère une grande finesse. Excellente conservation, grâce à sa fermentation prolongée et à sa cuisson dans le superbe four Gueulard que la maison a fait construire sur mesure.

Le Grenier de Felix (1,10 euros la pièce de 250g) – Cette « Reine des Blés » (farine de tradition française Label Rouge des Moulins Bourgeois) exprime un beau goût de crème, accompagné par une croûte bien fine et craquante. La mie moelleuse rend le tout très régressif et addictif.

Pains sur levain

De l’acidité, oui, mais point trop n’en faut : il faut savoir rester modéré et garder une certaine douceur.

Pain de Clichy, Rodolphe Landemaine rue de Clichy (vendu au poids) – Une acidité relativement présente, mais surtout de sublimes cuissons et une croûte bien craquante et présente, des arômes complexes et presque floraux, le pain de Clichy n’est pas un pain « de campagne », à mi-chemin entre la tradition et le levain, une belle réussite.

La Paume, 134 RdT & Stéphane Henry – La Paume, mise au point en collaboration entre les Moulins Bourgeois et le chef étoilé Alain Passard, est un pain sur levain très doux, un « pain de table » de très bonne tenue, d’excellente conservation. Il n’exprime pas forcément un parfum très soutenu mais sait accompagner tous les mets et s’accommode très bien d’une noix de beurre salé.

Pain à l’épeautre, La Gambette à Pain & Dominique Saibron – L’épeautre est une céréale intéressante, par un léger apport d’acidité et de parfum. Chez Jean-Paul Mathon (en tourte, vendue en parts de 250g) et Dominique Saibron (vendu en pains de 500g), la farine utilisée est certifiée Biologique et est sublimée par des levains bien maîtrisés.

Pains variés

Comme chaque artisan a ses spécialités, que j’ai parfois du mal à classer les pains que je déguste, voici la « catégorie » fourre-tout par excellence, un pot-pourri bien loin d’être pourri…

Gontran Cherrier : baguette au curry, baguette encre de seiche-graines de nigelle, pain aux épices zaatar, pain pignons-romarin, pain à la châtaigne, pain seigle-miso – Dans le 18è arrondissement, Gontran Cherrier propose une gamme assez unique et diversifiée de pains, entre épices, herbes, farines diverses… La production est parfois un peu irrégulière (certains pains ont tendance à être trop humides de temps en temps), mais cela ne manque jamais de goût et on retrouve bien l’approche gourmande de cet artisan voyageur.

La Gambette à Pain, Jean-Paul Mathon : la Bise de Lin (surprenant parfum de noisette… alors que ce ne sont que des graines !), la Marguerite & la Tourte de Seigle du Vendredi – Gambetta a tenté de fuir Paris en Montgolfière, mais nous avons bien envie d’y rester ! Sur l’avenue Gambetta, M. Mathon propose des pains aux cuissons superbes et des spécialités toujours soignées et une belle régularité de production, avec une excellente conservation.

134 RdT, Benjamin Turquier : le Vannetais (chocolat blanc, comme un bonbon vanillé, cela fond en bouche !), le Schwartzbrot (pain noir Allemand) : Benjamin Turquier propose une sympathique gamme de pains gourmands et sucrés, autour du chocolat et des fruits. Belles cuissons, bonne maitrise de l’hydratation pour des créations moelleuses et parfumées.

Rodolphe Landemaine : le Pain Irlandais à la Guinness (douces notes maltées, mie soyeuse) – Malheureusement, ce fameux pain à la Bière n’est plus disponible pour le moment, en raison d’une rupture sur la Guinness… Il faudra donc attendre pour goûter à ce pain à la mie sombre, moelleuse et douce, avec ses agréables notes maltées. A noter également une belle gamme de pains « gourmands » dans ses boutiques de la rue des Martyrs et à proximité du métro Voltaire.

La Badine de Martine, Patrick Desgranges : le pain au Kamut, le pain à la Châtaigne – Patrick Desgranges propose une très large gamme de pains spéciaux, autour des variations de farine (sarrasin, petit & grand épeautre, seigle, complet… tout y passe !). Des façonnages élégants, une acidité relativement présente et une humidité parfois excessive, ce qui limite la conservation des produits. Cependant, le pain au Kamut et son beau parfum de noisette est irrésistible. Même constat à Sceaux chez Franck Debieu, d’ailleurs.

Du Pain et des Idées : Campagne Miel-Noix-Moutarde, Cacao-Noix-Canneberges – Les créations de Kenji Kobayashi sont de vraies pépites d’aboutissement et de saveur, en plus d’offrir des grignes quasi-artistiques. On y sent une grande finesse, une volonté d’équilibre et au final des pains très gourmands.

Bread & Roses : Pain Puissance 10 (10 farines dans un même pain !), pain de Sarrasin au levain de Sarrasin, pain de Maïs, Soda Bread – Les deux adresses de Philippe Tailleur proposent une belle gamme de pains biologiques, réalisés avec soin et proposant des saveurs agréables. Mention spéciale pour le pain Puissance 10 qui offre une large palette de parfums, différente à chaque bouchée.

Benoît Maeder : les bretzels au pavot ou au cumin – Dans sa boulangerie du 15è arrondissement, Benoît Maeder nous ramène un peu d’Alsace avec des bretzels généreux et extrêmement moelleux, déclinés en différents « parfums ». Je n’ai pas trouvé mieux à Paris, que ce soit en terme de fraîcheur ou de variété.

J’en oublie certainement un grand nombre… mais cela fait déjà une belle liste, et pour moi – et j’espère pour vous par la même occasion ! – de belles occasions de varier les plaisirs au quotidien.

Tant de concepts de restauration rapide se créent, se modifient, disparaissent… que cela représenterait presque un travail à plein temps que de les suivre, de rendre compte de leur activité. Certains ont commencé à le faire, et cela ne manque pas d’intérêt puisque c’est un peu du quotidien de milliers de travailleurs dont il est question, la plupart d’entre eux ne disposant pas d’une pause déjeuner de longue durée.

Parmi toutes ces jeunes entreprises, certaines ne verront jamais le moindre début de coup de projecteur ou de succès. Au pire vivront-elles quelques mois puis disparaitront comme elles sont venues au monde, en toute discrétion, au mieux elles rencontreront un léger succès auprès de la clientèle locale. A l’inverse, d’autres se feront connaître, notamment au travers des prix attribués dans ce milieu.
Le Leaders Club attribue chaque année des Palmes de la Restauration, et cette année encore, trois concepts ont été primés : Boco, Joséphine (dont j’ai déjà eu l’occasion de vous parler il y a quelques mois) et enfin Mio Padre. Ce dernier, installé rue Vignon, dans le 8è arrondissement, associe épicerie fine et restauration rapide sur le thème de l’Italie. L’objectif est ici de sélectionner les meilleurs produits des terroirs de la grande Botte et de les proposer aussi bien cuisinés qu’à cuisiner chez soi.

Huiles d’olives, confitures, biscuits, chocolats, gourmandises diverses à base d’amandes ou de noisettes (dont l’Italie est un gros producteur, faut-il le rappeler), riz, pâtes, sauces… Il ne manque rien pour satisfaire les amateurs de cette gastronomie remplie de soleil. Même si la sélection est plutôt exhaustive, les produits sont bien choisis et de bonne qualité. Quant aux tarifs, ils sont inévitablement assez élevés, mais rien de bien exagéré.

Si l’on se limitait à cette partie, nous serions dans une simple épicerie fine italienne, mais le concept développé par Antonio Saba et Vincent Mourre va plus loin, puisqu’ils ont choisi de proposer dans cette « boutique du village » comme ils aiment la qualifier une offre de restauration, mettant en oeuvre les différentes gammes de produits présentées dans les étagères. Salades, pâtes, mais aussi focaccias garnies, tous les appétits trouveront de quoi se restaurer de façon savoureuse, à l’italienne. N’oublions pas les desserts, comme la surprenante focaccia Sfizio (nutella, poires).
On regrettera tout de même le fait que certains produits soient proposés quasiment de façon brute, sans aucune autre transformation qu’un découpage, par rapport à la version en vente dans la boutique. Dès lors, on peut se demander la valeur ajoutée du service de restauration. Néanmoins, ce n’est pas la majorité des produits, cela reste donc acceptable.

Un « Aperitivo » à l’italienne est proposé tous les jeudis de 17h à 21h. Planches de charcuteries, de fromages, vins, focaccia « al taglio » à volonté… tous les ingrédients sont réunis pour créer d’agréables moments de convivialité.
Convivialité, c’est d’ailleurs l’un des points forts de l’endroit : le cadre est agréable, avec ce côté « pierres apparentes », des couleurs chaleureuses, … un bel ensemble pour déguster des repas simples, rapides et peu coûteux, à deux pas de la Madeleine.

Pour ne rien gâcher, le service est chaleureux et dynamique, avec un accent bien chantant et souriant. Le personnel est présent en nombre suffisant pour servir la clientèle rapidement, même en heure de pointe, ce qui n’est pas toujours le cas aux alentours et ce qui contribue à donner un caractère agréable à l’endroit.

Voilà donc un concept bien ficelé, avec une sélection de produits de qualité, mais j’ai tout de même du mal à voir en quoi celui-ci serait si révolutionnaire et mérite particulièrement une palme de la part du Leaders Club. En effet, d’autres adresses parisiennes parviennent à réaliser une prestation similaire, sans pour autant la « conceptualiser ». Néanmoins, cela reste un endroit agréable pour faire une pause dans ce quartier agité qu’est la Madeleine, et rien que ce fait justifie sans difficulté l’arrêt.

Infos pratiques

18 rue Vignon – 75009 Paris (métro Madeleine, ligne 14 ou Havre-Caumartin) / tél : 01 42 65 49 90
ouvert du lundi au samedi de 10h à 20h, le jeudi, Aperitivo jusqu’à 21h.

Les goûts et les envies varient selon les régions du monde. C’est de cette façon que les produits alimentaires disponibles varient entre pays et même entre localités. J’ai toujours trouvé cela assez amusant à observer, car les hommes sont tous identiques en réalité, seule la culture peut les différencier. Bien sûr, il faut également tenir compte des climats, des matières premières accessibles en quantité, mais c’est de toute façon ce qui aboutit à l’élaboration de ces ‘coutumes’.

Les consommateurs français ont des habitudes bien marquées, que j’aurais tendance à qualifier de lassantes. Chocolat, praliné, fruits rouges (en toute saison, la fameuse tarte aux fraises en est une bonne preuve)… Peu d’envie de découvertes, ou alors il faut les baliser, que quelques influenceurs aient décrété que c’était le bon goût du moment. C’est tout particulièrement vrai dans le domaine du sucré, où seules quelques modes sont apparues, comme l’utilisation parfois surabondante du thé vert matcha, du yuzu et autres ingrédients japonisants, ou bien d’ingrédients d’ordinaire réservés au ‘salé’ (vinaigre balsamique, légumes…).

Pour ne rien vous cacher, je pense que tout cela est un peu surfait, et qu’on peut très bien se contenter de choses beaucoup plus simples pour distraire nos palais au travers de saveurs un peu originales, en dehors des codes établis. En l’occurrence, Quentin Bailly – le chef pâtissier d’Un Dimanche à Paris – a choisi d’associer la poire et la cacahuète dans ce Saint-Honoré très élégant.
Patron des boulangers, le voilà livré en pâture à notre gourmandise, en plus d’avoir été grandement détourné de son orientation caramélisée originelle. De plus, il a quitté nos beaux territoires français pour atterrir directement… aux Etats-Unis, puisque les américains sont de grands amateurs de cacahuète, à l’inverse de nous, qui nous contentons généralement de la consommer à l’apéritif et enrobées de chocolat au travers de sucreries naïves répondant au doux nom de M&M’s. Il faut un peu d’audace et d’imagination pour l’introduire dans la pâtisserie parisienne, et c’est à cela que l’on reconnaît la patte et la détermination qui peuvent faire d’un homme un chef. Au delà de ses saveurs, ce gâteau exprime donc la capacité du jeune et séduisant M. Bailly (à peine 27 ans !) à mener des hommes là où il le souhaite… dans notre cas, ce sera sur le terrain du goût, rien de plus agréable que cela.

Notre ami sanctifié fait jouer nos papilles au travers d’un aller-retour sucré-salé, entre la douceur vanillée de la poire et la rondeur de la cacahuète. Au programme, de bas en haut, un fond de pâte feuilletée caramélisée, des petits choux au grué de cacao garnis d’un confit de poire et de crème à la cacahuète, un coeur de la même crème, ainsi que quelques morceaux de poire dispersés dans ce ‘nuage’, accompagnés d’éclats de cacahuète. Du craquant, de l’onctueux, du moelleux… Voilà de quoi amuser notre palais.
La crème à la cacahuète se révèle relativement dense, ce qui est tout à fait pertinent : le fruit sec s’accommoderait mal d’une texture trop légère, d’un caractère vaporeux. Je suis en effet persuadé que nous associons des textures aux goûts, et il est important de les manier avec précision. Ainsi, une crème trop épaisse et sucrée, parfumée à la fleur d’oranger perdrait tout l’effet de fraicheur que l’on attend de ce parfum délicat.
Le confit de poire est peu sucré, bien parfumé, il garnit agréablement les choux qui se révèlent légèrement craquants sur le dessus, grâce à l’utilisation du grué du cacao, qui leur confère un parfum bien particulier. On retrouve d’ailleurs cette ‘signature’ sur d’autres pâtisseries proposées chez Un Dimanche à Paris, qui réaffirme ainsi son orientation ‘tout cacao’. Le parfum du fruit d’automne est également représenté par des petits morceaux qui fondent en bouche et cassent la rondeur de la cacahuète par leur fraicheur. Les éclats de fruit sec relancent le plaisir et l’envie par leurs notes salées et croquantes. L’ensemble affiche un bel équilibre, peut-on pourra-t-on simplement regretter le fait que la pâte feuilletée s’exprime un peu trop, et ait ainsi tendance à couvrir le goût délicat de la crème.

Le plus amusant avec cette pâtisserie, c’est certainement le fait qu’elle ait été demandée de façon plutôt répétée par les habitués de la maison, ce qui a conduit à son retour cette année. Comme quoi, si l’on parvient à proposer des créations savoureuses sans être alambiquées, les gourmands peuvent se laisser séduire et sortir de leurs habitudes. Il faut juste avoir un petit goût pour la prise de risque… mais la vie est tellement plus agréable ainsi, n’est-ce pas ?

Saint-Honoré Poire-Cacahuète, Un Dimanche à Paris – Paris 6è, pâtisserie proposée le week-end pour le prix de 6€ en portion individuelle, également disponible pour plusieurs convives. 

Je pense que je n’insisterai jamais assez sur l’importance de laisser le bon pain accessible au plus grand nombre, et ce au travers de tarifs accessibles. Tout le monde n’a pas les moyens – ni même l’envie – de se payer des pains spéciaux, aux farines, processus de fabrication ou ingrédients bien particuliers. Dès lors, il est nécessaire de conserver un produit, tel que la baguette, qui puisse demeurer dans des gammes de prix abordables.

Souvent, cette fameuse « baguette ordinaire » ou « baguette blanche » réunit tous les éléments d’un pain de mauvaise qualité : aucune présence en bouche, aucun arôme, une mie dépourvue d’alvéoles, une croûte perdant très rapidement toute consistance… Rien de bien réjouissant, un pain que l’on consomme presque par obligation, par nécessité. Tout le contraire de celle que l’on peut trouver dans les présentoirs de la boulangerie La Panetière, à Montgeron, en Essonne. Dans cette boutique du centre ville, l’artisan a choisi de proposer un produit bien plus intéressant que d’ordinaire.

En effet, on pourrait aisément confondre cette baguette, proposée pour 85 centimes les 250 grammes, avec une baguette de tradition. Croûte fine, mie bien alvéolée, doux parfum de froment, cuissons assez bien menées (bien qu’un peu courtes, mais cela répond certainement à la demande des consommateurs locaux)… Voici un beau produit pour un prix plus qu’accessible – absolument rien à voir avec les équivalents proposés aux alentours.
Le reste de la gamme est également plutôt soigné, entre une baguette de tradition « à l’ancienne » à la croûte bien dorée et à la saveur de noisette, un pain de campagne reprenant les mêmes caractères, ou encore le « pain des Gaults », mélange de farines complète et de seigle, avec un goût plus marqué et un peu trop porté sur le levain à mon goût. Quelques pains spéciaux, tels que des ficelles ou pains ronds garnis de divers ingrédients, sont également proposés pour les plus gourmands (fromages, graines, miel, … tout y passe !). Les façonnages sont élégants, les grignes bien réalisées et les tarifs toujours très sages. On regrettera juste le fait que les croûtes soient un peu fines, manquant un peu de consistance, ce qui limite d’autant la conservation des pains.

Autre signe de l’engagement de cet artisan en faveur de la qualité de ses produits, la mise en avant de sa démarche pour une viennoiserie maison bien avant que le sujet devienne « tendance » comme il est en passe de le devenir. Cela passe par un affichage dans la boulangerie, reprenant sur diverses affichettes la teneur de son engagement. Au final, on retrouve des croissants qui ont du caractère et des pains au chocolat mettant en oeuvre des bâtons produits à partir de chocolat Valrhona.
Les pâtisseries savent demeurer profondément boulangères, entre tartes et pâtes à choux (éclairs, religieuses…). La finition n’est pas toujours très élégante, mais les produits sont honnêtes et proposés à des prix qui le sont tout autant. Même constat pour l’offre « traiteur », sur laquelle sont déclinées plusieurs formules à l’heure du déjeuner, et qui permettent à la clientèle de travailleurs de banlieue de profiter d’un repas rapide, frais et plutôt savoureux, là où l’offre – en dehors des restaurants traditionnels – est plutôt limitée.

Véritable coup de coeur pour l’accueil, chaleureux, disponible et prenant vraiment mesure de l’importance que peut avoir une boulangerie dans la création de lien social, surtout au sein d’une ville de banlieue telle que Montgeron. Les habitués, plus ou moins âgés d’ailleurs, sont reconnus et reçoivent tous un petit mot particulier, une attention et un sourire. C’est dans ce genre d’endroit et par ce type d’attitude que l’on se dit que l’on est tout de même bien en dehors de cette agitation et de cette agressivité parisienne.

Infos pratiques

103 Avenue de la Republique – 91230 Montgeron (Gare RER D de Montgeron-Crosne) / tél : 01 69 52 88 34
ouvert du mardi au samedi de 7h à 13h et de 15h30 à 20h, le dimanche de 7h à 13h.

Avis résumé

Pain ? Ici, on retiendra surtout la baguette ordinaire, bien peu ordinaire ! Une croûte fine, une mie bien alvéolée, et surtout un goût de froment bien agréable, voilà qui nous change de ces pains d’ordinaire fades et dénués de toute présence en bouche. Pour 85 centimes, c’est assez inhabituel pour le signaler. Le reste de la gamme est de bonne tenue, entre une baguette de tradition élégante, bien craquante et au parfum de noisette, un pain de campagne « à l’ancienne » dans la même veine, ou encore le pain des Gaults (farines complète et de seigle) et diverses créations autour d’ingrédients variés. On regrettera juste un léger manque de tenue sur les croûtes, un peu trop fines, ce qui limite la conservation des pains.
Accueil ? Chaleureux, souriant, attentionné… on aimerait en rencontrer de semblables plus souvent. La clientèle est réellement considérée, les habitués sont reconnus et une vraie relation de proximité se met en place. C’est d’autant plus important dans une ville de banlieue telle que Montgeron.
Le reste ? Les viennoiseries sont maison, et à la Panetière, on est fiers de l’afficher : un argumentaire a été développé avec le meunier fournissant cette boulangerie (Foricher / Moulin des Gaults), bien avant que cela soit à la « mode ». Les croissants ont leur petit caractère et les pains au chocolat régalent les gourmands avec du chocolat Valrhona. Côté pâtisseries, tout est très boulanger. C’est parfois un peu approximatif, mais c’est honnête. Même rigueur et honnêteté du côté des sandwiches et en-cas salés.

Faut-il y aller ? On aimerait tellement avoir plus de boulangeries telles que celles-ci en banlieue, tenues par un artisan engagé et sérieux, proposant à sa clientèle des produits honnêtes à des tarifs plus qu’abordables. Mention spécial à la « baguette ordinaire » et ses caractéristiques d’habitude réservées à la baguette de tradition. L’accueil est également fort agréable, ce qui contribue à faire de cette boutique un lieu où l’on se rend avec plaisir.

L’hiver ne dure pas éternellement, fort heureusement. Arrivé à un moment, il finit par laisser place au printemps… C’est ce qui se produit depuis quelques jours, et même si nous n’avons pas connu une saison aussi difficile qu’elle avait pu l’être l’an passé, je pense que ce n’est pas sans une certaine joie que nous assistons à l’arrivée des beaux jours. Avec eux s’accompagnent d’autres changements, dans nos habitudes notamment, et il est intéressant de s’y pencher pour les comprendre un peu mieux.

Notre corps n’exprime plus les mêmes envies. Forcément, les températures plus clémentes font qu’il aura moins à lutter au cours de nos déplacements à l’extérieur, ses besoins nutritionnels auront donc tendance à être moins importants. Cela a un impact direct sur notre alimentation et sur les plats que nous aurons chercherons à consommer. Certes, il est encore un peu tôt pour les fruits et légumes du soleil – saison, ensoleillement et températures encore un peu basses oblige, bien que tout cela ne doit plus vraiment respecté – mais on aspire à plus de verdure et de légèreté. Exit donc les potées réconfortantes consommées au coin du feu en plein coeur de l’hiver…

Pour le pain, c’est un peu la même chose. Cela avait commencé en automne avec l’apparition des pains à la châtaigne, aux figues et autres créations remplies d’ingrédients divers et variés. La pâte à pain se faisait plus riche pour accompagner nos besoins et nos plats… Avec ces changements, nos artisans vont devoir eux aussi s’adapter et proposer – s’ils ne le font pas déjà – des couleurs différentes. Certes, la baguette, les pains au levain et diverses miches sont toujours présents dans les présentoirs des boutiques, mais nous devons sortir de ce carcan pour accorder mets et pains. Pourquoi ne pas parler de « pains de saison » ? Il existe en effet de nombreuses recettes qui s’accommodent très bien des plats remplis de soleil que nous allons être amenés à préparer ou consommer dans les mois à venir.

D’ailleurs, plusieurs d’entre eux viennent des pays où il fait bon vivre. La Ciabatta, la Foccacia et autres pains moelleux originaires d’Italie accompagnent très agréablement une salade. On peut les trouver nature ou garnis d’olives, d’herbes diverses. L’important, et on n’y prête peut-être pas assez attention, est d’utiliser une bonne huile d’olive, ce qui va parfumer le pain, sinon quoi l’effet est manqué : on obtient un résultat graisseux et sans saveur. Vous trouverez de très bonnes Ciabattas chez Alexine, la boulangerie du couple Planchais installée rue Lepic, dans le 18è arrondissement, et à quelques pas une belle Foccacia aux herbes chez Gontran Cherrier. Benjamin Turquier, dans sa boulangerie 134 RdT en propose également de façon régulière, en plus de son pain « Provençal », que j’ai déjà eu l’occasion de vous présenter.
Bien sûr, les fougasses sont également de la partie, et là encore le sujet est vaste : il doit y avoir au moins autant de recettes qu’il y a d’artisans. Plus ou moins garnies, elles peuvent accompagner ou mener un repas simple et léger.

Malgré tout, cela me semble assez convenu et presque trop traditionnel. Soyons créatifs et dépassons ces classiques ! Je pense qu’il serait intéressant de mener un travail sur les farines que l’on pourrait utiliser pour varier les saveurs, ainsi que sur les autres ingrédients que l’on pourrait ajouter. L’olive est certes agréable, mais son parfum a tendance à écraser plutôt qu’à accompagner. Pourquoi ne pas privilégier l’utilisation d’herbes aromatiques, telles que le basilic, le romarin ou le thym ? Il est important de trouver un certain équilibre dans le mélange, sinon quoi cela peut être trop fort au goût du consommateur. Egalement, le citron et les agrumes en général manquent plutôt à l’appel en dehors des périodes de fête, où le « seigle-citron » est un grand classique.
Les épices manquent aussi dans les créations de nos artisans. Par exemple, le curry pourra très bien accompagner une salade à base de poulet.

Dans tous les cas, même si l’on varie les saveurs, la consommation de pain aura plutôt tendance à baisser au cours de ces « beaux » mois. Dès que les températures commencent à être vraiment élevées, les clients désertent littéralement les boulangeries pendant quelques semaines, avant d’y revenir petit à petit… Une valse répétée, toujours amusante lorsqu’on la regarde de l’extérieur. Pas question d’arrêter de manger du pain pour un painrisien !

Certains produits et engagements sont profondément inscrits dans un terroir, dans un paysage, autour d’hommes passionnés et détenteurs d’un savoir-faire bien particulier. Il existe de nombreux exemples dans la gastronomie, qui est un vrai terrain de jeu pour ce genre d’enracinements. Fromages, viandes, … Combien de produits ont vu leur appellation et leur origine protégée et/ou contrôlée, justement pour assurer au consommateur un goût et une qualité ?

On connaît moins ce « phénomène » sur le pain, quasiment pas en réalité. Bien peu de gens se préoccupent de la provenance des blés, des farines, de la façon dont elles ont été stockées, … Certes, des labels existent. Bio, CRC, Label Rouge… mais la démarche qui s’en suit demeure assez peu visible pour le consommateur, et il est encore si souvent trompé que cela n’aide pas à rendre l’ensemble lisible.
En marge d’une boulangerie quasiment déconnectée de la terre et de sa beauté, certains ont fait le choix d’intégrer de façon verticale l’ensemble des composants permettant d’aboutir à la production d’un pain. Ils sont à la fois au four et au moulin, ainsi qu’au pétrin… Tout un programme, et une vie bien chargée.

Souvenez-vous, je vous avais parlé du pain de l’un d’eux, Roland Feuillas, installé à Cucugnan, aux « Maîtres de mon Moulin ». Cet ancien ingénieur a fait le choix, il y a plusieurs années, de se reconvertir à la boulangerie mais également à la meunerie. Adoptant la démarche d’un vigneron – qui maîtrise autant la production de son raisin que de son vin – il produit un pain bien particulier, portant la force de ce terroir préservé, de cet environnement exceptionnel. On fond autant pour le produit que pour le paysage, que pour l’histoire et l’engagement. Bien sûr, tout cela n’aurait pas de sens si le goût n’était pas au diapason. C’est le cas pour certains de ces hommes et femmes qui croient être en mesure de tout faire, de tout assumer, mais finissent par trouver leur bébé tellement beau qu’ils en perdent tout sens critique et aboutissent à un résultat… médiocre.

Tout cela pour dire que cet ensemble est bien difficilement transposable, reproductible. Depuis peu, le boulanger Laurent Bonneau, installé dans le 16è arrondissement, réalise du pain à partir de la farine produite par les Maîtres de mon Moulin. Appelé « pain de Cucugnan », il est constitué d’un mélange d’anciennes céréales. Sa fermentation s’effectue sur une base de levain liquide.
Peut-on réellement l’appeler pain de Cucugnan ? Certes, les farines en proviennent, mais le processus de réalisation est tout à fait différent, à commencer par le four utilisé. Dans l’Aude, les pains sont enfournés dans un four à bois. A Paris, ce n’est pas le cas, même si l’on demeure fort heureusement sur un four à sole. Ensuite, la différence d’agent de fermentation a un effet direct sur les saveurs et les caractéristiques du pain obtenu.

Qu’en est-il, au final ? Je ne pourrais prétendre que le pain réalisé par Laurent Bonneau est mauvais – bien au contraire. Il exprime de belles saveurs de noisette, assez persistantes en bouche, et offre une mie sauvage, bien alvéolée, humide et moelleuse. On pourra reprocher à sa croûte, assez fine, de perdre rapidement en craquant. Le travail sur levain liquide permet l’obtention d’un pain dépourvu d’acidité, très doux et lactique. Le façonnage est élégant, la grigne plutôt soignée et c’est un produit tel qu’on aimerait en trouver plus souvent dans les boulangeries parisiennes. Pour autant, cela n’a rien à voir avec le pain provenant effectivement de Cucugnan. Croûtes, mies, parfums différents, les produits pourraient difficilement être comparés, même s’ils sont tous deux dignes d’intérêt.
On pourra tout de même apprécier la démarche, puisque cela permet aux parisiens de trouver un pain fabriqué à partir de farines produites dans le respect de l’environnement, avec des blés d’une qualité exceptionnelle. La farine est à la hauteur de l’engagement pris par le couple Feuillas, et le résultat offert ici le prouve encore une fois.

Si l’on s’intéresse à ce qui pourrait tenir du détail, il est regrettable que ce pain soit remis au client dans un sac vantant les mérites des pains Campaillou, développés – s’il est encore nécessaire de le rappeler – par les Grands Moulin de Paris. Autant dire que cela n’a pas grand chose à voir, et que le consommateur mériterait d’être informé sur les particularités du produit acheté, ou au moins de ne pas recevoir des indications erronées.
Dans tous les cas, il n’est pas possible de reproduire tout ce qui fait la beauté de ce terroir préservé, de ces terres et du fait que ce pain se mérite : il faut se rendre dans cette région un peu reculée et isolée qu’est celle des Corbières. Au final, la mie et la croûte du produit que l’on obtient là bas expriment toutes ces petites choses qui font que l’engagement est total, que le boulanger entretient une relation très particulière avec sa farine. Il la connaît sur le bout des doigts, forcément, il l’a fabriquée et saura l’hydrater de la façon la plus juste, en tirer le meilleur. Ce qui ne saurait être possible à Paris ou ailleurs.

Pain de Cucugnan, Boulangerie Bonneau – Paris 16è, pain vendu au poids, au prix de 7,5 euros le kilogramme.