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Mai
Portraits d’Artisan : Camille Rosso et Florentine Bachelet, Boulangerie Basso, Paris 17è
14 commentairesChanger de vie, prendre des risques, se dire tout simplement que l’on ne peut pas passer son existence à compter ses RTT, et à regretter de ne pas avoir choisi une autre voie. Malheureusement, beaucoup d’entre nous vivent encore la vie de quelqu’un d’autre, sans avoir le courage de sortir du carcan parfois confortable de la routine. Ce n’est pas une fatalité pour autant, il est toujours possible de reprendre son destin en mains et redonner du sens à ses journées.
Camille Rosso et Florentine Bachelet ont en tout cas cru fermement en ce changement, assez pour faire le pari un peu fou de se lancer dans la boulangerie passé 25 ans, en étant des femmes qui plus est. Amies d’enfance et toutes deux diplômées de l’ENSIA, leur bagage d’ingénieurs en agroalimentaire ne les destinait pas vraiment à épouser pelles, fours et pétrins. Pourtant, cela fait presque deux ans que l’aventure s’est concrétisée ici, au 49 rue de la Jonquière, dans le 17è arrondissement.
« Pourquoi est-ce que vous n’ouvririez pas un Sephora ? »
Les deux jeunes boulangères portent des profils différents mais complémentaires : tandis que Florentine aspirait depuis son adolescence à diriger une entreprise, Camille a développé une grande passion pour le pain. Si leur projet commun a pris cette forme, c’est aussi grâce à des rencontres, et notamment celles de leurs conjoints, tout deux impliqués dans la filière de la boulangerie. Avec 40000 euros en poche, il a fallu convaincre les plus réticents, à commencer par les banquiers… dont certains en sont arrivés à leur proposer d’ouvrir une parfumerie. Un tel discours ne les a pas découragées, bien au contraire : elles en sont ressorties avec encore plus d’entrain et d’envie.
Il faut dire que les aventures au féminin demeurent encore rares dès lors qu’il s’agit de boulangerie artisanale. Bien peu auraient misé sur elles lors de leur formation intensive en reconversion professionnelle à l’EBP. Pourtant, de leur promotion de 12 personnes, elles sont les seules à s’être installées à leur compte : la plupart de l’effectif est retourné à son emploi précédent, ou oeuvre aujourd’hui en tant que salarié au sein de différents fournils.
« Un partage équitable des tâches »
Si leur entreprise fonctionne comme c’est le cas aujourd’hui, ce n’est pas le fruit du hasard. Camille Rosso et Florentine Bachelet sont parvenues à appliquer des méthodes issues de leurs parcours professionnels, notamment en terme de gestion du personnel : chaque boulanger ou pâtissier passe régulièrement un entretien individuel, au cours duquel sa performance dans l’entreprise est évaluée. Au quotidien, c’est aussi une véritable exigence en terme de qualité et d’application qui est développée par les deux chefs d’entreprise. Cette valeur s’accompagne néanmoins d’une véritable volonté de partager avec leur personnel les tâches, en les encadrant au fil de la journée dans la réalisation du pain ou des douceurs, avant leur mise en vente.
Ainsi, à tour de rôle, elles ouvrent ou ferment la boutique. La première arrive à 6h du matin pour organiser la production et préparer la boulangerie, tandis que la seconde la rejoint en fin de matinée pour quitter les locaux vers 21h, après la fermeture et les tâches de nettoyage.
Au cours de la journée, il s’agit de gérer les « crises » : pallier à l’absence d’un tourier, d’un pâtissier, … ou répondre à l’urgence d’une erreur dans la réalisation d’une recette, tout en parvenant à être présentes en boutique. En effet, les associées mettent un point d’honneur à conserver une forte proximité avec leur clientèle, en particulier à l’heure du déjeuner où l’affluence est importante. Non contentes d’épauler leur personnel de vente, elles développent ainsi une relation forte avec des habitués : le quartier n’étant pas touristique, la plupart des têtes finissent par être connues dans la boulangerie Basso.
« Reprendre l’affaire en capitalisant sur ses atouts tout en imprimant notre marque »
Le choix du 49 rue de la Jonquière n’est pas le fruit du hasard : il s’agit tout d’abord d’un véritable coup de foudre pour la boutique, en plus de la volonté de s’inscrire dans un quartier vivant, entre logements et bureaux. Même si son acquisition semblait difficile de prime abord, la quantité de travaux à réaliser au sein du laboratoire a permis de l’obtenir à un prix moins élevé. La rupture profonde entre les deux anciennes ingénieures et leurs prédécesseurs s’est justement opérée ici : tandis que ces derniers misaient beaucoup sur leur capacité à vendre et l’attrait de leur boutique, elles ont apporté un vent de vérité… mais aussi de qualité.
En effet, plus de viennoiseries surgelées ou de faux Pain Bio comme cela pouvait être le cas précédemment. L’accent a été mis sur la qualité des matières premières, avec notamment la farine Label Rouge et CRC livrée par les Moulins Foricher (pas de Bio, qu’elles ne concevraient pas réaliser « à moitié », avec seulement une partie de leur gamme certifiée). Certes, le choix de ce meunier ne s’est pas fait par hasard (le compagnon de Florentine Bachelet est directeur commercial au sein de l’entreprise), mais il correspond bien à l’éthique portée par la boulangerie Basso. La bataille aura été rude, mais elle porte aujourd’hui ses fruits : de 50 baguettes Tradition vendues à la reprise, 300 sortent à présent de la boutique quotidiennement. Même constat du côté des pains spéciaux, où la tourte de Seigle, le pain au Cacao ou le pain des Gaults rencontrent un vif succès. Pour « éduquer » la clientèle, le meilleur moyen reste toujours la dégustation, bien plus frappante qu’un long discours.
La précédente gérante était devenue amie avec beaucoup d’habitués. Il aura donc fallu convaincre ces derniers du bien fondé du changement, même si cela n’a pas eu d’effet dans certains cas. Camille Rosso et Florentine Bachelet ont donc assuré l’ensemble du service pendant les premiers mois, affirmant ainsi leur présence.
« Nous pensions reprendre rapidement une seconde affaire »
Cette présence dans leur affaire se perpétue aujourd’hui, et peut-être à plus forte raison qu’initialement. Fraichement sorties de leur apprentissage et de leurs stages, elles portaient une vision encore partielle de la profession, ce qui les avait amenées à envisager la reprise d’une seconde boulangerie rapidement. C’était sans compter sur les difficultés à gérer au quotidien au sein de leur affaire, en plus des perspectives d’évolution qui s’offrent encore à elles dans le 17è arrondissement.
En effet, la certification Label Rouge pour leur baguette de Tradition fait partie des ambitions de la boulangerie Basso, et il faudra passer pour cela par d’importants travaux au sein du laboratoire – en plus de ceux déjà réalisés. L’objectif serait donc d’y parvenir à la rentrée, après la fermeture estivale.
La pâtisserie était également un de leurs points faibles : ni l’une ni l’autre n’a suivi de cursus du côté des arts sucrés. Si cela était à refaire, les deux boulangères en feraient autrement : leur souhait d’égalité au travers d’une formation commune les a amenées à être « menées en bateau » par de nombreux « professionnels ». Leur équipe s’est aujourd’hui enrichie d’ouvriers plus talentueux, ce que ne manque pas de porter ses fruits : les ventes ont dores et déjà augmenté.
« Les clients nous demandent souvent si l’on est une école »
L’équipe a toute son importance dans le bon fonctionnement d’une boulangerie. Au delà du personnel diplômé, le fournil du 49 rue de la Jonquière a accueilli dès sa reprise des apprentis (2 en pâtisserie, 1 en boulangerie actuellement), une belle façon de transmettre le savoir qu’elles ont reçu à l’EBP ou en entreprise. Cette idée de transmission se prolonge par des interventions auprès des personnes souhaitant développer un parcours en reconversion. Le plus inquiétant est sans doute de constater que leurs questions tournent souvent autour des aspects financiers de l’affaire, symptomatique de motivations… douteuses. Néanmoins, c’est avec grand plaisir qu’elles accueillent stagiaires plus ou moins âgés, et ce pratiquement chaque semaine : la clientèle s’en étonne même, au point de demander si la boulangerie Basso ne serait pas… une école !
« On ne s’ennuie jamais »
Une école d’une certaine façon, oui, sans doute. Pour Camille Rosso et Florentine Bachelet, c’est ici qu’elles apprennent jour après jour à vivre une vie bien différente, où l’ennui ne fait pas partie de l’équipage. 6 jours sur 7, elles s’activent pour faire tourner l’affaire, sans pour autant développer le moindre regret. La reconversion en boulangerie serait donc la voie du bonheur ? Certainement pas toujours, mais cela semble bien être le cas pour nos deux amies, dont les sourires radieux illuminent leur boutique.
voici un bon article pour une bien belle boulangerie.Il va falloir que j’y fasse un saut.
Sinon, Elles ne sont pas les seules de la promotion 2011/2012 a avoir ouvert une affaire.
Dites nous en plus JM !
je le ferai en MP 🙂
Superbe portrait ! Merci !
Bravo à toute l équipe !!
Merci pour cet article qui met en avant et en valeur ces deux femmes de talent.
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bravo les filles vous etes l avenir de la boulangerie ……..un boulanger en retraite qui a eu une boulangerie 35 ans a paris dans le 7è donc je sais de quoi je parle j ai un site sur faceboook
binet claude et boulangerie
bon courage continue
Bonjour! j’ai vu l’émission , félicitations à toutes les deux, j’espère que vous continuerez à faire des tartes pistache abricots car j’adore la pistache et je ne manquerai pas de vous rendre visite lors de mon passage à Paris car hélas j’habite Lyon bonne continuation à bientôt Alice
Encore des pions posés, par la Mafia de la Meunerie française…
Au détriment de jeunes apprenti(e)s, formé(e)s et pressé(e)s pendant des années par le métier, ne pouvant pas accéder au prêt bancaire ou au prêt meunier…
On comprend mieux pourquoi…Vive le copinage.
La morale, mariez-vous avec le directeur commercial d’un moulin pour trouver l’affaire bien placée et être suivi par un fournisseur (avec de très bons délais de paiement).
Félicitations à toutes les deux pour cette formidable aventure!!! Qu’il est loin le stage à l’ITV de Tours:-))
Je ne suis que petite fille et arriere petite fille de boulanger qui travaille aujourd’hui dans le milieu du vin… Le pain et le vin s’accordent parfaitement ensemble! Au grand plaisir de te revoir Camille!
Sabine CORSIN
Quelle déception!
Un accueil médiocre, d’une grande in correction.
Je ne reviendrai plus.
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je suis du quartier (guy moquet) et aime beaucoup descendre le rue de la Jonquière pour aller chez Basso … le pain est bon, l’accueil pro et joyeux … une tres boone adresse de quartier qui avec qqs progrès sur la patisserie et le snacking deviendra une reference. Courage les filles, vous étes de mon avis sur la bonne voie …
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