Dans chaque métier, les différents acteurs font un choix de positionnement qui a de nombreuses implications sur le fonctionnement quotidien de leur entreprise. Tandis que certains se spécialiseront dans la réduction des coûts, pour aboutir à un produit le moins cher possible, d’autres préféreront développer des gammes plus qualitatives et donc moins orientées sur le facteur prix. Après tout, il faut bien qu’il y en ait pour tous les goûts et pour toutes les bourses afin de ne pas limiter certains biens ou services à une élite privilégiée, qui en détiendrait l’exclusivité « de fait ».

Le temps n'était pas particulièrement radieux pour visiter cette ancienne sucrerie... J'aurais donc vu Decollogne sous l'eau !

Le temps n’était pas particulièrement radieux pour visiter cette ancienne sucrerie… J’aurais donc vu Decollogne sous l’eau !

Chez Decollogne, le parti-pris a été dès le début de s’orienter vers la réalisation de farines biologiques haut de gamme, destinées à des artisans particulièrement exigeants et passionnés. Fruit de l’association des familles Decollogne et Lecocq, l’entreprise était implantée historiquement en banlieue parisienne, à Précy-sur-Marne, où elle effectuait une mouture sur meule ou sur cylindre. Les choses ont bien changé depuis 1971, année à laquelle l’entreprise a été créée. En effet, Dijon Céréales a racheté l’entité en 1998, avec l’ambition de se lancer dans l’aventure du Bio. Depuis, le directeur général de l’époque, Jacques Denizet, a passé la main à Marie-Lucie Jacquey, laquelle s’emploie au quotidien avec ses équipes à dynamiser la marque et à lui trouver de nouveaux débouchés.

La sucrerie avant sa reprise par Decollogne.

La sucrerie avant sa reprise par Decollogne.

Pas facile de s’imposer, comme je vous l’avais écrit précédemment, mais le dynamisme de la chef d’entreprise et de ses commerciaux est à la hauteur du défi qu’ils ont à relever. De par sa localisation francilienne, Decollogne a longtemps été vu comme un meunier dédié à Paris et sa région, avec un berceau de clients : Dominique Saibron (et son Boulanger de Monge, à l’époque), Jean-Luc Poujauran (en farine de Meule non Biologique), la maison Grégoire rue Monge, … mais aussi, et cela n’a pas manqué de lui être reproché, le groupe Carrefour. En effet, ce dernier a fait partie des pionniers du Bio en développant sa fameuse « Boule », en partenariat avec Dominique Saibron. C’est tout naturellement que l’artisan leur a proposé son fournisseur. Ainsi, le distributeur a longtemps représenté une part importante du Chiffre d’Affaires de l’entreprise… ce qui est bien moins le cas aujourd’hui, ses approvisionnements s’étant diversifiés, en plus de l’arrivée de nouveaux clients chez le meunier « Créateur de Farines ».

Le sac de farine 1kg destiné aux consommateurs. Son visuel a été particulièrement soigné, pour se démarquer dans les linéaires ou dans les boutiques des artisans clients du meunier.

Le sac de farine 1kg destiné aux consommateurs. Son visuel a été particulièrement soigné, pour se démarquer dans les linéaires ou dans les boutiques des artisans clients du meunier.

Cette signature n’a pas été choisie par hasard, et c’est sans doute ce qu’apprécient le plus les artisans travaillant avec ce fournisseur : leurs farines sont « 100% blé », c’est à dire dépourvues d’ingrédients supplémentaires visant à faciliter son travail. Un gage de qualité, renforcé par un approvisionnement majoritairement français : plus de 70% des blés moulus sont originaires de nos régions, le reste venant d’Europe de l’Est, où l’on obtient des blés dits « de force », permettant ainsi un meilleur usage en panification. Dans le cadre de besoin spécifiques, des « maquettes » et assemblages dédiés peuvent être mis en place, et c’est ainsi que plusieurs boulangeries bénéficient de leur mélange sur mesure, avec par exemple un taux de protéines plus important.

Carrefour dispose de sacs de farine bien différenciés, identifiant ainsi un mélange spécifique développé pour le distributeur.

Carrefour dispose de sacs de farine bien différenciés, identifiant ainsi un mélange spécifique développé pour le distributeur.

Chaque jour, l’équipe de commerciaux emmenée par Cyril Chambay (15 ans de maison, ce n’est pas rien !) sillonne les routes de France et d’ailleurs : le positionnement haut de gamme de Decollogne séduit particulièrement à l’international, au Japon, en Russie, en Irlande, en Italie… Un bon moyen pour se développer, même si la France reste un marché essentiel. Au delà des artisans, les industriels sont aussi intéressés par le savoir-faire spécifique du meunier, et c’est ainsi que des entreprises telles que Jacquey développent leurs gammes biologiques avec l’aide de ce dernier. A chaque farine son usage, et il faut à chaque fois développer des mélanges, que ce soit pour la biscuiterie, le pain, ou… l’usage domestique !

Les premiers sacs 5kg destinés aux consommateurs sur leur palette.

Les premiers sacs 5kg destinés aux consommateurs sur leur palette.

En effet, la dernière nouveauté made in Aiserey est destinée au consommateur, puisque des conditionnements de 1 et 5 kilogrammes sont venus enrichir le catalogue Decollogne. Avec leur habillage vichy du meilleur effet et la déclinaison en boite en métal, le produit ne manque pas d’arguments, d’autant qu’il est réalisé à partir de blés 100% français. Nous sommes ainsi bien loin des mélanges de blé plutôt médiocres développés par les marques de distributeur sur le même segment. Au delà de ce produit, cela traduit une véritable démarche orientée vers le grand public, qui trouve d’ailleurs son prolongement par des animations sur des marchés locaux, par la vente directe de farine au moulin, par un programme de visites prochainement mis en place… et même éventuellement par la vente de pain, à l’avenir !

Sur son écran de contrôle, le chef meunier dispose d'une vision en temps réel des opérations de mouture en cours au sein du moulin.

Sur son écran de contrôle, le chef meunier dispose d’une vision en temps réel des opérations de mouture en cours au sein du moulin.

Puisque l’on parle de pain, le consommateur pourra à l’avenir reconnaître le meunier au sein de ses boulangeries clientes, et notamment au travers d’une sacherie développée récemment. La « Perle Bio », une baguette de Tradition mise au point par les équipes de Decollogne, est actuellement proposée aux artisans et devrait prochainement rejoindre, accompagnée de sa signalétique, les présentoirs.

Ici, pas de cloison : les silos côtoient directement le coeur du moulin, où l'on peut voir les différents étages d'un seul coup d'oeil.

Ici, pas de cloison : les silos côtoient directement le coeur du moulin, où l’on peut voir les différents étages d’un seul coup d’oeil.

Ce site bourguignon s’inscrit donc durablement dans la communauté qui l’entoure, et il participe activement à son renouveau. Lors du rachat de la sucrerie par le groupe Beghin-Say, l’avenir de l’activité industrielle n’était pas assuré. Preuve en est que l’usine finira par fermer quelques temps plus tard. L’activité sucrière était pourtant bien ancrée dans l’histoire d’Aiserey, au point qu’une fête était organisée chaque année autour de cette « spécialité ». Il a bien fallu y renoncer et accepter de voir le blé remplacer la betterave, car c’est bien ce qui s’est passé : sous l’impulsion de Decollogne et de Dijon Céréales, des terres avoisinantes se sont reconverties. Le processus se poursuit, puisque l’objectif est d’impliquer toujours plus d’agriculteurs dans ce projet Biologique, respectueux des terres et des hommes.

Face aux besoins croissants en terme de stockage (différentes variétés de céréales, mélanges toujours plus nombreux...), de nouveaux silos sont en cours de mise en place au sein du moulin.

Face aux besoins croissants en terme de stockage (différentes variétés de céréales, mélanges toujours plus nombreux…), de nouveaux silos sont en cours de mise en place au sein du moulin.

Après un an et demi d’activité, l’outil trouve peu à peu son rythme de croisière, avec une capacité d’écrasement de plus de 20000 tonnes par an. Même si cette dernière n’est pas atteinte, elle a permis d’éviter la saturation qui se profilait en Seine-et-Marne, du fait d’un moulin vieillissant. Il aura fallu plus de 6 millions d’euros pour en arriver à ce résultat, mais on ne peut que saluer son caractère saisissant.
Ici, peu de choses sont laissées au hasard. Du port obligatoire de la blouse et de la charlotte pour accéder au moulin (conformément aux standards IFS auxquels Decollogne veut prétendre) aux systèmes de désinsectisation mécanique (rien de chimique ici, même si des solutions « naturelles » existent) à chaque étape de transformation ou de transport du blé, l’objectif est de parvenir à un produit de haute qualité sanitaire… et gustative.

Un exemple de mouture sur meule de pierre.

Un exemple de mouture sur meule de pierre.

C’est bien ce qui distingue les farines moulues ici : l’intérêt porté au goût qu’elles produiront suite à leur transformation est particulièrement marqué. Variétés de blé sélectionnées, mélanges étudiés, bien sûr… mais le processus de mouture a son importance également. Historiquement, Decollogne est un fervent défenseur de la farine de Meule, et il était inévitable que son outil de production la mette à l’honneur. 12 meules tournent ainsi en permanence afin de produire une farine « plus grasse et plus riche en fibres, en nutriments essentiels et en vitamines ». Le plus surprenant est sans doute le ressenti au toucher : en effet, les farines issues des 8 cylindres situés à côté s’avèrent beaucoup moins « douces », du fait même de l’action de cisaillement de ces derniers (les meules, quant à elles, « compressent ».

Les meules de pierre en pleine action. Les opérateurs peuvent contrôler le bon fonctionnement de ces dernières grâce à des vitres incassables disposées sur le côté.

Les meules de pierre en pleine action. Les opérateurs peuvent contrôler le bon fonctionnement de ces dernières grâce à des vitres incassables disposées sur le côté.

Côte à côte, c’est une des autres particularités de ce moulin décidément hors normes : tout y est rassemblé dans le même lieu, sans cloisons, ce qui permet d’avoir une vision globale du processus. De l’arrivée des grains dans les silos les plus sombres au transfert dans les plus clairs une fois la farine produite, le visiteur peut suivre dans cette yourte un parcours qui n’a rien de bien mongol.

Ce bâtiment, en forme de yourte, correspond à l'héritage de la sucrerie, où le produit était acheminé par le sommet avant d'être traité.

Ce bâtiment, en forme de yourte, correspond à l’héritage de la sucrerie, où le produit était acheminé par le sommet avant d’être traité.

Continuons justement notre parcours dans la filière en nous rendant à Longvic, à quelques kilomètres de là. C’est ici qu’est situé le laboratoire de Cérélab, une entreprise détenue à 51% par Dijon Céréales et à 49% par Eurogerm. Sa vocation est d’analyser les farines et blés, de procéder à des tests de panification, … pour Decollogne ou divers clients extérieurs. Elle a d’ailleurs été récemment mandatée par le meunier Bio pour démontrer les vertus de la mouture à la Meule, notamment en terme de valeurs nutritionnelles.
Pour faciliter les échanges et créer un véritable pôle intégré à Aiserey, Cérélab déménagera prochainement à quelques mètres du moulin, achevant ainsi la boucle initiée par le groupe.

Le laboratoire de Cérélab.

Le laboratoire de Cérélab.

Terminons la visite par un petit arrêt au coeur de ce même groupe, au siège de Dijon Céréales. La coopérative peut aisément être qualifiée de tentaculaire : extrêmement implantée en Bourgogne, elle y compte aujourd’hui 13 silos stratégiques, 7 silos majeurs d’expédition, plusieurs magasins Gamm’ Vert, d’autres boutiques dédiées aux professionnels… ainsi qu’une seconde filière farine au travers de Dijon Céréales Meunerie.
Pierre Guez et son équipe ont fait le « pari » de la Bio depuis plusieurs années et apportent à Decollogne les moyens de son développement, même si les choix du groupe ne sont pas toujours partagés par cette entreprise, qui a fini par occuper une place véritablement « à part » – à juste titre. Les investissements autour du Bio continuent, avec une équipe toujours plus importante dédiée à la recherche sur la qualité des blés, ainsi que par l’incitation à la conversion vers ce mode de culture.

Signe de la puissance du groupe Dijon Céréales... La salle de réunion, très moderne, confortable et bien équipée.

Signe de la puissance du groupe Dijon Céréales… La salle de réunion, très moderne, confortable et bien équipée.

Souhaitons donc une bonne continuation à Marie-Lucie Jacquey et à l’ensemble des hommes et femmes qui font vivre Decollogne. Il est important d’avoir aujourd’hui sur le marché de la meunerie des acteurs engagés sur la qualité et la mise en place de bonnes pratiques aussi bien sur le blé que sur le produit final… et nous avons là une entreprise qui s’implique pleinement dans cet esprit.

4 réflexions au sujet de « Une visite au Moulin d’Aiserey : j’ai vu Decollogne… sous l’eau »

  1. Ping : Pain bio à la farine Decollogne T65

  2. bonjour
    je demeure à precy sur marne et je passe souvent devant le site
    j’aimerai savoir s’il est possible d’acheter de la farine sur le site de pr »cy sur marne directement

  3. Bonjour,
    je suis intriguée par le nom Decollogne qui est le mien et je trouve dans la généalogie également celui qui concerne cette entreprise, je souhaiterais juste connaitre d’autres ancêtres si vous pouvez me répondre je serais très contente, merci d’avance

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