20
Juin
Portrait d’Artisan : Olivier Haustraete, Boulangerie bo, Paris 12è
6 commentairesNous avons tous une fâcheuse à utiliser des acronymes, souvent pour aller plus vite, parfois pour cacher des messages, des idées… en bref, tous accros aux acronymes. Il fallait bien la faire. Heureusement, ils servent parfois à sceller des unions, à rapprocher des individus de façon efficace autour d’une même idée. Apprenons simplement à lire entre les lignes et à réduire ce qui doit l’être pour être pertinent.
En arrivant devant le 85bis rue de Charenton, on peut légitimement se demander la signification de ce nom aussi court que mystérieux : bo. Boulangerie bo, est-ce un subtil jeu de mots pour former bo-ulangerie, serions-nous en présence d’un repaire de bo-bos…? Non, rien de tout ça.
Bo, c’est tout simplement l’association de Benoit Gindre et Olivier Haustraete. Les deux amis ont repris ensemble la boulangerie Bazin en février 2014, s’engageant ainsi dans une grande aventure.
Aventure, le mot n’est pas usurpé : il n’est jamais facile de passer après un couple aussi installé, d’autant plus quand on choisit une boutique classée. En effet, impossible de marquer le changement par des modifications de façade ou autres transformations plus profondes. Les réactions de certains habitués n’ont pas manqué d’être vives, parfois violentes. Pour autant, cela n’a pas entamé la détermination des deux compères pour faire souffler un air neuf en ces murs.
Puisque l’emballage ne pouvait pas être changé, ils se sont attelés à changer le contenu, et c’est sans doute l’exercice sur lequel chaque repreneur devrait se concentrer. Réduction des gammes, nouveau meunier, nouvelles recettes… si les vitrines ont bien changé d’allure, ce n’est pas le cas des équipes qui les garnissent. La plupart des pâtissiers et boulangers repris avec l’affaire sont toujours en place et ont accueilli avec beaucoup de réceptivité ces transformations, d’autant qu’elles s’accompagnaient d’une meilleure valorisation et responsabilisation de leur travail.
C’est bien là que s’exprime l’une des forces de ce couple d’entrepreneurs : grâce à un parcours professionnel riche et varié, ils apportent une vision plus moderne de la boulangerie artisanale.
Ainsi, Benoit Gindre met en pratique ses compétences en gestion, comptabilité et ressources humaines tout en assurant la supervision de la production boulangère au quotidien. De son côté, Olivier Haustraete déploie son savoir-faire pâtissier et sa créativité. Intéressons-nous au parcours de cet artisan atypique, porté par des inspirations d’ici et d’ailleurs.
« J’avais l’impression de ne plus évoluer, d’avoir atteint une limite. »
En ayant fait ses armes au sein de la Grande Epicerie de Paris, le pâtissier avait acquis des bases solides pour tracer sa route, son chemin. Les volumes et l’exigence ne lui faisaient pas peur, et c’est ainsi qu’il a participé à l’ouverture de Beige, le restaurant d’Alain Ducasse à Tokyo. Cette expérience a encore développé son goût pour des produits aboutis, réalisés avec des matières premières de grande qualité. Toujours en quête de nouveaux challenges, il s’envole pour l’Australie en 2006 et rejoint alors les rangs d’un club privé, suite à la sollicitation d’un de ses amis.
La liste de références aurait pu sans doute s’allonger beaucoup plus, portée par une volonté permanente de faire plus, de faire mieux. L’absence d’évolution et la routine ennuient profondément cet homme bouillonnant d’idées.
La sagesse et la stabilité viennent parfois de l’extérieur. Son épouse exprimant un besoin d’ancrages, ils regagnent la France en 2008, au coeur d’une période assombrie par la « crise ». De difficultés à obtenir des rendez-vous en occasions manquées, le réseau et les bons rapports entretenus avec son ancienne hiérarchie ne permettent pas à Olivier de trouver rapidement un poste correspondant à ses attentes.
Une opportunité se présente alors chez Coup de Pâtes, il la saisit. Sur le CV d’un artisan, cela pourrait faire tâche. Aurait-il cédé aux sirènes et pratiques de l’industrie ? Sur la forme, peut-être, mais certainement pas sur le fond. Cela lui a permis au contraire d’aller toujours plus loin dans la sélection des meilleurs processus, de mettre en place des produits aboutis et réfléchis. Cahiers des charges à rallonge, séances de dégustation répétées, … la tâche en aurait découragé plus d’un. Pas lui. Progressivement, il a gravi les échelons du département R&D de l’entreprise, avec la confiance de son management.
On ne se refait pas. Après plusieurs années, cette envie d’autre chose s’est réveillée. Un peu de conseil, puis la boulangerie. Le pâtissier rencontre le pain, et s’y engage avec force.
« Entre deux rabats, nous discutions de philosophie. »
Après avoir passé son CAP de Boulanger, Olivier Haustraete suit un cursus classique : ouvrier boulanger dans des entreprises « traditionnelles »… avant de partir à la rencontre de véritables aventuriers du pain, entre passionnés et paysans boulangers. Ici, au delà du savoir-faire acquis sur le métier en lui-même, il a pu développer une vision plus globale et inscrite dans le vivant de la boulangerie.
Il ne s’agissait pas uniquement de produire du pain, mais de comprendre comment et pourquoi. Les journées mêlaient ainsi pétrissage, rabats, façonnages… et philosophie. Au point de le convaincre d’ouvrir son commerce dans une région reculée, pour faire du beau et bon pain, avec des valeurs d’authenticité et de partage. La vie a fait que ce rêve ne s’est pas réalisé, qu’il a bien fallu revenir au bruit parisien. Peut-être plus tard, qui sait ?
« Mon challenge quotidien est de proposer des produits de qualité et accessibles. »
Ces expériences n’ont pas été vaines et marquent profondément l’approche de l’artisan sur le métier et sa façon de le pratiquer. Au sein de la Boulangerie bo, il a à coeur de proposer des gammes savoureuses et accessibles à chacun. Conscient du caractère encore populaire du quartier -Aligre n’est pas loin !-, il prépare des douceurs pour toutes les bourses.
De la part de flan au dessert élaboré en passant par les brioches à la coupe, les propositions restent sagement tarifées, sans pour autant négliger le choix des matières premières. Farines Label Rouge et Biologique de chez Foricher, chocolat Weiss, beurre AOP, fruits frais de saison, … chaque choix est pesé, mesuré.
« J’aime surprendre et proposer des créations qui marquent notre identité. »
La mixité au sein de la clientèle se retrouverait presque dans les vitrines : les cultures se mélangent harmonieusement, et c’est ainsi que le chou au thé vert matcha côtoie la tarte coco-mûre ou le Fraisier, dessert traditionnel français s’il en est. Le plus remarquable pour moi est sans doute cette capacité de traiter des saveurs délicates comme d’autres beaucoup plus brutes : l’utilisation de la fleur de cerisier créé des desserts subtils, tandis que la poudre à base de malt d’orge qui recouvre certaines tartes nous entraine sur des terrains beaucoup plus escarpés, avec des notes profondes et marquées.
Si les « grands classiques » sont respectés, avec un Paris-Brest de qualité, des viennoiseries bien feuilletées ou des tartes aux fruits très gourmandes, la capacité de création d’Olivier Haustraete distingue nettement sa boulangerie de la concurrence. L’association d’une rigueur et d’inspirations japonaises avec un savoir-faire bien de chez nous… un mélange de grande valeur.
« Nous avons encore beaucoup de travail pour stabiliser nos acquis et continuer à nous développer. »
Hors de question de brûler les étapes. Si le chemin parcouru en 16 mois est considérable, notre boulanger-pâtissier sait que cela reste fragile et qu’il faut continuer à s’investir pour asseoir ces acquis. C’est d’autant plus compliqué que l’artisan doit aujourd’hui se placer sur tous les fronts : en production, mais aussi en communication, avec les réseaux sociaux, les différents magazines… ou auprès de restaurateurs. Connaître et faire connaître ses produits est un travail de longue haleine, mais je dois dire que je trouve cet homme parfaitement à sa place dans cette tâche : à la fois sensible aux détails et capable d’assumer des productions importantes, il mène son équipe et sa barque avec brio.
Je ne doute pas que Benoit Gindre et Olivier Haustraete feront partie des artisans « qui comptent » dans le paysage boulanger parisien au cours des années à venir. Ce n’est pas un hasard si L’Express, Télérama, Fou de Pâtisserie, … les ont déjà repérés. Affaire à suivre !
Infos pratiques
85bis rue de Charenton – 75012 Paris (métro Ledru-Rollin ligne 8 ou Gare de Lyon, RER A & D, métro 1 & 14) / tél : 0143077521
ouvert tous les jours sauf le mercredi de 7h à 20h
Ce qui est vraiment bien, c’est que le pain n’est pas trop salé. Je leur souhaite un succès bien mérité.
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Quel « bo » travail. Et quel passionné. Un retour aux sources de la panification, un côté brut, voire intègre qui n’écarte pas la séduction ou le plaisir. L’entendre parler pain est déjà un régal
Bonjour voisin !
je sens que vous me verrez plus souvent
Un gourmand
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Votre pain vous le fumez à quoi