Déjà 8 mois. La première fois – le jour de l’ouverture, en fait – que je m’y suis rendu, j’étais loin de penser que cela deviendrait une des seules boulangeries dans lesquelles je suis un client très régulier, quasi quotidien (sauf le mercredi, bien sûr, jour de fermeture !). 8 mois au cours desquels j’ai pu voir la gamme s’étendre, la clientèle devenir de plus en plus nombreuse.

Pour moi, ce n’est pas seulement une des meilleures boulangeries de Paris, non, c’est un excellent exemple de ce que devrait être la boulangerie moderne, inscrite dans son époque, c’est à dire ouverte sur le monde et sur les cultures, audacieuse et inventive. Bien sûr, la tradition et sa fameuse baguette ne doit pas être oubliée ou négligée, mais il faut savoir aller plus loin, se remettre en question et créer.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Gontran Cherrier créé, dans sa belle boutique d’angle du 22 rue Caulaincourt. Avant d’être cette boulangerie lumineuse et vivante, l’endroit était resté fermé pendant plus de deux ans et demi. Un investissement d’environ 450 000 euros plus tard, le voici tel qu’on le connaît maintenant, un vrai lieu parisien, bien inscrit dans son quartier. Carrelage style métro, plafond aux motifs psychédéliques, matériaux nobles (bois, marbres…), tout y est pour créer une sensation de confort. Ce n’est pas une boutique gigantesque… mais le boulanger me disait justement qu’il aurait voulu une surface plus petite, à la base, pour créer une ambiance assez « intime » avec les produits. Cependant, cela n’aurait pas permis d’installer ces places assises, qui font beaucoup pour le caractère vivant de la boulangerie.
Ici, la création se vit au jour le jour, au fil des inspirations et des envies. Un jour une tarte cassis et meringue au poivre de sichuan, un autre une tarte quetsche-crème d’amande au clou de girofle… Les accords peuvent surprendre, mais c’est tout simplement l’expression des goûts de Gontran Cherrier, qui cherche avant tout à proposer des produits qui lui plaisent. Pas question de se forcer – mis à part peut être sur la baguette blanche, pour des questions d’accessibilité et pour éviter de trop « casser les codes » lors de son implantation – il veut être fier de ce qu’il présente en boutique. C’est pourquoi on l’y voit si souvent, ce qui lui permet d’être en relation directe avec la clientèle, tout en gardant un oeil attentif sur la qualité.

C’est ce fameux contact avec les clients finaux qui l’a poussé à poser ses valises – dur pour un voyageur hyper-actif comme lui ! Il voulait que l’on vienne chez lui par amour du produit, et non pas seulement pour des questions de coût comme c’est souvent le cas avec des professionnels. Le pari est réussi, c’est incontestable : peut-on dire autre chose lorsque l’on sait que le pain aux épices zaatar (mélange d’origine libanaise, composé de gros sel, sumac, thym et sésame) se vend très bien et est à présent proposé tous les jours ? Gontran est parvenu à transmettre aux parisiens, touristes et painrisiens son goût pour des saveurs marquées et originales.

Pain aux épices Zaatar, juste sortis du four !

En effet, on ne trouverait sûrement pas tout cela chez ses confrères. Il a su trouver sa place dans un quartier où les boulangeries réputées ne manquent pas. Alexine, Le Grenier à Pain, Coquelicot, la Maison Laurent… autant de noms qui ne sont pas inconnus à vos oreilles de painrisiens. Montmartre est une bel emplacement pour les commerces de bouche, aussi bien car on y entretient une certaine culture de la gastronomie que pour la concurrence « saine » qui se maintient : rencontres et échanges entre acteurs sont de la partie, ce que je trouve intéressant.
Bien sûr, Gontran Cherrier a conscience du fait qu’il reste du chemin à parcourir avant d’être bien implanté ici. Sa formule « tartine-pâte à tartiner » du goûter n’avait pas été un franc succès, par exemple. En effet, peu de clients passaient à cette tranche horaire et les habitudes n’étaient pas encore prises. Pour autant, notre boulanger gourmand ne compte pas s’arrêter sur cet « échec » et relancera l’idée à la rentrée.

Boulanger gourmand, j’aime bien l’appeler ainsi car comme il le dit lui même, il n’est pas vraiment boulanger. Non, c’est vrai, le travail qu’il réalise au quotidien est plus celui d’un gourmand passionné que d’un « technicien » comme peut souvent l’être un boulanger. C’est sûrement ce qui explique ce bouillonnement au sein de la gamme, qui d’ailleurs s’apprête à accueillir de nouveaux venus. Un pain pignons-romarins, une tarte figue-citron-fenouil, un cake pamplemousse confit-cranberries… Une seule question : mais où s’arrêtera-t-il ?
En tout cas, sûrement pas à la France. Il sera à Singapour à la mi-septembre afin d’étudier des projets d’implantation, toujours pour nourrir ce besoin d' »ailleurs », cette envie de mouvement, qu’il considère comme partie intégrante des affaires de nos jours. Ce n’est pas pour autant que Gontran compte nous abandonner. Sa deuxième boutique sera inaugurée d’ici la mi-novembre dans le 17è arrondissement, dans le secteur de Pont Cardinet. Cela permettra notamment de décharger un peu le laboratoire de la rue Caulaincourt, dont la surface reste limitée.

J’aime autant l’homme que la boulangerie, je crois. J’aime cette ouverture, cette luminosité qui se dégage de l’ensemble. J’aime retrouver le sourire et le dynamisme de l’équipe de vente (composée de pas moins de 5 personnes, ce qui n’est pas négligeable pour une boulangerie !), dont le rôle est aussi d’accompagner et de conseiller le client dans cet univers parfois un peu déroutant, de par sa diversité et son originalité.
Vous l’aurez compris, au 22 rue Caulaincourt, il est question d’amour. J’en reparlerai bientôt ici même, mais c’est ce qui a trop souvent manqué chez les artisans boulangers et ce qui a pu expliquer cette tendance à recourir à des mélanges pré-conçus, à utiliser des additifs… tout ce que vous ne retrouverez pas ici, d’ailleurs.

Je ne peux que vous inciter à venir et à revenir ici, pour découvrir le pain seigle-miso, la baguette au curry-céréales, celle au sésame blanc (roulée dans la muscade, délicieux !) ou encore le pain pois chiche-citron proposé le week-end. Bien entendu, les propositions sucrées (tartes, croissants, chaussons aux pommes citronnés…) ne sont pas à négliger, ainsi que les en-cas salés (foccacias et buns garnis, sandwiches…). De la gourmandise, rien que ça, en somme.

Infos pratiques

22 rue Caulaincourt – 75018 Paris (métro Abbesses, ligne 12) / tél : 01 46 06 82 66
ouvert tous les jours sauf le mercredi de 7h30 à 20h30, et de 8h à 20h le dimanche.

8 réflexions au sujet de « Une visite chez Gontran Cherrier, boulanger gourmand »

  1. Ma boulangerie de quartier fait du bon pain mais quand tu parles du nombre de création original que Gontran propose, sa donne envie.
    Il aura montrer qu’il n’est pas juste un animateur de TV.

  2. Bonjour,
    J’aime beaucoup lire vos articles car je suis moi-même une vrai fan de pain.
    Avec mon ami, nous habitons juste a coté de la boulangerie Gontran Cherier et nous sommes vraiment fan de ce qu il fait, que ce soit le pain, les tartes salées/sucrées ou les sandwiches, tout est délicieux et original.

  3. Tres bel article ! Je suis aussi une cliente fidele de Gontran Cherrier.Je regrette juste qu’il n’y ait pas plus de pains bio. il a reveillé le quartier,car outre les clients , les restaurants aux alentours se servent aussi chez lui, notamment en buns et bagels. Ils sont delicieux. le nouveau pain à la semoule de mais egalement. je serai plus reservée sur les patisseries…

  4. Ping : Just a minute in… March | 24 hours of sunshine

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